Catégories
histoire régionale

Les Grossot et Grossot de Vercy … de Montillot à Vézelay (1620-1820)

Régine Morizot-Koutlidis, 2017

C’est en voulant retracer l’histoire d’une maison, à Montillot, parfois décrite abusivement comme une « maison-forte » dans des dépliants locaux, que sont apparus les noms de GROSSOT et GROSSOT DE VERCY.  

Singulière au village par son pigeonnier carré et ses hauts murs de pierre entourant la cour et le verger, hors-les-murs représentés par l’ancien chemin de ronde du village dont il ne reste que le tracé, à proximité d’une ancienne carrière de calcaire, en bas du village et près d’un puits, elle méritait que l’on s’y attarde un peu plus qu’en passant par le chemin balisé par la FFRP qui la longe (« la boucle de Malfontaine »).

Connue localement comme l’ancien presbytère, mais éloignée de l’église, elle fut vendue à la commune en 1820 (pour remédier à l’absence de presbytère au village depuis la révolution, et la réquisition puis la vente des biens du clergé dont faisait partie la maison accolée à l’église). Les derniers actes notariés mentionnaient que les vendeurs étaient les époux RABIER et GROSSOT DE VEREY.

Le patronyme « GROSSOT » revient régulièrement dans les registres paroissiaux du village, aux XVIIe et XVIIIe siècles et  dans les archives privées de la famille de LENFERNAT largement exploitées par André BUET. Mais ce nom n’existe plus à Montillot ni à Vézelay depuis plusieurs générations, et aucun fil d’Ariane ne permet de le retrouver… de mémoire d’homme.

Qu’est-ce qui a conduit à leur départ ? Pourquoi et pendant combien de temps leur nom a-t-il été lié à la vie de la région ?

Trois documents découverts aux archives départementales de l’Yonne (ADY) ont permis de comprendre un peu mieux cette histoire: l’acte authentique de vente à la mairie de Montillot, datant de 1820, un dossier notarié et hypothécaire datant de 1811 et  l’inventaire après décès d’un ancêtre (1755), à Vézelay.

Remontons le temps…

Le 23 septembre 1986, les héritiers de Mle M. D. vendaient un bien à Montillot connu sous le nom d’ancien presbytère.  Ce bien était «une maison d’habitation construite à flancs de coteaux, comportant un rez-de-chaussée composé d’une cave voutée, un vestibule pour accéder au premier étage, d’une chambre de débarras. Un premier étage qui ne se trouve élevé du côté nord que de 1m, 1m50 du sol, et composé d’une cuisine, une desserte, trois chambres, une salle à manger, deux penderies, et un vestibule. Un grenier carrelé au-dessus. Un jardin de 30 ares environ entouré de murs. Devant l’immeuble une cour, le tout entouré de murs avec une porte cochère. Communs : une grange, une remise, une ancienne écurie ». Me M. D.  l’avait acquise de sa mère, le 27 avril 1976, qui elle-même  avait acheté la maison le 21 mars 1953 à la commune de Montillot, représentée par son maire Mary LAURIN.

La décision de mettre en vente le presbytère était prise dès le 9 juillet 1946, sous le mandat du maire Alfred DEFERT.  En avril 1948 deux lots sont créés et l’administration des domaines fixe la mise à prix à 280000 et 200000F. En l’absence d’offre d’achat, le conseil municipal demande l’autorisation de vente à l’amiable. Pour cela, la municipalité choisit de céder le bâtiment d’habitation, ancien presbytère, et de conserver l’autre partie de granges et ferme. Peu après, en mars 1950, il est créé dans ce dernier local la salle des fêtes et un foyer rural. Le bien dont il est question était en effet déjà composé depuis longtemps de deux parties distinctes, dont jouissait d’une part le curé du village dans le bâtiment principal, autrement dit « le presbytère », et la seconde partie dévolue à différentes fonctions: elle a en particulier abrité l’école des garçons et la mairie, avant la construction d’un nouveau bâtiment neuf à l’entrée du village puis l’école des filles avant son transfert dans d’autres lieux.

Le bien avait été acquis par la commune en 1820, du sieur Germain RABIER notaire Royal demeurant à Corbigny, et son épouse Eugénie GROSSOT DE  « VEREY » demeurant avec lui, selon un acte de vente  établi par maître MONTSAINGEON notaire à Vézelay, ainsi qu’il est noté dans la rubrique « origine antérieure » du dernier acte de vente; une ordonnance signée Louis, le roi, au château des tuileries, en date du 13 octobre 1819 autorise le maire de la commune à acquérir cette maison au nom de cette commune pour servir de presbytère, de maison commune et d’école (ADY, série O).

