A. Buet, mai 2014
Introduction
Nous avons vu que pour les historiens, la protohistoire se terminait dans nos régions au début de la Guerre des Gaules, soit environ 50 ans avant J-C. Cela signifie que les populations de notre Europe occidentale furent alors capables de rédiger les documents qui nous permettront de reconstituer leur histoire. Mais sachant que le village de Montillot n’apparaît dans les documents officiels qu’au 12ème siècle, nous devons trouver des traces ou des relations d’évènements plus anciens concernant des localités proches. Nous pourrons alors imaginer ce que pouvait être la vie dans notre coin de Bourgogne au cours du premier millénaire. D’où la méthode que nous proposons : imaginer une promenade, dans le temps et l’espace, autour du futur Montillot….
Dans le temps, le plan est facile à trouver dans les livres d’histoire :
1°) – la période gallo-romaine, couvrant les 4 premiers siècles.
2°) – les royaumes barbares, créés par les peuplades venues d’Asie et d’Europe de l’Est, en insistant sur le royaume de Burgondie, future Bourgogne.
3°) – les rois mérovingiens, descendant des premiers rois Francs, qui prirent le dessus sur leurs rivaux à la fin du 5ème siècle.
4°) – la dynastie carolingienne, créée par de hauts dignitaires qui après avoir vaincu les envahisseurs musulmans au cours du 8ème siècle, se sont emparés du pouvoir royal ; ils devront combattre de nouveaux envahisseurs, les Normands, aux 9ème et 10ème siècles.
Pour chaque période, nous explorerons l’espace environnant, cherchant vestiges, chroniques et anecdotes associés à chaque lieu.
Epoque Gallo-Romaine (I)
Il est convenu d’appeler « gallo-romaine » la période qui s’est écoulée de la conquête de la Gaule par les Romains, – terminée en 52 avant J.C. – à la fin du 5ème siècle après J.C., marquée par la fin de l’Empire romain d’Occident (en 476) et en France par l’avènement de la dynastie mérovingienne ( Clovis fut « roi des Francs « de 481 à 511). Sur ces 5 siècles, les 2 premiers se distinguent ; c’est la « pax romana », caractérisant la période pendant laquelle furent étendues à tout l’empire romain, dont notre Gaule, les institutions et les modes de vie de la civilisation gréco-latine. C’est une période de stabilité et de prospérité.
Quelles traces ont laissées ces Gaulois « romanisés » dans notre région ? Depuis le milieu du 19ème siècle, plusieurs archéologues – QUANTIN, BOUCHERON, BAUDOUIN, PARAT, PISSIER, LACROIX, NOUVEL- ont publié les résultats de leurs recherches dans les revues des Sociétés savantes locales . Les vestiges les plus courants sont les pierres des chemins, des habitations et des monuments, ainsi que des objets de la vie domestique ( outils, pièces de monnaie). De nombreux objets trouvés au cours des fouilles sont exposés dans les musées d’Arcy-sur-Cure, de Saint-Père, de St Jean les Bonshommes, d’Avallon. d’Auxerre et de Châtillon-sur-Seine.
Les voies de communication

Jules César a signalé la rapidité avec laquelle ses légions ont progressé en Gaule. C’est qu’un réseau routier y existait avant l’arrivée des Romains. Ceux-ci n’ont eu qu’à appliquer leurs propres normes de construction aux routes et chemins en service.
C’est Octave, le futur empereur Auguste, qui, dès avant la mort de Jules César, entreprit ces grands travaux avec l’aide de son conseiller, et futur gendre, Agrippa.
Les grands axes traversant la Gaule étaient terminés avant la fin du 1er siècle avant J.C.. La ville de Lyon (Lugdunum) a été choisie comme origine des « voies romaines », rayonnant en direction de la Méditerranée, des Alpes, de l’Atlantique, de la mer du Nord et des pays de l’Est…Ces voies devaient desservir des cités nouvelles, laissant de côté les « oppida » gaulois inaccessibles : Autun –Augustodunum-, capitale gallo-romaine des Eduens, remplacera Bibracte. Celle qui intéresse notre région a été appelée la « via Agrippa » ; elle devait relier Lyon à Boulogne-sur-Mer ( direction de la « Bretagne » de l’époque ), en passant par les cités qui s’appellent aujourd’hui Autun, Saulieu, Avallon, Auxerre, Troyes, Reims (alors capitale de la « Gaule belge ») et Amiens. Grâce aux recherches de nos archéologues et à leurs publications dans les bulletins de la Société des Etudes d’Avallon (S.E.A.) et de la Société des Sciences de l’Yonne (S.S.Y.), nous savons depuis longtemps que , dans l’Yonne, la via Agrippa passait à – ou à proximité de…- Magny, Avallon (rue de Lyon ?), Anneot, Voutenay, Saint-Moré, – où elle franchissait la Cure -, Bazarnes, Escolives, Auxerre. Près de Magny, on a trouvé plusieurs portions de voie, dont l’une au lieu-dit « Pas de Saint Germain » . Est ainsi évoqué à cet endroit le passage d’un personnage éminent, évènement rapporté par un chroniqueur à la fin du 5éme siècle, Constance de Lyon. Germain, né vers 380 dans une riche famille d’Appoigny, fut nommé évêque d’Auxerre en 418. S’étant rendu en Italie à Ravenne, alors capitale impériale de l’Occident, il y meurt le 31 juillet 448. Son corps embaumé est ramené à Auxerre sur un char à bœufs, accompagné, entre autres, de cinq pieuses jeunes filles nommées Pallaye, Procaire, Magnance, Camille et Maxime. Eprouvée par la chaleur de l’été, Magnance meurt et est inhumée au bord de la voie, à l’approche d’Auxerre. Deux siècles plus tard, son squelette fut retrouvé et le village voisin prit le nom de Ste-Magnance. Deux de ses amies, Camille et Pallaye, décédées un peu plus tard dans la même région, ont donné leur nom à deux autres localités, Escolives et Ste-Pallaye.
Le professeur Pierre NOUVEL, de l’Université de Besançon, partant de tous les rapports antérieurs, et les complétant par des reconnaissances aériennes – effectuées avec J.P. DELOR -, a publié dans le bulletin 2007 de la S.E.A., une carte restituant le tracé complet des « voies antiques de l’Avallonnais », carte reproduite ci-après avec son autorisation. Examinons-la:
La via Agrippa, N°1, la voie principale, conçue pour être rapide, traverse la région en diagonale par une suite de segments rectilignes Nous avions déjà remarqué, – noté ici « voie N°9 » – , le chemin qui passe tout près de Montillot, à la Duite, venant directement d’Asquins et rejoignant Brosses, et qui s’appelait sur le cadastre du début du 19ème siècle, le « Grand Chemin de Mailly-la-Ville à Vézelay ».
On voit aussi la « voie N°2 », qui, venant d’Autun par Domecy et Pierre-Perthuis, suit la vallée de la Cure entre Asquins et Sermizelles… ; et une autre qui, de Blannay, monte vers l’Ouest sur le plateau et rejoint Bois d’Arcy et Brosses.

Voies N° 1, 1 bis, et 2, et voies N° 5, 6 et 9 desservant notre région.
Une carte très ancienne des voies de communication : la « Table de PEUTINGER ».
On dispose à la Bibliothèque Nationale Autrichienne de Vienne d’une copie faite au 13ème siècle par un moine de Colmar d’une « carte » romaine du 4ème siècle où figurent les routes et les villes principales de l’Empire romain…et même au-delà, vers l’Inde et la Chine. On l’appelle aussi « carte des étapes de Castirius », ou « Table théodosienne », par référence à Théodose, empereur romain du 4ème siècle.
La table complète est composée de 11 parchemins qui, mis bout à bout, forment une bande de près de 7 mètres de long sur 0,34m de large. L’échelle est exprimée, soit en milles romains ( 1478,50m), soit en « lieues gauloises romanisées » (2222m).
Examinons la portion de « carte » ci-dessus, qui couvre notre région.

Notre « Via Agrippa » apparaît en bas à droite, avec une ville importante (représentée avec 2 tours ; c’est Augustodunum (Autun).
Un peu au dessus sur la droite, on voit Cabillione (Chalon-sur-Saône).
Partant vers la gauche on trouve Sidolocus (Saulieu) à 18 lieues, soit 40 km ; puis Aballo (Avallon), Autessiodurum (Auxerre), Baudritum (Bassou), Agetincum (Sens). Un grand bâtiment thermal est représenté, appelé Aquis Segeste, non identifié. A Auxerre, un embranchement nous emmène sur la droite de la Via Agrippa vers Eburobriga (Avrolles, village proche de St Florentin), puis Augustobona (Troyes) et un carrefour important, Riobe, identifié comme le village de Chateaubleau en Seine-et-Marne. De là, on peut rejoindre, soit Calagum (Chailly-en-Brie), soit Metegio (Melun), puis Luteci (Lutèce) et Brivaisara (Pontoise)… Dans le coin gauche, on trouve Avaricum (Bourges) et Ebimo (Nevers ?).
Les vestiges de constructions (habitations et aménagements, monuments…)
Les Romains appelaient en latin « villa » un domaine foncier comportant des bâtiments d’exploitation agricole et d’habitation, construits en pierre. Des constructions plus ou moins importantes et luxueuses selon la richesse de leurs propriétaires ont donc progressivement remplacé les huttes en bois des Gaulois. L’abbé PARAT (1843-1931) dit en avoir repéré environ 300 dans l’Avallonnais, dont 40 sur le seul canton de Vézelay. « Il y en avait », écrit-il, « partout où il y a une terre fertile et de l’eau à proximité ». On a donc retrouvé des vestiges dans tous nos villages.
Certaines villas étaient plus luxueuses, telle la villa des Chagniats, à St Germain des Champs, avec 18 chambres, une citerne, des poteries, du marbre, une mosaïque de 9 mètres représentant des animaux et des fleurs (Musée d’Avallon)…

Sur le territoire de la commune de Montillot et à proximité, l’abbé PARAT décrit les traces de plusieurs d’entre elles :
– La « villa de Linières» (Crot Toubon, près de la route du Vaudonjon) », reconnue par des « pierres debout, tuiles ( les « tegulae », tuiles romaines à rebords), poteries diverses »
– La « villa du Saulce », « chemin du lac Sauvin, climat dit des Tuileaux ou des Pierries, ruisseau, chemin ferré allant à la Fontaine Guinant (tarie), tuiles…» (lieu dit les osiers)
– La « villa de Tameron », tuiles …
– La « villa des Hérodats », près de ce hameau, « tuiles, briques, poteries, meule,… »
– La « villa de Marot », « moulin, tout le long du vallon, nappes de scories, dites ferriers ou mâchefer ».
– La « villa du Vaux Donjon », « en bas, sur la route, tuiles, poteries, médailles, bas-relief marbre, statuette de pierre homme assis » ( à voir aumusée du prieuré de St Jean les Bonshommes à Sauvigny le Bois).

