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Les curés de l’église Saint-Laurent de Montillot depuis le 16e siècle.

A. Buet

Commune: MONTILLOT- 89660

Département: Yonne

Eglise Saint-Laurent

I: Les curés de Saint-Laurent de Montillot (mise au point de Juin 2005)

II: Commentaires et Témoignages

Des témoignages écrits ou oraux, et des documents d’archives, permettent de connaître un peu mieux la vie de certains de nos curés ( c.f.  tableau « curés de Montillot »).

BROTÉ ( ou Brostey, ou Brothé?) Philipe On a le rapport de l’huissier de Vézelay, « sergent royal à cheval », venu le 22 décembre 1571 (Charles IX était roi de France), faire connaître à chacun des chefs de famille, la sentence leur ordonnant de payer à « la vénérable et discrette personne Messire Philipe Broté, prêtre bachelier en droit, curé de l’église paroissiale de la ville et fauxbourg de Montilliot », … « trois quartes de blé-seigle » …. « par chacun an au jour et fête de Saint-Rémi », et en outre « cinq deniers tournois chacun » … « et ce pour trois années d’arrérages ». ( cote ADY  G 2547 ).

BROTHEY EdmeC’est dans le « Fonds Guimard » aux Archives de l’Yonne (ADY – cote 3E7-21 ) que l’on trouve le dossier intitulé « Années 1602-1603. Procès-verbal des témoignages rendus en faveur d’Edme BROTHEY, curé de Monteluot, poursuivi à la requête des chirurgiens et barbiers d’Auxerre, pour raison des cures qu’il a faites ». Ces 15 témoignages sont transcrits par 2 notaires d’Auxerre : un drapier , un vigneron glissent sur la glace et se fracturent l’épaule, une servante tombe dans un escalier, une femme revenant des champs tombe de la charrette dont le cheval s’est emballé et passe sous les roues, un charpentier tombe d’un échafaudage …etc… Dans tous ces cas notre curé guérit ses patients au moyen de manipulations et onguents. Il se déplace quand on l’appelle à l’aide, mais il accueille aussi les malades en son presbytère de Montillot, les nourrit et les soigne, sans rien exiger des plus pauvres…L’authenticité des personnages cités a été confirmée par l’exploitation des fiches de la Société Généalogique de l’Yonne (cf « Genea89 » N° 96).C.F. : article sur le site Internet de Montillot « Edme Brothey, curé de Montillot et rebouteux renommé ».

DELAPLACE EdmeEn août 1653 (sous Louis XIV), « prestre curé de Montelluot », il est témoin , avec Me Mathurin DEFER, praticien, lors de l’achat de parcelles de terre au « faubourg de Toucheboeuf » par Bon de la Borde, écuyer, récemment arrivé au village , devant le notaire Jean PERNOT.

DELAPLACE  Denis« Sa vénérable personne Messire le Curé Denis Delaplace » a son titre et son nom gravés sur lacloche baptisée en 1648.  On peut se demander s’il ne s’agit pas de la même personne que le « Edme » ci-dessus…

COLLAS  Guillaume Il s’agit de l’un des plus longs ministères exercés dans notre église. C’est ce prêtre,  arrivé au début 1672, qui, – se référant à l’Ordonnance de Louis XIV de 1667 – , a ouvert le premier registre paroissial dont nous disposons aujourd’hui, et pendant 43 ans, a rédigé les actes de naissances, mariages et décès des habitants du village.Il avait une forte personnalité et n’hésitait pas à s’attaquer aux « classes privilégiées » de l’époque, petits nobles locaux et abbés de Vézelay, ceux-ci étant, jusqu’à la Révolution les seigneurs de la région. L’écho de ces conflits est parvenu jusqu’à nous , les écrits de justice de l’époque.ayant été soigneusement conservés dans les archives privées des « parties adverses ». Des anecdotes de son histoire font l’objet de plusieurs écrits présentés sur le site de Montillot :                  

– Chapitre I : « 27 janvier 1672 ; un nouveau curé est nommé à Monteliot » . Il s’agit du texte en latin de sa candidature présentée au Chapitre de Vézelay (ADY – cote H 1976).            

– Chapitre II : «  l’église de Monteliot et son curé sont inspectés »  On trouve les rapports sur l’état de l’église présentés par le curé en 1680 et 1692, ainsi que celui de l’Archiprêtre « inspecteur » en 1689. Ces documents sont déposés aux Archives de Saône et Loire (Diocèse d’Autun- liasses 2G11 et 2G12).-                     

– Chapitre III : «  L’affaire du banc de l’église » dont le déroulement a pu être reconstitué à partir d’archives privées parfaitement conservées à Montillot depuis 3 siècles. Le curé Collas s’appuyant sur des règles émises par l’Evêque d’Autun, voulait éloigner la famille noble du banc qu’elle occupait dans le chœur pendant les messes depuis plusieurs dizaines d’années. Soutenu par les habitants, il a porté ce différend devant l’Officialité de Moulins et le Bailly d’Auxerre…-                     

– Chapitre IV (à venir) : « le différend entre le  curé COLLAS et les abbés de Vézelay sur le montant de sa portion congrue »  L’affaire commence par une sommation adressée au Chapitre de Vézelay, se poursuit par des accords partiels et se termine par une sentence du Bailliage d’Auxerre condamnant le dit Chapitre à payer un « droit de fouage » à notre curé…( ADY- liasse H 1997).               

FAULQUIER Jean-Baptiste  et  GOUREAU Pierre Pas d’évènements marquants dans cette période ( 1715 à 1764, sous le règne de Louis XV) . Dans les archives de l’église, on ne trouve que les déclarations périodiques des revenus de la cure et quelques actes notariés courants, de location de terres à des habitants du village : de Messire FAULQUIER à Jean TREMEAU en 1724 (notaire DEFERT), à Edme Rétif en 1732, à Etienne TREMEAU en 1744….; De Messire GOUREAU à Morice SAVELLY en 1753…J.B. FAULQUIER , curé de Montillot pendant 33 ans, y est mort  en septembre 1750.P.GOUREAU  y est décédé en décembre 1763, à 55 ans.

DESAUTELS Jacques Anne Après 25 ans de ministère de J.A.Desautels, on aborde la période révolutionnaire. En novembre 1789, tous les biens ecclésiastiques sont nationalisés. En juillet 1790, une loi réorganise le clergé séculier et définit une « Constitution civile du Clergé » (c.f. le texte du site intitulé « 1789-1790- La Révolution à Montillot. Vente des biens nationaux »). Evêques et curés sont élus par le peuple, deviennent des fonctionnaires de l’Etat (leur nombre est réduit) et doivent prêter serment de fidélité « à la Nation, à la Loi et au Roi », sous peine de poursuites et de graves condamnations. L’application des nouvelles règles prend du temps. L’inventaire des biens de l’église de Montillot se fait en plusieurs étapes, de septembre 1790 à janvier 1794 (et même en juin 1799 pour la chapelle de Vaudonjon) ; et les adjudications de décembre 1791 à juin 1799.Ne subsiste qu’une seule église « habilitée » au chef-lieu de canton, Châtel-Censoir, les autres anciennes paroisses ne recevant que des « desservants ». L’historien  E. PALLIER rapporte que « le curé de Brosses, Marizy, puis Claude Tabouillot, desservant de Montillot ,…

DESAUTELS Jacques, autre desservant de Montillot, …prêtent serment le 19 floréal An IV ( 8 mai 1796) ».  Un autre document ( ADY – Q 569) nous signale que « le sieur Breton, cy-devant desservant de la commune de Montillot, prêtre condamné à la déportation » est en fuite, et recherché en vain par les autorités locales …Il est probable que J.A. Desautels a pu officier dans l’église de Montillot jusqu’en janvier 1794, date à laquelle l’Administration a fait enlever les objets du culte.Quant à la rédaction des actes d’état-civil, l’Assemblée Législative l’a confiée le 20 septembre 1792 aux municipalités. A partir de novembre , l’ancien maire Louis Nicolas de Villenaut reprend ce rôle avec le titre d « ’officier public municipal ».En cas d’absence, il est remplacé par le maire Pierre Carillon ou son adjoint Jean Porcheron.On retrouve l’écriture de notre curé en juillet 1795, nommé « secrétaire-greffier » de la municipalité, après avoir assuré un remplacement «  au deffaut de membre du Conseil général sachant écrire » !Il meurt au presbytère le 18 août 1796, à 72 ans ; les témoins qui ont signé l’acte sont ses voisins François Maupin et Antoine Defert, « propriétaires ».A noter que sa nièce Gabrielle Jacqueline DESAUTELS, venue avec lui à Montillot, s’est mariée en février 1791 avec François MAUPIN, « garde des bois », qui a acheté en juillet 1796 la « maison presbytériale » vendue comme « bien national ». Elle est décédée en mars 1840 à 95 ans. 

Pour rétablir la paix religieuse et mettre l’Eglise à son service, Bonaparte, Premier Consul, conclut en juillet 1801 avec le pape Pie VII  un « Concordat », qui est resté en vigueur jusqu’à la Loi de Séparation de 1905. Le pape renonce aux biens de l’Eglise qui ont été nationalisés,  et reconnaît la République ; celle-ci reconnaît la religion catholique comme «  celle de la majorité des Français ».Tout l’épiscopat est renouvelé. Archevêques et évêques seront nommés par le gouvernement (c’est-à-dire en 1801 par le 1er Consul lui-même).  Les curés seront nommés  par les évêques, mais « agréés par le gouvernement ». Tous devront prêter serment devant les autorités civiles et le gouvernement leur assurera un « traitement convenable ».Après la chute de l’Empire, la Charte de Louis XVIII, en 1814, proclame à nouveau la religion catholique comme religion d’Etat. Le roi voudrait revenir à l’ancien régime, mais finalement le Concordat est maintenu. Pendant une période d’une vingtaine d’années, il semble qu’il n’y ait pas eu de prêtre à l’église de Montillot, mais seulement des « desservants »..Dans ses cahiers manuscrits, J.A.G. de LENFERNA  note ses relations avec les « curés de Brosses », Marisy et Tabouillot. En 1818, le prêtre desservant touche 300 francs de la commune. A partir de 1820, on retrouve des curés « affectés » à Montillot. ; ils logent au nouveau presbytère, acheté en 1819 par la commune au notaire RABIER – époux Grossot – On note dans les archives communales  qu’en 1848, 6 m2 pris sur le terrain du presbytère ont permis de construire un escalier pour la nouvelle mairie, et qu’en 1854 le maire PERNOT a commandé à l’architecte CIRCUIT des travaux de restauration du presbytère….

Les curés du 19e siècle se nomment CALMUSGIRARDSUISSEGAUTHERON (resté 43 ans, aussi longtemps que l’abbé COLLAS ; très bon chanteur, d’après des témoignages recueillis il y a 50 ans), REGOBIS  (d’une famille de Brosses), DEFERT ( pas apparenté aux Defert de Montillot), puis, arrivé en 1911, Henri DORNERT (1872-1937) et ensuite Jean CARRÉ en 1933. Nous connaissons mieux ces quatre derniers, grâce aux témoignages du Chanoine LEVISTE sur les étapes de leur carrière et de Pierre GUTTIN (P.G.) – et autres paroissiens – par des anecdotes.

Depuis le début de la 3ème République, l’anticléricalisme n’a cessé de croître, pour aboutir à la loi du 9 décembre 1905, dite « de séparation de l’Eglise et de l’Etat » qui met fin au Concordat : « la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». L’Eglise nomme librement ses évêques ( le pape Benoit XV acceptera pourtant en 1921 de consulter le gouvernement) et institue le « denier du culte » pour subvenir aux besoins de ses ministres. Suite à un accord conclu en 1924, des « associations diocèsaines » subviennent aux frais et à l’entretien du culte catholique, sous l’autorité de l’évêque.

Ces problèmes ont certainement agité les esprits , à Montillot comme dans le reste de la France, les catholiques s’opposant aux anticléricaux … Une seule trace en subsiste de nos jours : un socle nu à gauche de la grille d’entrée de l’école ; il supportait une croix, la « Croix de la Chaly », qui aurait été  déscellée à cette époque et jetée dans une mare proche…

Revenons à nos curés…

REGOBIS Léger

Arrivé en novembre 1880, « le curé Regobis était natif de Fontenilles, nous dit P.G. …un géant avec des pieds aussi larges que longs, qui auraient pu d’un coup écraser une couvée d’oisillons, un air faussement naïf…Je l’ai connu, lui ai servi la messe lorsqu’il venait au pays revisiter son ancienne paroisse…Il était navré que sa gouvernante l’ait incité à quitter Montillot… »

Il était  né en avril 1846 de Jacques , menuisier à Brosses et de Rosalie Moreau. Son oncle Pierre était menuisier à Fontenilles.

DEFERT Antonin

….Et le curé DEFERT : « petit chapeau oblong, voix douce, aspect effacé ; le curé de ma jeunesse – il l’a baptisé en février 1907 – qui, malgré ses emportements spontanés n’a jamais « gournégé » ( = tourmenté..) les faiseurs de fredaines que nous étions… ».

Originaire de Tharoiseau, sa famille – sans lien direct avec les Defert de Montillot -, a acheté le « château » en 1909 à Mme de Montigny, dernière descendante de la famille de Lenfernat, et après la mort prématurée de l’abbé en 1921, l’a revendu en 1922.

DORNERT Henri

L’abbé DORNERT, de l’avis général, avait une forte personnalité. Caractère autoritaire et entreprenant, très préoccupé par les questions sociales, il s’est souvent opposé aux « bourgeois » de l’époque. Invité à démissionner, c’est finalement sur avis défavorable des « examinateurs synodaux » qu’il fut « déplacé » et arriva à Montillot.

Durant son précédent ministère à Vallan, il avait publié un intéressant bulletin paroissial, l’ « Ami du Foyer », avec notices historiques sur le village. Photographe de talent, il a laissé des photos de l’église de Gy l’Evêque. Il a eu longtemps avec lui sa mère, dame imposante qui, donnant son opinion, se faisait taire par un vigoureux « madame Dornert ! ».

En 1928, dans un rapport à l’Archevêché sur la cure de Montillot, il déclare qu’il y a peu de casuel  (=ressources supplémentaires), mais « culture de l’immense jardin, élevage de lapins et poules, fabrication de frênette et confection de conserves  et de légumes pour l’hiver ».

Bien sûr, P.G. fut l’un de ses enfants de chœur. Ecoutons-le ….

« ….Malgré la récente séparation Eglise-Etat, il y avait beaucoup d’enfants au catéchisme. Le curé Dornert était parfois sévère, mais savait nous amuser aussi…Sa mère était veuve ; je l’ai bien connue, elle s’asseyait en causant sur notre banc. Dans le village, très imbu de sa fonction, il ne pouvait s’empêcher de s’emballer en paroles contre ceux qui lui lançaient des piques pour le taquiner, du genre « vous n’avez pas la douceur évangélique » ! Tendance Marc Sangnier, Il ne voulait pas s’abaisser devant les riches ; je ne l’ai jamais vu accepter un repas. Je l’ai vu se disputer avec un prêtre  qui avait chanté un psaume en faveur du roi…Auxiliaire militaire, il a été infirmier de 1914 à 1918. De grande taille, il est devenu corpulent, – 118 kg -. Colosse et bon vivant, il n’hésitait pas à répondre par un bon coup de pied dans la partie charnue du bas du dos à celui qui lui manquait de respect !…. »

Instituteur et curé : … « sans se fréquenter, bons éducateurs tous les deux, l’abbé Dornert et Mr Charbois s’estimaient… »

Le voisinage : …. « le matin, quand il ouvrait sa fenêtre sur la rue des côtes, il était accueilli par les plaisanteries un peu sacrilèges de son voisin d’en face, le mécréant Louis B…, le garde-champêtre. Bons voisins quand même, Louis rendait volontiers service, rebattant la faux du curé, greffant les arbres, l’aidant aux récoltes….et en échange recevait salades et fruits… ».

… « Sa dernière gouvernante, Melle Jeanne, d’âge canonique, d’une propreté excessive dans le ménage, arrivait toujours à l’église au moment du prêche ; le curé s’arrêtait alors…je continuerai quand le ministre de l’Intérieur sera installé… ».

La commune lui louait le presbytère ; premier contrat de 6 ans le 1er janvier 1912 signé par le maire Félix DEFERT, pour 90 francs par an. On trouve dans les archives un autre bail, daté de juillet 1926, pour 6 ans , à 500 francs par an, passé à 550 francs après l’électrification de 1928, puis à 600 francs.

Une crise violente survient en 1933 entre  la municipalité et le curé DORNERT ( motif ?). ; celui-ci est nommé à Champvallon, et remplacé par Jean CARRÉ . Le « partant » est vraiment très en colère : titulaire du bail en cours, il refuse de sous-louer le  presbytère au nouveau curé ; heureusement ; un logement gratuit est offert à celui-ci à Brosses…De plus, il emporte avec lui les archives de l’église …qui reviendront plus tard aux Archives du département…

Son ministère à Champvallon fut plus paisible ; il y laissa, nous dit-on, un bon souvenir et, à sa mort à Auxerre en 1937, il demanda à y être enterré ….et y fit ramener le corps de sa mère, alors qu’il avait acheté la concession N° 190 dans le cimetière de Montillot…

En août 1935, le maire Alfred DEFERT a loué le presbytère à Vincent GARNIER, jusqu’à son départ en maison de retraite en juillet 1952, puis vendu cette propriété en mars 1953 à Mme Vve DELUME.

CARRÉ Jean

Orphelin très jeune, il est élevé à Auxerre par les religieuses de l’Orphelinat ; rue Martineau des Chesnez, établissement auquel il est resté très attaché toute sa vie.

Il est de taille moyenne, très brun et ne voit que d’un œil

Arrivé à Brosses en 1933, il loge dans une petite maison à l’angle du chemin de ronde (logement offert gratuitement) . Le vrai presbytère de Brosses, en face de la mairie, avait été vendu après la loi de 1905, puis rasé et remplacé par une construction du type « chalet ».

Il prend ses repas chez la buraliste proche.

On garde à Brosses et à Montillot le souvenir d’un excellent prêtre, sincère, accueillant, dévoué à tous, et surtout aux gens simples. Il n’hésitait pas à aller, avec sa petite voiture, récupérer le cantonnier ivre mort dans un fossé, ou à tirer du puits une paroissienne âgée et suicidaire…

Ses prêches étaient pleins d’ardeur et de conviction, et on nous dit que l’église de Brosses était souvent pleine et que l’on se souvient encore de ses messes de minuit.

Par contre, on rapporte qu’il « avait une dent » contre les familles bourgeoises de Brosses et leur « banc fermé » à l’église – avec coussins, capitons et pompons … !

A l’arrivée des Allemands en juin 1940, il se multiplie pour « caser » au mieux les réfugiés des Ardennes, leur procurant logement et travail. Bien que mort de peur, il n’hésitait pas à s’interposer lorsque les soldats « occupants » voulaient vider les caves.

Après l’abbé Carré, le recrutement des prêtres étant très insuffisant , on dut « élargir » les paroisses…qui deviennent des « secteurs ». A partir de septembre 1953, c’est le curé de Châtel-Censoir qui  desservira les villages de Montillot, Brosses, Bois d’Arcy et Merry-sur-Yonne.

L’administration du Diocèse de Sens-Auxerre ayant bien voulu nous fournir l’état-civil des titulaires depuis 1950, – une dizaine -, nous avons recueilli, pour certains d’entre eux, les  témoignages  de quelques paroissiens, que nous tenons à remercier…

MONIN Jules

Citation :… « D’allure « militaire », portant toujours un béret, il faisait prier pour la France à toutes ses messes. »

Il a été ensuite directeur du journal « la Liberté de l’Yonne » à Auxerre.

VAN EDE Pierre

Hollandais sympathique et dynamique . Il avait été vicaire à St Pierre d’Auxerre. Il a relancé le bulletin paroissial « la Collégiale », qui avait paru au début du siècle. Il a organisé des activités de groupes de jeunes (réunions, voyages, kermesses…) et a dirigé des travaux d’entretien  et de rénovation partielle à l’intérieur de l’église de Châtel. Il se souciait aussi  de la restauration des autres églises de sa paroisse et a créé une association dans ce but. Il fut ensuite curé à Vermenton, puis à Avallon et à Island.

PASTEAU Albert

Prêtre et chanoine honoraire à Paris, il venait en vacances à Châtel, et , pendant la saison d’été, assistait le père Van Ede pour la célébration des messes dans les autres villages. De 1961 à 1963, il était « affecté » à Montillot, et de 1963 à 1965, il fut « délégué » auprès du curé de Châtel-censoir.

VAN AALST  Jean

« Hollandais de grande taille et très cultivé, mais plutôt timide et réservé, ce qui peut-être impressionnait ». Très paternel, il connaissait presque tous ses paroissiens. Après son départ, il est souvent revenu dans son ancienne paroisse et avait un plaisir visible à retrouver ses « ouailles ».

ROUSSEAU Daniel

D’une famille d’artistes, il était lui-même peintre et dessinateur. Il a fait ses études à Paris. Il a aussi suivi les cours de l’Institut de théologie orthodoxe de Paris, et fut professeur à l’Institut d’études œcuméniques « St Serge ».

Spécialisé dans les icônes, il a publié en 1982 un ouvrage important sous la direction d’Olivier Clément, théologien orthodoxe, intitulé « l’Icône, splendeur de Ton Visage ». Il poursuit ses recherches, et a effectué de nombreux voyages en Russie, Grèce, Roumanie…

 Il s’est attaché à la remise sur pied de la catéchèse. A l’église de Châtel, il cherchait à recréer les belles cérémonies du monde orthodoxe (liturgies, ornements …). Il a su faire appel aux fidèles pour des travaux améliorant la beauté de l’édifice.

Devenu archiprêtre à la cathédrale de Sens, il a été ensuite quelques années Recteur de la basilique de Vézelay. Il est actuellement curé d’Aillant-sur-Tholon et responsable du secteur..

FOUQUEAU Robert

D’une famille de cultivateurs, il a été curé de Migennes avant de venir à Mailly-le-Château, puis à Châtel en tant que « curé modérateur » avec les pères MOREAU et MARLOT.

Il s’est spécialisé dans l’étude des Évangiles, suivant des cours à Paris tout en assurant sa charge de curé de Châtel-Censoir.

MOREAU Jean-William

Originaire d’un milieu rural très simple du Tonnerrois,  il a fait ses études au petit séminaire de Joigny, puis à Sens . Arrivé à Mailly-le-Château en 1985 (il y avait alors 3 prêtres « in solido » pour le secteur de Châtel) et à Vermenton en 1990 . Il fut alors chargé des cures de Vermenton, Arcy-sur-Cure et Châtel-Censoir. Très dynamique, il était proche de la jeunesse rurale et participait à de nombreuses manifestations d’associations caritatives…. ; très estimé dans toute sa paroisse, –  « aimable, avec un sens profond de l’autre » … « très dévoué, le type parfait du brave curé de campagne »… « disponible et tolérant » …- Victime d’un accident de la route en avril 1995, il fut unanimement regretté.

PAGES Guy

Il a fait partie des Communautés monastiques de Vézelay (« incardiné » à Paris). Il a servi à Châtel comme vicaire des pères Moreau et Pinon. Il est retourné à Paris où il a servi sur différentes paroisses , et en particulier avec le père GITTON à St Germain l’Auxerrois.

PINON  Germain

Il a eu en charge la paroisse de Châtel après le décès brutal du curé MOREAU. Il assurait les messes du dimanche et déléguait au père PAGES, son vicaire, le fonctionnement quotidien de la paroisse. A de nombreuses responsabilités sur le plan diocésain.

NADLONEK Joseph

Depuis de nombreuses années en France ; il a été vicaire dans l’Avallonnais avant de venir à Châtel. D’une famille modeste ayant vécu les évènements douloureux de sa Pologne natale, il ressent profondément et avec tristesse la désertification des églises en France.

Il a fait installer un orgue à l’église de Châtel et favorise la venue d’organistes pour des concerts de qualité.  « Très cultivé, fin psychologue et de mémoire étonnante…, le père Joseph… ».