Dans cet acte de vente une clause stipule « … la promesse de garantie d’aucun trouble quelconque sous les pièces de droit au surplus franc d’aucune hypothèque sauf de celle légale prise en faveur du mineur de defunt sieur Adrien ? ou Edme ? GROSSOT au bureau des hypothèques d’Avallon sur les objets qui forment la présente vente (…) ». C’est dire qu’il s’agissait d’un bien commun, familial.

Le nom de GROSSOT ne figure pas, à Montillot, ni aujourd’hui, ni dans les listes du premier recensement datant de 1836. Le cartulaire de Vézelay  de 1464, probablement le premier recueil assez complet énumérant les familles de Montillot assujetties au chapitre de Vézelay, ne mentionne pas non plus ce patronyme.

Mais 200 ans plus tard, de 1659 à 1680 sont passés  devant « Estienne GROSSOT, notaire à Monteliot»,  de nombreux actes de vente de diverses parcelles (A. BUET, archives Bon de la BORDE, versées aux ADY). Le nom d’Estienne GROSSOT, « praticien et notaire royal », ou « notaire royal demeurant à Montillot» figure aussi au titre de témoin ou parrain dans les registres paroissiaux, dès 1672 (date des premiers relevés conservés à Montillot), et jusqu’en octobre 1690, date à laquelle il décède au village. 

Les sites de généalogie ont permis de dérouler l’arbre généalogique descendant d’Estienne GROSSOT (1626-1690) jusqu’à Edme Claude Jacques GROSSOT DE VERCY (1757- 1825).  Les registres paroissiaux de Montillot, Vézelay, et divers villages de l’Yonne et de la Nièvre, ont confirmé et complété ces données.

En 1690, donc, les archives de l’état civil  (BMS) de Montillot recèlent  l’acte de décès de «maître Estienne GROSSOT notaire Royal, à l’âge de 64 ans» , …

… et les arabesques de sa signature sur les registres paroissiaux…

qui n’avaient rien à envier à celles de l’abbé COLLAS curé alors en exercice,  sont ensuite remplacées par celles de son fils Claude GROSSOT (1671-1724).

Catherine GROSSOT la sœur ainée de Claude demeure à Montillot ; elle se marie en 1685 avec Denis SEGUIN dont elle n’aura pas de descendance ; elle signe de très nombreux actes au titre de marraine cela dès 1676. Son petit frère Guillaume, bachelier en théologie en 1728, sera curé de Lucy. Françoise, une autre sœur née en 1671 se marie à Bazoches avec Charles Boussière. Claudine Grossot, quant à elle, née en 1672, épouse en 1705 Etienne Moreau (Moireau?), docteur en médecine à Clamecy ; leur fils Etienne, chirurgien, résidera à Montillot. 

Dans le terrier de Bois d’Arcy, en 1692, on cite Barbe GOURLET, propriétaire, veuve Estienne GROSSOT notaire à Montillot.

Barbe est elle-même décédée à Montillot en 1702,  et ses enfants Guillaume et Claude, son gendre Charles BOUSSIERE, son frère Jacques GOURLET « procureur du roy au grenier à sel », et son neveu Claude GOURLET notaire à Vézelay assistent à ses funérailles.

Barbe et Estienne représentent le premier maillon identifié dont sont issus les membres de cette famille dans le Vézelien.

Le 22 novembre 1701 se marient à Voutenay maitre Claude GROSSOT notaire et lieutenant de « montliau », marguillier et syndic perpétuel de la paroisse de Monteliot, assisté de Barbe GOURLET sa mère, veuve de maitre Estienne GROSSOT son père, Claudine GROSSOT sa sœur et quelques autres, et Marie LEBLANC. (ADY, BMS, Voutenay).

On retrouve à Montillot l’acte de naissance de Claude GROSSOT leur fils (nous diront Claude II), le 15 septembre 1703, ayant pour marraine « honneste fille Claudine GROSSOT », toujours célibataire, et pour parrain noble Claude GOURLET, sieur de la Gravière, « (?) souhaitant rester pour le voyage en l’élection de Vézelay » : il s’agit du neveu de Barbe, notaire et conseiller du roy eslu en l’élection de Vézelay. Guillaume (II) (dit « le jeune »), frère de Claude II, est né en 1707 ; il portera plus tard le nom de Guillaume GROSSOT DES PERRUCHES. Au décès du père les garçons sont émancipés, et l’oncle Guillaume (I), théologien, est leur curateur en 1728.