– La « villa du champ des églises» tout près du Gué Pavé, côté Sud, sur le territoire d’Asquins, « étendue 5 arpents, nombreux blocs de pierre »…tuiles, poteries, colonne ornée de pampres… ». Ce site a été analysé avec précision au cours d’une Campagne française d’Archéologie aérienne à partir de 1970 (cf thèse de J.P. Delor en 1994). P. Nouvel nous décrit des bâtiments rectangulaires de 300 m Est-Ouest et plus de 100 m Nord-Sud, avec des systèmes d’adduction d’eau et un temple central.
Les monuments ou installations proches de la voie Agrippa.
Le temple de Mercure
C’est en 1822 qu’ont été fouillées les ruines d’un temple romain, sur la colline de Montmartre, dominant de 270 mètres le village de Vault-de-Lugny et le hameau de Vermoiron. Elles ont été décrites en 1905 par M. Ernest PETIT, historien de la Bourgogne.
Il s’agissait d’un temple dédié au dieu Mercure, de forme carrée de 15m de côté environ, où l’on a trouvé des restes de statues en pierre et en marbre (Apollon, Minerve,…) et des pièces de monnaie correspondant aux règnes des empereurs des 3 premiers siècles de notre ère. Ce monument aurait été détruit vers 375, période du « renversement des idoles », sous le règne de Valentinien.
Saint-Moré-Chora et son «camp».
C’est l’historien romain Ammien Marcellin qui, vers 350, mentionne pour la première fois le nom de Chora; pour désigner une localité située sur la voie reliant les 2 cités qui se sont appelées plus tard Autun et Auxerre. On admet aujourd’hui que ce mot, d’origine probable celtique, désignait la rivière appelée plus tard « Cure » et que les Romains ont donné ce même nom à leur place forte voisine.
C’est au sommet de la colline de Villaucerre , à 110 mètres au-dessus de la vallée de la Cure, que l’on trouve en effet les restes d’une forteresse : muraille de 100 m de long et près de 3 m d’épaisseur avec 7 tours; fossé de 150 m de long et 10 à 15 m de large. Au-dessus, s’étend un plateau escarpé de 25 ha.
Les monnaies trouvées par l’abbé PARAT couvrent la période du 1er au 4ème siècle. Comme il a été ramassé sur le plateau des ossements, des galets, des silex, des poteries des époques de la pierre polie, du bronze et du fer, on a conclu, avec René LOUIS, qu’il s’agit « d’une enceinte protohistorique restaurée et réoccupée à l’époque gallo-romaine », les légions romaines devant surveiller d’abord la construction de la voie, puis la circulation sur la via Agrippa. La date de la restauration des murailles est mal connue ; J.P. DELOR la situe au 3ème siècle.
Au pied de la colline et au bord de la rivière on a trouvé des vestiges de constructions de la même époque – pierres, poteries, tuiles, médailles…-. L’abbé Parat cite en particulier « la villa Cérès, dans l’enclos du château ; corps principal de 26 m de long, avec 8 salles, des dépendances bordant la Voie avec 7 chambres, une statue de l’Abondance assise (musée d’Avallon)… ». ; dans le cimetière, des tuiles, des sarcophages, une statuette de bronze de Vénus… ; un petit aqueduc, amenant l’eau d’une source de la colline voisine à une villa.
P. Nouvel nous indique que Chora-St Moré était un poste frontière entre 2 des 4 grandes régions administratives crées par Constantin, la Lyonnaise 1ère (autour de Lyon et des vallées de la Saône et de l’Allier, donc couvrant Autun et l’Avallonnais) et la Lyonnaise 4ème (autour de Sens et Orléans). « Les Sarmates, Germains intégrés comme militaires dans l’Empire romain, protégeaient les parcours fortifiés ».On pense que vient de là le nom de Sermizelles, apparu vers l’an 1200.
Le centre sidérurgique des « Ferrières près de Vézelay».
L’abbé LACROIX, qui a organisé à Vézelay en 1968 une exposition sur ce Centre, nous l’explique dans une notice:

Le plateau situé à 4 ou 5 km au Sud-Ouest de Vézelay ( sur la commune de Fontenay-sous Vézelay) est constitué, à sa partie supérieure « de 50 mètres de calcaires marneux et de marnes … le Baljacien Supérieur, dans lesquels s’intercalent de nombreux niveaux d’oolithes ferrugineuses » . L’extraction de ces pierres brunes, plus ou moins grosses, et leur traitement par fusion étaient faciles, et ont dû être effectués depuis fort longtemps. Mais une exploitation rationnelle a été organisée durant tout le 2ème siècle et au début du 3ème . Sur 25 ha, aux lieux-dits « Bois des Ferrières », « Bois du Fourneau », « Bois du Crot au Port », « Bois de la Souche Noire »…on a trouvé de nombreux vestiges de cette exploitation – 2000 ont été relevés aux Ferrières, 400 au Crot au Port…-,entonnoirs d’extraction, puits d’eau et d’argile, fosses de lavage, chemins ferriers…Après lavage, le minerai était concassé, puis mélangé au charbon de bois tiré du bois des forêts voisines, et introduit dans le four, une petite tour d’argile de 1,50 m de diamètre.. On a trouvé aussi les fondations de villas qui pouvaient servir de centre administratif., un sanctuaire au Crot au Port, avec un autel consacré au Dieu Mercure, des céramiques, des anses d’amphores venues du Sud de l’Andalousie…
Une loi romaine, la « Lex metallis dicta » réglait les conditions d’exploitation.
On a évalué à plusieurs milliers l’effectif du personnel travaillant aux mines sur ce centre -esclaves et prisonniers –
Notons, – encore plus près de Montillot -, que l’Abbé PARAT a fait en 1906 une conférence intitulée « la métallurgie ancienne dans la vallée de Brosses » : il avait en effet mis en évidence des « ferriers », tas de scories tout à fait semblables à ceux de Vézelay, « tout le long de la vallée, depuis l’étang de Marot jusqu’à Vau-Coupeau ».
Et si, sur Montillot même, on ne trouve pas trace d’une exploitation ancienne, les pierres brunes ramassées dans les champs au cours des siècles sont très visibles au sein des murs de pierres sèches…
Les Fontaines Salées
Nous avons déjà signalé que les premières découvertes de René LOUIS en 1934 sur ce site proche de Saint-Père portaient sur les vestiges d’un établissement thermal gallo-romain. Il a été ensuite démontré que ces sources – chaudes ( environ 15°) et très minéralisées (environ 10g par litre) – avaient été exploitées pour leur sel dès la plus haute antiquité.

Dès le 1er siècle après J.C. débuta la construction d’un établissement typiquement romain, qui fut agrandi au 2ème siècle. La partie Nord était réservée aux hommes et la partie sud aux femmes.
On peut y reconnaître vestiaires, salles de transpiration, bains chauds par aspersion ou immersion, bains tièdes, bains froids, cour entourée de portiques (palestres) destinée aux exercices gymniques …
On pense que les « clients », aussi bien pour les bains que pour le sel, venaient de la cité voisine , le « vicus Vercellacus » bâtie au pied de la colline du futur Vézelay ( très probablement à l’emplacement du St Père actuel), mais aussi du centre sidérurgique des Ferrières auquel le reliait une voie directe.

Epoque Gallo-Romaine (II)
Administration
N-B: Dans la suite du texte, nous nous réfèrerons fréquemment à l’ « Histoire de France » pour rappeler les évènements nationaux qui pouvaient avoir une répercussion locale et pour préciser à chaque époque les structures administratives dont dépendaient Montillot et ses environs. Dans le souci de faciliter la compréhension des évènements rapportés, toutes les localités citées le seront sous leur nom actuel.
César, en décrivant la Gaule, partageait ses peuples en Celtes, Aquitains et Belges.
Auguste, a poursuivi sur ce modèle l’organisation en « provinces impériales » commencée avec la Narbonnaise, en y ajoutant les Gaules (Belgique, Aquitaine et Lyonnaise), avec pour capitales respectives, Reims, Saintes et Lyon. Chaque province était en principe autonome et dirigée par un légat et un gouverneur, assistés de notables gaulois.
Vers +300, Dioclétien, puis Constantin, redivisent ces provinces en 2 à 4 parties. Notre Gaule-Lyonnaise donnera la Lyonnaise 1ère, – autour des vallées de la Saône et de l’Allier, incluant Autun, Avallon, et Auxerre, avec Lyon pour capitale-, la Lyonnaise 2ème, capitale Rouen; la Lyonnaise 3ème , capitale Tours, et la Lyonnaise 4ème, capitale Sens, comprenant Orléans et le Sud de l’Ile-de-France. Nous avons vu que St Moré devait être à la frontière de la 1ère et de la 4ème.