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Le testament de Girart de Roussillon

Les archives des châtelains de Montillot sont constituées principalement d’actes notariés – achats, ventes et échanges de propriété immobilières -. Ces documents se terminent souvent par quelques lignes d’une écriture différente de celle du notaire : « je soubsigné, confesse avoir repceu les droicts de lots et ventes du contract cy dessus » ; signé « le recepveur de Messieurs les Vénérables du Chapitre de Vézelay ».

Qui étaient ces moines qui prélevaient des impôts sur nos ancêtres ?

Et pourquoi de Vézelay ?

Nous avons consulté les travaux de plusieurs historiens de la région…

« Au nom de la Sainte et indivisible Trinité, Père, Fils et Saint- Esprit. Commencement de la charte ou testament du comte Girart, fondateur des monastères de Pothières et Vézelay, en vertu des privilèges de l’autorité apostolique désignés ci-dessous, lesquels valident et corroborent à perpétuité ce même testament… » 

C’est la première phrase de la traduction d’un texte latin, dont une copie effectuée en 1170 sur parchemin avec enluminure, d’après l’original rédigé vers 858, est déposée à la Bibliothèque municipale d’Auxerre. (un fragment de photographie de la 1ère page est reproduit ci-contre).

C’est donc Girart de Roussillon qui aurait fondé le monastère de Vézelay, par ce testament.

Rappel Historique

Où  situer ce Girart dans notre Histoire de France ? Feuilletons rapidement nos livres d’école, en cherchant les grands repères de cette époque…  

En 771, Charlemagne avait succédé à Pépin le Bref. Combattant les envahisseurs  Avars, Slaves, Saxons et Bretons, il devint le maître d’un territoire immense rappelant l’ Empire romain d’ Occident, disparu 3 siècles auparavant.

Roi chrétien, il imposa sa religion aux peuples Germains et assura la protection des possessions du pape Léon III, qui le couronna Empereur à Rome en l’ An 800.

Mort en 814, son fils Louis le Pieux (appelé aussi « le Débonnaire ») lui succède, et pour conserver l’unité du territoire, ce dernier élève son fils aîné Lothaire à la dignité d’ Empereur, ce qui mécontente gravement les 2 autres fils qu’il eut de sa première femme Ermengarde. Et sa seconde femme Judith de Bavière lui donne en 823 un autre fils Charles (le futur Charles le Chauve), à qui elle veut naturellement faire attribuer une part de la succession impériale !

Des clans se créent entre les prétendants et les nobles qui les soutiennent. L’insurrection éclate dans le pays et le règne de Louis le Pieux se termine dans la confusion. La guerre se poursuit entre les frères, aboutissant à la défaite de Lothaire en juin 841 à Fontenoy- en- Puisaye  (à 25 km d’ Auxerre ; un obélisque nous rappelle cette bataille). En 843, le traité de Verdun partage l’ Empire de Charlemagne en 3 parties :

  • à Charles II le Chauve la Francie occidentale
  • à Louis II le Germanique la Francie orientale ou Germanie
  • à Lothaire 1er un territoire intercalé entre ses 2 frères, la Lotharingie (la future Lorraine, sujet de dispute entre France et Allemagne…). 

Les invasions normandes ajoutent à la confusion : en 843, une flotte remonte la Loire ; les Vikings s’emparent de Nantes et massacrent l’Évêque. D’autres flottes atteignent Toulouse la même année …et Paris le dimanche de Pâques 845…Chartres est prise en 858…Le Midi de la France n’est pas épargné.

858: C’est justement l’année du testament de Girart et de sa femme Berthe.

Son nom s’écrivait Gher- hard et signifiait « tout- à- fait brave ».  Il devint célèbre dans les romans de chevalerie ; un  poète anonyme 12 siècle,  s’inspirant de la tradition orale, a traduit sa vie et ses exploits dans  «  la Geste de Girart de Roussillon » en langue d’oc et d’oïl.

Il a donc fallu trier la part de la légende et celle de l’ Histoire …

Girart faisait partie de la haute noblesse de l’époque, descendant de ces « Maires du Palais » , ces chefs de la Maison Royale qui, – tels Pépin de Herstal, puis son bâtard Charles Martel -,  ont profité de la décadence des Mérovingiens pour prendre petit à petit le pouvoir dans la 1ère partie du 8ème siècle et créer la dynastie des Carolingiens.

Il avait hérité d’un titre familial : « Comte de Paris et de Soissons ».

Avant 818, il avait épousé Berthe, fille du Comte Hugo de Tours et sœur de l’épouse Ermengarde de Lothaire  1er, qui avait alors le titre d’ « Empereur d’ Occident ».

Son beau-père le charge de l’administration de l’ Avallonnais et du Lassois ; il en profite pour y  acquérir plusieurs domaines.

En particulier,  entre 820 et 840, par faveur spéciale de Louis le Pieux, sur recommandation de son épouse Judith, – dont il était proche parent par Berthe -, il obtient le domaine royal « Villam Vezeliacum ». On a retrouvé dans des documents anciens la trace de ce domaine à l’époque gallo-romaine (« Vercellacus »), puis de son affectation à l’ Abbaye St Germain d’ Auxerre (cartulaire daté de 572), sous le nom de « Videliacus ».

Il faut bien voir qu’il ne s’agit pas de notre colline de Vézelay, mais d’un territoire compris entre l’actuel village de St Père et le site dit « des Fontaines Salées », qui fut utilisé par l’homme depuis bien longtemps : on y a retrouvé les vestiges d’un lieu de culte celte, de puits en troncs de chênes pour la collecte de l’eau salée, de thermes romains, de villa gallo-romaine et d’un chemin rejoignant le centre sidérurgique proche… Ce fut d’abord «  Vézelay sur Chors » (pour « Cure ») puis St Pierre le Bas avant d’arriver à St Pierre, devenu St Père…

Ces propriétés avallonnaises sont menacées dans la période de querelles d’héritages qui suit la mort de Louis le Pieux. Girart  prend parti pour son beau-frère Lothaire 1er , qui lui confie l’administration des comtés de Lyon et de Vienne, puis la gérance du royaume de Provence. Il a fort à faire là-bas pour se défendre des prétentions de Charles le Chauve, rival victorieux de Lothaire, et pour repousser les Normands, parvenus en 860 jusqu’à Valence !

Il réussit  dans le même temps à conserver et à accroître ses acquisitions dans le Comté d’Avallon.

Mais un problème de succession se pose : le fils unique de Girart et Berthe était mort très jeune et leur fille se destine à l’ Eglise.

Et il faut empêcher Charles le Chauve d’annexer ces domaines, qui se trouvent dans son royaume… !

Girart et son épouse trouvent la solution : animés de sentiments très religieux, ils fondent 2 monastères dans leurs propriétés, l’un à Pothières, en « Pays Lassois » ( proche de Châtillon-sur-Seine), l’autre à Vézelay, au bord de la Cure ; soumis à la règle de Saint Benoît, le premier accueillera des hommes et le second des femmes. A ces 2 monastères ils firent don de leurs autres biens de l’ Avallonnais, du Tonnerrois et du Sénonais (« …avec cette réserve que nous en gardons l’usufruit tant que durera notre vie dans la chair… »)

 On trouve au folio 23 du manuscrit :

« Ensuite nous avons donné le domaine de Dornecy, celui de Cisternas, de Fontenay (près Vézelay), et de Molnitum, et tout ce que nous avons acquis dans le pagus d’ Avallon déjà nommé, ou celui de Tonnerre, avec toutes les dépendances … »

Certains historiens de la région ont traduit « Molnitus » par Montillot… ; ce n’est pas évident …D’ailleurs Ernest PETIT, dans son « Etude historique » de l’ Avallonnais, nous fournit (page 129), d’après un document du 8ème siècle, une liste des noms latins des villages du « pagus » d’ Avallon : Molnitum y désigne Montlay (en Auxois), dans le canton de Saulieu…Notre village sera cité plus clairement dans des textes ultérieurs.

Le Testament

Puis ils eurent l’idée de mettre ces fondations sous la protection directe du pape, les rendant ainsi inviolables. Folio 24 :

«…nous avons soumis ce monastère et l’autre susdit, avec tous leurs biens, aux très saints apôtres réunis à Rome et par acte de testamentaire confirmé pour toujours, nous les avons confiés aux saints évêques de la Ville qui occuperont ce siège année après année, afin qu’ils les administrent (sans qu’ils soient pour autant autorisés à les donner en bénéfice ou les échanger avec qui que ce soit), qu’ils en disposent à perpétuité et que, par leur zèle appliqué ainsi que par leur gestion vigilante, selon notre dévotion, une religion de piété et de vertu s’y développe toujours, pour la gloire de Dieu… »

De plus, tous les biens de ces monastères demeureront  « par la garantie de ce même testament perpétuel, sans aucune charge extérieure ni taxe d’assujettissement… », « …à ceci près que chaque année, comme présent au très  vénérable siège des bienheureux apôtres auxquels nous avons soumis ces sanctuaires , ils verseront deux livres d’argent au bienheureux évêque de la Ville de Rome… » (folio 23).

Enfin, autre disposition importante : « nous insistons fermement … », écrit Girart, «   pour que, lorsque l’abbé ou l’abbesse …aura quitté la lumière de ce monde, …ces communautés…aient ce pouvoir…de procéder…à l’élection d’un autre abbé ou d’une autre abbesse de bonne vie et de bon témoignage, d’un commun accord…et avec, sur ce sujet, l’approbation ultérieure de l’évêque qui, à ce moment-là, aura mérité le siège apostolique… » .

Encore fallait-il faire accepter cette Charte-testament par les autorités intéressées …

Girart dû faire preuve de diplomatie, puisque d’une part, le pape Nicolas 1er accepte la donation et confirme par une bulle, en mai 863, que les monastères jouiront de la protection du Saint- Siège, et d’autre part,  – ce qui est plus surprenant – , Charles le Chauve, par un diplôme royal , confirme ces fondations en 868 et s’engage, pour lui et ses successeurs, à défendre les « immunités » de ces monastères…

Conservant l’usufruit sa vie durant, Girart devait assurer la protection de ses récentes fondations ; mais sa charge le retenait entre Lyon et la Provence …Les moniales de Vézelay , en butte à l’hostilité ambiante et aux attaques de bandes, se replient vers d’autres maisons de leur ordre au bout d’une quinzaine d’années. Girart les remplace par des Bénédictins venant d’Autun, sous la direction de l’abbé Eudes

Les invasions des Normands continuent…En 885, ils assiègent Paris ; mais le roi Charles le Gros pour éviter le combat, autorise le chef des Vikings à aller ravager la Bourgogne ! Une flottille arrive donc dans la vallée de la Cure au début de 887, détruit le monastère de Vézelay (sur Cure) et poursuit vers le Morvan.

Mais avant l’arrivée des Normands, les moines et les habitants de la vallée de la Cure sont montés se réfugier sur la colline proche. Girart étant mort en 877, c’est l’abbé Eudes qui prend la décision d’y implanter définitivement  le monastère.

Qu’est devenu le monastère après la mort de Girard de Roussillon?

Le monastère s’implante définitivement sur la colline. On ne sait s’il y avait là, déjà, des constructions à ce moment ; on suppose qu’il existait une sorte d’enceinte de murailles pouvant servir de refuge.

Tite-Live aurait fait allusion à cet endroit dans son « Histoire de Rome », en l’appelant « mons scorpionis », ou mont du Scorpion ; on voit là une allusion à la forme particulière de la colline, plus évidente en vue aérienne, qu’en la gravissant à pied !

Ce qui semble sûr, c’est que le Vézelay actuel est vraiment rentré dans l’ Histoire en cette année 887 …

Une partie des habitants de la vallée est montée sur la colline avec les moines ; un sanctuaire est rapidement édifié et dès 888, Eudes  obtient du roi le transfert des privilèges accordés à l’ancien monastère. Le pape Etienne VI renouvelle lui aussi le privilège pontifical en 897 et précise que le « castellum » doit servir de refuge aux moines, à leur serviteurs et à la population avoisinante…

Un bourg se crée et se développe autour de l’abbaye. Il prend le nom de Vézelay, le village resté au bord de la Cure devenant le « Vieux- Vézelay ».Le temps passe, marqué par des gestions plus ou moins rigoureuses selon les abbés ; mais dès leur élection ceux-ci prenaient bien soin de faire confirmer par le Saint- Siège les privilèges accordés à leur abbaye…

Divers événements se répercutent sur la vie du bourg : l’angoisse due à l’approche de l’ An 1000, l’affaiblissement de la dynastie carolingienne suivi de l’élection du premier des Capétiens en 987, la guerre du roi de France Robert II le Pieux pour « récupérer » le Duché de Bourgogne, avec siège d’ Auxerre en 1003, puis d’ Avallon, et massacre d’une partie des  habitants de cette ville, en 1005 …

Autun; Le paradis terrestre

D’autres touchent très directement Vézelay : destruction du monastère par un incendie (entre 910 et 940), prise de pouvoir temporaire par un groupe de moines de l’abbaye de Cluny en 1027 profitant d’une période de désordre … On voyait déjà s’amorcer les luttes d’influence qui ont secoué cette abbaye pendant plusieurs siècles : le comte de Nevers considérait que son autorité seigneuriale devait s’appliquer à cette parcelle de son comté, et l’évêque d’Autun, bien que sachant parfaitement que Vézelay relevait directement du Saint- Siège, admettait difficilement de ne pas participer à la gestion d’une   Abbaye située dans les limites de son diocèse…  

C’est que ce monastère faisait des envieux : riche au départ grâce aux dons de Girart, elle continuait à recevoir de pieuses donations…  

Et vint un abbé qui eut une heureuse  inspiration …C’est  Geoffroy, élu en 1037. Depuis plusieurs années, attirés par des rumeurs de « prodiges », des pèlerins accouraient de plus en plus à Vézelay.  Entre 1020 et 1040, pour lutter contre les multiples guerres locales, l’ Eglise de France proclame une « Trêve de Dieu ». C’est alors que profitant de ce mouvement vers une « paix chrétienne », Geoffroy promeut le culte de Sainte Marie-Madeleine, la pécheresse amie de Jésus. Des foules venant de l’ Europe entière accourent, demandant l’aide de la sainte à toutes les victimes des guerres et des injustices…La présence de reliques fait l’objet de contestations et de plusieurs explications différentes …mais cela  ne décourage pas les pèlerins.  

un pèlerin

Les marchands affluent à Vézelay ; les ressources de l’ Abbaye s’accroissent, ainsi que son patrimoine immobilier. Pour accueillir les foules, l’église abbatiale ne suffit plus ; l’abbé Artaud, élu en 1096, lance la construction de la grande basilique romane, construction qui, rencontrant de nombreuses difficultés, s’est étalée sur un siècle et demi. ( Il faut noter que les pierres blanches utilisées dans cette construction auraient été tirées de la carrière de Montillot, tandis que les pierres brunes – calcaire mélangé d’oxyde de fer -,  viendraient de Tharoiseau).

Le patrimoine de l’Abbaye

Le patrimoine de l’abbaye ?

Le testament de Girart citait quelques villages des environs : Dornecy, Fontenay, Montlay, Vézelay (le Bas…)…

Des copies des bulles papales du 12ème siècles qui confirmaient les privilèges de l’ Abbaye sont déposées aux Archives d’ Auxerre ; certaines ont été transcrites dans le bulletin de la Société des Sciences de l’ Yonne de l’année 1868 ; elles sont rédigées dans un latin médiéval ecclésiastique qui pose des problèmes aux traducteurs…Ces textes présentent l’inventaire des possessions du moment :  on y voit donc , non seulement l’étonnante expansion de ces biens au fil des années, mais aussi l’ordre dans lequel les villages proches – dont le nôtre – sont venus se ranger sous la juridiction directe de Vézelay.

Les bulles de 1102, 1169, 1182 et 1245.

1)- Bulle du pape Pascal II   (21 Novembre 1102)

On trouve dans l’inventaire des églises, donc des paroisses, du diocèse d’Autun : St Père, Vergigny, St Pierre et St Symphorien de Dornecy, St Sulpice d’Asnières, St Germain de Fontenay-sous-Vézelay, St Pierre de Blanay, St Georges de l’Isle- sous- Serain, St Syagrius de Flay, St Léger de Fourcheret (futur St Léger- Vauban) et St Andeux en Morvan.  

2)- Bulle d’Alexandre III  (16 Février 1169)

Diocèse d’Autun : 8 acquisitions nouvelles  => Précy ; Givry ; Voutenay ; Montillot (« Montirueth ») ; Brecy( ?) avec son domaine, ses  granges et ses revenus ; Chamoux.

Diocèse d’Auxerre : Trucy, avec son église et tous ses biens ; Sacy ; Mailly- la- Ville et Mailly- le– Château ; Arcy, Bessy avec son église et tous ses biens.

Il faut ajouter à cela : 9 églises dans le diocèse de Nevers, une sur Mâcon ; 6 sur Clermont ; 4 sur Bourges ; 4 sur Poitiers ; 2 sur le Mans ; 2 sur Saintes ; 19 sur Sens ; une trentaine sur Beauvais ; 7 sur Noyon ; 3 sur Parme et 2 sur Imola (Italie)… 

3)- Bulle de Lucius III  (19 Décembre 1182)

Ce texte ne reprend pas l’inventaire ; il précise certains points des statuts :   « l’évêque diocésain ne pourra ni faire des processions, ni dire publiquement la messe, ni faire acte de juridiction, ni prononcer l’interdit sans l’agrément de l’abbé ou de ses moines, dans le monastère, dans la ville, dans les églises d’Asquins et de Saint Père qui (… sunt in radice montus ipsius villae sitae …) sont au pied même de la  montagne… »

4)- Bulle d’Innocent IV  (janvier 1245)

Même remarque sur l’inventaire ; mais sur l’interdiction d’officier adressée à l’évêque d’Autun, sont citées en plus de St Père et Asquins les églises de Châtel-Censoir, l ’Isle (sur Serein) et Montillot (…in ecclesiis Castri, Insulae et  Monterione… ). Pour justifier l’orthographe, on peut imaginer simplement que le copiste soit d’origine italienne !

La « poté »

Ainsi  un groupe de  paroisses entourant Vézelay s’est trouvé soumis à l’autorité civile, administrative et judiciaire des abbés. On appelait « poté », – du latin  « potestas » = « pouvoir » – , le territoire ainsi contrôlé par un pouvoir seigneurial. Des bornes de pierre en marquaient en principe les limites.

Mr B. PUJO, en annexe de son ouvrage « Histoire de Vézelay » cite des « textes officiels » définissant la « poté » de Vézelay :

– dans le cartulaire présenté le 12 février 1463 au prévôt de Sens, qui dénombre les biens de l’abbaye, on lit que:

  • se trouvent dans la « poté » les villages de Vézelay, Saint-Père, Nanchèvres, Fontette et Morond, Tharot (Tharoiseau), Asnières, Montillot, Asquins.
  • sont situés hors de la « poté », les villages de Brosses et Fontenille, Chamoux et Cray, Fontenay …

– dans une lettre du  1er décembre 1531 de François 1er, demandant la sécularisation de l’abbaye , il est précisé que celle-ci dispose « d’un territoire de trois lieues ou environ de longueur et de largeur, non sujet immédiatement à autre qu’au dit Saint- Siège ».

Quelques pas dans la suite de l’histoire

La deuxième partie du 12ème siècle et le début du 13ème marquent l’apogée de Vézelay: non seulement des foules de pèlerins y accourent , mais des événements importants y ont lieu , avec la venue de hauts personnages…

Bernard de Clairvaux

Le jour de Pâques 1146, Bernard de Clairvaux, du haut de la colline, face à Asquins, appelle le peuple chrétien à la défense des lieux saints (2ère croisade).

A la Pentecôte 1166, l’Archevêque de Cantorbéry Thomas Becket célèbre une messe solennelle à la Madeleine.

En 1190, Philippe- Auguste et Richard Cœur de Lion se donnent rendez-vous à Vézelay pour un départ vers Jérusalem (3ème croisade).

Entre 1244 et 1270, le roi Louis IX (Saint-Louis) vient à 4 reprises…

Pourtant, à la même époque, la vie du monastère est agitée…

Les différends avec le Comte de Nevers sont incessants ; en 1152 , les habitants de Vézelay, mécontents de leur Abbé, appellent le Comte à leur aide et constituent une « commune » libre ! Le roi Louis VII résout le conflit en donnant raison à l’ Abbé…Les rois de France interviennent de plus en plus souvent : en 1280, Philippe III le Hardi place l’abbaye sous sa garde, sans que le Saint- Siège conteste cette décision. En 1312, l’indépendance judiciaire et administrative est perdue : Vézelay et sa « poté » sont rattachées au bailliage de Sens. L’enclave autonome devient une « possession de la couronne ».

L’abbé conserve la « justice haute, moyenne et basse » mais doit l’exercer dans le cadre des ordonnances royales. Il peut continuer à lever des impôts : cens, champart, droit de banalité (usage des pressoirs et des moulins), taille (qui s’ajoute à la taille royale), dîmes, droit de pêche…

Il est probable que Montillot ait été moins perturbé que les villages de la vallée par les évènements qui ont secoué Vézelay. Nos ancêtres ont certainement bien accueilli, comme les habitants des autres villages, les concessions accordées en 1136 par l’abbé Albéric par un texte qui fut une charte   d’affranchissement : la principale mesure, marquant la fin du régime de « servage » portait sur l’abolition de la « main-morte ». Les biens des hommes mourant sans héritiers directs ne reviendront plus au seigneur, mais pourront être légués aux plus proches parents légitimes ; en compensation, cette charte rappelait les divers impôts dus à l’ Abbaye…

La suite ?…

Aux Archives départementales de l’ Yonne, on peut consulter un dossier intitulé « Chapitre de Vezelai – Seigneurie de Monteliot (réf : H1997) et on y trouve les documents les plus divers.

Datant du 12 Février 1464 (recopié en 1753, donc lisible sans difficulté…) : le Chapitre 29 du Cartulaire de l’ Église de Vézelay, intitulé « Monteilliot », fixant « pour taille » à chaque famille un maximum de 15 sols…

Un document de 1575 compte 82 ménages « non compris ceux de Marault… »

Un acte de vente, daté du 29 Août 1660, d’une terre de François TRIJOU, vigneron, à Edme DETHIRE, boulanger, établi par le notaire GROSSOT, en présence de Me Jacques GOURLET, procureur au bailliage.

Du 5 Avril 1686, une sommation au Chapitre de Vézelay, de la part de « vénérable et discrète personne Me Guillaume COLLAS, prestre- curé de Monteluot (c.f . l’histoire du banc de l’église…), …demandant le paiement de 300 livres pour  « portion congrue »…

De 1749 à 1762 , le dossier du procès entre le Chapitre et les habitants de Montillot au sujet des « bourgeoisies » (l’une des impositions…)

…De multiples petites histoires qui font la vie d’un village au cours des siècles…

Bibliographie

  • Alfred TURGOT : « Histoire de la Ville et abbaye de Vézelay » – 1826
  • Ernest PETIT : « Avallon et l’Avallonnais, étude historique » – Auxerre 1867.
  • Bulletin de la Société des Sciences de l’Yonne – 1868.
  • M. SOMMET : « Ville de Vézelay , topographie, statistique, histoire » – Auxerre 1879.
  • Abbé A. PISSIER :  « Recherches historiques sur Asquins » – Bulletin de la Société d’Études d’Avallon – 1908.
  • Collection « Le patrimoine mondial » : « Le patrimoine de la Basilique de Vézelay » – Flohic Éditions 1999.
  • La chanson de geste de Girart de Roussillon
  • Bernard PUJO : « Histoire de Vézelay » – Perrin – 2000.

 

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histoire régionale

Montillot…et ses environs, de l’an 1500 à l’an 1800

André Buet †, mars 2017

« Après une longue période de guerres, de luttes intestines, de peste et de famine, la fin du 15ème siècle et le début du 16ème se présentent pour le royaume de France comme un retour à une ère de prospérité »(cf B.PUJO)

La riche Italie attire les convoitises ; sous le prétexte de reconquérir d’anciennes possessions, nos rois successifs Charles VIII, Louis XII et François 1er, franchissent les Alpes avec leurs chevaliers, atteignant Florence, Rome et Naples. Mais leurs victoires sont sans lendemain, en face de la puissance grandissante de Charles Quint et de son « Saint Empire Romain Germanique ». François 1er est fait prisonnier à Pavie en 1525 ; il est libéré par le traité De Madrid en janvier 1526.