Claude GROSSOT (I), lieutenant au bailliage de Montillot, se remarie à Avallon le 6 avril 1712, un an après le décès de sa première épouse, avec Marie-Anne MINARD, fille d’Etienne, avocat, et d’Anne AMANJARD » (cité par le  Bulletin de la Société d’études d’Avallon,Edité en 1906) ; ils n’auront pas d’enfants.

Claude GROSSOT (II) épouse Germaine GRILLOT et s’installe à Vézelay ; il était avocat au parlement et conseiller du roi eslu en l’élection de Vézelay ; il porte alors le nom de GROSSOT DE VERCY.  De ses trois fils, Claude Jacques, l’aîné, né en 1730, est bourgeois à Vézelay; Guillaume (III), né en 1736, héritier de Guillaume GROSSOT DES PERRUCHES, décède prématurément en 1755 peu avant son père; Achille est curé à Chablis en 1746.

Claude Jacques se marie avec Germaine Bernier, à Clamecy  en 1756, un an après le décès de son père . Parmi les proches du marié on note Etienne Guillaume MOREAU, docteur en médecine, probable petit-fils d’Etienne MOREAU et Claudine GROSSOT, et Marguerite DEVERCY sa mère. Il était homme de loi, et banquier en 1769, date de la naissance de son plus jeune fils Edme Claude.

Edme Claude Jacques GROSSOT DE VERCY est son fils ainé; né en 1757, il est baptisé dans la paroisse Saint-Pierre de Vézelay. Il se marie en 1783 avec Marie-Reine RAGON à Corbigny, et sera président du grenier à sel de Vézelay. Marguerite Eugénie GROSSOT DE VERCY est sa fille : ce sont les registres paroissiaux de Vézelay qui recèlent l’acte filiatif de mariage, en l’église Saint-Pierre de Vézelay, le 28 avril 1813, de Louis Germain RABIER, fils de Germain RABIER notaire impérial à Corbigny et dame Louise Françoise GUENOT, avec Marguerite GROSSOT DEVERCY, (et non DE VEREY ainsi que transcrit à tort), fille de Edme Claude Jacques GROSSOT DEVERCY, propriétaire, demeurant à Vézelay  et dame Marie-Reine RAGON.

Jacques, dit « Vatha » (ou « Voltaire », selon les transcriptions), né à Vézelay en 1764, vivra à Paris où il décèdera ; il est grand-père de Camille, sculpteur.

Edme Claude, « dit Plessis », né en 1769 à Vézelay, colonel, marié à Marie-Louise Bergh, est à l’origine d’une branche en Belgique ; tué à la bataille d’Eckmul, il est le père de Casimir, lieutenant-colonel d’infanterie, décoré de l’ordre de Léopold.

Marguerite, née en 1756, épouse d’Adrien PENNIER, notaire à Vézelay, veuve assez tôt, décède en 1810 dans la demeure de ses sœur et beau-frère à Saint-Pierre le Moustier (58). Cette dernière, Madeleine, née en 1766, épouse Louis François MASLIN maire de Saint Parize le Chastel en 1797. 

L’arbre ascendant d’Estienne GROSSOT et Barbe  GOURLET (GOURLAY) n’a pas (encore) été reconstitué.

Jacques GOURLET, procureur du Roy en 1663 à Vézelay, est avec certitude le frère de Barbe GOURLET. On retrouve plusieurs actes notariés le mentionnant à Montillot : achat passé en 1662 devant Me DAUDIER de Brosses siégeant à Monteluot d’une maison en Toucheboeuf (voisin cité : DE LA BORDE) pour le compte de Jacques GOURLET ; Acte daté du 4 mai 1663 établi par Me Estienne GROSSOT notaire, pour le compte de la famille DE LA BORDE avec pour témoin  Me Jacques GOURLET procureur du roi au grenier à sel de Vézelay, demeurant à Monteluot. D’autres GOURLET demeurent à Monteluot à cette époque : Le 19 avril 1667, sur un acte notarié établi à Monteluot par Estienne GROSSOT est cité le voisin « Veuve Claude GOURLET », et Lazare GOURLET prêtre et curé de Montillot, est témoin le 15 juin 1663 sur un acte de vente établi par Estienne GROSSOT.