Les Romains encouragent la création de villes (les « urbs » gallo-romaines), relais du pouvoir. Dès 15 av. JC, Auguste avait créé Autun (Augustodunum) « sœur et émule de Rome », avec une enceinte, des portes monumentales et un théâtre romain. Une école de rhétorique y fut fondée, et, très tôt, y sont venus des étudiants de tout l’Empire.
L’« urbs » assurait le contrôle politique et religieux d’un territoire appelé « civitas », la cité. La carte des voies romaines présentée dans le texte ci-dessus, indique les limites approximatives des « cités » d’Auxerre et d’Autun. On voit que dans notre région la « ligne-frontière » moyenne irait de Châtel-Censoir à Joux-la-Ville, en passant par Bois d’Arcy et St Moré.
En fait, la ville proche la plus importante a d’abord été Sens ( un aqueduc y allait chercher l’eau de la ville dans la vallée de la Vanne).
Auxerre, bourgade gauloise sur les bords de l’Yonne ( « Dea Icauna »), a pris de l’importance lorsqu’elle a été traversée par la voie Agrippa, si bien qu’elle fut détachée de la cité de Sens vers l’an 300 par Dioclétien, et érigée en chef-lieu de cité (« Autessiodurum »).
Le « pagus » (devenu plus tard le « pays ») était une circonscription de la « cité », proche en surface de notre « canton ». Un exemple : le « Pagus Avalensis » autour d’Avallon, à l’intérieur de la cité d’Autun. Sur son socle granitique, « Aballo » – nommée ainsi sur une monnaie des Eduens – fut auparavant un « oppidum » ( ou un simple « castrum » ?) gaulois. Au cours de travaux d’adduction d’eau en 1848, on a mis au jour dans les tranchées de la rue qui allait de la Tour d’Horloge à la place du Marché, cinq tombeaux de pierre avec des monnaies du Haut Empire (Auguste et Tibère).
D’après BAUDOUIN, le pagus d’Avallon s’étendait,- sur la carte actuelle de notre région -, de Noyers à Corbigny et de Rouvray à Châtel-Censoir. Ce dernier village était alors un autre « castrum » de la région. E.PALLIER nous l’explique : il « est situé sur une espèce de promontoire abrupt, entre 2 vallées profondes, celle de l’Yonne à l’Ouest et celle du ruisseau d’Ausson à l’Est ; ces deux cours d’eau, en se réunissant au pied de la montagne, forment la défense naturelle du fort » …dont il ne reste qu’une grosse tour et des pans de vieilles murailles ». Des monnaies de toutes les époques ont prouvé un séjour prolongé des Romains depuis les premiers empereurs.
A l’intérieur du « pagus », on trouvait de petites agglomérations rurales appelées « vici » – « vicus » au singulier -, constituées souvent autour d’une riche villa, dont le nom du propriétaire était joint à celui du « vicus ». Exemples: le « Vicus-Vercellacus » – futur Saint-Père -, et le « Vicus-Scoliva » – futur Escolives, village déjà cité, situé à 10 km au Sud d’Auxerre, où l’on a découvert à partir de 1955 des vestiges datant du néolithique jusqu’à la période mérovingienne -.Tous les deux avaient leurs thermes…
La Gaule étant intégrée dans l’Empire romain, son sol est devenu propriété du peuple romain (« ager publicus »). Les Gaulois indigènes payent l’impôt ; l’ensemble du territoire a donc été cadastré dès le premier siècle.
Agriculture
Les Romains ont apporté avec eux leur organisation et les traditions issues de plusieurs siècles d’expériences au Moyen Orient (particulièrement des Egyptiens et des Chaldéens).
Selon l’abbé PARAT d’après PLINE, « les Gaulois avaient la charrue (« araire ») et connaissaient la chaux en amendements ». Avec les Romains, ils ont ajouté le soc en fer, utilisé les engrais verts et mis en place la rotation biennale des cultures.
Selon le Romain PALLADIUS dans son traité « opus agriculturae », ils moissonnaient sur les terrains plats du Nord-Est de la Gaule avec des « vallus », chacun de ces véhicules étant poussé par un bœuf et constitué d’un plateau sur roues muni à l’avant de dents à hauteur des épis.
On a recherché les traces les plus anciennes de culture de la vigne dans la future Bourgogne. Les Grecs auraient introduit cette culture en Gaule dès la fondation de Marseille, vers -600 av JC ; culture longtemps limitée à la proximité du littoral. Mais le vin, amené en grande quantité par voie maritime dans toute la Gaule par des marchands venus des cités étrusques, était aussi très apprécié par les riches Gaulois…et payé soit en deniers soit par échange d’esclaves ( une amphore pour un esclave, d’après Diodore de Sicile !). Après la conquête, la production s’accrut, mais concurrençant les vins italiens, elle fut interdite par l’empereur Probus en 92 ap JC. Il fallut attendre 2 siècles – vers 280 ap JC-, pour que Domitien, devant la menace d’invasions barbares flatte les Gaulois en autorisant à nouveau la plantation de vignes . D’où le développement des vignobles dans le Languedoc, le Bordelais, la vallée du Rhône et jusqu’à la région parisienne. Les Gaulois ont amélioré les techniques de vieillissement, les tonneaux et les cuves en bois de chêne remplaçant peu à peu les amphores.
Une allusion à un vignoble proche de la vallée de la Saône apparaît dans un discours prononcé vers 310 par Eumène, un rhéteur romain : il parle du « Pagus Arebrignus », où des vignes ont été dévastées lors des invasions barbares, vignes qui s’étendaient dans la plaine jusqu’à la Saône. Ce « pagus » a été reconnu comme situé dans la zone actuelle de Nuits et Beaune.
Et au 6ème siècle, Grégoire de Tours, évêque et historien, parlant de Dijon – alors « Divio », métropole des Lingons, écrit : « du côté de l’Occident sont des montagnes très fertiles, couvertes de vignes ».
A Gevray-Chambertin en 2008, des fouilles ont fait apparaître la trace de 120 ceps, et de nombreux pépins conservés et identifiables.

On y reconnaîtrait le cépage du « plant de César », qui existe encore aujourd’hui. La région d’Auxerre était donc déjà connue pour ses vins.
A Vézelay, en 1689, on aurait trouvé sous l’église St Etienne les vestiges d’un temple dédié à Bacchus, et à Asquins, un sarcophage décoré de pampres et de grappes. Au musée d’Avallon, on peut voir des raisins ornant des monuments funéraires des 1er et 2ème siècles.
Epoque Gallo-Romaine (III): Les débuts du christianisme
Les premiers chrétiens vivaient au 1er siècle en Palestine, province romaine peuplée surtout par des Juifs. A la suite des « Apôtres » propageant la « Bonne nouvelle » écrite vers la fin du 1er siècle dans le « Nouveau Testament », ils se dirigent vers l’Ouest .S’organisant en groupes structurés, ils créent des « églises » locales à Antioche – dont Pierre aurait été le premier évêque -, Damas, Césarée…puis ils gagnent Rome. Les Romains, jusque là assez tolérants à l’égard des autres religions, s’irritent de voir les Chrétiens refuser de participer au culte impérial. On méprise une religion qui se répand d’abord parmi les pauvres et les esclaves…Tacite, sénateur romain et historien, les accusait de « haine pour le genre humain ». Pourtant, malgré les persécutions, le christianisme continue à se diffuser. Au début de l’occupation , les Gaulois avaient adopté les Dieux romains. Et pourtant, c’est dans les centres de la religion d’Etat que se propage la nouvelle religion : Lyon, Autun, Bordeaux. Une communauté chrétienne aurait existé dès 177 à Autun. La même année, Pothain, plus de 90 ans, venu de Smyrne, premier évêque de Lyon, la jeune esclave Blandine, et leurs compagnons auraient été arrêtés et martyrisés sur l’ordre de Marc-Aurèle. Le prêtre Irénée, lui aussi de langue et de culture grecque, lui a succédé. Théologien, il s’est consacré à la formation de missionnaires pour l’évangélisation de la région, créant en particulier les diocèses de Vienne et Besançon. Lui aussi aurait été martyrisé à Lyon vers 202, victime d’un édit de persécution de Septime Sévère. Des « vagues » de persécutions sont signalées en 257 et 288 sous Valérien, et en 303 sous Dioclétien.
Dans nos régions, on cite le martyre de Reine, qui faisait paître ses moutons au pied du Mont Auxois, et fut suppliciée par le consul Olibrius en 253 …celui d’Andoche, tué en 177 avec ses compagnons sur la route de Saulieu, et devenu « patron » de cette ville ;…en 274, celui de Colombe, qui avait fui l’Espagne à cause des persécutions et rejoint la communauté chrétienne de Sens …toujours à Sens, deux évêques successifs venus de Rome, Savinien, décapité à la hache, et Potentien, exécuté en 241. Ce dernier devint « patron » de Châtel-Censoir où il aurait précédemment accompli des miracles..…En 303, Pèlerin, citoyen romain venu évangéliser Auxerre, fut martyrisé à Entrains ; il avait élevé la toute première église de sa ville.
Après Dioclétien, Constantin ne prit le pouvoir qu’après une longue période d’anarchie. Selon la tradition chrétienne, après des songes prémonitoires et des visions, il accorda en 313 par l’Edit de Milan la liberté de culte « aux chrétiens et à tous les autres »… « de telle sorte que ce qu’il peut y avoir de divinité et de pouvoir céleste puisse nous être bienveillant ». Il reçut le baptême sur son lit de mort en 337. L’un de ses successeurs, Théodose 1er, institua en 380 le christianisme comme seule religion officielle, et interdit les cultes païens. Des évêques s’installent dans chacune des cités de l’Empire et y établissent leur siège. Les conciles de Nicée en 326 et de Chalcédoine en 451 ont recommandé de faire coïncider les limites des diocèses et des circonscriptions civiles.