En 1521, allant de Sancerre à Avallon, François 1er avait fait étape à Vézelay. L’abbé Dieudonné de Beduer sollicita auprès de lui la sécularisation de l’abbaye, l’affluence des fidèles étant de plus en plus incompatible avec la solitude permettant le respect des règles monastiques. Ce n’est qu’en 1537 que le pape Paul III accéda à cette demande présentée par le roi de France. La Madeleine devint une collégiale avec 12 chanoines et un abbé séculier.

Monteluot et ses fortifications (cf «Les fortifications de Montillot accordées par François 1er »).

Des places fortifiées existent depuis longtemps dans les vallées : autour de Vézelay et de sa position dominante, Pierre-Perthuis, Saint-Moré, Chatel-Censoir…

Mais même les villages « de l’intérieur » étaient perturbés :

–       Les guerres entre le roi de France et le duc de Bourgogne ont fait de l’Avallonnais, aire frontalière, une zone de combats.

–       Les multiples trêves libéraient des combattants qui, désoeuvrés et sans ressources, se répandaient dans les campagnes.

–       Des famines dues aux mauvaises récoltes jetaient sur les routes des milliers d’indigents, volant ou diffusant des maladies.

–       Pour éviter la contagion dans les périodes d’épidémie – surtout de la peste …- on exilait les malades à l’extérieur des bourgs…

La plupart des villages de la région ont donc obtenu du roi, entre 1520 et 1550, des « lettres patentes » les autorisant à se protéger par de hauts murs et des portes fortifiées : Tharoiseau, Asquins, Voutenay, Précy-le-Sec, Pontaubert…

Montillot, cadastre Napoléon

C’est en juin 1527 que les « habitans et manans » de Monteluot adressent leur supplique au roi François 1er. Celui-ci demande une enquête au bailli d’Auxerre et l’accord final est donné en octobre…Murailles, tours, fossés, canonnières, ponts-levis, barbacanes…sont autorisés.

Mais ces constructions devaient être faites sans subventions, au frais des villageois. En examinant les vestiges actuels, on ne peut donc s’étonner de la modestie de la solution retenue : un simple mur, – dont le tracé a imposé le dessin du village jusqu’au 19ème siècle -,avec des portes, aujourd’hui disparues, permettant le contrôle des entrées et sorties…

Les guerres de religion dans l’Avallonnais.

Au cours de la 2ème moitié du 16ème siècle, Vézelay « redevint une place forte, un lieu de violence et de haine ».

Le moine Luther, initiateur d’une « religion épurée », avait été excommunié en 1520. Ses idées avaient été reprises et développées par Calvin, qui s’était installé à Genève comme « pasteur de l’Eglise protestante ». En 1536. Il y fut rejoint par des disciples, dont Théodore de Bèze, originaire de Vézelay.

« Le protestantisme s’est implanté très tôt dans les vallées de l’Yonne et de la Cure, dans l’Auxerrois et le Morvan »(B.PUJO)…et les persécutions commencèrent (cf E.PETIT) :

En 1538, un médecin et sa femme « accusés d’hérésie et de secte luthérienne », sont brûlés à Auxerre, place de le Fénerie.

En 1542, un gibet est dressé à demeure à Vermenton.

Quelques années plus tard, le château de Girolles fut pris par une troupe d’environ  300 protestants qui rançonnèrent les habitants de la région.

Des églises réformées s’installent, en 1547 à Corbigny, en 1555 à Vézelay.

En 1560, la collégiale de Vézelay échoit à Odet de Coligny, cardinal de Châtillon ; en 1561, après avoir assisté au colloque de Poissy, – où Catherine de Médicis réunit en vain des responsables catholiques et protestants -, il se convertit à la religion protestante, est excommunié en 1563 et rallie l’armée huguenotte.

En mars 1569, une troupe de 12000 protestants s’emparent de Vézelay, puis, pillant et rançonnant les environs, prennent « Mailly-le-Château, Mailly-la-Ville et quelques forteresses de la Puisaye mais échouent devant Joux-la-Ville ».

A Asquins, ils massacrent le curé, ainsi que « des religieux franciscains et des catholiques réfugiés dans l’église ».

Après la paix de St Germain (8/8/1570), la garnison protestante de Vézelay rejoint La Charité, place forte accordée aux protestants par Charles IX.

Le 24 août 1572, St Barthélemy, à Paris, massacre de chefs protestants et de leurs partisans, plus de 3000 victimes.

La France se divise, entre des « ultra-catholiques » qui créent la « Sainte-Ligue » autour du Duc Henri de Guise, et le parti protestant, dirigé par Henri de Bourbon, roi de Navarre, – futur Henri IV .

Vézelay, avec comme abbé Louis de Guise, et en 1585 Joachim de Rochefort comme gouverneur, devient un bastion de la Ligue.

« En 1587, des Suisses et des Allemands, alliés des Protestants, traversent la Bourgogne et rançonnent Tonnerre, Mailly-la-Ville et Vermenton » (cf PUJO).

Le duc de Guise est assassiné en décembre 1588.

Une bataille près de Montillot  (cf PETIT et BAUDOUIN) : Au printemps 1589, un officier ligueur, François de Beaujeu, sieur de Jaulges, part d’Auxerre avec des troupes – infanterie, cuirassiers à cheval, arquebusiers et 2 pièces de canon -, et pour mission de conquérir les petites places de l’Auxerrois et de l’Avallonnais. Visant d’abord Mailly-la-Ville, il pille Migé et Chastenay. François de Rivière, seigneur de Champlemy, lieutenant général pour le roi en Nivernais, avait mis une cinquantaine de soldats pour défendre Mailly-la-Ville.

Joachim de Rochefort, gouverneur ligueur de  Vézelay, venu par le Sud vers Mailly, fut rejoint par les ligueurs d’Avallon, et « un engagement meurtrier eut lieu près de Montillot contre les troupes royalistes de Champlemy » (16 juillet 1589). La petite garnison de Mailly-la-Ville se rendit sans combat. Ensuite les Ligueurs incendièrent le village d’Annay-la-Côte et massacrèrent les habitants. L’approche de troupes royalistes les obligea à renoncer à attaquer Girolles et à se replier sur Auxerre.

 Le 1er août 1589 Henri III est assassiné par le moine Jacques Clément. Le 11 août, le duc de Nevers attaque le bourg fortifié d’Asquins, qui fut « livré au pillage et la garnison passée au fil de l’épée » (cf CHALLE). L’attaque de Vézelay est suspendue.

En 1590, Edme de Rochefort succède à son père et reste attaché à la Ligue jusqu’en 1593 et la conversion d’Henri IV ; les garnisons de Vézelay et Mailly-le Château se soumettent. Les habitants d’Avallon s’entêtèrent plus longtemps et ne cédèrent que le 31 mai 1594, par l’entremise d’Edme de Rochefort qui, après avoir franchi la Porte Auxerroise, fut « reçu par Sébastien FILZJEAN, le plus ancien avocat de la ville » (cf E.PETIT).

Mais le pays reste peu sûr ; plusieurs « capitaines » travaillent pour leur compte, pillant les villages…

Finalement, les royalistes reprennent en 1595 Epoisses, Montréal, Thizy, Girolles, Noyers, Arcy, Tharoiseau, Mailly-la-Ville, Châtel-Censoir…

Les guerres de la Ligue se terminent…mais en 1596 «  la peste sévissait avec une grande recrudescence à Avallon »… « les habitants se retirèrent dans les pays voisins » (cf E.PETIT), comme en 1588. ( d’autres épidémies ont été signalées en 1577, 1583 et 1586).

Après l’Edit de Nantes (13/4/1598), « la paix revient dans les campagnes » (cf PUJO) , et ensuite « les importants évènements qui se sont déroulés dans le royaume au cours du premier tiers du 17ème siècle n’ont guère eu d’écho sur la colline de Vézelay : l’assassinat d’Henri IV (1610),la régence de Marie de Médicis, la prise de pouvoir du jeune Louis XIII »…(cf B.PUJO). 

Les documents administratifs

Le 16ème siècle est marqué par le perfectionnement des organes de gouvernement, qui « donnent aux rois les moyens d’exercer leur autorité absolue » (cf Hist. Louis Girard).

Des lois organisent l’armée, les finances, la justice.

En 1539, par l’Ordonnance de Villers-Cotterets, François 1er prend 2 mesures importantes : il crée un « état-civil » en prescrivant aux curés d’enregistrer les baptêmes et les enterrements. Et il favorise l’unité linguistique du royaume en ordonnant l’emploi du français à la place du latin dans les actes judiciaires.

Tout cela s’ajoutant à l’expansion de l’imprimerie depuis le siècle précédent, bouleverse les conditions de transmission du savoir et élargit les publics.

Les actes administratifs  en particulier  se traduisent par des documents écrits, paraphés par des responsables, et archivés.

Plusieurs siècles plus tard, il nous est donc possible de  retrouver dans les rayons de nos « Archives départementales » – et, plus récemment, sur Internet – des actes de naissances, de mariages et d’inhumation, des contrats d’achat et de vente de propriétés….qui permettent de reconstituer la vie des familles de nos villages.

Enfin des nouvelles de Montilliot…ou Monteluot

En examinant systématiquement les Archives de l’Yonne, on a pu trouver et déchiffrer des documents de cette époque, relatant des évènements concernant des habitants de notre village.

L’impôt dû au curé par les paroissiens

On a – sous la cote ADY G2547 – une copie faite en 1722 d’un rapport de l’huissier de Vézelay Gabriel MILIER, « sergent royal à cheval », venu le 22 décembre 1571 faire connaître à chacun des chefs de famille de Montilliot la sentence du 7 août précédent prononcée par la Cour du Parlement de Paris, leur ordonnant de payer à la « vénérable et discrète personne Me Philipe Broté prêtre Bachelier en droit curé de l’Eglise paroissiale de la Ville et fauxbourg de Montilliot », « pour 3 années d’arrérages échues » :

  • Pour ceux d’entre eux « laboureurs et menans charrues », au nombre de 31 nommés: «  par chacun an au jour et fête de Saint-Rémi », « une quarte de blé seigle » et «  5 deniers tournois ».
  • Pour ceux « non labourans n’y menans charrues », au nombre de 54 nommés, « une quarte d’avoine » et 5 deniers. 

Incident aux Magnes-Vattaire

En 1595, le jour de la Pentecôte, Gilles Gay, Edme Laboureau et Gabriel de Lannes, armés de pied en cap, creusent des fossés pour détourner l’eau de la mare située aux Magnes-Vattaire,- propriété des chanoines de Vézelay -, et pour en détourner les poissons. Ils sont poursuivis par le bailli de Monteliot, puis par celui d’Auxerre…

17ème siècle  

Familles nobles du Vézélien.

Les Longueville et les La Borde

De nombreux documents conservés dans les archives privées du « château » de Montillot (maintenant déposés à Auxerre – fonds YAHER) ont pu être exploités, nous permettant de mieux connaître les familles nobles de notre région et leurs propriétés.

Par exemple, par un acte de 1614, le notaire T. PERNOT, de « Montelluot », établit un contrat d’amodiation (location avec bail), du moulin de Fontenille par son propriétaire Philippe de BURDELOT, « escuyer, seigneur de Fontenilles-les Forests (aujourd’hui le domaine de la COUR), paroisse de Brosses », au meunier Nicolas JOSMIER.

A partir de 1639, on trouve, rédigés et signés de Jean PERNOT, puis de Estienne GROSSOT, la plupart des documents de constitution du patrimoine terrien de cette petite noblesse locale.

On commence par Jacques de LONGUEVILLE, seigneur de Sarrigny (près de Poilly sur Tholon) qui, en 1639, habitait « en partie » à Montelluot

Il avait épousé Barbe de LA BORDE.  La Borde est aujourd’hui encore une grande bâtisse isolée, dans une petite plaine de cultures, au milieu des bois, à 2,5 km à l’ouest d’Asquins et à 4 km au sud de Montillot. Les LA BORDE ont pris le titre de « seigneurs de Montelluot » (sans qu’il s’agisse d’un « fief », les abbés de Vézelay restant les vrais « seigneurs »).

Un partage fait par Me Léger PINARD, notaire à « Asquien », le 29 Mars 1640, a attribué à Barbe de LABORDE un huitième des propriétés dites alors de « La Borde Roncin » ou « la Vieille Borde », comprenant bâtiments, vergers, jardins, colombier, terres, prés, bois, buissons et bestiaux, ceux-ci tenus par le métayer Estienne FORESTIER.

En juin 1639, Jacques de LONGUEVILLE avait acheté quelques terres, puis un ensemble plus important de propriétés, bâtiments et terres attenantes au lieudit « Toucheboeuf », – qui porte encore ce nom aujourd’hui – et qui était alors considéré comme un faubourg de « Montelluot », puisque situé au-delà du « Chemin de Ronde ». Il s’agit de l’emplacement du manoir actuel, manoir encore appelé « château » par les gens du village.

A l’époque, il y avait là un « bastiment… consistant en trois chambres, grenier dessus, un verger attenant, une cour, aysances et appartenances ». Prix d’achat : 155 Livres Tournois, payées comptant à Jacques JOYAULT, laboureur à Malfontaine, Anne JOYAULT et leurs époux, les précédents propriétaires.

En 1648 : Bon de LA BORDE, frère de Barbe de LA BORDE, habitant jusque-là à La Vieille Borde, achète les terres et bâtiments acquis par de LONGUEVILLE à Montillot de 1639 à 1641, pour 1000 livres Tournois. Il prend aussi le titre de « Sieur du Fez » (ou Fey, ou Faÿ) qui figure dans les actes à partir de mai 1648 (Le bois du Fey – dit aujourd’hui le Fège – est limitrophe des terres de Toucheboeuf).

Le dit « Sieur de LABORDE » habite Montelluot à partir de 1649 et ce jusqu’à sa mort, fin 1661 ou début 1662 ; il achète un certain nombre d’autres terres, la plupart dans le même secteur de Toucheboeuf, tandis que Jacques de LONGUEVILLE demeure à La Brosse Conche (aujourd’hui « la Brosse Conge »), près de Sermizelles.

Le 24 Juin 1659, un contrat d’achat d’une terre de Toucheboeuf à la veuve BERTOU est signé du notaire Jean PERNOT. A partir du 16 Novembre 1659, les actes sont signés « Estienne GROSSOT, nottaire tabellion Royal gardenottes contrôleur Héréditaire » à Montluot. Bon de LA BORDE continuera d’acheter des terres dans la plaine de Monteliot.

Les Savelli

Le 9 mars 1562, a été baptisée à Toucy, Edmée, fille d’Horace SAVELLI.

Celui-ci venait d’Italie, dont il s’était échappé après un duel, laissant pour mort son adversaire; il s’est remarié en 1590 avec Charlotte de Montbeton, de Champeaux, près de Toucy. Il a fait l’objet d’une « lettre de naturalité » du roi Henri IV en 1593. Horace était issu d’une très ancienne famille d’Italie qui, au 11ème siècle, avait donné à l‘Eglise les papes HONORIUS III et IV. Les registres paroissiaux de Toucy, Thury, Lainsecq et Etais-la Sauvin permettent de reconstituer la généalogie des Savelli de Puisaye jusqu’à nos jours. On y trouve plusieurs « seigneurs de Champeaux, Grangette, Maupertuis, la Guirtelle… ».

Certains d’entre eux se sont alliés avec des familles nobles de l’Avallonnais, tels que les BURDELOT, « seigneurs de Fontenille » et les LA BORDE, « seigneurs de Montillot et du Faye ». (NB: c’est le chanoine LEVISTE, de Sens, qui a publié en 1993 dans les Cahiers généalogiques de l’Yonne, un premier article intitulé « Des palais romains aux manoirs de Puisaye ; l’étrange destinée des Princes Savelli » .

Les autres notables

Edme BROTHEY, le curé guérisseur

C’est aux Archives Départementales d’Auxerre que l’on trouve un document manuscrit de 37 pages intitulé « Années 1602-1603. Procès-verbal des témoignages rendus en faveur d’Edme BROTHEY, curé de Monteluot, poursuivi à la requête des chirurgiens et barbiers d’Auxerre, pour raison des cures qu’il a faites ».

Il s’agit du deuxième curé identifié dans notre paroisse à la fin du 16ème siècle.

En plus de son ministère, il utilise largement ses dons de « rebouteux » au profit de très nombreux patients : il les guérit au moyen de manipulations et d’onguents ; il se déplace quand on l’appelle à l’aide ; mais il accueille aussi les malades en son presbytère, les nourrit et les soigne sans rien exiger des plus pauvres…

Dans ce procès-verbal, 15 témoignages sont transcrits par 2 notaires d’Auxerre pour assurer sa défense ; on trouve ainsi un drapier et un vigneron qui ont glissé sur la glace et se sont fracturés l’épaule, une servante tombée dans un escalier, une femme revenant des champs tombant de sa charrette dont le cheval s’est emballé, un charpentier tombé d’un échafaudage…

L’authenticité des personnages cités a été confirmée par l’exploitation des fiches de la Société Généalogique de l’Yonne (« Genea89 N°96).

Le curé COLLAS

Après les curés BROTHEY (ou Broté… ?), il y eut Jean POURCIER, inhumé dans l’église en 1634 ; Denis DELAPLACE, qui a participé en 1648 au baptême d’une cloche ; Edme ( ?) DELAPLACE, cité dans un acte notarié en 1653 ; X…PIOT, cité vers 1654 comme « curé de Montillot, recteur du Collège de Vézelay ; Lazare GOURLET, décédé fin 1671 et inhumé dans l’église ; et, de janvier 1672 à sa mort en novembre 1715, Guillaume COLLAS.

Nous disposons de quelques détails sur le ministère COLLAS aux Archives de l’Yonne, dans le dossier « Abbaie de Vezelai-Cure de Monteliot »(cote H1976) ; les textes originaux en latin , traduits au 20ème siècle, ont été transcrits en 2003 (doc ARCH0314 sous le titre « histoire de l’abbé Collas).

On sait ainsi que sa nomination a été proposée en janvier 1672 à l’abbé de Vézelay par les membres du chapitre de « l’insigne église de la bienheureuse Marie Magdeleine de Vézelay ».

On peut lire aux Archives de Saône-et-Loire un rapport rédigé par le curé Collas vers 1680 à la demande de l’évêque d’Autun sur « l’Estat de la parroisse de l’Eglise de Monteliot » ; « Saint Laurend martir » y est fêté le 6 mai… ; il y a 3 autels, « le grand autel, l’autel de la Ste Vierge et l’autre de Ste Brigide »…Tous les accessoires liturgiques y sont énumérés et décrits : ciboires, calices, chandeliers, chasubles, croix, lampes, images, nappes… « Le chœur de l’église est voûté. La neffe ne l’est pas. Il y a deux cloches…Le cimetière est attenant à l’église, fermé et une croix de bois au milieu »… « Il y a deux cent quarante cinq communians »…

Un autre rapport, daté d’août 1692, précise les ressources du curé desservant : « le revenu est de la portion congrue par composition faicte a l’aimable avec Messieurs du Chapitre de Vezelay qui possèdent les dixmes de bled et revenus de la dite paroisse d’où ils tirent près de six cent livres ». Une précision : « il y a une chapelle ruinée que l’on appelle vulgairement le prioré et qui a onze bichets et demy de bled, moityé froment et avoine, de rente…possédée par Messieurs du Chapitre de Vézelay ».

A citer aussi , deux rapports d’inspection de 1689 et 1692, rédigés par le curé de Saisy, archiprêtre de Vézelay, en présence d’habitants du village, dont « messire Dieudonné de Laborde, escuyer fabricien » ; constat : les instruments liturgiques sont bien entretenus …

Le curé COLLAS et la noblesse locale: l’affaire des bancs de l’église (à partir de 1698).

Chaque dimanche, Dieudonné de la Borde et sa famille – dont son épouse Elizabeth de Burdelot et leurs 4 enfants, avec sa sœur célibataire Germaine de la Borde -, assistent à la messe dans l’église St Laurent.

Depuis plusieurs dizaines d’années, une habitude est prise : en tant que seule famille noble du village, et bien qu’ils ne soient pas les vrais « seigneurs » de ce lieu, ils disposent d’un banc dans le chœur même de l’église. Mais la famille de la Borde, avec ses 4 enfants, devient « encombrante » et le curé COLLAS leur « remontre  que le chœur de son église était fort petit » et leur demande de reculer leur banc hors du chœur. Attachés à leurs privilèges, les de la Borde refusent et les incidents commencent : après des avertisssements en chaire, le curé, aidé par des paroissiens, retire le banc du chœur…Le curé se plaint par écrit à l’évêque d’Autun et de la Borde au Chapitre de Vézelay.

Les moines du Chapitre donnent raison aux de la Borde, tandis que l’évêché paraît sensible à la proximité de « personnes du sexe » vis-à-vis du pupitre du prêtre, parle « d’incommodité et de notable indécence », et propose un partage en deux groupes…

L’application de cette mesure fut très discutée, et on ne sait pas ce qu’il en advint avant le décès du curé COLLAS en 1715…

Pour plus de détails, voir sur le site l’article intitulé « L’affaire des bancs de Monteliot » rédigé en 1996 à partir de documents archivés au « Château ».

Le curé COLLAS rédacteur des registres paroissiaux

En 1539, François 1er avait ordonné l’enregistrement des baptêmes ; en 1579, Henri III exigea la tenue de registres de sépultures et de mariages. En 1667, Louis XIV définit plus précisément la rédaction des registres et prévoit la remise d’un double à l’administration civile ( le baillage). Ce dernier règlement fut mieux respecté, ce qui nous permet aujourd’hui de consulter dans tous nos villages des listes de baptêmes, mariages et décès datant de cette époque…Pour commencer,  le curé COLLAS nous rapporte le 9 avril 1672,  le baptême de 2 jumeaux, Edme et Jacques COUTURIER d’une famille de Tameron.Dans la période qui suit, – 1672 à 1699 soit 28 ans -, il a rédigé pour la paroisse de Montillot 948 actes, dont 467 baptêmes, 100 mariages et 381 sépultures.N.B. : Ces actes, comme ceux des périodes suivantes – jusqu’en 1823 – ont été transcrits dans des cahiers – 8 au total -, dont un exemplaire est déposé à la mairie de Montillot.

Le curé COLLAS et les chanoines de Vézelay

Le roi Louis XIV avait décidé en 1685 que les gros « décimateurs » – ceux qui prélevaient la dîme – devaient donner aux curés des paroisses de leur ressort une somme suffisante pour les faire vivre ; c’est ce qu’on appela la « portion congrue », qui était de 300 livres. Aussitôt que fut publié cet édit royal, le curé de Monteliot fit, par ministère d’huissier, sommer les chanoines de Vézelay de lui payer la portion congrue, s’offrant à abandonner en échange les biens qui dépendaient de sa cure. Le 6 juin 1686, les chanoines déclarent laisser au dit curé les revenus de sa cure et lui abandonnent en outre 30 bichets de grain pour parfaire le total de sa portion congrue.

Les notaires 

Toussaint FERRAND (1633-1704), époux de Marie DE TROTAS, après avoir été huissier royal.

Jean PERNOT a succédé à son père Jean PERNOT en 1634

Estienne GROSSOT : Sur de nombreux actes d’état civil co-existent les signatures du curé Collas de Maître Grossot, notaire et homme de loi, résident à Monteliot, parfois noté marguillier.

18ème siècle

Début de siècle à Vézelay

Dans cette période  « la colline de Vézelay vit entièrement à l’écart de l’histoire du royaume » (B.Pujo). L’abbaye a été attribuée en 1702, sur recommandation de Vauban à l’abbé de Tencin ( ensuite archevêque, puis cardinal, décédé en 1758) . En 1740, après la guerre de succession d’Autriche, arrivèrent à Vézelay et St Père des prisonniers hollandais. Durant l’été 1718, ne disposant pas assez d’eau à Vézelay pour éteindre un incendie, on a dû « défoncer des barriques de vin pour maîtriser le sinistre » ; la municipalité décida ensuite de construire 4 citernes pour recevoir les eaux pluviales…

1700: un nouveau maître est nommé à Monteliot (240 habitants).