Si les GOURLET sont une famille anciennement connue à Monteluot, comme elle le fut et l’est encore dans le Vézelien, le côté GROSSOT reste le côté obscur.

Un dénommé Jacques GROSSOT était  cependant curé de Vézelay en 1631 ainsi qu’en témoigne un acte d’achat qu’il effectue alors…

On retient que les descendants de la famille GROSSOT étaient en 1820 vendeurs de ce domaine, mais que de nombreux membres de cette famille demeuraient à Montillot depuis la fin du XVIIe siècle.  Hommes de loy ou notaires, ils ont contracté mariage dans des familles apparentées, dans les générations successives.

Pour décrypter le lien existant entre la famille GROSSOT et ce qu’ils ont eux-mêmes dénommé « le domaine de Montillot », il fallut d’abord se pencher sur un acte de donation établi le 16 aout 1814, en faveur des époux Rabier.

Jacques GROSSOT DE VERCY, propriétaire, et Marie- Reine RAGON son épouse, demeurent à Montillot ; l’objet de la donation est à Montillot une maison ainsi décrite : «maison de maître et de métayer, grange, écurie, jardin, verger et petit morceau de terre à chennevière», ces biens ayant été acquis au terme d’une vente par licitation permettant le règlement d’une succession. Que sait-on de plus sur l’acquisition faite par  « jugement d’adjudication rendu au tribunal civil d’Avallon le 24.10.1811 » ainsi que stipulé dans la donation ?

L’histoire est un peu compliquée.

Le 28.4.1811 s’ouvrait la succession de leur mère Germaine BERNIER (veuve du défunt Claude Jacques GROSSOT DE VERCY)  et de leur sœur Marguerite, veuve du sieur Adrien Jean  PEIGNIER, ces derniers semblant être décédés sans enfants.

Leur mère est décédée le 20 avril 1810 à l’âge de 82 ans ; elle demeurait (et est décédée) à Monteliot.

Leur sœur est, elle, décédée le 17 avril 1810 à l’âge de 52 ans (archives départementales de la Nièvre AD58), soit 3 jours avant sa mère, dans la maison du sieur MASLIN son beau-frère,  à Saint-Pierre le Moustier (58) ; son époux Adrien PENNIER était noté de son « vivant notaire de la commune de Vézelay », mais son nom ne figure pas dans les registres des ADY. Si leur acte de mariage est à ce jour introuvable (à Montillot, à Vézelay), on sait que Marguerite GROSSOT DEVERCY était déjà mariée en 1780,  (sa signature (DEVERCY PEINNIER) en tant que témoin est retrouvée sur un acte de mariage à Vézelay  à cette date), et « veuve PEIGNIER » en 1807, date à laquelle elle établit une hypothèque conventionnelle sur une terre à Monteliot.

La succession se fera par la vente des biens sur licitation le 24.10.1811 au profit de Claude Jacques GROSSOT DE VERCY demeurant à Vézelay, payé sur les deniers provenant de la vente qu’il a faite conjointement avec dame Marie Reine RAGON son épouse d’un domaine situé à Saizy (58), ainsi que d’autres propriétés, lesquels biens étaient propres à son épouse.

On sait que Edme Claude Jacques GROSSOT DE VERCY et Marie-Reine RAGON, alors mineure, s’étaient mariés le 22 décembre 1783 dans la Nièvre, dans la commune de Magny ; le père de la mariée, Simon François RAGON, bourgeois, était bailli de cette paroisse. On comprend que Marie-Reine RAGON possédait 25 ans plus tard des biens dans cette région, par dot ou par héritage. Elle a cédé tout ou partie de ces biens pour permettre l’acquisition de ceux situés à Montillot. Attachement familial ? Rentabilité ?