Nota : il est intéressant de constater le respect de ce principe au cours des siècles suivants ; la frontière approximative des cités eduens d’Auxerre et Autun présentée plus haut sur la carte des voies romaines, reste sensiblement la même pour les diocèses au 5ème siècle et les comtés du 9ème… Et aujourd’hui, nous constatons que Châtel-Censoir, Brosses, Montillot, Voutenay, Blannay, Sermizelles, font partie de l’arrondissement d’Avallon… tandis que les communes limitrophes vers le Nord, Merry, Mailly-la-Ville, Bois d’Arcy, Arcy … sont dans l’arrondissement d’Auxerre.
Fin de la « paix romaine ». Révoltes et invasions. Fin de l’Empire romain
A partir du 1er siècle, les cours supérieurs du Rhin et du Danube ont constitué la frontière entre la Gaule romaine et les peuples germaniques. Ceux-ci, tribus peu évoluées , batailleuses et souvent rivales, se déplaçaient sans cesse en quête de terres nouvelles.
Dès le 2ème siècle, Marc-Aurèle, empereur de 161 à 180 ( et aussi philosophe stoïcien !), avait dû combattre les Parthes qui avaient envahi les provinces orientales de l’Empire, puis d’autres peuplades qui menaçaient le Nord de l’Italie. Des fortifications ont été construites aux frontières,- formant le « limes » de Germanie – (qui s’est étendu jusqu’au Nord de l’Angleterre), quelquefois défendu avec l’aide de tribus voisines qui avaient accepté de se « fédérer » avec l’Empire romain.
Au début du 3ème siècle, ce sont les Alamans qui menacent le limes de Germanie à la charnière entre Rhin et Danube. ; ils sont repoussés par Caracalla en 236. En 258 (ou en 276 ?…), ils franchissent à nouveau le limes Rhin-Danube, débouchent par les Vosges, le Jura et les Alpes, et « lancent des raids dévastateurs en Gaule, Espagne et Italie ». C’est à cette époque qu’Auxerre a été incendiée et pillée, et que nos historiens situent la destruction des établissements thermaux des Fontaines Salées. ( Au siècle suivant des paysans « sauniers » exploitent le sel par évaporation et préparent des saumures, mais les thermes ne sont pas remis en service ). Les paysans s’enfuient dans les forêts des alentours. Les plus aisés enfouissent leur petite fortune, qu’ils n’ont jamais pu récupérer, d’où les « trésors » retrouvés beaucoup plus tard… Dans la même période, Autun subit un siège de 7 mois et fut détruite ; selon les sources, auraient été impliqués, soit Victorinus, un officier romain ayant usurpé le titre d’empereur, soit les Bagaudes, bandes de brigands, de soldats déserteurs et de paysans révoltés contre la pression fiscale… Constantin a fait reconstruire la ville au siècle suivant. Le rhéteur Eumène évoque en 297 dans les campagnes au Nord d’Autun « ruines, terres en friche, vignes abandonnées ».
Les campagnes se sont succédé aux 3ème et 4ème siècles pour refouler les envahisseurs, mais à la fin du 4ème, « l’Empire va succomber sous un assaut généralisé ». Les Huns, venant d’Asie Centrale, franchissent la Volga vers 374 et refoulent vers l’Ouest les peuples germains, les Wisigoths venant d’Asie Mineure, puis les Francs, les Burgondes, les Vandales, les Alains ; les Suèves qui franchissent le Rhin gelé en décembre 406. En 451 les Romains et les Germains – essentiellement Wisigoths, Burgondes et Francs (conduits, dit-on, par Mérovée) – unissent leurs forces sous le commandement d’Aetius et repoussent les Huns aux Champs Catalauniques, près de Troyes. Auparavant, Attila avait ravagé tout le Nord de la Gaule, incendié Metz, détruit Reims, saccagé Auxerre, mais abandonné devant Paris et Orléans.
Cependant le pouvoir impérial s’affaiblit ; depuis 395, l’Empire romain était en 2 parties, Orient et Occident. Les Germains se sont intégrés de plus en plus dans les populations. Fournissant des soldats, ils ont obtenu des fonctions importantes dans l’administration et dans l’armée romaines.. Les empereurs commencent par quitter Rome pour Ravenne, et en 476, un chef germain devenu général romain, Odaocre, dépose le dernier empereur Romulus Augustule.
Les Royaumes Barbares
« Sur les ruines de l’Empire romain d’Occident sont apparus des royaumes fondés par les Germains » .(Hist. Girard). Ces peuples, qui avaient leurs propres rois, ont pris de plus en plus d’importance et l’Empire leur a progressivement abandonné les territoires qu’ils occupaient : la Gaule du Nord-Est aux Francs, le sillon Rhodanien, entre la Loire et la Suisse, aux Burgondes, l’Aquitaine et l’Espagne aux Wisigoths, Alsace et Suisse aux Alamans, Italie aux Ostrogoths. Dans le Nord-Ouest de la Gaule, entre Loire et Somme, « régnait » Syagrius , un général romain. Après 476, ces royaumes deviennent autonomes…et donc rivaux.

Après 476, ces royaumes deviennent autonomes…et donc rivaux…
En 481, Clovis, petit-fils de Mérovée, devient roi des Francs Saliens. N’hésitant pas à éliminer les obstacles par tous moyens, et disposant de troupes aguerries, il réussit en 30 ans à agrandir considérablement son royaume, annexant après combats le royaume de Syagrius et une partie de celui des Wisigoths ( jusqu’aux Pyrénées), et repoussant Burgondes et Alamans.
Entre 492 et 500, il épouse Clotilde, princesse burgonde chrétienne, et il reçoit lui-même le baptême vers l’an 500. Il aura par la suite le soutien des évêques…Il est mort en novembre 511 à 45 ans.
Au commencement était la Burgondie
Pline l’Ancien localisait le peuple burgonde au 1er siècle près de l’Oder et de la Vistule. C’est un peuple Arien. Attaqués par un peuple voisin vers 250, les Burgondes partent vers l’Ouest. En 270, ils sont sur l’Elbe. Au 4ème siècle, ils séjournent dans la vallée du Main, et s’allient aux Romains contre les Alamans. En 407, ils participent à l’invasion de la Gaule, et aux saccages des villes de Mayence et Worms, mais ils restent ensuite près de la rive gauche du Rhin, de Mayence à Strasbourg. Entretenant des relations étroites avec les Romains et les nobles gaulois locaux, ils auraient reçu en 413 une zone située près du Rhin (par « foedus », traité signé avec Rome). Mais vers 437, leur armée est anéantie, probablement par les Huns ; les survivants sont accueillis près de Genève, et en 443 un territoire plus important situé autour du lac Léman ( la « Sapaudie », « pays des sapins », future Savoie) leur est confié par Aetius, avec le statut de « peuple fédéré » et la mission de défendre la frontière contre les Alamans. Les chefs des Burgondes sont alors deux frères, Gondloc et Chilpéric l’Ancien, rois tous les deux et installés à Genève. En 451, les Burgondes ont participé à la bataille des Champs Catalauniques et à la victoire sur les Huns.
Vers 457, à la suite de négociations avec des sénateurs gaulois qui cherchaient à se soustraire à l’autorité vacillante de l’Empire romain, et après s’être assurés de la non-opposition de Théodoric, roi des Wisigoths, les deux rois étendent notablement le territoire burgonde, vers le Nord en prenant les cités de Lyon, Chalon, Autun, Besançon, Langres, vers le Sud avec Grenoble, le Valais et la Tarentaise.

Vers 470, la royauté burgonde est partagée entre deux frères, Gondebaud, siégeant à Lyon, pour la partie Sud et Gondegisèle, siégeant à Genève, pour la partie Nord.
Vers 500, Godegisèle obtient l’aide de Clovis, roi des Francs pour combattre son frère et s’emparer de son royaume. Une bataille a lieu sous les murs du castrum de Dijon. Gondebaud, d’abord battu, s’enfuit à Avignon, dont Clovis fait le siège; mais s’étant allié entre temps au roi des Wisigoths, il sort finalement vainqueur et tue son frère.
Devenu seul maître de la Burgondie, il se rapproche de Clovis. Là se situe un évènement local, évoqué ci-dessous…
La rencontre entre Gondebaud et Clovis 1er sur la Cure
Cet évènement nous est révélé comme un épisode de la vie de Saint-Eptade (« Vita Eptadi »); Eptade , d’abord fonctionnaire de la ville d’Autun, devint prêtre et se consacra aux pauvres et aux prisonniers. Sa conduite édifiante avait attiré l’attention de Clovis. D’après la traduction de K ;Escher dans son ouvrage « les Burgondes » , « … A l’époque où sur les bords du fleuve Cure deux rois puissants se réunissent pour faire la paix, ….le très excellent roi des Francs Clovis demanda au roi Gondebaud de lui accorder d’ordonner évêque pour sa cité d’Auxerre ce très saint homme Eptade… »

Selon la coutume, la rencontre aurait eu lieu « aux limites respectives de leurs royaumes entre les évêchés d’Auxerre et d’Autun »…et sur une île ( ?) de la Cure , d’après l’ouvrage intitulé « Clovis, l’homme ». de Claude Begat, auteur moderne de « récits historiques ». ,On pourrait donc situer cette rencontre sur notre rivière , quelque part entre Arcy et Voutenay, vers l’an 500…
Selon certains historiens, la conversation aurait aussi porté sur d’autres sujets plus importants, – conflits frontaliers, projets d’alliances…-. Quant à Eptade, il aurait refusé par modestie la fonction d’évêque, serait parti dans la forêt et aurait créé le monastère de Cervon, près de Corbigny, dans la Nièvre…
Suite et fin de l’histoire de la Bourgondie
Notons que vers 495 ( à quelques années près selon les auteurs…), Clovis avait épousé Clotilde, nièce de Gondebaud. C’est elle qui remplace l’oratoire où Germain avait choisi de reposer à Auxerre en 448 par une abbaye qu’elle lui dédie.