…ce sont les archives de l’évêché d’Autun qui nous l’apprennent :  … « Les habitants ont nommé pour marguillier, chantre et maistre d’école dans la paroisse le sieur Guillaume DEFER » ; il sera rémunéré chaque mois par les familles en fonction de leur situation. Il n’est pas précisé si filles et garçons étaient ou non dans les mêmes classes ; l’Eglise ne le permettait pas à l’époque.

Voir détails dans l’article l’école publique à Montillot au 19ème siècle.

Le grand Hiver de 1709

Les historiens ont évalué l’effet des famines autour de 1,3 million de décès pour 1693-1694, et 600000 pour celle de 1709, soit 3% de la population de la France de l’époque. Nous n’avons pas de relation de l’hiver de 1709 à Montillot ; à la différence de certains autres curés, l’abbé COLLAS ne commentant pas l’actualité dans ses registres paroissiaux…

A proximité, nous disposons des « recherches historiques sur Asquins », de l’abbé PISSIER, curé de St Père de 1894 à 1934. Il  rappelle la lourde charge pesant sur le peuple à la fin du règne de Louis XIV et ajoute « le terrible hiver de 1709 mit le comble aux souffrances de tous ».

A partir d’octobre 1708, vent violent, puis pluies continues, alternant avec neige et gelées. « Le 6  janvier 1709, le froid redouble »… « blés et vignes sont gelés »… « pendant 35 jours, le froid est des plus intenses »…. « après ce terrible hiver la famine fut extrême »… « les pauvres ne vivaient que d’herbages et de racines…aussi vit-on partout une grande mortalité »….le 18 avril «  les paroisses de Vézelay, Asquins, St Père, Fontenay et Chamoux s’assemblèrent et allèrent en procession à St Lazare d’Avallon ».

Même constat dans la plupart des villages…Ainsi à Migennes, près d’Auxerre, un chercheur a relevé 11 décès en 1707, 27 en 1708 et 45 en 1709, dont 23 enfants au-dessous de 15 ans.

Plus impressionnants les chiffres fournis par l’historien Max QUANTIN pour Vermenton : « il mourut en cette année 1709, du 1er janvier au 31 décembre, 319 personnes »

A Montillot, il y avait eu une pointe importante en 1704 : 43 décès dont 22 enfants, la cause en est inconnue… seulement 17 en 1708 et 1709, dont 11 enfants (9 de moins de 2 ans…).

état civil de Montillot, 1700-1709

1752- Contestations des habitants de Montillot

Lorsque les habitants du village, à la suite de la sécularisation de l’abbaye de Vézelay en 1537, furent devenus les vassaux des chanoines, ils se crurent affranchis de certains impôts, – droit de bourgeoisie, droits de corvée, taille…-, et refusèrent de les payer à leurs nouveaux maîtres. D’où des contestations périodiques, sanctionnées par des condamnations,  jusqu’à la Révolution.

L’une des dernières, en 1752, concernait le paiement de la taille : le 30 mars, à la requête du Doyen du Chapitre, Jacques DAILLY, premier huissier audiencier à l’Election de Vézelay, apporte à chacun des 55 chefs de famille de Montelliot, l’assignation à payer ce qu’il doit…Le document présentant la liste des destinataires nous permet de connaître les métiers de chacun d’eux (ils sont reportés dans le doc ARCH0303 intitulé  « Noms de familles relevés à Montillot aux 16ème, 17ème et 18ème siècles ») ; on remarque qu’on trouve au bourg surtout des manœuvres, des laboureurs et des blatiers – ou blatayers, des marchands de grains -…et au « Vaudongeon », – alors dans la paroisse d’Asquins -, surtout des vignerons… ; on imagine les « côtats » plantés de vignes à cette époque…

1767- Incident dans les bois de Brosses

Le 18 juin, le troupeau des frères BERTHOUX, laboureurs demeurant à Bouteau, a été surpris par des gardes, en train de paître des jeunes pousses de chêne.

La propriétaire Edmée Françoise de la Borde, domiciliée au « château » de Montillot, fait convoquer les contrevenants devant la « Justice et seigneurie de Malfontaine, Fontenille les Forests, Bouteau et dépendants ». A l’époque de Louis XIV, il y avait en effet à Malfontaine, ainsi qu’au Gué de Combre voisin, de l’autre côté du ru de Brosses, plusieurs maisons, et même un notaire…

Les pièces de ce dossier ont été conservées dans les archives du « château ».

Les BERTHOUX expliquent d’abord qu’ils étaient seulement de passage, évitant un chemin impraticable ; mais au cours d’une visite commune des lieux, ils sont confondus par les gardes. Le 28 août , en audience à Malfontaine, ils sont condamnés à une amende de 15 livres. Ils refusent de payer et font appel auprès du baillage d’Auxerre. Cet appel est jugé non valable à Auxerre et reporté vers le Procureur général du Roy aux Eaux et Forests de France à Paris …Nous ne connaissons pas la suite…( voir plus de détails sur l’article intitulé : « huit bœufs et une vache dans un bois taillis »). Aux Archives de l’Yonne, on trouve le texte d’une sentence délivrée en 1648 par ce même organisme royal pour un délit aussi insignifiant commis dans les bois de Vaulanne….

1768- Anecdote : les habitants du Vaudongeon veulent une chapelle .

L’église d’Asquins, leur paroisse, se trouvant à plus de 3 km, les représentants des 42 ménages du Vaudongeon, avec l’accord de leur curé B.GROGNOT, adressent à l’Evêque d’Autun une « supplique » exposant les difficultés  qu’ils rencontrent, surtout en hiver, pour se rendre à la prière, et demandant la construction d’une chapelle toute proche. En juillet 1768, l’archiprêtre de Vézelay est allé sur place et a reconnu le bien fondé de cette demande.

La chapelle a donc été construite vers 1770.

En fait, cette chapelle, si ardemment souhaitée par les habitants de ce hameau, n’aura été un lieu de culte qu’une vingtaine d’années. Car la Révolution est arrivée, les biens ecclésistiques ont été nationalisés ; l’adjudication définitive de ce bâtiment à Denis COLAS, cultivateur, a eu lieu en 1799.

Le document ARCH0313 présente les détails de cette affaire sous ce même titre, ainsi que la liste des propriétaires successifs jusqu’à nos jours.

1789 – Début de la Révolution. Le cahier de doléances de Montillot.

Les cahiers de doléances ont été écrits, à la suite de l’ordonnance royale du 24 janvier 1789, par la Noblesse, le Clergé et le Tiers-État, pour servir à l’assemblée des États généraux convoqués par Louis XVI, le 1er mai 1789.

Les « habitants de la paroisse et communauté de Montillot » ont donc rédigé un « cahier des plaintes et doléances » pour « proposer tout ce qu’ils croient utile pour le bien général du royaume ».

Le texte intégral en a été reproduit dans le « Bulletin de la Sosiété des Sciences historiques et naturelles de l’Yonne » de 1885.

Retenons-en les points principaux…

  • Il faut supprimer les trop nombreux intermédiaires chargés de la collecte des impôts.
  • Il faut supprimer certains impôts : les « aides » qui gênent le commerce et les « gabelles »qui font le sel « trop cher pour les gens de la campagne ».
  • …Créer un impôt territorial fonction du seul revenu des propriétés.
  • …Simplifier et unifier les procédures de justice, dont la durée «  ruine quelquefois les parties ».
  •  …Que l’impôt appelé « droit de corvée » récemment créé, soit utilisé pour l’entretien des chemins publics.

Le 15 mars 1789, ont signé 17 habitants : P., L. et Charles Carillon ; E. Pernot ; Jean Brisdoux ; C. Guilliou ; Marcelot ; M. Porcheron ; D. et P. Guilloux ;  Pernot ; G. Luly ; A. Mercier ; P. Degoix ; Defert ; Defert (ancien praticien).

1789-1790 – La Révolution à Montillot : nationalisation des biens ecclésiastiques.

Il s’agit d’une décision prise par l’Assemblée Constituante le 2 novembre 1789 dans le but de renflouer les caisses de l’Etat : « Tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la Nation »… Ils prennent le nom de « biens nationaux ». Il en résulte des opérations étalées sur une dizaine d’années au moins : inventaires, estimations et adjudications, avec une comptabilité rigoureuse…

Les biens « nationalisés » appartenaient sous l’Ancien Régime, soit au Chapitre de Vézelay, soit à la cure de Montillot, soit à la fabrique, – organisme de gestion (entretien de la nef et autres biens rattachés à l’église) composé d’un groupe d’habitants élus-.

Les acheteurs sont, soit des bourgeois de la région, soit, souvent regroupés, les paysans et laboureurs du village, nos ancêtres…

Les dossiers de ces opérations sont classés aux ADY-série Q.

On en relève ici les points caractéristiques :

  • Le 1er septembre 1790 : inventaire des biens de la cure et de la fabrique, dont l’église du village et la chapelle du Vaudongeon.
  • En juin 1791, estimation des biens de la cure de Montillot.
  • En décembre 1791, adjudication définitive des biens de la cure de Montillot, partagés entre des notaires de la région et des habitants du village.
  • En juin 1791, adjudication définitive des biens du Chapitre.
  • En janvier 1794, inventaire du mobilier de l’église par un délégué du district d’Avallon.
  • En janvier 1795, adjudication définitive des biens de la Fabrique à des habitants du village.
  • En juillet 1796, adjudication définitive du presbytère (proche de l’église) au citoyen François MAUPIN.
  • En juin 1799, estimation de la chapelle de Vaudonjon.
  • En juillet 1799, adjudication définitive de la « chapelle du Vaudongeon » à Denis COLAS et 3 autres cultivateurs.

1789-1790 : Réorganisation de l’Administration civile.

En novembre et décembre 1789, l’Assemblée Constituante a supprimé les provinces et créé 83 départements divisés en districts et eux-mêmes en cantons.

Le 14 décembre 1789, sont créées les communes.

Vézelay devient chef-lieu de canton, avec les communes de Asquins, Givry, Blannay, Foissy, Pierre-Perthuis, Fontenay, Domecy-sur Cure, Tharoiseau.

Montillot, agrandi du Vaudonjon et des Hérodats, est rattaché au canton de Châtel-Censoir – devenu « Sensoir sur Yonne », qui sera supprimé sous l’Empire (1801).

Le premier maire élu pour 2 ans en janvier ou février 1790, selon la procédure  définie par l’Assemblée Constituante – élection par les citoyens « actifs » imposés au dessus du seuil de 10 journées -, fut Louis Nicolas Marie MULLOT de VILLENAUT, propriétaire du « château » depuis son mariage en 1771 avec Elizabeth de la BORDE, fille de Bon de la BORDE et de Marie Louise SAVELLI .

 Pierre CARILLON lui succède début 1792, et le maire précédent est désigné comme « officier public » chargé de dresser les actes d’état-civil. Ensuite, selon leur disponibilité, on trouve d’autres rédacteurs des actes : Jean PORCHERON, Antoine Jacques DEFERT, Jean BRISDOUX …

1790 : nouvelle organisation du Clergé.

L’Assemblée Constituante, emportée par son élan réformiste a voulu calquer l’organisation de l’Eglise de France sur celle du royaume ; de plus, elle a voulu « libérer » le Clergé de l’autorité du pape, considéré comme « puissance étrangère ».

Le 13 février 1790, les Constituants s’attaquent au clergé régulier : la loi ne reconnaît plus les vœux monastiques perpétuels et supprime les congrégations où les vœux solennels étaient prononcés. Les moines sont incités à démissionner.

Le 12 juillet 1790, une loi définit la « Constitution civile du Clergé » et réorganise le clergé séculier.

Il est créé 10 « arrondissements métropolitains » avec des « évêques métropolitains » et 83 évêques (un par département). A tous les niveaux, les titulaires deviennent des fonctionnaires de l’Etat, élus comme les députés,  et doivent prêter serment « à la nation, à la loi et au roi », sous peine de poursuites. Ces mesures entraînent des troubles importants dans certaines régions. Mais dans le district d’Avallon, 7 prêtres seulement sur 70 refusent de prêter serment…

L’abbaye de Vézelay est particulièrement pénalisée par les lois révolutionnaires .

Le Chapitre, organe de gestion des villages de la « poté », – dont Montillot -, est dissous. Ses propriétés deviennent « biens nationaux » ; l’inventaire en est fait en mars 1790. Les chanoines ne prêtent pas serment, mais ils ne sont arrêtés qu’en 1793 . Dix chanoines sont condamnés à la déportation. Les 2 paroisses de Vézelay, St Pierre et St Etienne, sont dissoutes et leurs églises fermées.

A Montillot, le curé de la paroisse Jacques Anne DESAUTELS, avait succédé à l’Abbé GOUREAU en janvier 1764 . Les actes de baptême, mariage et sépulture sont écrits par lui sur les registres paroissiaux jusqu’en octobre 1792 , l’Assemblée Législative ayant confié aux Municipalités le 20 septembre 1792 la tenue de « registres d’état-civil ». Comme la majorité des prêtres de l’Avallonnais, il a prêté serment à la Constitution.

En juillet 1795, on retrouve l’écriture du curé DESAUTELS, se présentant comme « secrétairegreffier, au deffaut de membre du Conseil Général qui sache écrire ». Il meurt le 18 Août 1796 à Montillot à 78 ans.

Les comptes de gestion de la commune de Montillot en 1789 et 1790.

Ce document a été rédigé puis archivé par son auteur sous le titre « Compte que rend aux citoyens formant le Conseil général de la Commune de Montillot le Citoyen Nicolas Villenaut, maire de la dite commune pendant les années 1789 et 1790 ».

L’exploitation détaillée de ce texte a été effectuée dans le document ARCH9828., sous le titre « comptes de gestion de la commune de Montillot en 1789 et 1790 ».

Il s’agit d’une comptabilité sérieuse des recettes et dépenses :

–       Les recettes proviennent de la vente de coupes de bois communaux.

–       Les dépenses sont liées aux besoins courants de la communauté : entretien des chemins, transport de matériaux, achat de mobilier, paiement des gages des employés, règlement des impôts dus par la commune…

Une autre partie de ces archives réunit les lettres adressées au maire par les autorités de tutelle : il s’agit à cette époque des Services administratifs de la Généralité de Paris, représentés par « le Sieur MACART d’ARC, Sous-Chef du Bureau des Domaines du Roi ».  Les premières lettres de cet organisme sont adressées au ‘Sindic de la Communauté de Montillot et Vaudonjon », et, à partir de 1790, au « Maire de Montillot».

Ce fonctionnaire contrôle dans les moindres détails les comptes de la commune.


Anecdote : 5 avril 1793 – César Lavirotte, futur inspecteur des finances, arrive à pied à Montillot.  

Un historien amateur de Côte d’Or, M. Bernard LEBLANC, – qui s’est intéressé aux personnalités originaires du canton d’Arnay-le Duc -, a attiré en  2003 l’attention de la mairie de Montillot sur la publication récente par les éditions « la Vouivre » d’un ouvrage où notre village était cité.Il s’agit d’un manuscrit ancien rédigé par un dénommé César LAVIROTTE ( 1773-1859), né à Arnay-le-Duc dans une famille de la petite noblesse provinciale, qui, après une formation en école d’artillerie, passa d’abord 17 ans aux Armées, sous le Directoire, le Consulat et l’Empire. Recruté ensuite vers 1810 dans le corps des Inspecteurs du Trésor, il prendra sa retraite d’Inspecteur des Finances 1ére Classe en 1830, puis sa retraite définitive en 1846. Il est élu maire de Champignolles en 1852.Ce sont 2 inspecteurs des Finances qui ont retrouvé son manuscrit à la fin du 20ème siècle.Etant royaliste, il eut quelques problèmes pendant la Révolution, et dut échapper plusieurs fois à des poursuites…C’est ainsi qu’en 1793, il chercha refuge auprès d’un ami de son père, Mr de Villenaut, à Montillot. Il raconte dans ses Mémoires : « Enfin, après trois heures de marche dans ces pays inconnus de moi, j’atteignis le village de Montillot situé au milieu d’une plaine fertile… ».Son récit nous présente des « instantanés » très vivants de l’intérieur d’une maison de Montillot il y a plus de 2 siècles ; les personnages nous sont connus : à côté du maître de maison, son épouse Edmée de la Borde, sa mère Marie Jeanne de Savelly, sa fille Françoise Mullot de Villenaut… L’article du site Internet retrace l’évolution des bâtiments du « Château depuis le 17ème siècle).En octobre 2009, a été commémoré à Champignolles le 150ème anniversaire de la mort de César Lavirotte.

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un peu d'histoires

Promenade aux alentours de Montillot … de l’An 1 à l’An 1000.

A. Buet, mai 2014

Introduction

Nous avons vu que pour les historiens, la protohistoire  se terminait dans nos régions au début de la Guerre des Gaules, soit environ 50 ans avant J-C. Cela signifie que les populations de notre Europe occidentale furent alors capables de rédiger les documents qui nous permettront de reconstituer leur histoire. Mais sachant que le village de Montillot n’apparaît dans les documents officiels qu’au 12ème siècle, nous devons trouver des traces ou des relations d’évènements plus anciens concernant des localités proches. Nous pourrons alors imaginer ce que pouvait être la vie dans notre coin de Bourgogne au cours du premier millénaire. D’où la méthode que nous proposons : imaginer une promenade, dans le temps et l’espace, autour du futur Montillot….

Dans le temps, le plan est facile à trouver dans les livres d’histoire :

1°) – la période gallo-romaine, couvrant les 4 premiers siècles.

2°) – les royaumes barbares, créés par les peuplades venues d’Asie et d’Europe de l’Est, en insistant sur le royaume de Burgondie, future Bourgogne.

3°) – les rois mérovingiens, descendant des premiers rois Francs, qui prirent le dessus sur leurs rivaux à la fin du 5ème siècle.

4°) – la dynastie carolingienne, créée par de hauts dignitaires qui après avoir vaincu les envahisseurs musulmans au cours du 8ème siècle, se sont emparés du pouvoir royal ; ils devront combattre de nouveaux envahisseurs, les Normands, aux 9ème et 10ème siècles.

Pour chaque période, nous explorerons l’espace environnant, cherchant vestiges, chroniques  et anecdotes associés à chaque lieu.

Epoque Gallo-Romaine (I)

Il est convenu d’appeler « gallo-romaine » la période qui s’est écoulée de la conquête de la Gaule par les Romains, – terminée en 52 avant J.C. – à la fin du 5ème siècle après J.C., marquée par la fin de l’Empire romain d’Occident (en 476) et en France par l’avènement de la dynastie mérovingienne ( Clovis fut « roi des Francs «  de 481 à 511). Sur ces 5 siècles, les 2 premiers se distinguent ; c’est la « pax romana », caractérisant la période pendant laquelle furent étendues à tout l’empire romain, dont notre Gaule, les institutions et les modes de vie de la civilisation gréco-latine. C’est une période de stabilité et de prospérité.

Quelles traces ont laissées ces Gaulois « romanisés » dans notre région ? Depuis le milieu du 19ème siècle, plusieurs archéologues – QUANTIN, BOUCHERON, BAUDOUIN, PARAT, PISSIER, LACROIX, NOUVEL- ont publié les résultats de leurs recherches dans les revues des Sociétés savantes  locales . Les vestiges les plus courants sont les pierres des chemins, des habitations et des monuments, ainsi que des objets de la vie domestique ( outils, pièces de monnaie). De nombreux objets trouvés au cours des fouilles sont exposés dans les musées d’Arcy-sur-Cure, de Saint-Père, de St Jean les Bonshommes, d’Avallon. d’Auxerre et de Châtillon-sur-Seine.

Les voies de communication

César, Auguste, Agrippa

Jules César a signalé la rapidité avec laquelle ses légions ont progressé en Gaule. C’est qu’un réseau routier y existait avant l’arrivée des Romains. Ceux-ci n’ont eu qu’à appliquer leurs propres normes de construction aux routes et chemins en service.

C’est Octave, le futur empereur Auguste, qui, dès avant la mort de Jules César, entreprit ces grands travaux avec l’aide de son conseiller, et futur gendre, Agrippa.

Les grands axes traversant la Gaule étaient terminés avant la fin du 1er siècle avant J.C.. La ville de Lyon (Lugdunum) a été choisie comme origine des « voies romaines », rayonnant en direction de la Méditerranée, des Alpes, de l’Atlantique, de la mer du Nord et des pays de l’Est…Ces voies devaient desservir des cités nouvelles, laissant de côté les « oppida » gaulois inaccessibles : Autun –Augustodunum-, capitale gallo-romaine des Eduens, remplacera Bibracte. Celle qui intéresse notre région a été appelée la « via Agrippa » ; elle devait relier Lyon à Boulogne-sur-Mer ( direction de la « Bretagne » de l’époque ), en passant par les cités qui s’appellent aujourd’hui Autun, Saulieu, Avallon, Auxerre, Troyes, Reims (alors capitale de la « Gaule belge ») et Amiens. Grâce aux recherches de nos archéologues et à leurs publications dans les bulletins de la Société des Etudes d’Avallon (S.E.A.) et de la Société des Sciences de l’Yonne  (S.S.Y.), nous savons depuis longtemps que , dans l’Yonne, la via Agrippa passait à – ou à proximité de…- Magny, Avallon (rue de Lyon ?), Anneot, Voutenay, Saint-Moré, – où elle franchissait la Cure -, Bazarnes, Escolives, Auxerre. Près de Magny, on a trouvé plusieurs portions de voie, dont l’une au lieu-dit « Pas de Saint Germain » . Est ainsi évoqué à cet endroit  le passage d’un personnage éminent, évènement rapporté par un chroniqueur à la fin du 5éme siècle, Constance de Lyon. Germain, né vers 380 dans une riche famille d’Appoigny, fut nommé évêque d’Auxerre en 418. S’étant rendu en Italie à Ravenne, alors capitale impériale de l’Occident, il y meurt le 31 juillet 448. Son corps embaumé est ramené à Auxerre sur un char à bœufs, accompagné, entre autres, de cinq pieuses jeunes filles nommées Pallaye, Procaire, Magnance, Camille et Maxime. Eprouvée par la chaleur de l’été, Magnance meurt et est inhumée au bord de la voie, à l’approche d’Auxerre. Deux siècles plus tard, son squelette fut retrouvé et le village voisin prit le nom de Ste-Magnance. Deux de ses amies, Camille et Pallaye, décédées un peu plus tard dans la même région, ont donné leur nom à deux autres localités, Escolives et Ste-Pallaye.

Le professeur Pierre NOUVEL, de l’Université de Besançon, partant de tous les rapports antérieurs, et les complétant par des reconnaissances aériennes – effectuées avec J.P. DELOR -, a publié dans le bulletin 2007 de la S.E.A., une carte restituant le tracé complet des « voies antiques de l’Avallonnais », carte reproduite ci-après avec son autorisation. Examinons-la:

La via Agrippa, N°1, la voie principale, conçue pour être rapide, traverse la région en diagonale par une suite de segments rectilignes Nous avions déjà remarqué, – noté ici « voie N°9 » – , le chemin qui passe tout près de Montillot, à la Duite, venant directement d’Asquins et rejoignant Brosses, et qui s’appelait sur le cadastre du début du 19ème siècle, le « Grand Chemin de Mailly-la-Ville à Vézelay ».

On voit aussi la « voie N°2 », qui, venant d’Autun par Domecy et Pierre-Perthuis, suit la vallée de la Cure entre Asquins et Sermizelles… ; et une autre qui, de Blannay, monte vers l’Ouest sur le plateau et rejoint Bois d’Arcy et Brosses.

Les voies antiques de l’avallonnais:
Voies N° 1, 1 bis, et 2, et voies N° 5, 6 et 9 desservant notre région.

Une carte très ancienne des voies de communication : la « Table de PEUTINGER ».

On dispose à la Bibliothèque Nationale Autrichienne de Vienne d’une copie faite au 13ème siècle par un moine de Colmar d’une « carte » romaine du 4ème siècle où figurent les routes et les villes principales de l’Empire romain…et même au-delà, vers l’Inde et la Chine. On l’appelle aussi « carte des étapes de Castirius », ou « Table théodosienne », par référence à Théodose, empereur romain du 4ème siècle.

La table complète est composée de 11 parchemins qui, mis bout à bout, forment une bande de près de 7 mètres de long sur 0,34m de large. L’échelle est exprimée, soit en milles romains ( 1478,50m), soit en «  lieues gauloises romanisées » (2222m).