Dans les archives  hypothécaires et notariales, aux ADY, divers documents attestent de cette vente (4Q2/6, 4Q2/18). S’en suit l’acte de donation proprement dit qui est enregistré  aux hypothèques d’Avallon  (ADY 4Q2/Vol 18, N° 22) le 3.9.1814. Ces biens, leur appartenant, comportaient (1) ce « domaine » (et c’est là que ces biens sont définis de la sorte) situé à Montillot et que le dit sieur déclare appartenir à son épouse …: maison d’habitation bâtiment d’exploitation, cour, aisance, jardin, pré, terre et bestiaux garnissant le dit bien, harnais de labour et tout ce qui en dépens sans réserves ; (2) « une maison située à Vézelay, rue saint-Pierre, tenant du midi aux bâtiments de Me veuve BERT, au septentrion à la maison de Mr BOROT, et d’autre part « au grande rue» de Vézelay, sans réserve, cette maison appartenant à monsieur DE VERCY comme héritier de son père et de sa mère » ; (3) une vigne à Vézelay, en vertu de l’acquisition qu’ils en ont faite le 28 décembre 1809 de Me veuve MARTIN, finage de Vézelay, acte reçu par maitre GUENOT notaire à Saizy… (4) procédure judiciaire en cours à Clamecy dans la Nièvre ; (5) ce qui peut leur revenir de la succession de feu Mademoiselle RAGON tante de la dite dame DE VERCY son héritière… » Il est précisé que c’est la nue-propriété du domaine de Montillot qui est donnée, se confondant à l’usufruit au décès de l’un des deux donateurs, le devenir du conjoint survivant en ce domaine est précisément détaillé. En outre il existe des dettes hypothécaires sur ce domaine (et lui seul) au profit d’un enfant mineur, le fils de Edme Claude GROSSOT DE VERCY dont Edme Claude Jacques est le tuteur. Le sieur et dame RABIER paieront les intérêts annuels jusqu’à la majorité de l’enfant, et le principal pourra être réglé par la vente de ce domaine auquel il leur est demandé de joindre la vigne et l’enclos donnés en dot à la dite dame RABIER, éventuellement la coupe d’un petit bois du domaine, réservé à cet effet, dans le cas d’un excédent de créance.

Ces différents actes étaient prémonitoires : Marie-Reine RAGON est décédée à Montillot peu de temps après, en 1816. Son époux Edme Claude Jacques GROSSOT DEVERCY lui survit jusqu’en 1825, et décède lui aussi à Montillot. Il avait alors 68 ans. A cette date le domaine était déjà vendu à la commune, et un nouveau curé avait été nommé (Père François Joseph GIRARD): on peut penser que le presbytère remplissait alors ses fonctions. Selon les clauses du contrat de la donation, Claude Jacques GROSSOT DE VERCY avait une autre résidence, et recevait annuellement de sa fille et son époux 300 francs, correspondant à la moitié du rendement annuel du domaine. A comparer par exemple au revenu annuel d’un instituteur de l’époque, de 300 à 500 franc, dont le salaire était réputé assez bas.

Si cette démarche de donation/ partage entre vifs était courante, on peut penser qu’elle fut pratiquée aussi par les parents de Edme Claude Jacques GROSSOT de VERCY, les époux GROSSOT DE VERCY/BERNIER : alors ce couple peut avoir laissé la demeure de Vézelay au fils ainé Edme Claude Jacques, se réservant la jouissance de la maison de Montillot. Les décès quasi-simultanés de Germaine BERNIER, et de sa fille Marguerite GROSSOT de VERCY  libèrent le domaine sur lequel ont des prétentions les frère et sœur Edme Claude Jacques, l’ainé, Magdeleine, et un enfant mineur orphelin en 1810, fils de Edme Claude GROSSOT DE VERCY (donc probablement Casimir ? dont le père colonel « dit Plessis »  est décédé en 1809 à la bataille d’Eckhmul en Bavière). On note que Claude Jacques « dit Vatha » (1764-1836) ne participe pas à ce partage.

Le domaine de Montillot était un bien familial. Le règlement de la succession a conduit à sa vente sur licitation, puis à son rachat par Edme Claude Jacques GROSSOT DE VERCY sur les deniers de son épouse. Ce qui permet au bien de rester dans la famille, jusqu’en 1820, date à laquelle les donataires se résolvent à le vendre, et s’acquittent de l’hypothèque qui le grevait.

Entre 1755 et la vente à la commune, le domaine était exploité par des fermiers ; le dernier en date est signalé dans l’acte d’amodiation, qui a précédé la vente : il fallait « laisser au fermier l’accès au puits, ne pas empiéter sur les biens dont il était locataire ». Le bâtiment principal était réservé à l’usage des propriétaires. Cet usage devait être occasionnel puisqu’ils résidaient à Vézelay.

Au moment de la révolution peu d’informations ont filtré. La famille GROSSOT DE VERCY a gardé la jouissance du domaine. A ce moment le sieur Claude Jacques GROSSOT DEVERCY a fait soumission pour acquérir plusieurs parcelles  tenant d’un bout à d’autres lui appartenant ; un demi- arpent de vigne en « Vaubière » ; «  132 perches de terre au lieudit champ du lac et les 33 perches au champ Gauthier, estimées respectivement à 160 et à 30 livres, allouées au sieur GROSSOT DE VERCY pour 630 et 175 livres ». C’est dire que ces parcelles étaient convoitées.