En 507, Gondebaud est allié à Clovis dans sa campagne contre les Wisigoths. Après leur victoire à Vouillé, près de Poitiers, l’immense territoire des Wisigoths tombe aux mains du roi des Francs. Clovis et Gondebaud arrivent à Toulouse au printemps 508. Mais après d’autres combats, la Provence, visée par Gondebaud, reste aux mains de Théodoric, roi des Ostrogoths ( qui occupent alors le Nord de l’Italie).
A l’intérieur de son royaume, Gondebaud a toujours cherché à rapprocher les deux ethnies, burgonde et gallo-romaine. La « loi Gombette » au début des années 500, établit les règles d’ « hospitalité », le mode de répartition des terres et se distingue particulièrement par l’hommage rendu à l’autorité de la mère.
Clodomir, fils de Clovis, sur un fond de querelles familiales et dans un esprit de vengeance suite à des assassinats antérieurs, attaque Sigismond, fils de Gondebaud (mort en 516), mais il est tué dans l’Isère en 524. Ses frères reprennent la guerre et en 534, le royaume des Burgondes s’écroule et est partagé par les Francs entre trois frères, Théodebert, Childebert et Clotaire. La partie au Sud de Grenoble est annexée par les Ostrogoths…
Pour les historiens, la cohésion entre les deux ethnies était devenue telle qu’un «état d’esprit bourguignon» s’était créé.
Le royaume burgonde s’était évanoui, mais la Bourgogne était née.
Les rois Mérovingiens
Suite de l’histoire des Francs (réf : Coll. Histoire L.Girard)
Après Clovis, les rois francs forment la dynastie des Mérovingiens, dont les membres se succèdent héréditairement, les fils se partageant les territoires du père. Ils règnent en souverains absolus « La Gaule mérovingienne est un pays barbare, où les bienfaits de la paix romaine sont à peine des souvenirs. Les villes ne sont plus que des bourgades en un temps où le commerce est presque inexistant, où la terre est devenue la seule forme de richesse »… « Les rois vivent dans de frustes palais de bois dont rien ne s’est conservé » . « en fait d’objets d’art, cette époque n’a laissé que de riches bijoux et des armes ciselées ». La seule œuvre littéraire de cette époque qui nous soit parvenue fut rédigée en latin ancien par l’évêque Grégoire de Tours (539-594) dans un ouvrage intitulé « Dix livres d’histoire » (allant de la Création du Monde à 591…) ou bien « Histoire des Francs ». Certains épisodes furent dans les mémoires de nombreux écoliers : le sacre et le baptême de Clovis, l’anecdote du vase de Soissons, l’histoire de Frédégonde et Brunehaut .
Quelques rappels pour le décor … En 511, à la mort de Clovis, 4 royaumes, de capitales Reims, Soissons, Paris et Orléans, sont attribués selon la coutume franque, à ses 4 fils. En 558, seul Clotaire 1er survit ; il peut donc réunifier le royaume. Mais à sa mort en 561, nouveau partage en 4 parties:

– le « royaume de Paris » (ci-joint en rose), de la Somme aux Pyrénées, avec le Bassin Parisien, dont Sens plus une partie de la Provence, à Caribert.
– la Neustrie (en jaune), capitale Soissons, avec Arras, Cambrai et Tournai, à Chilpéric.
– l’Austrasie (en bleu), capitale Reims, en 2 parties : au Sud, l’Auvergne ; au N-E, Metz, Strasbourg, Cologne et au-delà du Rhin jusqu’à la Saxe et la Thuringe…à Sigibert.
– le « royaume d’Orléans » (en vert), ex-Burgondie, comprenant Orléans, Bourges et Troyes, avec la Bourgogne conquise entre temps, dont Auxerre, Nevers, Autun, Besançon, Sion, Genève, Gap…à Gontran.
Sigibert épouse en 566 Brunehaut (env 547-613), née en Andalousie, fille d’un roi wisigoth. Son frère Chilpéric, – vivant avec Frédégonde, une servante qui aspire à devenir reine -, est jaloux de ce mariage princier et épouse la sœur de Brunehaut. Cette nouvelle épouse meurt, étranglée dans son lit et Chilpéric épouse Frédégonde… Brunehaut veut venger sa sœur et de l’affrontement entre les deux reines résulte une guerre entre Neustrie et Austrasie, à laquelle participent les autres royaumes, soit « trente ans de rivalités et de crimes »… Frédégonde morte en 597, c’est Clotaire II, roi de Neustrie, fils de Chilpéric et Frédégonde, qui met fin à ces luttes fratricides en prenant le dessus sur Brunehaut . Rejetée par les nobles d’Austrasie. elle est arrêtée, jugée, suppliciée pendant trois jours et meurt attachée par les cheveux, un bras et une jambe à la queue d’un cheval sauvage … en 613 à Renève (Côte d’Or) à 30 km à l’est de Dijon. Clotaire II, ayant conquis l’Austrasie et la Bourgogne, règne ensuite sur l’ensemble du royaume franc, jusqu’à 629. Son fils Dagobert 1er (env.603 à 639) lui succède et règne de 629 à 639.
Quelques détails sur Brunehaut et notre région
En 589, Brunehaut et l’évêque d’Autun Syagre ont créé, sur les ruines de temples païens, 3 abbayes royales dans les faubourgs d’Autun. L’abbaye St Martin d’Autun devant accueillir 300 moines bénédictains, Brunehaut la dota d’importants domaines, situés en différents endroits, dont Avallon. M ;Max QUANTIN, dans un article paru dans le B.S.S.Y. de 1875, intitulé « Avallon aux 12ème et 13ème siècles », nous signale qu’à cette époque, l’abbaye de St Martin d’Autun était « seigneur du bourg St Martin d’Avallon, d’Annéot, de Girolles et de Tharot ». Aujourd’hui, il ne reste du château de Girolles que l’un des côtés d’une tour carrée, qu’on appelle encore la « Tour Brunehaut ».

Son buste est présent sur le blason des Chastellux depuis le début du XVe siècle.
La fin des Mérovingiens
Sous les Mérovingiens, le pouvoir royal passe progressivement entre les mains des « maires du Palais ». Initialement intendants des domaines du Roi, ils sont devenus ducs, ministres, puis chefs des armées. ; ils font et défont les rois de la famille mérovingienne à leur guise… Childéric II déjà, était ainsi assisté des « Ducs » de Neustrie, d’Austrasie et de Bourgogne. Dagobert, secondé par d’excellents conseillers, Saint Eloi et Saint Ouen, recouvre un peu de l’autorité royale perdue par son père et réforme l’administration. Vers 628-630, il fait une grande tournée en Bourgogne, – par Langres, Dijon, Chalon, Autun, Auxerre, Sens…-, « en rendant la justice au nom de Dieu à chaque étape » Mais à sa mort, ses enfants ayant 4 et 8 ans, le pouvoir des maires du Palais s’accroît à nouveau ; ils se disputent le pouvoir. Finalement, celui d’Austrasie, Pepin de Herstal, triomphe et gouverne sous 3 rois successifs, jusqu’à sa mort en 714. L’un de ses fils Charles, appelé plus tard Charles Martel ( env. 690 à 741) lui succède en 717 après une période trouble, et prend petit à petit le contrôle des 3 royaumes francs, …sous 3 rois successifs. Il étendra aussi le territoire vers l’Est, conquérant l’Autriche et le Sud de l’Allemagne de 720 à 730 et, de plus, après sa victoire contre les Arabes il apparaîtra comme le « sauveur de la chrétienté ».
Invasion des Musulmans
Mahomet (env. 570 à 632), d’abord berger et caravanier, « révéla » en Arabie une nouvelle religion, l’Islam ( « soumission »…aux volontés de Dieu), avec un « livre saint », le Coran ; et descroyants, les Musulmans. Ses successeurs, ou « Califes » « ont encouragé la diffusion de la foi nouvelle par la Guerre Sainte ». De 632 à 661, les Arabes ont conquis le Proche-Orient, – Syrie, Mésopotamie, Perse, Egypte…-.Puis, vers l’Est , l’inde et le Turkistan, et vers l’Ouest, l’Afrique du Nord, puis l’Espagne en 711, où ils battent les Wisigoths, en place depuis 3 siècles.
En 720, ils mettent le pied sur la terre franque et prennent Narbonne. En 721, le comte Eudes les bat à Toulouse, mais ils progressent en Aquitaine et se dirigent vers la Loire. De 725 à 731, ils remontent le Rhône et la Saône, atteignant et pillant Mâcon , Chalon, Autun ( en 731 ( ?), les monastères sont saccagés), Dijon, Besançon. Saulieu, Auxerre ( où les monastères construits récemment sont détruits). Repoussés à Sens par l’évêque Ebbon,- originaire de Tonnerre -, ils rebroussent chemin vers la Bourgogne et continuent leurs ravages. Heureusement, le 25 octobre 732, le Maire du Palais Charles remporte contre eux une victoire décisive près de Poitiers. Le chef des troupes musulmanes (on disait aussi les ‘Sarrazins ») est mort au cours de ce combat. C’est après cette bataille que Charles aurait été surnommé « Martel » ( le marteau)…
Mais les combats n’étaient pas terminés : les Musulmans prennent Avignon et Arles en 735 et remontent vers la Bourgogne. Charles Martel les refoule vers le sud de la vallée du Rhône en 736. Persuadé que les Grands de Bourgogne n’ont pas opposé une résistance sérieuse aux Sarrasins, Charles annexe l’Auxerrois et s’empare des richesses de l’Eglise (l’évêque d’Auxerre ne récupèrera sa souveraineté sur les établissements religieux qu’au 9ème siècle). « Son frère Childebrand exercera une fonction ducale en Bourgogne et en Provence jusqu’en 739 »…
Les rois Carolingiens
« A ce sauveur de la chrétienté succède Pépin le Bref – le Petit –» (son fils)…Il dépose Childeric III, le dernier roi mérovingien qu’il avait « installé » en 743, le fait tonsurer et enfermer dans un monastère. Puis, avec l’autorisation du pape Zacharie, il prend « le titre de roi des Francs par la grâce de Dieu » et se fait sacrer une première fois par l’évêque de Mayence, Boniface en 751, et une 2ème fois par le pape Etienne II en 754 à St Denis. C’est la naissance de la dynastie carolingienne. En 771, à Pépin le Bref, époux de « Berthe au grand Pied », succède son fils Charles 1er, dit « le Grand » ou Carolus Magnus, ou Charlemagne (742-814). « vigoureux, énergique, chasseur infatigable, remarquable guerrier, administrateur avisé… »
Après plusieurs campagnes… contre les Lombards en Italie du Nord, à la demande du pape en 774, contre les Saxons au delà du Rhin de 772 à 804, contre les Musulmans d’Espagne en 778 ( cf épisode de Roncevaux, où, d’après Courtépée, furent tués le 15 août, de nombreux Bourguignons, dont Guy de Bourgogne, comte de Langres, Olivier de Vienne et Samson, gouverneur de la 1ère Lyonnaise) et contre les Avars et les Slaves de Bohême…
…les frontières du royaume franc sont repoussées au Nord-Est jusqu’à l’Elbe et au Danube, au Sud-Est jusqu’au-delà de Rome, au Sud-Ouest au-delà des Pyrénées (« Marche d’Espagne »).