Examinons la portion de « carte » ci-dessus, qui couvre notre région.

Notre « Via Agrippa » apparaît en bas à droite, avec une ville importante (représentée avec 2 tours ; c’est Augustodunum (Autun).

Un peu au dessus sur la droite, on voit Cabillione (Chalon-sur-Saône).

Partant vers la gauche on trouve Sidolocus (Saulieu) à 18 lieues, soit 40 km ; puis Aballo (Avallon), Autessiodurum (Auxerre), Baudritum (Bassou), Agetincum (Sens). Un grand bâtiment thermal est représenté, appelé Aquis Segeste, non identifié. A Auxerre, un embranchement nous emmène sur la droite de la Via Agrippa vers Eburobriga (Avrolles, village proche de St Florentin), puis Augustobona (Troyes) et un carrefour important, Riobe, identifié comme le village de Chateaubleau en Seine-et-Marne. De là, on peut rejoindre, soit Calagum (Chailly-en-Brie), soit Metegio (Melun), puis Luteci (Lutèce) et Brivaisara (Pontoise)… Dans le coin gauche, on trouve Avaricum (Bourges) et Ebimo (Nevers ?).

Les vestiges de constructions  (habitations et aménagements, monuments…)

Les Romains appelaient en latin « villa » un domaine foncier comportant des bâtiments d’exploitation agricole et d’habitation, construits en pierre. Des constructions plus ou moins importantes et luxueuses selon la richesse de leurs propriétaires ont donc progressivement remplacé les huttes en bois des Gaulois. L’abbé PARAT (1843-1931) dit en avoir repéré environ 300 dans l’Avallonnais, dont 40 sur le seul canton de Vézelay. « Il y en avait », écrit-il, « partout où il y a une terre fertile et de l’eau à proximité ». On a donc retrouvé des vestiges dans tous nos villages.

Certaines villas étaient plus luxueuses, telle la villa des Chagniats, à St Germain des Champs, avec 18 chambres, une citerne, des poteries, du marbre, une mosaïque de 9 mètres représentant des animaux et des fleurs (Musée d’Avallon)…

…ou  la villa  du Moulin Colas à Quarré-les-Tombes, avec aussi des mosaïques… ou des tuiles (ci-dessus).

Sur le territoire de la commune de Montillot et à proximité, l’abbé PARAT décrit les traces de plusieurs d’entre elles :

–       La « villa de Linières»  (Crot Toubon, près de la route du Vaudonjon) », reconnue par des  « pierres debout, tuiles ( les « tegulae », tuiles romaines à rebords), poteries diverses »

–       La « villa du Saulce », « chemin du lac Sauvin, climat dit des Tuileaux ou des Pierries, ruisseau, chemin ferré allant à la Fontaine Guinant (tarie), tuiles…» (lieu dit les osiers)

–       La « villa de Tameron », tuiles …

–       La « villa des Hérodats », près de ce hameau, « tuiles, briques, poteries, meule,… »

–       La « villa de Marot », « moulin, tout le long du vallon, nappes de scories, dites ferriers ou mâchefer ».

–       La « villa du Vaux Donjon », « en bas, sur la route, tuiles, poteries, médailles, bas-relief marbre, statuette de pierre homme assis » ( à voir aumusée du prieuré de St Jean les Bonshommes à Sauvigny le Bois).

L’abbé Parat

–       La « villa du champ des églises» tout près du Gué Pavé, côté Sud, sur le territoire d’Asquins, « étendue 5 arpents, nombreux blocs de pierre »…tuiles, poteries, colonne ornée de pampres… ». Ce site a été analysé avec précision au cours d’une Campagne française d’Archéologie aérienne à partir de 1970 (cf thèse de J.P. Delor en 1994).  P. Nouvel nous décrit  des bâtiments rectangulaires de 300 m Est-Ouest et plus de 100 m Nord-Sud, avec des systèmes d’adduction d’eau et un temple central.

Les monuments ou installations proches de la voie Agrippa.

Le temple de Mercure

C’est en 1822 qu’ont été fouillées les ruines d’un temple romain, sur la colline de Montmartre, dominant de 270 mètres  le village de Vault-de-Lugny et le hameau de Vermoiron. Elles ont été décrites en 1905 par M. Ernest PETIT, historien de la Bourgogne.

Il s’agissait d’un temple dédié au dieu Mercure, de forme carrée de 15m de côté environ, où l’on a trouvé des restes de statues en pierre et en marbre (Apollon, Minerve,…) et des pièces de monnaie correspondant aux règnes des empereurs des 3 premiers siècles de notre ère. Ce monument aurait été détruit vers 375, période du « renversement des idoles », sous le règne de Valentinien.

Saint-Moré-Chora et son «camp».

C’est l’historien romain Ammien Marcellin qui, vers 350,  mentionne pour la première fois le nom de Chora; pour désigner  une localité située sur la voie reliant  les 2 cités qui se sont appelées plus tard Autun et Auxerre. On admet aujourd’hui que ce mot, d’origine probable celtique, désignait la rivière appelée plus tard « Cure » et que les Romains ont donné ce même nom à leur place forte voisine.

C’est  au sommet de la colline de Villaucerre , à 110 mètres au-dessus de la vallée de la Cure, que l’on trouve en effet les restes d’une forteresse : muraille de 100 m de long et près de 3 m d’épaisseur avec 7 tours; fossé de 150 m de long et 10 à 15 m de large. Au-dessus, s’étend un plateau escarpé de 25 ha.

Les monnaies trouvées par l’abbé PARAT couvrent la période du 1er au 4ème siècle. Comme il a été ramassé sur le plateau des ossements, des galets, des silex, des poteries des époques de la pierre polie, du bronze et du fer, on a conclu, avec René LOUIS,  qu’il s’agit « d’une enceinte protohistorique restaurée et réoccupée à l’époque gallo-romaine », les légions romaines devant surveiller d’abord la construction de la voie, puis la circulation sur la via Agrippa. La date de la restauration des murailles est mal connue ; J.P. DELOR la situe au 3ème siècle.

Au pied de la colline et au bord de la rivière on a trouvé des vestiges de constructions de la même époque – pierres, poteries, tuiles, médailles…-. L’abbé Parat cite en particulier « la villa Cérès, dans l’enclos du château ; corps principal de 26 m de long, avec 8 salles, des dépendances bordant la Voie avec 7 chambres, une statue de l’Abondance assise (musée d’Avallon)… ». ; dans le cimetière, des tuiles, des sarcophages, une statuette de bronze de Vénus… ; un petit aqueduc, amenant l’eau d’une source de la colline voisine à une villa.

P. Nouvel nous indique que Chora-St Moré était un poste frontière entre 2 des 4 grandes régions administratives crées par Constantin, la Lyonnaise 1ère (autour de Lyon et des vallées de la Saône et de l’Allier, donc couvrant Autun et l’Avallonnais) et la Lyonnaise 4ème (autour de Sens et Orléans). « Les Sarmates, Germains intégrés comme militaires dans l’Empire romain, protégeaient les parcours fortifiés ».On pense que vient de là le nom de Sermizelles, apparu vers l’an 1200.

Le centre sidérurgique des « Ferrières près de Vézelay».

L’abbé LACROIX, qui a organisé à Vézelay en 1968 une exposition sur ce Centre, nous l’explique dans une notice:

Le plateau situé à 4 ou 5 km au Sud-Ouest de Vézelay ( sur la commune de Fontenay-sous Vézelay) est constitué, à sa partie supérieure « de 50 mètres de calcaires marneux et de marnes … le Baljacien Supérieur, dans lesquels s’intercalent de nombreux niveaux d’oolithes ferrugineuses » . L’extraction de ces pierres brunes, plus ou moins grosses, et leur traitement par fusion étaient faciles, et ont dû être effectués depuis fort longtemps. Mais une exploitation rationnelle a été organisée durant tout le 2ème siècle et au début du 3ème . Sur 25 ha, aux lieux-dits « Bois des Ferrières », « Bois du Fourneau », « Bois du Crot au Port », « Bois de la Souche Noire »…on a trouvé de nombreux vestiges de cette exploitation – 2000 ont été relevés aux Ferrières,  400 au Crot au Port…-,entonnoirs d’extraction, puits d’eau et d’argile, fosses de lavage, chemins ferriers…Après lavage, le minerai était concassé, puis mélangé au charbon de bois tiré du bois des forêts voisines, et introduit dans le four, une petite tour d’argile de 1,50 m de diamètre.. On a trouvé aussi les fondations de villas qui pouvaient servir de centre administratif., un sanctuaire au Crot au Port, avec un autel consacré au Dieu Mercure, des céramiques, des anses d’amphores venues du Sud de l’Andalousie…

Une loi romaine, la « Lex metallis dicta » réglait les conditions d’exploitation.

On a évalué à plusieurs milliers l’effectif du  personnel travaillant aux mines sur ce centre -esclaves et  prisonniers –

Notons, – encore plus près de Montillot -, que l’Abbé PARAT a fait en 1906 une conférence intitulée « la métallurgie ancienne dans la vallée de Brosses » : il avait en effet mis en évidence des « ferriers », tas de scories tout à fait semblables à ceux de Vézelay, « tout le long de la vallée, depuis l’étang de Marot jusqu’à Vau-Coupeau ».

Et si, sur Montillot même, on ne trouve pas trace d’une exploitation ancienne, les pierres brunes ramassées dans les champs au cours des siècles sont très visibles au sein des murs de pierres sèches…

Les Fontaines Salées

Nous avons déjà signalé que les premières découvertes de René LOUIS en 1934 sur ce site proche de Saint-Père portaient sur les vestiges d’un établissement thermal gallo-romain. Il a été ensuite démontré que ces sources – chaudes ( environ 15°) et très minéralisées (environ 10g par litre) – avaient été exploitées pour leur sel dès la plus haute antiquité.

René Louis

Dès le 1er siècle après J.C. débuta la construction d’un établissement typiquement romain, qui fut agrandi au 2ème siècle.  La partie Nord était réservée aux hommes et la partie sud aux femmes.

On peut y reconnaître vestiaires, salles de transpiration, bains chauds par aspersion ou immersion, bains tièdes, bains froids, cour entourée de portiques (palestres) destinée aux exercices gymniques …

On pense que les « clients », aussi bien pour les bains que pour le sel,  venaient de la cité voisine , le « vicus Vercellacus » bâtie au pied de la colline du futur Vézelay  ( très probablement à l’emplacement du St Père actuel), mais aussi du centre sidérurgique des Ferrières auquel le reliait une voie directe.

Les fontaines salées

Epoque Gallo-Romaine (II)

Administration

N-B: Dans la suite du texte, nous nous réfèrerons fréquemment à l’ « Histoire de France » pour rappeler les évènements nationaux qui pouvaient avoir une répercussion locale et pour préciser à chaque époque les structures administratives dont dépendaient Montillot et ses environs. Dans le souci de faciliter la compréhension des évènements rapportés, toutes les localités citées le seront sous leur nom actuel.

César, en décrivant la Gaule, partageait ses peuples en Celtes, Aquitains et Belges.

Auguste, a poursuivi sur ce modèle l’organisation en « provinces impériales » commencée avec la Narbonnaise, en y ajoutant les Gaules (Belgique, Aquitaine et Lyonnaise), avec pour capitales respectives, Reims, Saintes et Lyon. Chaque province était en principe autonome et dirigée par un légat et un gouverneur, assistés de notables gaulois.

Vers +300, Dioclétien, puis Constantin,  redivisent ces provinces en 2 à 4 parties. Notre Gaule-Lyonnaise donnera la Lyonnaise 1ère, – autour des vallées de la Saône et de l’Allier, incluant Autun, Avallon, et Auxerre, avec Lyon pour capitale-, la Lyonnaise 2ème, capitale Rouen; la Lyonnaise 3ème , capitale Tours, et la Lyonnaise 4ème, capitale Sens, comprenant Orléans et le Sud de l’Ile-de-France. Nous avons vu que St Moré devait être à la frontière de la 1ère et de la 4ème.

Dioclétien, Constantin

Les Romains encouragent la création de villes (les « urbs » gallo-romaines),  relais du pouvoir. Dès 15 av. JC, Auguste avait créé Autun (Augustodunum) « sœur et émule de Rome », avec une enceinte, des portes monumentales et un théâtre romain. Une école de rhétorique y fut fondée, et, très tôt, y sont venus des étudiants de tout l’Empire.

L’« urbs » assurait le contrôle politique et religieux d’un territoire appelé  « civitas », la cité. La carte des voies romaines  présentée dans le texte ci-dessus, indique les limites approximatives des « cités » d’Auxerre et d’Autun. On voit que dans notre région la « ligne-frontière » moyenne irait de Châtel-Censoir à Joux-la-Ville, en passant par Bois d’Arcy et St Moré.

En fait, la ville proche la plus importante a d’abord été Sens ( un aqueduc y allait chercher l’eau de la ville dans la vallée de la Vanne).

Auxerre, bourgade gauloise sur les bords de l’Yonne ( « Dea Icauna »), a pris de l’importance lorsqu’elle a été traversée par la voie Agrippa, si bien qu’elle fut détachée de la cité de Sens vers l’an 300 par Dioclétien, et érigée en chef-lieu de cité (« Autessiodurum »).

Le « pagus » (devenu plus tard le « pays ») était une circonscription de la « cité »,  proche en surface de notre « canton ». Un exemple :  le « Pagus Avalensis » autour d’Avallon, à l’intérieur de la cité d’Autun. Sur son socle granitique, « Aballo » – nommée ainsi sur une monnaie des Eduens – fut auparavant un « oppidum » ( ou un simple « castrum » ?) gaulois. Au cours de travaux d’adduction d’eau en 1848, on a mis au jour dans les tranchées de la rue qui allait de la Tour d’Horloge à la place du Marché, cinq tombeaux de pierre avec des monnaies du Haut Empire (Auguste et Tibère).

D’après BAUDOUIN, le pagus d’Avallon s’étendait,-  sur la carte actuelle de notre région -, de Noyers à Corbigny et de Rouvray à Châtel-Censoir. Ce dernier village était alors un autre « castrum » de la région.  E.PALLIER nous l’explique : il « est situé sur une espèce de promontoire abrupt, entre 2 vallées profondes, celle de l’Yonne à l’Ouest et celle du ruisseau d’Ausson à l’Est ; ces deux cours d’eau, en se réunissant au pied de la montagne, forment la défense naturelle du fort » …dont il ne reste qu’une grosse tour et des pans de vieilles murailles ». Des monnaies de toutes les époques ont prouvé un séjour prolongé des Romains depuis les premiers empereurs.

A l’intérieur du « pagus », on trouvait de petites agglomérations rurales appelées « vici »  – « vicus » au singulier -,  constituées souvent autour d’une riche villa, dont le nom du propriétaire était joint à celui du « vicus ». Exemples:  le « Vicus-Vercellacus » – futur Saint-Père -, et le « Vicus-Scoliva » – futur Escolives, village déjà cité, situé à 10 km au Sud d’Auxerre, où l’on a découvert à partir de 1955 des vestiges datant du néolithique jusqu’à la période mérovingienne -.Tous les deux avaient leurs thermes…

La Gaule étant intégrée dans l’Empire romain, son sol est devenu propriété du peuple romain (« ager publicus »). Les Gaulois indigènes payent l’impôt ; l’ensemble du territoire a donc été cadastré dès le premier siècle.

Agriculture

Les Romains ont apporté avec eux leur organisation et les traditions issues de plusieurs siècles d’expériences au Moyen Orient  (particulièrement des Egyptiens et des Chaldéens).

Selon l’abbé PARAT d’après PLINE, «  les Gaulois avaient la charrue (« araire ») et connaissaient la chaux en amendements ». Avec les Romains, ils ont ajouté le soc en fer,  utilisé les engrais verts et mis en place la rotation biennale des cultures.

Selon le Romain PALLADIUS dans son traité « opus agriculturae », ils moissonnaient sur les terrains plats du Nord-Est de la Gaule avec des « vallus », chacun de ces véhicules étant poussé par un bœuf et constitué d’un plateau sur roues muni à l’avant de dents à hauteur des épis.

On a recherché les traces les plus anciennes de culture de la vigne dans la future Bourgogne. Les Grecs auraient introduit cette culture en Gaule dès la fondation de Marseille, vers -600 av JC ; culture longtemps limitée à la proximité du littoral. Mais le vin, amené en grande quantité par voie maritime dans toute la Gaule par des marchands venus des cités étrusques, était aussi très apprécié par les riches Gaulois…et payé soit en deniers soit par échange d’esclaves ( une amphore pour un esclave, d’après Diodore de Sicile !). Après la conquête, la production s’accrut, mais concurrençant les vins italiens, elle  fut interdite par l’empereur Probus en  92 ap JC. Il fallut attendre 2 siècles – vers 280 ap JC-, pour que Domitien, devant la menace d’invasions barbares flatte les Gaulois en autorisant à nouveau la plantation de vignes . D’où le développement des vignobles dans le Languedoc, le Bordelais, la vallée du Rhône et jusqu’à la région parisienne. Les Gaulois ont amélioré les techniques de vieillissement, les tonneaux et les cuves en bois de chêne remplaçant peu à peu les amphores.

Une allusion à un vignoble proche de la vallée de la Saône apparaît dans un discours prononcé vers 310 par Eumène, un rhéteur romain : il parle du « Pagus Arebrignus », où des vignes ont été dévastées lors des invasions barbares, vignes qui s’étendaient dans la plaine jusqu’à la Saône. Ce « pagus » a été reconnu comme situé dans la zone actuelle de Nuits et Beaune.

Et au 6ème siècle, Grégoire de Tours, évêque et historien, parlant de Dijon – alors « Divio », métropole des Lingons, écrit : «  du côté de l’Occident sont des montagnes très fertiles, couvertes de vignes ».

A Gevray-Chambertin en 2008, des fouilles ont fait apparaître la trace de 120 ceps, et de nombreux pépins conservés et identifiables.

Plus près de nous, à Escolives, un bloc de pierre couvert de frises représente des vendangeurs ailés, l’un d’eux disposant des grappes dans un panier d’osier. 
On y reconnaîtrait le cépage du « plant de César », qui existe encore aujourd’hui. La région d’Auxerre était donc déjà connue pour ses vins.

Vézelay, en 1689, on aurait trouvé sous l’église St Etienne les vestiges d’un temple dédié à Bacchus, et à  Asquins, un sarcophage décoré de pampres et de grappesAu musée d’Avallon, on peut voir des raisins ornant des monuments funéraires des 1er et 2ème siècles.

Epoque Gallo-Romaine (III): Les débuts du christianisme

Les premiers chrétiens vivaient au 1er siècle en Palestine, province romaine peuplée surtout par des Juifs. A la suite des « Apôtres » propageant la « Bonne nouvelle » écrite vers la fin du 1er siècle dans le « Nouveau Testament », ils se dirigent vers l’Ouest .S’organisant en groupes structurés, ils créent des « églises » locales à Antioche  – dont Pierre aurait été le premier évêque -, Damas, Césarée…puis ils gagnent Rome. Les Romains, jusque là assez tolérants à l’égard des autres religions, s’irritent de voir les Chrétiens refuser de participer au culte impérial. On méprise une religion qui se répand d’abord parmi les pauvres et les esclaves…Tacite, sénateur romain et historien, les accusait de « haine pour le genre humain ». Pourtant, malgré les persécutions, le christianisme continue à se diffuser. Au début de l’occupation , les Gaulois avaient adopté les Dieux romains. Et pourtant, c’est dans les centres de la religion d’Etat que se propage la nouvelle religion : Lyon, Autun, Bordeaux. Une communauté chrétienne aurait existé dès 177 à Autun. La même année, Pothain, plus de 90 ans, venu de Smyrne, premier évêque de Lyon, la jeune esclave Blandine, et leurs compagnons auraient été arrêtés et martyrisés sur l’ordre de Marc-Aurèle. Le prêtre Irénée, lui aussi de langue et de culture grecque, lui a succédé. Théologien, il s’est consacré à la formation de missionnaires pour l’évangélisation de la région, créant en particulier les diocèses de Vienne et Besançon. Lui aussi aurait été martyrisé à Lyon vers 202, victime d’un édit de persécution de Septime Sévère. Des « vagues » de persécutions sont signalées en 257 et 288 sous Valérien, et en 303 sous Dioclétien.

Dans nos régions, on cite  le martyre de Reine, qui faisait paître ses moutons au pied du Mont Auxois, et fut suppliciée par le consul Olibrius en 253 …celui d’Andoche, tué en 177 avec ses compagnons sur la route de Saulieu, et devenu « patron » de cette ville ;…en 274, celui de Colombe, qui avait fui l’Espagne à cause des persécutions et rejoint la communauté chrétienne de Sens  …toujours à Sens, deux évêques successifs venus de Rome, Savinien, décapité à la hache, et Potentien, exécuté en 241. Ce dernier devint « patron » de Châtel-Censoir où il aurait précédemment accompli des miracles..…En 303, Pèlerin, citoyen romain venu évangéliser Auxerre, fut martyrisé à Entrains ; il avait élevé la toute première église de sa ville.

Après Dioclétien, Constantin ne prit le pouvoir qu’après une longue période d’anarchie. Selon la tradition chrétienne, après des songes prémonitoires et des visions, il accorda en 313 par l’Edit de Milan la liberté de culte « aux chrétiens et à tous les autres »… « de telle sorte que ce qu’il peut y avoir de divinité et de pouvoir céleste puisse nous être bienveillant ». Il reçut le baptême sur son lit de mort en 337.  L’un de ses successeurs, Théodose 1er, institua en 380 le christianisme comme seule religion officielle, et interdit les cultes païens. Des évêques s’installent dans chacune des cités de l’Empire et y établissent leur siège. Les conciles de Nicée en 326 et de Chalcédoine en 451 ont recommandé de faire coïncider les limites des diocèses et des circonscriptions civiles.

Théodose 1r

Nota : il est intéressant de constater le respect de ce principe au cours des siècles suivants ;  la frontière approximative des cités eduens d’Auxerre  et Autun présentée plus haut sur la carte des voies romaines, reste sensiblement la même pour les diocèses au 5ème siècle et les comtés du 9ème… Et aujourd’hui, nous constatons que Châtel-Censoir, Brosses, Montillot, Voutenay, Blannay, Sermizelles, font partie de l’arrondissement d’Avallon… tandis que les communes limitrophes vers le Nord, Merry, Mailly-la-Ville, Bois d’Arcy, Arcy … sont dans l’arrondissement d’Auxerre.

Fin de la « paix romaine ». Révoltes et  invasions. Fin de l’Empire romain

A partir du 1er siècle, les cours supérieurs du Rhin et du Danube ont constitué  la frontière entre la Gaule romaine et les peuples germaniques. Ceux-ci, tribus peu évoluées , batailleuses et souvent rivales, se déplaçaient sans cesse  en quête de terres nouvelles.

Dès le 2ème siècle, Marc-Aurèle, empereur de 161 à 180 ( et aussi philosophe stoïcien !), avait dû combattre les Parthes qui avaient envahi les provinces orientales de l’Empire, puis d’autres peuplades qui menaçaient le Nord de l’Italie. Des fortifications ont été construites  aux frontières,- formant le « limes » de Germanie – (qui s’est étendu jusqu’au Nord de l’Angleterre), quelquefois défendu avec l’aide de tribus voisines qui avaient accepté de se « fédérer » avec l’Empire romain.

Au début du 3ème siècle, ce sont les Alamans qui menacent le limes de Germanie à la charnière entre Rhin et Danube. ; ils sont repoussés par Caracalla en 236. En 258  (ou en 276 ?…), ils franchissent à nouveau le limes Rhin-Danube, débouchent par les Vosges, le Jura et les Alpes, et « lancent des raids dévastateurs en Gaule, Espagne et Italie ». C’est à cette époque qu’Auxerre a été incendiée et pillée, et que nos historiens situent la destruction des établissements thermaux des Fontaines Salées. ( Au siècle suivant des paysans « sauniers » exploitent le sel par évaporation et préparent des saumures, mais les thermes ne sont pas remis en service ). Les paysans s’enfuient dans les forêts des alentours. Les plus aisés enfouissent leur petite fortune, qu’ils n’ont jamais pu  récupérer, d’où les « trésors » retrouvés beaucoup plus tard… Dans la même période, Autun subit un siège de 7 mois et fut détruite ; selon les sources, auraient été impliqués, soit Victorinus, un officier romain ayant usurpé le titre d’empereur, soit les Bagaudes, bandes de brigands, de soldats déserteurs et de paysans révoltés contre la pression fiscale… Constantin a fait reconstruire la ville au siècle suivant. Le rhéteur Eumène évoque en 297 dans les campagnes au Nord d’Autun « ruines, terres en friche, vignes abandonnées ».