Claude GROSSOT DE VERCY son père, conseiller élu en l’élection de Vézelay décède en février 1755 à l’âge de 52 ans; il a été inhumé « le même jour » en la chapelle de la Sainte Vierge de l’église Saint-Pierre, sa paroisse.

De cette église bâtie en 1152 et détruite en 1804 ne subsiste que la tour de l’horloge (restauré en 1841) ; elle s’étendait au niveau de l’actuelle place Borot.

La lecture de l’inventaire après décès (ADY, 3E 54 252, 20.02.1755) nous apporte de précieuses indications.

A Vézelay, il résidait rue St Pierre ; il laisse des enfants mineurs (au moins Guillaume III et Claude Jacques) et sa veuve Germaine GRILLOT. On y trouve en particulier des titres et contrats appartenant à la succession de feu le sieur Guillaume (II) GROSSOT DES PERRUCHES son frère, décédé lui aussi en 1755,  à 53 ans, avec  un état et mémoire des biens, meubles et immeubles signé par lui datant du 30.03.1744; d’anciennes minutes de feu Claude GROSSOT son père et  l’inventaire après décès des meubles, effets, titres, papiers et enseignements délaissés par maître Claude GROSSOT passé devant maître Baudot notaire royal à Vézelay le 17.11.1724; les provisions et prise de possession d’un canonicat de la collégiale de Chably, le 7.3.1746 contrôlé à Chably le même jour, par le sieur Jacques Achille GROSSOT fils du dit défunt ; six pièces formant dossier de procédure à la requête du sieur Guillaume (III) GROSSOT DE VERCY héritier de Guillaume (II) GROSSOT DES PERRUCHES ; des livres de droit, de matière criminelle, de coutumes, de mathématique, dictionnaire, et l’esprit des lois ; le mémoire alphabétique des tailles, la coutume du nivernais en parchemin, l’ordonnance de gabelle, le droit canon, des livres en latin…

A Montillot, c’est Guillaume qui comparait pour sa mère. La maison décrite comprend une grande chambre (avec un vieux châlit cassé), un vestibule avec un moyeu de bois, bêche, râteau, rôtissoire et arrosoir, une chambre qui a la vue sur la grande cour, avec une cheminée, table, pliant, chaise, châlit, puis grenier au-dessus de la chambre. Cette description correspond à l’habitation du métayer, mais pas à celle de la maison principale. Cette dernière pouvait avoir fait l’objet  d’une donation ou d’un héritage préalable, à Guillaume (II) GROSSOT DES PERRUCHES, transmise à son décès à son neveu Guillaume (III), ce qui expliquerait son absence à l’inventaire.

A ce moment le domaine avait été morcelé, une part allant probablement à Guillaume (II) GROSSOT DES PERRUCHES, une part restant à Claude GROSSOT DE VERCY. Mais le hasard des décès prématurés fait que le domaine se retrouve sur les épaules de Claude Jacques en 1755.

Entre 1720 et 1754, des actes de notaires successifs nous apprennent que le domaine de Montillot est loué (amodié) à des métayers, avec plus ou moins de bonheur, tandis que la maison principale est réservée à l’usage du propriétaire.

Le 25 juin 1720, un acte d’amodiation est établi pour 9 années consécutives de maître Claude GROSSOT (qui demeure à Monteliot), à Edme B. et François J. tous deux laboureurs demeurant à Bouteau paroisse de Brosses. Le bien est ainsi décrit : « un domaine et métairie au dit GROSSOT appartenant tant comme héritier de cet – qu’à cause des biens dont il s’est emparé procédant de defunt Claude J. (…) consistant en un bâtiment de granges et une étable, une maison y attenant en maigne jardin, verger, chennevière, terre labourable et chaume tant au dit lieu de Boutaut, que finage de Monteliot et Malfontaine ».  Il est précisé que « la moitié des récoltes de fruits appartiendront  au bailleur, cueillis ou abattus par le preneur, la moitié des récoltes en grain, et des rentes iront au seigneur. A la charge du bailleur les réparations de couverture et menues réparations. Les preneurs ne pourront tenir de chetel autre bestiaux que ceux  fournis par le bailleur : avec 400 livres les preneurs ont déclaré avoir acquis 8 bœufs de trait à poil rouge et bouchart de cage de 4, 5, 6, 7, 8 et 9 ans »… Le 26.7.1724, un acte de vente est établi par maitre DEFERT pour l’achat par Claude GROSSOT pour son métayer J. d’un cheptel composé d’une vache de 5 ans environ, un porc, 5 brebis, 3 agneaux.