Le 25 décembre 800, il est couronné Empereur d’Occident par le pape Léon III.

Les comtes étaient de hauts fonctionnaires représentant le souverain, publiant ses décisions et levant les impôts. En Bourgogne des comtes ont été nommés à Autun, Avallon, Auxerre, Besançon, Chalon, Mâcon, Nevers… « Comtés et évêchés couvrent en général le même territoire, correspondant aux anciens pagis gallo-romains ».
A la mort de Charlemagne en 814, son fils Louis le Pieux (778-840) lui succède. Dès 817, il procède a un partage entre ses 3 fils, Lothaire, désigné comme cogérant de l’Empire et futur Empereur, Pépin et Louis qui, avec l’Aquitaine pour l’un et la Bavière pour l’autre sont d’ores et déjà mécontents…

Devenu veuf, Louis se remarie et a en 823 un garçon, le futur Charles le Chauve (823-877), qu’il introduit dans la succession en 829. Les mécontentements s’accentuent, et après des années de luttes entre les différents clans, sous formes de guerres civiles, d’accords dénoncés, d’enlèvements et et d’assassinats, a lieu le 25 juin 841 à Fontenoy-en-Puisaye (près de St Sauveur dans l’Yonne), une bataille qui oppose Lothaire à Louis (le ‘Germanique ») et Charles (le Chauve). Les alliances locales sont disparates : les comtes Ermenaud d’Auxerre, Arnoul de Sens, Girard de Paris et l’évêque Audri d’Autun, sont avec Lothaire, et se sont retrouvés à Auxerre avant la bataille ; tandis que Aubert d’Avallon, Guérin de Provence, – comte d’Autun, de Mâcon et d’Auxois -, et l’évêque de Langres sont avec Charles.
Charles et Louis sont victorieux, mais des batailles reprennent près de Strasbourg puis de Coblence… Finalement, un traité de partage de l’Empire est conclu à Verdun en août 843 : la partie Ouest, de Pyrénées à la Belgique ira à Charles, la partie Est, de la Saxe à la Bavière, à Louis, et la partie Centrale, jusqu’à l’Italie du Nord, à Lothaire.
La Bourgogne se trouve partagée en 2 par la Saône, Bourgogne franque et Bourgogne germanique, futurs duché et comté de Bourgogne (puis « Franche-Comté »). Les comtés de Chalon, Mâcon, Autun, Nevers, Auxerre, Sens, Tonnerre, Avallon….sont rattachés à Charles le Chauve, dans la « Francie occidentale ».
Charles II le Chauve, petit-fils de Charlemagne, est sacré roi de Francie le 8 juin 848 à Orléans par l’archevêque de Sens …et, après la mort de Lothaire puis de Louis, Empereur d’Occident le 26 décembre 875 à Rome par le pape Jean VIII. Sous son règne, il est confronté à Louis le Germanique, aux révoltes des Bretons et aux incursions des Vikings. Par un « capitulaire » (acte législatif), il institue le « système féodal » : « chaque homme libre reçoit pour seigneur celui qu’il aura lui-même choisi ». Mais les « seigneurs » apparaissant de plus en plus comme seuls protecteurs des populations, ce système aboutit au renforcement des pouvoirs locaux et « les ducs et comtes usurperont progressivement le pouvoir royal ; les derniers carolingiens seront maîtres d’un territoire de plus en plus restreint ».
Invasion des Normands. Les derniers rois Carolingiens: les seigneurs choisissent leur roi.

Les marins scandinaves et danois commerçaient depuis longtemps en Mer du Nord, Atlantique er Mer Baltique, « vendant poissons salés, fourrures et ambre ». Au 9ème siècle, leur population ayant peut-être augmenté, « ils deviennent pirates et conquérants », allant jusqu’à attaquer Byzance, l’Islande et le Canada… Dès 799, ils ont attaqué l’Empire de Charlemagne à l’île de Noirmoutier. Ensuite, remontant le Rhin, la Seine et la Loire sur leurs légers navires, ils débarquaient et « pillaient tout ce qui s’offrait à leur convoitise »…en particulier les riches abbayes, telles que Jumièges en 841. En 843, ils pillent Nantes et tuent l’évêque Gohard. De 842 à 856, ils font des incursions jusqu’à Lyon, Toulouse, Bordeaux, Périgueux, Clermont…et deux fois à Paris en 845 et 856.
Charles le Chauve ne trouve pas d’autre solution que de leur donner de grosses sommes pour les arrêter, mais ils s’embarquent et reviennent un peu plus loin… De 867 à 877, ils s’attaquent plutôt à la Grande-Bretagne.
En 877, Charles le Chauve meurt . Lui succèdent, son fils Louis II le Bègue jusqu’en 879, puis les deux fils de celui-ci, Louis III et Carloman II, qui se partagent le royaume. Mais, âgés de 15 et 13 ans, leur héritage est contesté . Prélats et Grands du royaume de Besançon, Lyon, Grenoble, Aix, Arles…cherchant « l’homme le plus apte à protéger l’Eglise et le pays » décident en octobre 879 de restaurer le royaume de Burgondie ( du Doubs aux rives de la Méditerranée) et d’en offrir la couronne à Boson de Provence, (env. 844-887), « homme de guerre lotharingien », beau-frère de Charles le Chauve. Les princes carolingiens réagissent par les armes et reprennent Mâcon puis Vienne (en 887, à la mort de Boson, la Burgondie sera à nouveau partagée en 3). Louis III meurt en 882. Carloman doit aussi combattre le roi de Lorraine et les Normands d’Amiens dont il aurait acheté le départ pour « 12000 livres pesant d’argent ». Il meurt en 884 d’une chute de cheval. Le troisième fils, posthume, de Louis II, Charles (« le Simple ») (879-921) n’ayant que 5 ans, les Grands du royaume font appel comme régent à l’Empereur Charles III le Gros, troisième fils de Louis le Germanique, et lui font allégeance en juin 885.
D’octobre 885 à février 886, les Normands envahissent la Neustrie et arrivant – dit-on – avec 700 navires, assiègent Paris pour la 5ème fois. Le comte Eudes et l’évêque Gozlin leur résistent 90 jours. Charles le Gros reste indécis et préfère leur payer une rançon de 700 livres et leur permettre de piller la Bourgogne ! En conséquence, ils remontent la Seine puis l’Yonne, attaquant Melun le 30 novembre 886, mettant le siège devant Sens et dévastant les environs. Ils pillent l’abbaye de St Germain à Auxerre ; puis une flottille remonte la Cure début 887 et détruit le monastère de Vercellacus (futur St Père) créé en 858 par le comte Girart et son épouse Berthe (il sera reconstruit sur la colline proche, qui prendra le nom de Vézelay. (voir « le Testament de Girard de Roussillon »).
Une autre flottille remonte l’Armançon, et continuant vers l’actuelle Côte d’Or, les Normands détruisent en janvier 887 le monastère de Flavigny, près du Mont Auxois, puis, 30 km au N-E de Dijon, celui de Bèze, où ils tuent 6 moines, un prêtre et un enfant et saccagent les récoltes des environs, provoquant une terrible famine. En 888, ils sont aux portes de Dijon, défendue par le comte de Chalon Manassès ; là aussi, la campagne est pillée. La même année, Richard, comte d’Auxerre, avec l’aide de l’évêque Géran , défait les Normands près de Saint-Florentin. Cet acte de faiblesse de Charles le Gros a discrédité la monarchie carolingienne. Sa santé s’altérant, les seigneurs de Francie occidentale l’abandonnent. Il est déchu de tous ses titres lors d’une Diète tenue près de Coblence en novembre 887, et, en février 888, ils élisent comme roi le comte Eudes, héros du siège de Paris, et le font sacrer par l’archevêque de Sens.
Les Normands continuent à saccager des villes, Meaux, Troyes, Toul, Evreux, St-Lô, Auxerre –dont les faubourgs sont incendiés en 889 -…Eudes les bat en Argonne en 888 et en Limagne en 892, mais il se contente souvent de « payer tribut ». Il ne contrôle en fait que les régions entre Seine et Loire. Car Charles le Simple a des alliés « légitimistes » chez les seigneurs des régions entre Seine et Meuse et il se fait sacrer à Reims en 893…Si bien que juste avant sa mort en 898, Eudes préfère désigner Charles III le Simple (19 ans) comme successeur.
En 911, les Normands, conduits par Rollon assiègent Auxerre, mais la ville résiste. Le 20 juillet, les Francs, dirigés par Robert « duc des Francs »,- frère de l’ex-roi Eudes -, Richard et le duc de Poitiers, leur font subir une sévère défaite devant Chartres. Charles conclut avec Rollon le traité de St Clair sur Epte, dans le Vexin, qui lui accorde un territoire entourant la ville de Rouen, « entre l’Epte et la mer », en échange d’un serment de fidélité au roi de France…ce qui met un terme aux invasions par la Seine. La même année, à la suite d’une révolte des hauts dignitaires du royaume, la Lotharingie se donne à Charles le Simple.
La légitimité de Richard, dit « le Justicier » est alors acquise sur Auxerre, Sens, Avallon, Troyes, Autun, Beaune, Brienne, Chalon, Dijon, Langres, Nevers. Il prend le titre de duc de Bourgogne en 918. En 922, ce sont les « Grands » de Francie occidentale qui se révoltent, avec, à leur tête Robert, duc des Francs. Le roi Charles se réfugie en Lotharingie. Les insurgés proclament roi Robert 1er (860-923) ; il est sacré à Reims par l’Archevêque de Sens en juin 422. Charles l’attaque à Soissons le 14 juin 923. Robert 1er est tué, mais le vainqueur de la bataille est Raoul (890-936), duc de Bourgogne, fils de Richard le Justicier – comte d’Auxerre, d’Autun et d’Avallon, et frère de Boson de Provence -. Il est proclamé roi. et couronné (Raoul 1er, de la dynastie des Bosonides) en juillet à Soissons par l’Archevêque de Sens… A la fin de l’été 923, Charles tombe dans un guet-apens dressé par Hubert II de Vermandois (région de St Quentin): il restera captif à Péronne jusqu’à sa mort en 929.
A l’automne 924, les Normands de la Loire pénètrent au Nord-Ouest de la Bourgogne et pillent tout sur leur passage. Les comtes de Troyes et de Langres les repoussent. En 925 le roi Raoul 1er réunit une armée et bat les Normands à Eu, mais l’année suivante il est battu près de St Omer. En 930, il doit donner le Cotentin à Guillaume-Longue Epée, fils de Rollon. Vers 931-932, Raoul lutte contre Gilbert de Chalon et Richard de Sens qui sont en révolte, à cause de la confiscation du Château d’Avallon,- tenu par Gilbert -, par la reine Emma de France, épouse de Raoul et fille de Robert 1er. En 935, il aurait mis en déroute les Hongrois arrivés – par Toul et Chalons -, en Champagne et en Bourgogne.
En janvier 936, il meurt à Auxerre, sans héritier. Il est inhumé dans l’église de Ste Colombe, près de Sens. Son frère Hugues le Noir lui succède comme duc de Bourgogne.