Les campagnes se sont  succédé aux 3ème et 4ème siècles pour refouler les envahisseurs, mais à la fin du 4ème, « l’Empire va succomber sous un assaut généralisé ». Les Huns, venant d’Asie Centrale, franchissent la Volga vers 374 et refoulent vers l’Ouest les peuples germains, les Wisigoths venant d’Asie Mineure, puis les Francs, les Burgondes, les Vandales, les Alains ; les Suèves qui franchissent le Rhin gelé en décembre 406. En 451 les Romains et les Germains – essentiellement Wisigoths, Burgondes et Francs (conduits, dit-on, par Mérovée)  – unissent leurs forces sous le commandement d’Aetius et repoussent les Huns aux Champs Catalauniques, près de Troyes. Auparavant, Attila avait ravagé tout le Nord de la Gaule, incendié Metz, détruit Reims, saccagé Auxerre, mais abandonné devant Paris et Orléans.

Cependant le pouvoir impérial s’affaiblit ; depuis 395, l’Empire romain était en 2 parties, Orient et Occident. Les Germains se sont intégrés de plus en plus dans les populations. Fournissant des soldats, ils ont obtenu des fonctions importantes dans l’administration et dans l’armée romaines.. Les empereurs commencent par quitter Rome pour Ravenne, et en 476, un chef germain devenu général romain, Odaocre, dépose le dernier empereur Romulus Augustule.

Les Royaumes Barbares

« Sur les ruines de l’Empire romain d’Occident sont apparus des royaumes fondés par les Germains » .(Hist. Girard). Ces peuples, qui avaient leurs propres rois, ont pris de plus en plus d’importance et l’Empire leur a progressivement abandonné les territoires qu’ils occupaient : la Gaule du Nord-Est aux Francs, le sillon Rhodanien, entre la Loire et la Suisse, aux Burgondes, l’Aquitaine et l’Espagne aux Wisigoths, Alsace et Suisse aux Alamans, Italie aux Ostrogoths. Dans le Nord-Ouest de la Gaule, entre Loire et Somme, « régnait » Syagrius , un général romain. Après 476, ces royaumes deviennent autonomes…et donc rivaux.

Après 476, ces royaumes deviennent autonomes…et donc rivaux

En 481Clovis, petit-fils de Mérovée, devient roi des Francs Saliens. N’hésitant pas à éliminer  les obstacles par tous moyens, et disposant de troupes aguerries, il réussit en 30 ans à agrandir considérablement son royaume, annexant après combats le royaume de Syagrius et une partie de celui des Wisigoths ( jusqu’aux Pyrénées), et repoussant Burgondes et Alamans.

Entre 492 et 500, il épouse Clotilde, princesse burgonde chrétienne, et il reçoit lui-même le baptême vers l’an 500. Il aura par la suite le soutien des évêques…Il est mort en novembre 511 à 45 ans.

Au commencement était la Burgondie

Pline l’Ancien localisait le peuple burgonde au 1er siècle près de l’Oder et de la Vistule. C’est un peuple Arien. Attaqués par un peuple voisin vers 250, les Burgondes partent vers l’Ouest. En 270, ils sont sur l’Elbe. Au 4ème siècle, ils séjournent dans la vallée du Main, et s’allient aux Romains contre les Alamans. En 407, ils participent à l’invasion de la Gaule, et aux saccages des villes de Mayence et Worms, mais ils restent ensuite près de la rive gauche du Rhin, de Mayence à Strasbourg. Entretenant des relations étroites avec les Romains et les nobles gaulois locaux, ils auraient reçu en 413 une zone située près du Rhin (par « foedus », traité signé avec Rome). Mais vers 437, leur armée est anéantie, probablement par les Huns ; les survivants sont accueillis près de Genève, et en 443 un territoire plus important situé autour du lac Léman ( la « Sapaudie », « pays des sapins », future Savoie) leur est confié par Aetius, avec le statut de « peuple fédéré » et la mission de défendre la frontière contre les Alamans. Les chefs des Burgondes sont alors deux frères, Gondloc et Chilpéric l’Ancien, rois tous les deux et installés à Genève. En 451, les Burgondes ont participé à la bataille des Champs Catalauniques et à la victoire sur les Huns.

Vers 457, à la suite de négociations avec des sénateurs gaulois qui cherchaient à se soustraire à l’autorité vacillante de l’Empire romain, et après s’être assurés de la non-opposition de Théodoric, roi des Wisigoths,  les deux rois étendent notablement le territoire burgonde, vers le Nord en prenant les cités de Lyon, Chalon, Autun, Besançon, Langres, vers le Sud avec Grenoble, le Valais et la Tarentaise.

Une deuxième « vague », dont les circonstances restent « floues », eut lieu de 469 à 475 et aboutit à l’extension du territoire burgonde vers Valence, Orange, Avignon, Cavaillon, Gap, Embrun, Sisteron…

Vers 470, la royauté burgonde est partagée entre deux frères, Gondebaud, siégeant à Lyon, pour la partie Sud et Gondegisèle, siégeant à Genève, pour la partie Nord.

Vers 500, Godegisèle obtient l’aide de Clovis, roi des Francs pour combattre son frère et s’emparer de son royaume. Une bataille a lieu sous les murs du castrum de Dijon. Gondebaud, d’abord battu, s’enfuit à Avignon, dont Clovis fait le siège; mais s’étant allié entre temps au roi des Wisigoths, il sort finalement vainqueur et tue son frère.

Devenu seul maître de la Burgondie, il se rapproche de Clovis. Là se situe un évènement local, évoqué ci-dessous…

La rencontre entre Gondebaud et Clovis 1er sur la Cure

Cet évènement nous est révélé comme un épisode de la vie de Saint-Eptade (« Vita Eptadi »); Eptade , d’abord fonctionnaire de la ville d’Autun, devint prêtre  et se consacra aux pauvres et aux prisonniers. Sa conduite édifiante avait attiré l’attention de Clovis. D’après la traduction de K ;Escher dans son ouvrage « les Burgondes » , « … A l’époque où sur les bords du fleuve Cure deux rois puissants se réunissent pour faire la paix, ….le très excellent roi des Francs Clovis demanda au roi Gondebaud de lui accorder d’ordonner évêque pour sa cité d’Auxerre ce très saint homme Eptade… »

Gondebaud

Selon la coutume, la rencontre aurait eu lieu «  aux limites respectives de leurs royaumes entre les évêchés d’Auxerre et d’Autun »…et sur une île ( ?) de la Cure , d’après l’ouvrage intitulé « Clovis, l’homme ». de Claude Begat, auteur moderne de « récits historiques ». ,On pourrait donc situer cette rencontre sur notre rivière , quelque part entre Arcy et Voutenay, vers l’an 500…

 Selon certains historiens, la conversation aurait aussi porté sur d’autres sujets plus importants, – conflits frontaliers, projets d’alliances…-. Quant à Eptade, il aurait refusé par modestie la fonction d’évêque, serait parti dans la forêt et aurait créé le monastère de Cervon, près de Corbigny, dans la Nièvre…

Suite et fin de l’histoire de la Bourgondie

Notons que vers 495 ( à quelques années près selon les auteurs…), Clovis avait épousé Clotilde, nièce de Gondebaud. C’est elle qui remplace l’oratoire où Germain avait choisi de reposer à Auxerre en 448 par une abbaye qu’elle lui dédie.

La Reine Clotilde, Jardins du Luxembourg, Paris

En 507, Gondebaud est allié à Clovis  dans sa campagne contre les Wisigoths. Après leur victoire à Vouillé, près de Poitiers, l’immense territoire des Wisigoths tombe aux mains du roi des Francs. Clovis et Gondebaud arrivent à Toulouse au printemps 508. Mais après d’autres combats, la Provence, visée par Gondebaud, reste aux mains de Théodoric, roi des Ostrogoths ( qui occupent alors le Nord de l’Italie).

A l’intérieur de son royaume, Gondebaud a toujours cherché à rapprocher les deux ethnies, burgonde et gallo-romaine. La « loi Gombette » au début des années 500, établit les règles d’ « hospitalité », le mode de répartition des terres et se distingue particulièrement par l’hommage rendu à l’autorité de la mère.

Clodomir, fils de Clovis, sur un fond de querelles familiales et dans un esprit de vengeance suite à des assassinats antérieurs, attaque Sigismond, fils de Gondebaud (mort en 516), mais il est tué dans l’Isère en 524. Ses frères reprennent la guerre et en 534, le royaume des Burgondes s’écroule et est partagé par les Francs entre trois frères, Théodebert, Childebert et Clotaire. La partie au Sud de Grenoble est annexée par les Ostrogoths…

Pour les historiens, la cohésion entre les deux ethnies était devenue telle qu’un «état d’esprit bourguignon» s’était créé.

Le royaume burgonde s’était évanoui, mais la Bourgogne était née.

Les rois Mérovingiens

Suite de l’histoire des Francs  (réf : Coll. Histoire L.Girard)

Après Clovis, les rois francs forment la dynastie des  Mérovingiens, dont les membres se succèdent héréditairement, les fils se partageant les territoires du père. Ils règnent en souverains absolus « La Gaule mérovingienne est un pays barbare, où les bienfaits de la paix romaine sont à peine des souvenirs. Les villes ne sont plus que des bourgades en un temps où le commerce est presque inexistant, où la terre est devenue la seule forme de richesse »… « Les rois vivent dans de frustes palais de bois dont rien ne s’est conservé » . « en fait d’objets d’art, cette époque n’a laissé que de riches bijoux et des armes ciselées  ». La seule œuvre littéraire de cette époque qui nous soit parvenue fut rédigée en latin ancien par l’évêque Grégoire de Tours (539-594) dans un ouvrage intitulé « Dix livres d’histoire » (allant de la Création du Monde à 591…) ou bien « Histoire des Francs ». Certains épisodes furent dans les mémoires de nombreux écoliers : le sacre et le baptême de Clovis, l’anecdote du vase de Soissons, l’histoire de Frédégonde et Brunehaut .

Quelques rappels pour le décor … En 511, à la mort de Clovis, 4 royaumes, de capitales Reims, Soissons, Paris et Orléans, sont attribués selon la coutume franque, à ses 4 fils. En 558, seul Clotaire 1er survit ; il peut donc réunifier le royaume. Mais à sa mort en 561, nouveau partage en 4 parties:

– le « royaume de Paris » (ci-joint  en rose), de la Somme aux Pyrénées, avec le Bassin Parisien, dont Sens plus une partie de la Provence, à Caribert.

– la Neustrie (en jaune), capitale Soissons, avec Arras, Cambrai et Tournai, à Chilpéric.

– l’Austrasie  (en bleu), capitale Reims, en 2 parties : au Sud, l’Auvergne ; au N-E, Metz, Strasbourg, Cologne et au-delà du Rhin jusqu’à la Saxe et la Thuringe…à Sigibert.

– le « royaume d’Orléans » (en vert), ex-Burgondie, comprenant Orléans, Bourges et Troyes, avec la Bourgogne conquise entre temps, dont Auxerre, Nevers, Autun, Besançon, Sion, Genève, Gap…à Gontran.

Sigibert épouse en 566 Brunehaut (env 547-613), née en Andalousie, fille d’un roi wisigoth. Son frère Chilpéric, – vivant avec Frédégonde, une servante qui aspire à devenir reine -, est jaloux de ce mariage princier et épouse la sœur de Brunehaut. Cette nouvelle épouse meurt, étranglée dans son lit et Chilpéric épouse Frédégonde… Brunehaut veut venger sa sœur et de l’affrontement entre les deux reines résulte une guerre entre Neustrie et Austrasie, à laquelle participent les autres royaumes, soit « trente ans de rivalités et de crimes »… Frédégonde morte en 597, c’est Clotaire II, roi de Neustrie, fils de Chilpéric et Frédégonde, qui met fin à ces luttes fratricides en prenant le dessus sur Brunehaut . Rejetée par les nobles d’Austrasie. elle est arrêtée, jugée, suppliciée pendant trois jours et meurt attachée par les cheveux, un bras et une jambe à la queue d’un cheval sauvage … en 613 à Renève (Côte d’Or) à 30 km à l’est de Dijon. Clotaire II, ayant conquis l’Austrasie et la Bourgogne, règne ensuite sur l’ensemble du royaume franc, jusqu’à 629. Son fils Dagobert 1er (env.603 à 639) lui succède et règne de 629 à 639.

Quelques détails sur Brunehaut et notre région

En 589, Brunehaut et l’évêque d’Autun Syagre ont créé, sur les ruines de temples païens, 3 abbayes royales dans les faubourgs d’Autun. L’abbaye St Martin d’Autun devant accueillir 300 moines bénédictains, Brunehaut la dota d’importants domaines, situés en différents endroits, dont Avallon. M ;Max QUANTIN, dans un article paru dans le B.S.S.Y. de 1875, intitulé « Avallon aux 12ème et 13ème siècles », nous signale qu’à cette époque, l’abbaye de St Martin d’Autun était « seigneur du bourg St Martin d’Avallon, d’Annéot, de Girolles et de Tharot ». Aujourd’hui, il ne reste du château de Girolles que l’un des côtés d’une tour carrée, qu’on appelle encore la « Tour Brunehaut ».

Brunehaut

Son buste est présent sur le blason des Chastellux depuis le début du XVe siècle.

La fin des Mérovingiens

Sous les Mérovingiens, le pouvoir royal passe progressivement entre les mains des « maires du Palais ». Initialement intendants des domaines du Roi, ils sont devenus ducs, ministres, puis chefs des armées. ; ils font et défont les rois de la famille mérovingienne à leur guise… Childéric II déjà, était ainsi assisté des « Ducs » de Neustrie, d’Austrasie et de Bourgogne. Dagobert, secondé par d’excellents conseillers, Saint Eloi et Saint Ouen, recouvre un peu de l’autorité royale perdue par son père et réforme l’administration. Vers 628-630, il fait une grande tournée en Bourgogne, – par Langres, Dijon, Chalon, Autun, Auxerre, Sens…-, « en rendant la justice au nom de Dieu à chaque étape » Mais à sa mort, ses enfants ayant 4 et 8 ans, le pouvoir des maires du Palais s’accroît à nouveau ; ils se disputent le pouvoir. Finalement, celui d’Austrasie, Pepin de Herstal, triomphe et gouverne sous 3 rois successifs, jusqu’à sa mort en 714. L’un de ses fils  Charles, appelé plus tard Charles Martel ( env. 690 à 741) lui succède en 717 après une période trouble, et prend  petit à petit le contrôle des 3 royaumes francs, …sous 3 rois successifs. Il étendra aussi le  territoire vers l’Est, conquérant l’Autriche et le Sud de l’Allemagne de 720 à 730 et, de plus, après sa victoire contre les Arabes il apparaîtra comme le « sauveur de la chrétienté ».

Invasion des Musulmans

Mahomet (env. 570 à 632), d’abord berger et caravanier, « révéla » en Arabie une nouvelle religion, l’Islam ( « soumission »…aux volontés de Dieu), avec un « livre saint », le Coran ; et descroyants, les Musulmans. Ses successeurs, ou « Califes » « ont encouragé la diffusion de la foi nouvelle par la Guerre Sainte ». De 632 à 661, les Arabes ont conquis le Proche-Orient, – Syrie, Mésopotamie, Perse, Egypte…-.Puis, vers l’Est , l’inde et le Turkistan, et vers l’Ouest, l’Afrique du Nord, puis l’Espagne en 711, où ils  battent les Wisigoths, en place depuis 3 siècles.

En 720, ils mettent le pied sur la terre franque et prennent Narbonne. En 721, le comte Eudes les bat à Toulouse, mais ils progressent en Aquitaine et se dirigent vers la Loire. De 725 à 731, ils remontent le Rhône et la Saône, atteignant et pillant Mâcon , Chalon, Autun ( en 731 ( ?), les monastères sont saccagés), Dijon, Besançon. Saulieu, Auxerre ( où les monastères construits récemment sont détruits). Repoussés à Sens par l’évêque Ebbon,- originaire de Tonnerre -, ils rebroussent chemin vers la Bourgogne et continuent leurs ravages. Heureusement, le 25 octobre 732, le Maire du Palais Charles  remporte contre eux une victoire décisive  près de Poitiers. Le chef des troupes musulmanes (on disait aussi les ‘Sarrazins ») est mort au cours de ce combat. C’est après cette bataille que Charles aurait été surnommé « Martel » ( le marteau)…

Mais les combats n’étaient pas terminés : les Musulmans prennent Avignon et Arles en 735 et remontent vers la Bourgogne. Charles Martel les refoule vers le sud de la vallée du Rhône en 736. Persuadé que les Grands de Bourgogne n’ont pas opposé une résistance sérieuse aux Sarrasins, Charles annexe l’Auxerrois et s’empare des richesses de l’Eglise (l’évêque d’Auxerre ne récupèrera sa souveraineté sur les établissements religieux qu’au 9ème siècle). « Son frère Childebrand exercera une fonction ducale en Bourgogne et en Provence jusqu’en 739 »…       

Les rois Carolingiens

« A ce sauveur de la chrétienté succède Pépin le Bref – le Petit –» (son fils)…Il dépose Childeric III, le dernier roi mérovingien qu’il avait « installé » en 743, le fait tonsurer et enfermer dans un monastère. Puis, avec l’autorisation du pape Zacharie, il prend « le titre de roi des Francs par la grâce de Dieu » et se fait sacrer une première fois par l’évêque de Mayence, Boniface en 751, et une 2ème fois par le pape Etienne II en 754 à St Denis. C’est la naissance de la dynastie carolingienne. En 771, à Pépin le Bref, époux de « Berthe au grand Pied », succède son fils Charles 1er, dit « le Grand » ou Carolus Magnus, ou Charlemagne (742-814). « vigoureux, énergique, chasseur infatigable, remarquable guerrier, administrateur avisé… »

Après plusieurs campagnes… contre les Lombards en Italie du Nord, à la demande du pape en 774, contre les Saxons au delà du Rhin de 772 à 804, contre les Musulmans d’Espagne en 778 ( cf épisode de Roncevaux, où, d’après Courtépée, furent tués le 15 août, de nombreux Bourguignons, dont Guy de Bourgogne, comte de Langres, Olivier de Vienne et Samson, gouverneur de la 1ère Lyonnaise) et contre les Avars et les Slaves de Bohême…

…les frontières du royaume franc sont repoussées au Nord-Est jusqu’à l’Elbe et au Danube, au Sud-Est jusqu’au-delà de Rome, au Sud-Ouest au-delà des Pyrénées («  Marche d’Espagne »).

Charlemagne et son sceau

Le 25 décembre 800, il est couronné Empereur d’Occident par le pape Léon III.

Le territoire a été partagé en 200 comtés.

Les comtes étaient de hauts fonctionnaires représentant le souverain, publiant ses décisions et levant les impôts. En Bourgogne des comtes ont été nommés à Autun, Avallon, Auxerre, Besançon, Chalon, Mâcon, Nevers… « Comtés et évêchés couvrent en général le même territoire, correspondant aux anciens  pagis gallo-romains ».

A la mort de Charlemagne en 814, son fils Louis le Pieux (778-840) lui succède. Dès 817, il procède a un partage entre ses 3 fils, Lothaire, désigné comme cogérant de l’Empire et futur Empereur, Pépin et Louis qui, avec  l’Aquitaine pour l’un et la Bavière pour l’autre sont d’ores et déjà mécontents…

Devenu veuf, Louis se remarie et a en 823 un garçon, le futur Charles le Chauve (823-877), qu’il introduit dans la succession en 829. Les mécontentements s’accentuent, et après des années de luttes entre les différents clans, sous formes de guerres civiles, d’accords dénoncés, d’enlèvements et et d’assassinats, a lieu le 25 juin 841 à Fontenoy-en-Puisaye (près de St Sauveur dans l’Yonne), une bataille qui oppose Lothaire à Louis  (le ‘Germanique ») et Charles (le Chauve). Les alliances locales sont disparates : les comtes Ermenaud d’Auxerre, Arnoul de Sens, Girard de Paris et l’évêque Audri d’Autun, sont avec Lothaire, et se sont retrouvés à Auxerre avant la bataille ; tandis que Aubert d’Avallon, Guérin de Provence, – comte d’Autun, de Mâcon et d’Auxois -, et l’évêque de Langres sont avec Charles.

Charles et Louis sont victorieux, mais des batailles reprennent près de Strasbourg puis de Coblence… Finalement, un traité de partage de l’Empire est conclu à Verdun en août 843 : la partie Ouest, de Pyrénées à la Belgique ira à Charles, la partie Est, de la Saxe à la Bavière, à Louis, et la partie Centrale, jusqu’à l’Italie du Nord, à Lothaire.

La Bourgogne se trouve partagée en 2 par la Saône,  Bourgogne franque et  Bourgogne germanique, futurs duché et comté de Bourgogne (puis « Franche-Comté »). Les comtés de Chalon, Mâcon, Autun, Nevers, Auxerre, Sens, Tonnerre, Avallon….sont rattachés à Charles le Chauve, dans la « Francie occidentale ».

Charles II le Chauve, petit-fils de Charlemagne, est sacré roi de Francie le 8 juin 848 à Orléans par l’archevêque de Sens …et, après la mort de Lothaire puis de Louis, Empereur d’Occident le 26 décembre 875 à Rome par le pape Jean VIII. Sous son règne, il est confronté à Louis le Germanique, aux révoltes des Bretons et aux incursions des Vikings. Par un « capitulaire » (acte législatif), il institue le « système féodal » : « chaque homme libre reçoit pour seigneur celui qu’il aura lui-même choisi ». Mais les « seigneurs » apparaissant de plus en plus comme seuls protecteurs des populations, ce système aboutit au renforcement des pouvoirs locaux et « les ducs et comtes usurperont progressivement le pouvoir royal ; les derniers carolingiens  seront maîtres d’un territoire de plus en plus restreint ».

Invasion des Normands. Les derniers rois Carolingiens: les seigneurs choisissent leur roi.

généalogie des Carolingiens

Les marins scandinaves et danois commerçaient depuis longtemps en Mer du Nord, Atlantique er Mer Baltique, « vendant poissons salés, fourrures et ambre ». Au 9ème siècle, leur population ayant peut-être augmenté, « ils deviennent pirates et conquérants », allant jusqu’à attaquer Byzance, l’Islande et le Canada… Dès 799, ils ont attaqué l’Empire de Charlemagne à l’île de Noirmoutier. Ensuite, remontant le Rhin, la Seine et la Loire sur leurs légers navires, ils débarquaient et «  pillaient tout ce qui s’offrait à leur convoitise »…en particulier les riches abbayes, telles que Jumièges en 841. En 843, ils pillent Nantes et tuent l’évêque Gohard. De 842 à 856, ils font des incursions jusqu’à Lyon, Toulouse, Bordeaux, Périgueux, Clermont…et deux fois à Paris en 845 et 856.

Charles le Chauve ne trouve pas d’autre solution que de leur donner de grosses sommes pour les arrêter, mais ils s’embarquent et reviennent un peu plus loin… De 867 à 877, ils s’attaquent plutôt à la Grande-Bretagne.