Claude GROSSOT  décède peu après, en 1724. Sa seconde épouse Marie-Anne MINARD renonce à la communauté de son défunt époux au profit des enfants (Claude et Guillaume II) et parallèlement sont publiés les « actes d’émancipation » de ces derniers.  C’est finalement le fils aîné Claude GROSSOT DE VERCY qui hérite du domaine de Montillot. Prenant donc seul en main sa gestion (il demeurait à Vézelay), il établit plusieurs ventes et achats de divers biens situés au lieu-dit la coignotte: Le 25.09.1729 il fait l’acquisition (de DEFERT) d’une petite hâte à chènevière au lieu-dit le petit puits,  le 26 un canton de verger à la coignotte (ou champ du lac) et hâte de terre à chènevière en Berguereau (à proximité), de MELOT et Marie DEFERT.  Le 31 8 1730 il acquiert un morceau de terre à chènevière au petit puits de Claude DUFOUR et sa femme, passé devant maître BAUDOT, notaire et contrôlé le même jour. Tous ces lieux-dits (le petit puits, berguereau, la coignotte, le champ du lac, les Costes) renvoient au même endroit, ils sont encore en usage aujourd’hui.

En septembre 1754, un épais dossier dans les actes du notaire RENE à Vézelay (ADY, 3 E 16 385) nous donne quelques précisons sur les différents biens du domaine. Il contient la plainte de  Claude GROSSOT de VERCY contre son métayer qui l’exploitait depuis 1747. Il se trouve que ce dernier faisait paître ses bestiaux dans un terrain de 3 ou 4 arpents au lieu-dit Les Costes, appartenant au sieur GROSSOT DE VERCY et ne faisant pas partie du bail. De même il occupait la plus grande partie des locaux que le propriétaire se réservait. En ce qui concerne les récoltes, alors qu’il devait une « tierce » au propriétaire, tous les ans, il avait pris l’habitude d’en cacher une partie, ce qui diminuait d’autant la tierce due. En revanche, il avait agrandi ses pâtures de différentes façons, aux dépens du propriétaire et aux dépens du seigneur du lieu, le Chapitre de Vézelay, son voisin. Elément intéressant, il y a eu vol de bois de charpentes, planches et outils de maçon, parce que le sieur GROSSOT DE VERCY « faisait bâtir »  dans son domaine.

La recherche de l’inventaire après le décès de Claude GROSSOT rédigé le 30 novembre 1724 par le notaire BAUDOT, à Vézelay, probablement Philippe BAUDOT, s’est avérée infructueuse : ses archives n’ont pas été versées aux ADY. Cet inventaire avait été fait à la réquisition de Marie-Anne MINARD sa seconde épouse, au profit des enfants, pour une somme de 16 060 livres et 17 sols.

Et avant 1720 ?

On sait qu’Estienne GROSSOT est décédé à Montillot…

Mais comment est-il arrivé à Montillot, et où a eu lieu son mariage avec Barbe GOURLET ? On n’en trouve trace ni à Montillot, ni à Vézelay, pas même dans les villages environnant (Voutenay, St Moré, Arcy s/cure, Brosses, Chatel Censoir, Mailly la ville) autour de 1670,  année de naissance des premiers enfants. Son épouse Barbe était sœur de Jacques GOURLET, sieur de la Gravière, procureur du roy au grenier à sel de Vézelay en 1663 et demeurant à Montillot ; il est pourtant probable que ce mariage ait eu lieu dans la région. Il n’est pas exclu que le couple ait fait l’acquisition du domaine à ce moment et peut-être en dot. La famille de Barbe GOURLET appartenait à cette noblesse de robe, si puissante à l’époque, avec les pouvoirs liés à la fonction.

Comment aller plus loin ?