Hugues le Grand, – fils de Robert 1er, et beau-frère de Raoul -, comte de Paris, marquis de Neustrie, devient « Duc des Francs ». Il domine de nombreux territoires entre Orléans-Senlis et Auxerre-Sens. Bien que très puissant, il ne revendique pas la couronne et fait appel au jeune fils de Charles le Simple, Louis IV d’Outremer (920-954), qui avait suivi sa mère en exil en Angleterre. En juin 936, le nouveau roi est sacré à Laon par l’archevêque de Reims. Ce sera le dernier des Carolingiens…
En 939 et 945, Louis IV tente vainement de reconquérir la Lotharingie et la Normandie. En fin de règne il a autorité sur le Nord de la Loire. Il meurt accidentellement en 954. Son fils Lothaire II (941-986) lui succède… à 13 ans. Il sera donc sous la tutelle de Hugues le Grand (jusqu’à la mort de celui-ci en 956). Ensuite, il veut asseoir son autorité sur de puissants vassaux, Hugues Capet, fils de Hugues le Grand, Richard, comte de Normandie… En août 978, voulant récupérer la Lorraine, il monte une expédition contre l’Empereur Othon II avec Hugues Capet et prend Aix-la-Chapelle. En représailles, en octobre, Othon II ravage les régions de Reims, Soissons et Laon, et vient assiéger Paris. Face à Hugues Capet et l’armée franque , il renonce et bat en retraite. Mais en mars 986, Louis IV meurt subitement (empoisonné ?).
Son fils Louis V (967-987) règne de mars 986 à mai 987. Il meurt après une chute de cheval en forêt de Senlis, sans héritier. Soutenu par Adalbéron, archevêque de Reims, qui aspire au retour d’un vaste Empire de l’Occident dominé par les Ottoniens, – qu’avait combattus Lothaire -, Hugues Capet est élu par l’assemblée des Grands (évêques et seigneurs) réunie à Senlis, – évinçant ainsi Charles de Lorraine, frère de Lothaire, donc carolingien -, puis sacré roi en juin ou juillet 987. Prévoyant, il fait sacrer son fils Robert le Pieux (15 ans) dès Noël 987 et l’associe aux affaires du trône. On revenait ainsi à la monarchie héréditaire et la dynastie des Capétiens devait durer jusqu’à 1792…
Le domaine royal se limite aux environs de Paris et Orléans. Le roi a de nombreux conflits avec les grands seigneurs. Il arrive qu’il soit reconnu par eux, mais il n’a pas autorité sur leurs territoires. Malade, il meurt en octobre 996.

Robert II le Pieux (972-1031) , son fils, lui succède. Dès 1003, il cherche à conquérir la Bourgogne, qui aurait dû lui revenir par héritage de son oncle Eudes-Henri ; celui-ci, qui a succédé en 965 à son frère Otton (comme lui, fils de Hugues le Grand) en tant que duc de Bourgogne -, a en effet transmis son titre à un beau-fils nommé Otte-Guillaume, comte de Mâcon et comte de Bourgogne (future Franche-Comté).
Une rivalité pour la possession d’Auxerre entre Hugues de Chalon, évêque d’Auxerre et Landry, comte de Nevers et gendre d’Otte-Guillaume, incite le roi Robert à intervenir. Au printemps 1003, avec Richard III de Normandie, il engage ses troupes en Bourgogne, mais échoue devant Auxerre. En 1005, ils reviennent et prennent Avallon après un siège de 3 mois ; la ville aurait alors été « dévastée et la plupart des habitants massacrés ou exilés » ; il ne serait resté que 300 survivants ; Auxerre est repris également . Par des accords conclus en 1005-1006 Otte-Guillaume renonce à ses titres et ses possessions reviennent à la couronne.
La « Renaissance carolingienne »
Les historiens voient dans les 8ème et 9ème siècles une période de renouveau de la culture et des écoles en Occident, marquée par la redécouverte de la langue latine et la promotion des arts libéraux (ateliers de copistes).
On connaît le souci de Charlemagne d’ouvrir des écoles et de s’entourer d’érudits.
Auxerre, au 9ème siècle fut le siège d’une « école monastique » autour de l’abbaye St Germain, – école « dont le rayonnement intellectuel touche tout l’Occident chrétien » –, grâce à des érudits comme Murethac, Haymon, Heiric et Rémi, tous dits « d’Auxerre ». Leurs travaux et leur enseignement portaient sur la théologie, l’exégèse de la Bible et les commentaires d’auteurs classiques.
Mais la masse de la population n’était pas touchée par ce renouveau culturel.
Le peuple « utilisait une langue en pleine évolution, où les formes latines disparaissaient parfois devant des mots germaniques, pour donner naissance à la langue romane, ancêtre du français ».
Attention ! nous avons passé l’an mille !
Faisons une pause au bord de la cure où des témoignages de ces époques troubles ont été mises à jour. Avant de refermer ces pages du premier millénaire.
Importants vestiges mérovingiens et carolingiens tout près de Montillot
Le Cimetière Barbare de Vaux-Donjon
C’est le titre d’une conférence prononcée en 1909 par l’Abbé PARAT devant la Société des Etudes d’Avallon (S.E.A.). Tout ce qui suit est tiré, pour l’essentiel, du texte de cette conférence.

L’abbé Courtépée (1721-1781), historien de la Bourgogne, rapporte que l’abbé de Vézelay Erard a fait fouiller en 1601 le lieudit « les Eglises » tout près du moulin du Gué-Pavé côté Sud. (Il s’agit du même « Champ des Eglises », déjà signalé plus haut à propos des villas gallo-romaines). « L’on déterra plusieurs tombeaux en pierre avec des débris de tuile ; il paraît que c’était une léproserie ». Et sur la pente de la colline proche du côté ouest « est un terrain appelé les Cercueils, où il y a, à fleur de terre, plusieurs tombeaux ouverts ».
En 1780, d’après l’abbé Martin, dans son « Histoire de l’Abbaye de Vézelay », on a aussi trouvé là des « tombeaux en pierre » …
Mr P.J.A. de LENFERNA, maire de Montillot sous le Second Empire, de 1860 à 1870, « fit faire quelques fouilles et recueillit plusieurs objets en bronze qui auraient été donnés au musée d’Auxerre ».
Au début du 20ème siècle, un cultivateur de Vaudonjon, – hameau de Montillot, à 3 km vers l’Est du village, tout près de la rivière Cure -, Clément LEMOUX, « en arrachant un arbre dans sa vigne des Cercueils, trouva un collier de grosses perles de verroterie et deux vases ».