En 877, Charles le Chauve meurt . Lui succèdent, son fils  Louis II le Bègue jusqu’en 879, puis les deux fils de celui-ci, Louis III et Carloman II, qui se partagent le royaume. Mais, âgés de 15 et 13 ans, leur héritage est contesté . Prélats et Grands du royaume de Besançon, Lyon, Grenoble, Aix, Arles…cherchant  « l’homme le plus apte à protéger l’Eglise et le pays » décident en octobre 879 de restaurer le royaume de Burgondie ( du Doubs aux rives de la Méditerranée) et d’en offrir la couronne à Boson de Provence, (env. 844-887), « homme de guerre lotharingien », beau-frère de Charles le Chauve. Les princes carolingiens réagissent par les armes et reprennent Mâcon puis Vienne (en 887, à la mort de Boson, la Burgondie sera à nouveau partagée en 3). Louis III meurt en 882. Carloman doit aussi combattre le roi de Lorraine et les Normands d’Amiens dont il aurait acheté le départ pour « 12000 livres pesant d’argent ». Il meurt en 884 d’une chute de cheval. Le troisième fils, posthume, de Louis II, Charles (« le Simple ») (879-921) n’ayant que 5 ans, les Grands du royaume font appel comme régent à l’Empereur Charles III le Gros, troisième fils de Louis le Germanique, et lui font allégeance en juin 885.

D’octobre 885 à février 886, les Normands envahissent la Neustrie et arrivant – dit-on – avec 700 navires, assiègent Paris pour la 5ème fois. Le comte Eudes et l’évêque Gozlin leur résistent 90 jours. Charles le Gros reste indécis et préfère leur payer une rançon de 700 livres et leur permettre de piller la Bourgogne ! En conséquence, ils remontent la Seine puis l’Yonne, attaquant Melun le 30 novembre 886, mettant le siège devant Sens et dévastant les environs. Ils pillent l’abbaye de St Germain à Auxerre ; puis une flottille remonte la Cure début 887 et détruit le monastère de Vercellacus (futur St Père) créé en 858 par le comte Girart et son épouse Berthe (il sera reconstruit sur la colline proche, qui prendra le nom de Vézelay. (voir « le Testament de Girard de Roussillon »).

Une autre flottille remonte l’Armançon, et continuant vers l’actuelle Côte d’Or, les Normands détruisent en janvier 887 le monastère de Flavigny, près du Mont Auxois, puis, 30 km au N-E de Dijon, celui de Bèze, où ils tuent 6 moines, un prêtre et un enfant et saccagent les récoltes des environs, provoquant une terrible famine. En 888, ils sont aux portes de Dijon, défendue par le comte de Chalon Manassès ; là aussi, la campagne est pillée. La même année, Richard, comte d’Auxerre, avec l’aide de l’évêque Géran , défait les Normands près de Saint-Florentin. Cet acte de faiblesse de Charles le Gros a discrédité la monarchie carolingienne. Sa santé  s’altérant, les seigneurs de Francie occidentale l’abandonnent. Il est déchu de tous ses titres lors d’une Diète tenue près de  Coblence en novembre 887, et, en février 888, ils élisent comme roi le comte Eudes, héros du siège de Paris, et le font sacrer par l’archevêque de Sens.

Les Normands continuent à saccager des villes, Meaux, Troyes, Toul, Evreux, St-Lô, Auxerre –dont les faubourgs sont incendiés en 889 -…Eudes les bat en Argonne en 888 et en Limagne en 892, mais il se contente souvent de « payer tribut ». Il ne contrôle en fait que les régions entre Seine et Loire. Car Charles le Simple a des alliés « légitimistes » chez les seigneurs des régions entre Seine et Meuse et il se fait sacrer à Reims en 893…Si bien que juste avant sa mort en 898, Eudes préfère désigner Charles III le Simple (19 ans) comme successeur.       

En 911, les Normands, conduits par Rollon assiègent Auxerre, mais la ville résiste. Le 20 juillet, les Francs, dirigés par Robert « duc des Francs »,- frère de l’ex-roi Eudes -, Richard et le duc de Poitiers, leur font subir une sévère défaite devant Chartres.  Charles conclut avec Rollon le traité de St Clair sur Epte, dans le Vexin, qui lui accorde un territoire entourant la ville de Rouen, « entre l’Epte et la mer », en échange d’un serment de fidélité au roi de France…ce qui met un terme aux invasions par la Seine. La même année, à la suite d’une révolte des hauts dignitaires du royaume, la Lotharingie se donne à Charles le Simple.

La  légitimité de Richard, dit « le Justicier » est alors acquise sur Auxerre, Sens, Avallon, Troyes, Autun, Beaune, Brienne, Chalon, Dijon, Langres, Nevers. Il prend le titre de duc de Bourgogne en 918. En 922, ce sont les « Grands » de Francie occidentale qui se révoltent, avec, à leur tête Robert, duc des Francs. Le roi Charles se réfugie en Lotharingie. Les insurgés proclament roi Robert 1er (860-923) ; il est sacré à Reims par l’Archevêque de Sens en juin 422. Charles l’attaque à Soissons le 14 juin 923. Robert 1er est tué, mais le vainqueur de la bataille est Raoul (890-936), duc de Bourgogne, fils de Richard le Justicier – comte d’Auxerre, d’Autun et d’Avallon, et frère de Boson de Provence -. Il est proclamé roi. et couronné (Raoul 1er, de la dynastie des Bosonides) en juillet à Soissons par l’Archevêque de Sens… A la fin de l’été 923, Charles tombe dans un guet-apens dressé par Hubert II de Vermandois (région de St Quentin): il restera captif à Péronne jusqu’à sa mort en 929.

A l’automne 924, les Normands de la Loire pénètrent au Nord-Ouest de la Bourgogne et pillent tout sur leur passage. Les comtes de Troyes et de Langres les repoussent. En 925 le roi Raoul 1er réunit une armée et bat les Normands à Eu, mais l’année suivante il est battu près de St Omer. En 930, il doit donner le Cotentin à Guillaume-Longue Epée, fils de Rollon. Vers 931-932, Raoul lutte contre Gilbert de Chalon et Richard de Sens qui sont en révolte, à cause de la confiscation  du Château d’Avallon,- tenu par Gilbert -, par la reine Emma de France, épouse de Raoul et fille de Robert 1er. En 935, il aurait mis en déroute les Hongrois arrivés – par Toul et Chalons -, en Champagne et en Bourgogne.

En janvier 936, il meurt à Auxerre, sans héritier. Il est inhumé dans l’église de Ste Colombe, près de Sens. Son frère Hugues le Noir lui succède comme duc de Bourgogne.

le Royaume des Francs au début du règne de Hugues Capet

Hugues le Grand, – fils de Robert 1er, et beau-frère de Raoul -, comte de Paris, marquis de Neustrie, devient « Duc des Francs ». Il domine de nombreux territoires entre Orléans-Senlis et Auxerre-Sens. Bien que très puissant, il ne revendique pas la couronne et fait appel au jeune fils de Charles le Simple, Louis IV d’Outremer (920-954), qui avait suivi sa mère en exil en Angleterre. En juin 936, le nouveau roi est sacré à Laon par l’archevêque de Reims. Ce sera le dernier des Carolingiens…

En 939 et 945, Louis IV tente vainement de reconquérir la Lotharingie et la Normandie. En fin de règne il a autorité sur le Nord de la Loire. Il meurt accidentellement en 954. Son fils Lothaire II (941-986) lui succède… à 13 ans. Il sera donc sous la tutelle de Hugues le Grand (jusqu’à la mort de celui-ci en 956). Ensuite, il veut asseoir son autorité sur de puissants vassaux, Hugues Capet, fils de Hugues le Grand, Richard, comte de Normandie… En août 978, voulant récupérer la Lorraine, il monte une expédition contre l’Empereur Othon II avec Hugues Capet et prend Aix-la-Chapelle. En représailles, en octobre, Othon II ravage les régions de Reims, Soissons et Laon, et vient assiéger Paris. Face à Hugues Capet et l’armée franque , il renonce et bat en retraite. Mais en mars 986, Louis IV meurt subitement (empoisonné ?).

Son fils Louis V (967-987) règne de mars 986 à mai 987. Il meurt après une chute de cheval en forêt de Senlis, sans héritier. Soutenu par Adalbéron, archevêque de Reims, qui aspire au retour d’un vaste Empire de l’Occident dominé par les Ottoniens, – qu’avait combattus Lothaire -,  Hugues Capet est élu par l’assemblée des Grands (évêques et seigneurs) réunie à Senlis, – évinçant ainsi Charles de Lorraine, frère de Lothaire, donc carolingien -, puis sacré roi en juin ou juillet 987. Prévoyant, il fait sacrer son fils Robert le Pieux (15 ans) dès Noël 987 et l’associe aux affaires du trône. On revenait ainsi à la monarchie héréditaire et la dynastie des Capétiens devait durer jusqu’à 1792…

Le domaine royal se limite aux environs de Paris et Orléans. Le roi a de nombreux conflits avec les grands seigneurs. Il arrive qu’il soit reconnu par eux, mais il n’a pas autorité sur leurs territoires. Malade, il meurt en octobre 996.

Robert le Pieux

Robert II le Pieux (972-1031) , son fils, lui succède. Dès 1003, il cherche à conquérir la Bourgogne, qui aurait dû lui revenir par héritage de son oncle Eudes-Henri ; celui-ci, qui a succédé en 965 à son frère Otton (comme lui, fils de Hugues le Grand) en tant que duc de Bourgogne -, a en effet transmis son titre à un beau-fils nommé Otte-Guillaume, comte de Mâcon et comte de Bourgogne (future Franche-Comté).

Une rivalité pour la possession d’Auxerre entre Hugues de Chalon, évêque d’Auxerre et Landry, comte de Nevers et gendre d’Otte-Guillaume, incite le roi Robert à intervenir. Au printemps 1003, avec Richard III de Normandie, il engage ses troupes en Bourgogne, mais échoue devant Auxerre. En 1005, ils reviennent et prennent Avallon après un siège de 3 mois ; la ville aurait alors été « dévastée et la plupart des habitants massacrés ou exilés » ; il ne serait resté que 300 survivants ;  Auxerre est repris également . Par des accords conclus en 1005-1006 Otte-Guillaume renonce à ses titres et ses possessions reviennent à la couronne.

La « Renaissance carolingienne »

Les historiens voient dans les 8ème et 9ème siècles une période de renouveau de la culture et des écoles en Occident, marquée par la redécouverte de la langue latine et la promotion des arts libéraux (ateliers de copistes).

On connaît le souci de Charlemagne d’ouvrir des écoles et de s’entourer d’érudits.

Auxerre, au 9ème siècle fut le siège d’une « école monastique » autour de l’abbaye St Germain, – école « dont le rayonnement intellectuel touche tout l’Occident chrétien » –, grâce à des érudits comme MurethacHaymonHeiric et Rémi, tous dits « d’Auxerre ». Leurs travaux et leur enseignement portaient sur la théologie, l’exégèse de la Bible et les commentaires d’auteurs classiques.

Mais la masse de la population n’était pas touchée par ce renouveau culturel.

Le peuple « utilisait une langue en pleine évolution, où les formes latines disparaissaient parfois devant des mots germaniques, pour donner naissance à la langue romane, ancêtre du français ».

Attention !  nous avons passé l’an mille !

 Faisons une pause au bord de la cure où des témoignages de ces époques troubles ont été mises à jour. Avant de refermer ces pages du premier millénaire.

Importants vestiges mérovingiens et carolingiens tout près de Montillot

Le Cimetière Barbare de Vaux-Donjon

C’est le titre d’une conférence prononcée en 1909 par l’Abbé PARAT devant la Société des Etudes d’Avallon (S.E.A.). Tout ce qui suit est tiré, pour l’essentiel, du texte de cette conférence.

L’abbé Courtépée (1721-1781), historien de la Bourgogne, rapporte que l’abbé de Vézelay Erard a fait fouiller en 1601 le lieudit « les Eglises » tout près du moulin du Gué-Pavé côté Sud. (Il s’agit du même  « Champ des Eglises », déjà signalé plus haut à propos des villas gallo-romaines). « L’on déterra plusieurs tombeaux en pierre avec des débris de tuile ; il paraît que c’était une léproserie ». Et sur la pente de la colline proche du  côté ouest «  est un terrain appelé les Cercueils, où il y a, à fleur de terre, plusieurs tombeaux ouverts ».

En 1780, d’après l’abbé Martin, dans son « Histoire de l’Abbaye de Vézelay », on a aussi trouvé là des « tombeaux en pierre » …

Mr P.J.A. de LENFERNA, maire de Montillot sous le Second Empire, de 1860 à 1870, « fit faire quelques fouilles et recueillit plusieurs objets en bronze qui auraient été donnés au musée d’Auxerre ».

Au début du 20ème siècle, un cultivateur de Vaudonjon, – hameau de Montillot, à 3 km vers l’Est du village, tout près de la rivière Cure -, Clément LEMOUX, « en arrachant un arbre dans sa vigne des Cercueils, trouva un collier de grosses perles de verroterie et deux vases ».

la « X » indique le lieu-dit « les cercueils »

En décembre 1904, il eut l’occasion de raconter sa trouvaille à un jeune archéologue qui explorait un gisement gallo-romain à Vaudonjon-le-bas. En compagnie de Mr TERRADE, agent-voyer à Vézelay, et de ses ouvriers, ils se sont rendus à l’endroit désigné, ont ouvert une tranchée et trouvé « un vase avec des ossements », puis « des fosses disposées comme celles de nos cimetières ». « Ce premier coup de pioche avait révélé une nécropole barbare ». (N.B. : le mot « barbare » est employé ici dans le sens ancien « d’étranger à la civilisation des Romains »). Les terrains voisins, appartenant alors aux dénommés SAVELLY, PERREAU, GUILLOUX, CARILLON et BIDAUT (aujourd’hui cotées ZK663 à 667 sur le cadastre d’Asquins), ont été loués temporairement pour continuer les fouilles, sur une surface de  112m x 25m soit environ 3 ares (le grand axe parallèle à la vallée …à 30 mètres au-dessus de la petite voie romaine d’Autun à Auxerre ). Deux ouvriers travaillèrent sans relâche jusqu’au 23 mars 1905, ayant visité 323 fosses. «Ils reprirent leurs travaux en novembre jusqu’en mars 1906 et découvrirent 155 sépultures. »

 A partir de janvier 1905, l’abbé Parat assista aux fouilles et prit des notes.

 Les principales caractéristiques relevées, en vrac :

– fosses de longueur max 2m, de profondeur 40cm à 1m,50, plus larges à la tête qu’aux pieds ;parements en plaquettes de calcaire ou « laves » ; quelquefois une lave recouvrait la tête, ou la poitrine, ou les jambes ; les cercueils de pierre étaient l’exception (6 monolithes seulement, dont 3 ont été donnés aux musées d’Avallon, de St Jean des Bonshommes et de Sens).‘ les squelettes étaient très détériorés. « Le visage du mort, gisant ou assis, fait face à l’est ». En décembre 1904, il eut l’occasion de raconter sa trouvaille à un jeune archéologue qui explorait un gisement gallo-romain à Vaudonjon-le-bas. En compagnie de Mr TERRADE, agent-voyer à Vézelay, et de ses ouvriers, ils se sont rendus à l’endroit désigné, ont ouvert une tranchée et trouvé « un vase avec des ossements », puis « des fosses disposées comme celles de nos cimetières ». « Ce premier coup de pioche avait révélé une nécropole barbare ». (N.B. : le mot « barbare » est employé ici dans le sens ancien « d’étranger à la civilisation des Romains »).

Les terrains voisins, appartenant alors aux dénommés SAVELLY, PERREAU, GUILLOUX, CARILLON et BIDAUT (aujourd’hui cotées ZK663 à 667 sur le cadastre d’Asquins), ont été loués temporairement pour continuer les fouilles, sur une surface de  112m x 25m soit environ 3 ares (le grand axe parallèle à la vallée …à 30 mètres au-dessus de la petite voie romaine d’Autun à Auxerre ).

« Deux ouvriers travaillèrent sans relâche jusqu’au 23 mars 1905, ayant visité 323 fosses. Ils reprirent leurs travaux en novembre jusqu’en mars 1906 et découvrirent 155 sépultures. »

 A partir de janvier 1905, l’abbé Parat assista aux fouilles et prit des notes.

 Les principales caractéristiques relevées, en vrac :

– fosses de longueur max 2m, de profondeur 40cm à 1m,50, plus larges à la tête qu’aux pieds ;parements en plaquettes de calcaire ou « laves » ; quelquefois une lave recouvrait la tête, ou la poitrine, ou les jambes ; les cercueils de pierre étaient l’exception (6 monolithes seulement, dont 3 ont été donnés aux musées d’Avallon, de St Jean des Bonshommes et de Sens). Les squelettes étaient très détériorés. « Le visage du mort, gisant ou assis, fait face à l’est ».

Le mobilier funéraire était abondant, concernant :

  • l’armement : épées à 2 tranchants (90 cm), lances dites « framées », haches dites « francisques », sabres dits « scramasaxes », boucliers, couteaux…avec tout l’outillage associé (poinçons, aiguilles, cisailles, clés…)
  • l’équipement : boucles en fer ou en bronze, agrafes ou « fibules », boutons, goupilles…
  • la parure : bracelets, bagues, boucles d’oreille, colliers, médailles…souvent finement ciselés et décorés d’émaux brillants de couleurs vives
  • la céramique : verrerie et poterie (184 vases pour 551 sépultures)
boucle de ceinture
petits bols en céramique (collection particulière)

On distingue deux types de sépultures :

– certaines datent de l’époque franque (5, 6 et partie du 7ème siècle : les guerriers étaient enterrés avec vêtements et armes ( « race guerrière mais éprise d’art »)

– d’autres de l’époque carolingienne (8 et 9ème siècles) : un édit de Charlemagne interdisait tout objet autre qu’un linceul dans les sépultures.

D’où l’hypothèse de déroulement chronologique des évènements locaux émise par l’abbé PARAT :

Vue aérienne, champ des Eglises. Lieu dit les bouillies. 
Photo JP Delor.

– la grande villa gallo-romaine du Champ des églises entre la Cure et la voie romaine, aurait été ruinée par l’invasion des Barbares de 406 à 412.

– vers 450, les Burgondes s’établissent dans la vallée de la Cure

– en 502, leur roi GONDEBAUD rencontre Clovis, établi à Auxerre.

– en 528, les fils de Clovis envahissent la Bourgogne et les Francs se mêlent aux Burgondes à Vaudonjon (construction d’un donjon en bois?) . Situation stable sous les Carolingiens au 8ème siècle

– vers la fin du 9ème siècle, destruction du monastère de St Père par les Normands.

– une nouvelle population vient s’installer dans la villa du Champ des Eglises avec un 2ème cimetière, sans mobilier funéraire, et un village appelé Vergigny apparaît sur les actes de fondation de l’abbaye de Vézelay par Girart et Berthe…«  qui a son église et commande à une vicairie. ». Il disparaîtra des documents vers le 11ème siècle, sans même donner son nom à un « climat».

– sur la rive droite de la Cure, au lieudit « Marnay », des exploitations agricoles n’ont laissé comme traces que les pierres que soulèvent quelquefois les laboureurs…

Que savons nous de la situation de l’Occident autour de l’An 1000 ?

Interrogeons les historiens.

Les grandes invasions sont terminées depuis quelques dizaines d’années seulement…

Les envahisseurs se sont souvent « fixés sur les terres qu’ils avaient pillées, en même temps qu’ils se convertissaient au christianisme » et s’intégraient aux populations.

Le pouvoir carolingien s’est progressivement désagrégé, car la défense du pays a été assurée dans chaque région par les représentants du roi, comtes, abbés et évêques, et ceux-ci, dans leurs « seigneuries », ont usurpé les pouvoirs royaux. Trop souvent par la suite, ils ont entrepris des guerres personnelles contre leurs voisins rivaux. D’où la construction des premiers châteaux privés où les paysans trouvaient refuge.

Paradoxalement, les invasions, qui ont provoqué tant de massacres et de destructions, auraient « favorisé les échanges de savoirs et fait évoluer les niveaux techniques et culturels ».

Ce serait le début d’une révolution économique et sociale qui trouvera son apogée vers les 12ème et 13ème siècles.

 Agriculture 

Les paysans produisent « mieux et plus », cela pour diverses raisons :

–  meilleure connaissance et meilleur traitement du sol.

– introduction de l’assolement triennal, entraînant des défrichements et une augmentation des surfaces cultivées.

– amélioration des attelages ( collier d’épaule, fer à cheval,…)

– drainage et irrigation des sols.

– moulins à eau – pour le grain et l’huile -, remplaçant les meules à bras

Les rendements des cultures augmentent nettement. L’alimentation devient plus variée, mais il y a encore des années de mauvaises récoltes, entraînant des famines, comme en 1005 et 1006

La structure de la société agricole elle-même est modifiée :

– les esclaves – simples « objets » à disposition de leur propriétaire – sont émancipés en serfs personnes liées par contrat pour travailler sur la terre du seigneur qui les protège

– les « hommes libres » qui ont participé aux combats choisissent de quitter les armes pour le travail de la terre et deviennent exploitants pour le compte du seigneur.

Echanges

Les Carolingiens ont introduit le « denier d’argent », plus adapté que la monnaie d’or aux petites transactions. Les seigneurs, les évêques et les abbayes peuvent « frapper monnaie ». Les paysans peuvent produire et vendre leurs surplus, d’où la multiplication des marchés.

Habitat

Un historien avait écrit : « le grand domaine, la villa, reste la base de toute activité économique ».

Mais ce sujet a fait l’objet d’études récentes. Lors d’un colloque de septembre 2006, Mr Paul Van Ossel, du CNRS-Paris I (UMR7041), a publié une étude intitulée « De la « villa » au village : les prémices d’une mutation ». portant sur le remplacement progressif de l’habitat rural dispersé par l’habitat rural groupé, de la fin du 2ème siècle à la fin du 10ème. Une synthèse des observations effectuées au cours de fouilles en Ile-de-France et dans la Somme a été présentée.

Jusqu’au début du 4ème siècle, l’habitat se caractérisait par ;

– des agglomérations peu nombreuses

– une multitude d’exploitations agricoles dispersées dans les campagnes.

A la fin du 4ème siècle sont apparues des habitations de type germanique, de grandes dimensions, avec des greniers sur poteaux ( on retrouve des « fonds de cabanes » où apparaît la trace des poteaux porteurs ), constructions «  regroupant plusieurs unités d’habitation et rassemblant plusieurs familles ».

On constaterait donc des modifications importantes entre le 4ème et le 7ème siècles, liées à ,la diffusion progressive de la culture germanique :

– usage de matériaux légers : terre et bois au lieu de la pierre

– réorganisation des espaces de vie et de travail vers un «  habitat rural groupé » .

Evolution de l’Eglise

La gestion de nombreux monastères laissant à désirer, les moins disciplinés ont été repris par des laïcs.

Mais d’autres, comme celui de Cluny, acquièrent une grande autorité morale et essaiment : en 994, l’Ordre de Cluny compte déjà 34 couvents.

La Grande Peur de l’an Mille – avec le retour du Christ…ou de Satan, et la fin du monde -, ne serait qu’une invention des siècles suivants, un mythe de la Renaissance du 16ème siècle, repris par des écrivains romantiques du 19ème. « En l’an 1000, seule une minorité de clercs avait connaissance et conscience de cette date ». Et faute de connaissance du calendrier, très peu de gens savaient qu’ils changeaient de millénaire…

Chez Abbon de Fleury, le passage au IImillénaire n’est pas passé inaperçu, puisque vers 998 il adresse un plaidoyer à Hugues Capet et son fils Robert. Il accuse ainsi un clerc qui, lorsqu’il était étudiant, revendiquait la fin du monde au tournant de l’an mil. Ainsi, même les grands savants du xe siècle sont anti-millénaristes.

« On m’a appris que dans l’année 994, des prêtres dans Paris annonçaient la fin du monde. Ce sont des fous. Il n’y a qu’à ouvrir le texte sacré, la Bible, pour voir qu’on ne saura ni le jour ni l’heure. »

Abbon de Fleury, Plaidoyer aux rois Hugues et Robert, v. 998.

Catégories
histoire régionale un peu d'histoires

Préhistoire…, protohistoire…, un long préambule.

MONTILLOT avant l’Histoire (suite et fin)

André Buet †, 2013

Nous avons situé le village actuel de Montillot dans son cadre géologique.

Sur un socle rocheux constitué de dépôts marins datant de l’ère secondaire (« jurassique moyen »), on a vu comment se sont constituées, une plaine cultivable (la « Plaine de la Chally » et « la Canne »), ainsi que les collines boisées proches (« Les Perruches » et « Crot Blanc »).