Dans les années qui ont précédé, à partir de 1563 et jusqu’en 1625, une vaste campagne avait été lancé sur les biens ecclésiastiques pour renflouer le trésor royal appauvri par des années de guerre : impôt de « sacrifice », a-t-on dit ; c’est le «projet d‘aliénation des biens de l’église», sous Charles IX et Henri III. Mettre aux enchères des fiefs, choisis par l’église, c’était permettre à l’échéance de trois générations l’anoblissement au plus offrant et dernier enchérisseur roturier. En 1579 (ordonnance de Blois) la désignation des propriétés était laissée au choix des particuliers qui s’en portaient acquéreurs ; les plus nombreux des adjudicateurs appartenant à la noblesse de robe. (Victor Carrère, les épreuves de l’église de France au XVIe siècle, dans « revue de l’histoire de l’église de France », 1925, Vol 11, N°52, 332-362.) La collusion était possible entre l’acquéreur et l’adjudicateur, aux dépens de l’église. C’est d’ailleurs à cette époque qu’une nouvelle classe sociale, bourgeoise, s’est développée.

Depuis la création du monastère, Montillot faisait partie de la « poté » de Vézelay ; l’abbé de Vézelay et le chapître étaient seigneurs de Montillot. Dans les archives de Vézelay figure l’inventaire des titres et papiers (ADY, H1941-2) de l’abbaye, du moins ceux qui n’ont pas été perdus. On y trouve quelques ventes de biens de l’église, et par exemple: en 1540, d’une maison à Vézelay près de la porte neuve ; en 1609, d’une métairie « de Versaulce », et la maison ; la même année, 434 arpents de bois abandonnés aux habitants de Monteliot, moyennant une redevance de 5 sous tournois par an. Rappelons que l’entretien même des bâtiments de l’abbaye devenait problématique et qu’il fallait aussi trouver l’argent nécessaire pour sauver ce qui pouvait l’être.

En 1543 on y trouve un dossier intéressant, requête du cardinal de Meudon Antoine SANGUIN, abbé de Vézelay, à Léonard LERANDAT, abbé, Jean LERANDAT et Agnès veuve Jean LERANDAT, leur mère, de Monteliot, détenteurs de la métairie du puits de Versy (ou Bersy) contenant environ 10 arpents, finage de Monteliot, justice de Morey, pour s’en désister. Faut-il y voir l’origine du nom de VERCY, à Montillot ?

A ce stade voici ce que nous pouvons dire.

Les GROSSOT sont apparus à Montillot en fin du XVIIe siècle, avec Estienne GROSSOT, notaire royal,  mais ce patronyme n’était pas présent sur les documents antérieurs du village ; son épouse Barbe GOURLET appartenait à une famille de notaire et procureur du roy, à Vézelay. Estienne, puis Claude GROSSOT occupent les charges de notaire royal, tabellion, marguillier, greffier royal, puis syndic perpétuel de la commune de Montillot. Claude II, le fils de Claude I, acquiert le patronyme GROSSOT DE VERCY, et est conseiller du roi élu en l’élection de Vézelay, où il réside et décède; il est inhumé dans l’église Saint-Pierre. Claude Jacques, son fils aîné, est dit homme de Loy et réside à Montillot. Edme Claude Jacques de la génération suivante est président du grenier à sel à Vézelay en 1789, mais décède, ainsi que sa femme, à Montillot : il est le père de Marguerite Eugénie qui vendra à la commune de Montillot la maison du domaine pour en faire le presbytère, une école et une maison communale ; elle a pour conjoint Louis Germain RABIER , originaire de Saizy dans la Nièvre : région limitrophe d’où viennent et où repartent ces familles (Claude Jacques GROSSOT DE VERCY et Germaine BERNIER se sont mariés à Clamecy en 1756 ; Marie-Reine RAGON s’est mariée à Magny en 1783 et a vendu un domaine lui appartenant à Saizy (58) pour racheter le domaine de Montillot en 1810 ; Marguerite GROSSOT DE VERCY, fille de Claude Jacques est décédée chez son beau- frère MASLIN à Saint- Pierre le Moustiers (58) en 1810 ; Eugénie est repartie avec son époux Louis Germain RABIER à Corbigny (58) en 1813.)

Depuis le départ des époux RABIER en 1820, rien ne reste de cette famille à Vézelay ni à Montillot.

Si ce n’est le souvenir d’une maison, en héritage.

Montillot : Monteliot,   Monteluot, Montirueth dans les terminologies anciennes

ADY : archives départementales de l’Yonne

AD58 : archives départementales de la Nièvre.

Arbre généalogique des Grossot/Grossot de Vercy de Montillot et de Vézelay

4 réponses sur « Les Grossot et Grossot de Vercy … de Montillot à Vézelay (1620-1820) »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s