En décembre 1904, il eut l’occasion de raconter sa trouvaille à un jeune archéologue qui explorait un gisement gallo-romain à Vaudonjon-le-bas. En compagnie de Mr TERRADE, agent-voyer à Vézelay, et de ses ouvriers, ils se sont rendus à l’endroit désigné, ont ouvert une tranchée et trouvé « un vase avec des ossements », puis « des fosses disposées comme celles de nos cimetières ». « Ce premier coup de pioche avait révélé une nécropole barbare ». (N.B. : le mot « barbare » est employé ici dans le sens ancien « d’étranger à la civilisation des Romains »). Les terrains voisins, appartenant alors aux dénommés SAVELLY, PERREAU, GUILLOUX, CARILLON et BIDAUT (aujourd’hui cotées ZK663 à 667 sur le cadastre d’Asquins), ont été loués temporairement pour continuer les fouilles, sur une surface de 112m x 25m soit environ 3 ares (le grand axe parallèle à la vallée …à 30 mètres au-dessus de la petite voie romaine d’Autun à Auxerre ). Deux ouvriers travaillèrent sans relâche jusqu’au 23 mars 1905, ayant visité 323 fosses. «Ils reprirent leurs travaux en novembre jusqu’en mars 1906 et découvrirent 155 sépultures. »
A partir de janvier 1905, l’abbé Parat assista aux fouilles et prit des notes.
Les principales caractéristiques relevées, en vrac :
– fosses de longueur max 2m, de profondeur 40cm à 1m,50, plus larges à la tête qu’aux pieds ;parements en plaquettes de calcaire ou « laves » ; quelquefois une lave recouvrait la tête, ou la poitrine, ou les jambes ; les cercueils de pierre étaient l’exception (6 monolithes seulement, dont 3 ont été donnés aux musées d’Avallon, de St Jean des Bonshommes et de Sens).‘ les squelettes étaient très détériorés. « Le visage du mort, gisant ou assis, fait face à l’est ». En décembre 1904, il eut l’occasion de raconter sa trouvaille à un jeune archéologue qui explorait un gisement gallo-romain à Vaudonjon-le-bas. En compagnie de Mr TERRADE, agent-voyer à Vézelay, et de ses ouvriers, ils se sont rendus à l’endroit désigné, ont ouvert une tranchée et trouvé « un vase avec des ossements », puis « des fosses disposées comme celles de nos cimetières ». « Ce premier coup de pioche avait révélé une nécropole barbare ». (N.B. : le mot « barbare » est employé ici dans le sens ancien « d’étranger à la civilisation des Romains »).
Les terrains voisins, appartenant alors aux dénommés SAVELLY, PERREAU, GUILLOUX, CARILLON et BIDAUT (aujourd’hui cotées ZK663 à 667 sur le cadastre d’Asquins), ont été loués temporairement pour continuer les fouilles, sur une surface de 112m x 25m soit environ 3 ares (le grand axe parallèle à la vallée …à 30 mètres au-dessus de la petite voie romaine d’Autun à Auxerre ).
« Deux ouvriers travaillèrent sans relâche jusqu’au 23 mars 1905, ayant visité 323 fosses. Ils reprirent leurs travaux en novembre jusqu’en mars 1906 et découvrirent 155 sépultures. »
A partir de janvier 1905, l’abbé Parat assista aux fouilles et prit des notes.
Les principales caractéristiques relevées, en vrac :
– fosses de longueur max 2m, de profondeur 40cm à 1m,50, plus larges à la tête qu’aux pieds ;parements en plaquettes de calcaire ou « laves » ; quelquefois une lave recouvrait la tête, ou la poitrine, ou les jambes ; les cercueils de pierre étaient l’exception (6 monolithes seulement, dont 3 ont été donnés aux musées d’Avallon, de St Jean des Bonshommes et de Sens). Les squelettes étaient très détériorés. « Le visage du mort, gisant ou assis, fait face à l’est ».
Le mobilier funéraire était abondant, concernant :
- l’armement : épées à 2 tranchants (90 cm), lances dites « framées », haches dites « francisques », sabres dits « scramasaxes », boucliers, couteaux…avec tout l’outillage associé (poinçons, aiguilles, cisailles, clés…)
- l’équipement : boucles en fer ou en bronze, agrafes ou « fibules », boutons, goupilles…
- la parure : bracelets, bagues, boucles d’oreille, colliers, médailles…souvent finement ciselés et décorés d’émaux brillants de couleurs vives
- la céramique : verrerie et poterie (184 vases pour 551 sépultures)


On distingue deux types de sépultures :
– certaines datent de l’époque franque (5, 6 et partie du 7ème siècle : les guerriers étaient enterrés avec vêtements et armes ( « race guerrière mais éprise d’art »)
– d’autres de l’époque carolingienne (8 et 9ème siècles) : un édit de Charlemagne interdisait tout objet autre qu’un linceul dans les sépultures.
D’où l’hypothèse de déroulement chronologique des évènements locaux émise par l’abbé PARAT :

Photo JP Delor.
– la grande villa gallo-romaine du Champ des églises entre la Cure et la voie romaine, aurait été ruinée par l’invasion des Barbares de 406 à 412.
– vers 450, les Burgondes s’établissent dans la vallée de la Cure
– en 502, leur roi GONDEBAUD rencontre Clovis, établi à Auxerre.
– en 528, les fils de Clovis envahissent la Bourgogne et les Francs se mêlent aux Burgondes à Vaudonjon (construction d’un donjon en bois?) . Situation stable sous les Carolingiens au 8ème siècle
– vers la fin du 9ème siècle, destruction du monastère de St Père par les Normands.
– une nouvelle population vient s’installer dans la villa du Champ des Eglises avec un 2ème cimetière, sans mobilier funéraire, et un village appelé Vergigny apparaît sur les actes de fondation de l’abbaye de Vézelay par Girart et Berthe…« qui a son église et commande à une vicairie. ». Il disparaîtra des documents vers le 11ème siècle, sans même donner son nom à un « climat».
– sur la rive droite de la Cure, au lieudit « Marnay », des exploitations agricoles n’ont laissé comme traces que les pierres que soulèvent quelquefois les laboureurs…

Que savons nous de la situation de l’Occident autour de l’An 1000 ?
Interrogeons les historiens.
Les grandes invasions sont terminées depuis quelques dizaines d’années seulement…
Les envahisseurs se sont souvent « fixés sur les terres qu’ils avaient pillées, en même temps qu’ils se convertissaient au christianisme » et s’intégraient aux populations.
Le pouvoir carolingien s’est progressivement désagrégé, car la défense du pays a été assurée dans chaque région par les représentants du roi, comtes, abbés et évêques, et ceux-ci, dans leurs « seigneuries », ont usurpé les pouvoirs royaux. Trop souvent par la suite, ils ont entrepris des guerres personnelles contre leurs voisins rivaux. D’où la construction des premiers châteaux privés où les paysans trouvaient refuge.
Paradoxalement, les invasions, qui ont provoqué tant de massacres et de destructions, auraient « favorisé les échanges de savoirs et fait évoluer les niveaux techniques et culturels ».
Ce serait le début d’une révolution économique et sociale qui trouvera son apogée vers les 12ème et 13ème siècles.
Agriculture
Les paysans produisent « mieux et plus », cela pour diverses raisons :
– meilleure connaissance et meilleur traitement du sol.
– introduction de l’assolement triennal, entraînant des défrichements et une augmentation des surfaces cultivées.
– amélioration des attelages ( collier d’épaule, fer à cheval,…)
– drainage et irrigation des sols.
– moulins à eau – pour le grain et l’huile -, remplaçant les meules à bras…
Les rendements des cultures augmentent nettement. L’alimentation devient plus variée, mais il y a encore des années de mauvaises récoltes, entraînant des famines, comme en 1005 et 1006
La structure de la société agricole elle-même est modifiée :
– les esclaves – simples « objets » à disposition de leur propriétaire – sont émancipés en serfs personnes liées par contrat pour travailler sur la terre du seigneur qui les protège
– les « hommes libres » qui ont participé aux combats choisissent de quitter les armes pour le travail de la terre et deviennent exploitants pour le compte du seigneur.
Echanges
Les Carolingiens ont introduit le « denier d’argent », plus adapté que la monnaie d’or aux petites transactions. Les seigneurs, les évêques et les abbayes peuvent « frapper monnaie ». Les paysans peuvent produire et vendre leurs surplus, d’où la multiplication des marchés.
Habitat
Un historien avait écrit : « le grand domaine, la villa, reste la base de toute activité économique ».
Mais ce sujet a fait l’objet d’études récentes. Lors d’un colloque de septembre 2006, Mr Paul Van Ossel, du CNRS-Paris I (UMR7041), a publié une étude intitulée « De la « villa » au village : les prémices d’une mutation ». portant sur le remplacement progressif de l’habitat rural dispersé par l’habitat rural groupé, de la fin du 2ème siècle à la fin du 10ème. Une synthèse des observations effectuées au cours de fouilles en Ile-de-France et dans la Somme a été présentée.
Jusqu’au début du 4ème siècle, l’habitat se caractérisait par ;
– des agglomérations peu nombreuses
– une multitude d’exploitations agricoles dispersées dans les campagnes.
A la fin du 4ème siècle sont apparues des habitations de type germanique, de grandes dimensions, avec des greniers sur poteaux ( on retrouve des « fonds de cabanes » où apparaît la trace des poteaux porteurs ), constructions « regroupant plusieurs unités d’habitation et rassemblant plusieurs familles ».
On constaterait donc des modifications importantes entre le 4ème et le 7ème siècles, liées à ,la diffusion progressive de la culture germanique :
– usage de matériaux légers : terre et bois au lieu de la pierre
– réorganisation des espaces de vie et de travail vers un « habitat rural groupé » .
Evolution de l’Eglise
La gestion de nombreux monastères laissant à désirer, les moins disciplinés ont été repris par des laïcs.
Mais d’autres, comme celui de Cluny, acquièrent une grande autorité morale et essaiment : en 994, l’Ordre de Cluny compte déjà 34 couvents.
La Grande Peur de l’an Mille – avec le retour du Christ…ou de Satan, et la fin du monde -, ne serait qu’une invention des siècles suivants, un mythe de la Renaissance du 16ème siècle, repris par des écrivains romantiques du 19ème. « En l’an 1000, seule une minorité de clercs avait connaissance et conscience de cette date ». Et faute de connaissance du calendrier, très peu de gens savaient qu’ils changeaient de millénaire…
Chez Abbon de Fleury, le passage au IIe millénaire n’est pas passé inaperçu, puisque vers 998 il adresse un plaidoyer à Hugues Capet et son fils Robert. Il accuse ainsi un clerc qui, lorsqu’il était étudiant, revendiquait la fin du monde au tournant de l’an mil. Ainsi, même les grands savants du xe siècle sont anti-millénaristes.
« On m’a appris que dans l’année 994, des prêtres dans Paris annonçaient la fin du monde. Ce sont des fous. Il n’y a qu’à ouvrir le texte sacré, la Bible, pour voir qu’on ne saura ni le jour ni l’heure. »
Abbon de Fleury, Plaidoyer aux rois Hugues et Robert, v. 998.