Nous avons rappelé que nos ancêtres « biologiques » vivaient il y a 2 millions d’années, et qu’avaient été trouvées dans la région proche des traces de vie humaine datant de plusieurs dizaines de milliers d’années. Comme le rappelait l’historien Fernand BRAUDEL, « l’Histoire, telle que nous la connaissons, n’est même pas la millième partie de l’évolution humaine considérée dans toute sa durée ».

Même si nous nous limitons aux 3000 dernières années, nous pouvons affirmer que des dizaines de milliers d’individus ont piétiné le territoire de ce qui s’appelle aujourd’hui MONTILLOT.

Ils y ont vécu, c’est-à-dire qu’ils y ont travaillé pour subvenir à leurs besoins vitaux, qu’ils y ont lutté pour défendre leur existence, qu’ils y ont souffert, qu’ils y ont aimé …

Vivant dans des groupes de mieux en mieux organisés, ils en ont élaboré, appliqué ou subi les règles du « vivre-ensemble », d’abord tribales, puis seigneuriales, puis provinciales et ensuite nationales.

Ces règles ont eu des conséquences sur le comportement de chacun, et sont à l’origine d’évènements locaux. Des conflits sont survenus, entre individus, entre tribus, entre châtelains, – chevaliers, barons, comtes ou ducs provinciaux, puis entre états, entraînant des actes de brigandage, des guerres, des invasions, des révolutions…dont le petit peuple de nos villages ne pouvait que souffrir. Des accords et des alliances ont aussi été conclus.

Ces évènements ont été souvent mentionnés dans des écrits, et cela d’une manière de plus en plus précise au cours des deux derniers millénaires.

C’est à partir de ce constat que quelques habitants du village, nullement historiens de formation – et en l’absence de participation notable de Montillot à l’Histoire nationale – ont voulu retrouver ces documents en fouillant dans les dossiers administratifs archivés à tous les niveaux, municipalités, préfectures et Etat. L’objectif était de déceler des évènements locaux – c’est-à-dire qu’ils ont eu lieu dans un rayon maximum de 10 à 20 km – à portée de marche d’une journée – de les décrire et de les rapporter au contexte politique provincial ou national de l’époque

A partir de ces travaux, une vingtaine de documents étaient déjà rédigés en 2012, et ont été publiés sur un site Internet privé créé par l’une de nous.

(D’autres recherches pourront être effectuées, grandement facilitées par la numérisation généralisée des documents édités dans le passé).

…Et – de la même façon que s’exprimait l’abbé PARAT (1) à propos de Bois d’Arcy, et de la notice qu’il avait rédigée – « c’est ainsi que Montillot aura une histoire, si l’on peut donner ce nom à quelques glanures ».

Les premiers hommes

Mais il y a une période initiale où, l’écriture n’existant pas, aucun document ne raconte la vie de nos « Anciens ». Heureusement, ils ont laissé des traces, – cendres de foyers, tas de pierres …- fabriqué des objets, des outils abandonnés sur place ou posés dans leurs tombeaux, peint ou sculpté les murs des cavernes… Seul, l’examen détaillé de ces indices par d’éminents spécialistes a pu nous apprendre comment vivaient ces peuplades. Nous avons donc rapporté leurs conclusions.

1- Les grottes d’Arcy sur Cure

Les vestiges les plus connus dans notre région sont ceux des grottes d’Arcy-sur-Cure, situées à 9 km au Nord-Est de Montillot, dans une boucle de la Cure, creusées dans un massif calcaire, la « barrière corallienne », qui, à cet endroit, borde le Bassin Parisien 

Ces grottes ont servi de refuge aux premiers hommes, – chasseurs-nomades – soit contre le froid en période glaciaire, soit contre les animaux sauvages, depuis au moins 200 000 ans.

Buffon, homme de sciences et de lettres, – l’un de nos « voisins », né à Montbard en 1707- les aurait visitées en 1740, mais c’est l’abbé PARAT (2) (1843-1931), archéologue et historien régional, qui y a entrepris les premières fouilles scientifiques en 1894.

Le préhistorien André LEROI-GOURHAN (1911-1986) – dont le nom a été donné au collège de Vermenton – les a reprises de 1947 à 1963. Il a découvert des gravures sur les murs de la Grotte du Cheval, mis en évidence 11 niveaux d’occupation dans la Grotte du Renne…, tandis que son épouse Arlette, – décédée en 2005 à Vermenton -, a mis au point dans son laboratoire du Musée de l’Homme, des méthodes d’analyse des pollens enfouis (la « polynologie archéologique »).

Les équipes de chercheurs ont observé une progression des techniques de fabrication des outils et des ornements , à partir des Néanderthaliens, présents depuis 250 000 ans, influencés plus tard par les « HOMO SAPIENS » qui, venus d’Afrique de l’Est, ont commencé à coloniser l’Europe de l’Ouest vers « moins 50000.» ( soit 50000 ans avant J-C). On a ainsi pu analyser à Arcy la période de transition correspondante, entre -40000 et -30000, le « Châtelperronien ».

Les recherches ont été poursuivies – et le sont encore aujourd’hui – par des disciples de Leroi-Gourhan, Dominique RAFFIER, Michel GIRARD et leurs équipes, rattachés au CNRS-CEPAM de Valbonne-Sophia-Antipolis.

Après un décapage malencontreux en 1976, des peintures ont été découvertes dans la Grande Grotte en 1990, datant de -27000, et représentant, non seulement des « mains négatives »…
… mais des animaux rencontrés par les chasseurs de l’époque : mammouths, ours, félins, bouquetins chevaux, oiseaux et poissons… A partir de 1997, a été mise au point une méthode  d’abrasion par « fraise diamantaire » de la couche de calcite couvrant les parois et pouvant atteindre 5 mm d’épaisseur. On a ainsi fait apparaître un « mammouth rouge » dans la Salle des Vagues (ci-dessus).

Les « âges » de la Préhistoire

La période couverte par ces recherches dans les grottes d’Arcy est classée par les spécialistes « âge de la pierre taillée », ou « paléolithique », expressions évoquant le type d’outils utilisés par nos ancêtres « chasseurs-nomades ».

Avec ces outils, ils s’aventuraient dans les plaines voisines. L’abbé PARAT, dans son « étude sur le village de Bois d’Arcy », –  dont il fut prêtre de 1895 à 1919 –, signale qu’on  « a récolté un peu partout, quantité d’éclats de silice et de calcaire siliceux, mais surtout au voisinage des fontaines de Tameron ».

On situe entre -10000 et -9000 la période où les hommes sont devenus dans nos régions  « agriculteurs-éleveurs ». C’est le « néolithique » ou « âge de la pierre polie ». Cette évolution serait liée à l’adoucissement du climat dû à la fin d’une période glaciaire, dite de Würm ( -20000 à -10000) . Elle s’était produite plus tôt au Moyen-Orient, dans le « Croissant fertile », un climat tempéré y ayant permis la culture de céréales et la domestication des animaux ( moutons, chèvres…). Cette période semble avoir laissé peu de traces dans nos campagnes.

Elle a été suivie par « l’âge des métaux ».

Il faut savoir qu’on travaillait déjà les métaux en Asie au temps de la pierre polie en Europe occidentale. Le cuivre et le bronze étaient utilisés en Egypte 4500 ans avant J-C. Les échanges commerciaux de proche en proche, les déplacements des peuplades à la recherche de terres fertiles, ont amené ces découvertes dans nos régions…3000 ans plus tard !Les progrès de la métallurgie sont liés à l’usage du feu. Le cuivre fond à 1080 degrés et on peut alors le faire couler dans des moules. En ajoutant de l’étain, on obtient le bronze, qui fond à 900°, est plus dur que le cuivre et permet de  fabriquer des armes. Le fer fond vers 1500°, mais on peut le forger , c’est-à-dire lui donner la forme souhaitée par martelage, entre 600 et 900°. On cite comme exploités à ces époques des gisements de minerai de cuivre en Slovaquie et à Chypre, d’étain en Espagne, Bohême et Pays de Galles, d’or en Transylvanie…

On situe  « chez nous », – et très approximativement -, l’âge du cuivre vers -2500, l’âge du bronze de -1800 à -700 et le début de l’âge du fer vers -1000.

La découverte de « caches de fondeurs de bronze » – à Arcy sur Cure en 1875, à Mailly-le-Château puis à Sermizelles en 1955 -prouve que cette activité était développée dans notre région. D’après un article du « Bulletin de la Société Préhistorique française » (Vol.97- année 2000), les 2 dépôts de Sermizelles ont été découverts en 1955 dans une sablière, sur la rive droite de la Cure, au lieudit « Côteau de la Varenne ». Un inventaire précis a été dressé en 1959 : on a recensé plus de 200 objets, dont 65 haches, 13 pointes de lances, 56 bracelets, 10 déchets de fonderie…Ils ont été déposés au musée d’Avallon. La signification de tels dépôts serait variable, selon qu’il s’agit de dépôts funéraires – donc associés à certains rites -, ou non funéraires – stockages d’invendus à l’abri des pillages -…

On qualifie cette « période des métaux » de « protohistorique », car elle se situe entre « préhistoire » et « histoire », l’ « Histoire » étant caractérisée par l’usage de l’écriture, qui n’apparaît pas simultanément dans toutes les régions.

2- Le site archéologique des Fontaines Salées à Saint-Père

A 9km au S-E de Montillot, 2km après le village de Saint-Père, au pied de la colline de Vézelay,   se trouve un site remarquable, car il présente des traces continues de l’activité humaine sur 4000 ans.

Il paraît évident que les premiers hommes,  dès qu’ils ont piétiné ce terrain sableux proche de la Cure, ont été attirés par l’émergence d’eau tiède, salée et quelquefois bouillonnante, et ont cherché à l’utiliser.Les découvertes se sont succédées sur ce site au milieu du 20ème siècle…

Dans une sablière voisine, on trouvait en avril 1930 une dent de mammouth de 1 m de long.

En 1934, le Professeur René LOUIS (1906-1991), médiéviste né à Auxerre, cherchait au voisinage de la colline de Vézelay le site de la bataille de Vaubeton, où Gérard de Roussillon aurait battu Charles le Chauve d’après une chanson de geste ; il est tombé par hasard sur les vestiges d’un établissement thermal gallo-romain.

En 1937 et 1938, avec le Pr DAUVERGNE, il découvre plusieurs sépultures espacées de 2 m  (voir plus loin  les « champs d’urnes »)… Les fouilles reprennent en 1942, dirigées par l’abbé Bernard LACROIX, curé de Domecy-sur-Cure, formé par l’abbé JOLY, archéologue-préhistorien de la Côte d’Or et  par l’abbé PARAT. Cette campagne de fouilles a duré jusqu’en 1962. Au cours de cette période, on a exhumé dans ce terrain d’environ un hectare :

–       Les restes d’une station préhistorique de l’âge de pierre.

–       Des installations de captage et de cuvelage des sources minérales.

–       Un sanctuaire protohistorique de l’âge du fer.

–       Des thermes gallo-romains.

Captage des sources

Quelques détails s’imposent sur ces puits vieux de plus de 4000 ans.

Ils étaient constitués par des troncs de chêne évidés, de diamètre 80 cm, enfoncés de 1m dans le sable alluvionnaire ; 19 puits ont été identifiés. 

Le bois étant bien conservé on a pu en évaluer l’âge à partir de 2 méthodes (cf V. BERNARD- CNRS–Rennes), le Carbone 14 et la dendrochronologie (étude des cercles qui apparaissent dans la structure du tronc coupé transversalement). ;les résultats concordent  => -2200 à -2300. Ils semblent avoir fonctionné jusqu’à -1400, puis auraient été abandonnés puis repris à l’âge du fer, avec exploitation du sel. Au premier siècle avant notre ère, les captages ont été entourés d’une enceinte circulaire, qui marque le caractère sacré du lieu.

L’arrivée des Celtes

I- Quelles marques ont-ils laissées?

Vers 800 avant J-C, les premiers Celtes venant du Sud de l’Allemagne actuelle (après l’Europe de l’Est), pénètrent dans l’Est de la France. Pour bien marquer l’évolution différente selon les régions, non seulement de la technique, mais aussi de la pensée humaine, notons que vers ce même temps, – moins 800 -, Homère écrivait l’Odyssée, …et que 400 ans plus tard, le philosophe PLATON, étudiant le comportement d’Ulysse, héros de cette grande fresque, tel que décrit au cours de ses 20 ans d’exil, le présente comme le premier « grand sage grec »…(cf « La naissance de la philosophie » par Luc FERRY). Les Celtes, quant à eux, auraient possédé un langage, des lois, des coutumes, une religion…, mais pas l’écriture. Comme les Gaulois de l’époque romaine, ils nous sont donc connus par les auteurs grecs et romains (Hérodote, César…). Croyant à une forme de vie après la mort, ils enterraient leurs guerriers avec leurs armes et des objets en bronze, sous des tas de pierres atteignant parfois plusieurs mètres de diamètre et de hauteur, les « tumuli » ( mot latin du singulier « tumulus » ; en français on écrit souvent « tumulus » au pluriel !).

Dans les zones restées incultes et boisées depuis des siècles, on retrouve aujourd’hui encore les restes de ces amas de pierres, enfouis dans des broussailles, couverts de lierre et de ronces.
(cliché J. Demay, avec son aimable autorisation)

Ailleurs, ils ont été dispersés pour permettre la culture, et les pierres récupérées pour faire des murs, des cabanes , ou mises de côté en simples tas appelés « mergers ». Mais il faut observer aussi que dans de nombreux cas, les « mergers » n’ont jamais servi de tombeaux.

voir aussi « notre petit patrimoine »

II- Les nécropoles celtiques de notre région

a- les tumulus

C’est le Professeur Pierre NOUVEL, de l’Université de Besançon (UMR 6249- Chrono-Environnement, qui a attiré notre attention sur les découvertes de tumulus faites au 19ème siècle autour de Montillot. Il avait publié dans le bulletin 2007 de la Société des Etudes d’Avallon (S.E.A.), un article intitulé « les voies antiques de l’Avallonnais – apport de l’histoire et de l’archéologie ». Il y avait identifié, entre autres, celle qu’il appelle la voie N°9, reliant Vézelay à Mailly-la-Ville ; il écrit à son sujet : « depuis Asquins, le tracé se poursuit vers l’ouest, sous un chemin qui se détache de la RD123 pour gravir la côte de la Perrière, longeant le village de Montillot par le Sud. Le chemin poursuivait sa route par la Collerette (nécropole préhistorique), bas de Dîne-Chien (idem) et Brosses. » Cette voie, dont parle Mr NOUVEL, nous la connaissons bien ; elle a été en service jusqu’au milieu du 19ème siècle. Appelée « Grand chemin d’Auxerre à Vézelay au 15ème siècle, et relevant de la Justice royale, et « Grand Chemin de Mailly-la-Ville à Vézelay » sur le cadastre napoléonien de1819. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un chemin empierré, entretenu dans les seules portions encore utilisées par des riverains, et difficilement praticable par un véhicule dans les autres parties. Il longe le centre équestre de la Croix-des-Bois, puis le Bois du Fège vers la Duite, se confond avec la route de Fontenilles jusqu’au Mont Ciboule, puis avec le chemin rural qui va vers Brosses à travers le bois de la Collerette

Mais où sont donc ces 2 nécropoles que cite Mr NOUVEL ?

Jusqu’à ce jour , nous ne connaissions que les « tumulus de Rochignard », trouvés en 1879 par les cantonniers de Montillot qui cherchaient des pierres, tumulus ensuite fouillés et décrits par Mr F. CUVIER dans le bulletin S.E.A. de 1880. A côté des ossements, on avait trouvé des fibules, des torques et des bracelets de bronze et de fer. Monsieur NOUVEL a bien voulu nous communiquer ses sources : il s’agit d’articles parus dans les bulletins de la Société Académique de l’Aube en 1859 et de la Société des Sciences de l’Yonne (B.S.S.Y.) en 1880 et 1881. L’auteur en fut principalement Mr Emile PALLIER, historien de Châtel-Censoir. Nous ne devons donc plus ignorer que des fouilles ont été effectuées en 1858 et 1866, puis reprises en 1880 dans des monticules de pierres aux lieux-dits « Merger aux Moines » et « la Collerette », à cheval sur les communes de Montillot et Brosses. Plusieurs squelettes humains ont été mis à jour, avec des bracelets et des anneaux de jambes en bronze. Certains tumulus recélaient plusieurs inhumations, séparées par des grandes pierres plates enfoncées debout dans le sol, délimitant des cellules individuelles. Sur Brosses, au lieudit « Dîne-Chien », on avait trouvé 40 tumulus espacés de 30 à 40 mètres ; 50 autres à la « Grande Pièce ». Certains avaient, de toute évidence, déjà été explorés en des temps plus anciens. On en a trouvé aussi dans le « Bois du Tartre » ; le mot « tartre » résulte évidemment de la déformation verbale du mot « tertre », dont la signification funéraire est « éminence de terre recouvrant une sépulture ».

Mr de LENFERNAT, qui fut maire de Montillot de 1860 à 1870, a participé jusqu’en 1880 à ces fouilles avec son gendre Mr de MONTIGNY, et a confié un certain nombre d’objets trouvés au musée d’Auxerre. D’autres ont été remis aux musées d’Avallon et de Troyes. Dans l’inventaire du musée d’Avallon paru dans le bulletin de la S.E.A. de 1879, on note, entre autres, « un anneau trouvé sous un tumulus (de Rochignard) par Mr CARILLON Félix » (Il s’agitde Félix-Célestin (1855-1904) cultivateur et maire-adjoint de Montillot, père d’Auguste-Joachim, tué au front en 1914, et grand-père d’un autre Félix (1910-1951).

Des recherches aussi fructueuses ont été faites à cette époque dans plusieurs villages environnants: L’abbé PARAT cite le chiffre de « 178 tumulus de petite et moyenne dimension sur Bois d’Arcy », et d’autres dans les bois d’Avigny et de Lac-Sauvin. Les revues scientifiques B.S.S.Y. et B.S.E.A. relatent les fouilles des Rouesses près de Châtel-Censoir et de Montoison, près d’Annay-la-Côte (1880). Des découvertes semblables ont été faites dans le Morvan ; les spécialistes du Musée de St Germain en Laye, consultés à l’époque, ont attribué  les objets trouvés, partie au 1er âge du fer (civilisation de Hallstadt – -1200 à -500), partie au 2ème âge du fer (période de la Tène, ou « époque gauloise »).

NOTA : ce sujet a été récemment traité en détail par MM Pierre NOUVEL et Bernard POITOUT dans un article du BSEA (152émé année- 2010) paru courant 2012) intitulé « Les nécropoles préhistoriques de l’Avallonnais. Apport des découvertes anciennes et récentes ». A partir des découvertes des 19ème et 20ème siècles, plus de 170 nécropoles y sont repérées (cf pages 15 à 49 et abondante bibliographie).

quelques localisations de tumulus aux alentours de Montillot.

voir aussi « notre petit patrimoine »

b- Autre coutume funéraire, le « Champ d’urnes »

Nous avons vu plus haut que, près de St Père-sous-Vézelay, René LOUIS  a mis au jour entre 1937 et 1939 des sépultures, constituées en fait d’urnes contenant des ossements humains, des bracelets de bronze et des flèches néolithiques. Il les a identifiées comme datant de la période entre âge du bronze et âge du fer. Un peuple probablement originaire de Hongrie aurait remplacé les tumulus par les urnes vers -1200 à -1000 et serait venu ensuite en Allemagne du Sud puis, par la trouée de Belfort, vers la Nièvre, les Cévennes et le Tarn , où l’on trouve d’autres champs d’urnes.

III: L’habitat des Celtes

Du nombre de tumulus retrouvés dans notre région, on peut déduire qu’y vivait  une population relativement dense. Dans quelles conditions ? Nous savons peu de choses sur l’habitat des Celtes dans les campagnes, qui a laissé peu de traces. On cite des   fouilles -près de Villeneuve d’Ascq, de Chamalières et de Compiègne…-,qui ont fait apparaître sous des constructions ultérieures – gallo-romaines le plus souvent – des restes de structures en bois, paille et torchis . Leur fragilité explique leur disparition à la surface du sol.

Les gaulois

On ne connaît pas l’origine exacte du mot « Gaulois ». C’est le militaire romain, politicien et écrivain Caton l’Ancien, qui vers -168 aurait appelé « Gaulois » les tribus celtes qui avaient alors envahi la plaine du Pô. Les historiens, pour les derniers siècles précédant notre ère, considérant que les envahisseurs celtes se sont peu à peu « amalgamés » avec les autochtones, parlent de « Gaule celtique »… Ils la décrivent comme un « pays d’alternances de forêts, de plaines cultivées, de bocages, et de quelques cités fortifiées – les « oppida », le tout sillonné de routes, pour certaines empierrées ». L’oppidum de Bibracte, situé au Mont Beuvrey, à la limite de la Nièvre et de la Saône-et-Loire actuelles, – à 70 km environ au SSE de Montillot -, était la capitale du peuple Gaulois des Eduens. Les fouilles de cette cité ont mis en évidence une structure urbaine élaborée, avec des quartiers et de riches demeures.

Dans les campagnes, l’archéologie aérienne aurait mis en évidence de nombreuses petites fermes.

Il y avait en Gaule un artisanat de luxe, produisant des objets en bronze, des armes en fer, des bijoux en or ; et aussi un artisanat commun, avec des potiers et des forgerons locaux. Leurs techniques s’inspiraient souvent de celles de la Grèce et de l’Italie. L’archéologue-écrivain avallonnais Claude ROLLEY (1933-2007), professeur à l’Université de Bourgogne, a analysé le commerce du temps des Gaules ( du 7ème au 5ème siècle avant J-C), et en particulier les voies importantes et les « portes » d’entrée d’objets artistiques venant des pays méditerranéens, à savoir Marseille et les cols des Alpes.

Un exemple remarquable d’importation artistique dans notre région est le « Vase de Vix ».

Il a été trouvé en 1953 – à 74 km au N-E de Montillot -, près de Châtillon sur Seine , sous un tumulus arasé, dans la tombe d’une princesse gauloise, étendue sur un char d’apparat et ornée de tous  ses bijoux. A côté de bassins de bronze d’origine étrusque, d’un torque en or de 480 g, il y avait ce grand vase de bronze de 1100 litres, du type « cratère à anses et  volutes », décoré de frises. Il a été attribué à des bronziers grecs du 6ème siècle avant J-C. On peut le voir au Musée de Châtillon.

La fin de la « protohistoire »

Les historiens ont convenu de fixer la fin de la période de la Tène au début de la « Guerre des Gaules » (-58). On sait que cette conquête se termina en 52 avant J-C par la victoire de Jules César sur Vercingétorix à Alesia, dans l’actuelle Alise Sainte-Reine, côte d’Or, à moins de 60 Km à l’est de Montillot.

Comment se sont donc détériorés les rapports des Celtes et des Romains ? Il faut savoir qu’au 4ème siècle avant J-C, les Celtes occupaient l’Italie du Nord (« la Gaule cisalpine »). En -390, après avoir assiégé une ville de Toscane, ils sont allés piller Rome… Au Sud de la France actuelle, alors occupée par les Celtes, il y avait un port, appelé Massilia (future Marseille), créé en -600 par des colons grecs venus de Phocée en Asie-Mineure. Ce port était devenu un important carrefour commercial entre les pays du sud – Grèce, Asie mineure et Egypte – (par la mer), et ceux du Nord, par le Rhône et la Saône. Les tribus celtes voisines, – les Celto-Ligures en Provence –, enviaient ces richesses et attaquaient Massilia par mer et par terre. A partir de -180, Massilia appelle les armées romaines  à l’aide. Celles-ci en profitent pour créer en -121 la première province romaine hors d’Italie, la Narbonnaise. Sous ce même prétexte d’assistance, Jules César entreprend ensuite, à partir de -58, de soumettre la Gaule septentrionale.. C’est César lui-même qui a raconté cette conquête dans les « Commentaires sur la Guerre des Gaules » (« Commentarii de bello gallico »). Il y présente cette invasion comme un acte de défense préventive ; ce faisant, n’en  cache-t-il pas quelque peu le côté impérialiste ?

Le point positif, pour nous, aujourd’hui, c’est que nous avons là, la première description écrite de la Gaule et de ses habitants.

Merci, César !

Voir l’article « ALESIA »