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Quelques champignons de la région de Montillot

Pascal Collin, Maison Régionale de l’Environnement de Franche-Comté, Espace Naturel Comtois, 15 rue de l’Industrie 25000 Besançon

couriel :  cren-fc@wanadoo.fr

Les champignons sont des organismes curieux, qui ont des éléments communs à la fois avec le règne végétal et le règne animal. Si bien qu’ils constituent un, voire plusieurs règnes, à part entière. On compte aujourd’hui plus de 120000 espèces dans le monde sans compter les lichens qui constituent un exemple parfait de symbiose (environ 25 000 espèces). Parmi tous ces champignons, seule une infime partie peut être facilement observée grâce aux carpophores qu’ils produisent. C’est cette partie, habituellement constituée d’un pied et d’un chapeau, que nous ramassons pour le plaisir de nos papilles gustatives. Cet organe permet la propagation et la survie de l’espèce. Les spores qui sont produits par la partie fertile du carpophore, qui revêt diverses formes (lamelles, plis, pores, etc.), vont germer pour donner naissance à des filaments qui vivent dans le sol ou le bois. Ces filaments constituent le mycelium. Sous l’action de certains facteurs, en particulier climatiques, ces filaments vont entrer en phase de reproduction. Après fusion des cellules constitutives de deux filaments (notés « plus » et « moins » par les scientifiques, et non pas mâles et femelles !) un nouveau mycelium verra le jour et c’est lui qui produit les carpophores que nous ramassons. Celui-ci a une durée de vie bien supérieure au précédent et la présence de certains ronds de sorcières est attestée depuis plus d’un siècle (Marasme des Oréades, Tricholome de la Saint-Georges).

Rond de sorcière, voila une expression bien mystique qui atteste de l’incompréhension et de l’émerveillement de l’homme face au « mystère » de la poussée fongique ! Les croyances les plus folles courraient sur leur origine ; on pensait par exemple que les crapauds et les grenouilles pouvaient engendrer des champignons. D’ailleurs, les Anglo-saxons qui sont presque mycophobes appellent les champignons toad-stool, c’est à dire « tabouret de crapaud ou chaise de la mort ». Et puis, champignon c’est un mot rigolo qui agrémente de nombreuses comptines pour enfants, « mironton, champignon, tabatière ». Bref, les champignons ont tout pour plaire, intérêt scientifique, culturel, économique (pas de vin, pas de pain, pas de fromage, pas d’antibiotique sans champignon) et culinaire évidement. C’est ce qui nous amène à nous lever parfois très tôt pour satisfaire notre gourmandise. Pourtant, sur les quatre mille espèces françaises, à peine une centaine est mangeable et environ vingt sont dignes d’être mangées. La plupart des ramasseurs du dimanche collectent moins d’une dizaine d’espèces (rosé des prés, girolle, trompette des morts …); il est donc facile, pour celui qui n’est pas matinal, moyennant quelques efforts intellectuels, de ramasser des espèces souvent délicieuses que le « commun des mortels  » ignore.

Mais prudence, un certain nombre d’espèces sont toxiques, voire mortelles. Le respect de quelques règles simples évitera qu’une balade dominicale ne se transforme en une soirée aux urgences :

Ne jamais manger un champignon au prétexte qu’il ressemble drôlement à la photo du dictionnaire (qui mesure moins de 1 cm).Ne pas croire un certain nombre de sornettes courant sur les champignons ( la couleur plus ou moins sympathique n’est pas un critère de comestibilité, c’est pas parce que une limace ou un écureuil mange un champignon qu’il est bon, etc.) ;L’odeur n’est pas non plus un critère fiable, certaines espèces très toxiques (Tricholome tigré) ont une odeur très appétissante.Ne pas faire de récolte sur des sites pollués car les carpophores peuvent accumuler certains polluants de façon importante. Il faudra éviter par exemple les talus routiers (présence de métaux lourds).Ne pas utiliser de sacs en plastique qui favorisent les fermentations, on leur préférera un panier en osier.Ne récolter que des exemplaires sains ; il faut éviter par exemple les individus trop vieux et gorgés d’eau, même si on n’a rien ramassé !Ne récolter que des champignons entiers, certains éléments important pour la détermination peuvent être localisés dans la terre (par exemple la volve des amanites).Eviter une consommation trop importante et répétée, même avec des espèces réputées très bons comestibles (l’accumulation de particules radioactives lors de l’accident de Tchernobyl est de ce point de vue un réel problème, voir à ce sujet le document réalisé par la CRII-RAD, 471 avenue Victor Hugo, 26000 Valence).

D’autres règles relèvent simplement du respect :

De la nature (ne pas jeter de papiers gras, faire attention aux mégots de cigarettes, faire attention à la faune, en particulier au moment de la reproduction, faire attention à la flore, etc.).

Des autres ramasseurs de champignons, qu’ils soient mycophiles ou mycophages  (c’est agaçant de trouver des champignons écrasés, sous prétexte que l’individu au bout des chaussures écrabouilleuses n’y connaît rien!).

De la propriété privée (divagation des chiens, respect des plantations, fermeture des parcs, etc.) ; une attention particulière devra être portée quant à la présence d’animaux potentiellement dangereux, un taureau irascible court toujours beaucoup plus vite que vous !).

Bref, si tous ces conseils ne vous ont pas dissuadé, vous voila paré pour de belles promenades mycologiques. De nombreux renseignements complémentaires pourront être obtenus par la lecture d’ouvrages spécialisés (voir quelques éléments de bibliographie plus loin) et par la fréquentation des sociétés mycologiques qui sont nombreuses en France (http://www.mycofrance.org ).

Montillot et ses environs présentent une grande richesse mycologique qui est le reflet des conditions écologiques contrastées régnant sur ce territoire. On notera en particulier d’importants massifs forestiers allant de la Chênaie pubescente à la Hêtraie à Leucobryum glauque (oui c’est un peu abscons, mais il en faut pour tous les goûts!). Seules les zones humides sont peu représentées, encore que de nombreuses petites mares très intéressantes parsèment les prairies qui ont échappé au retournement.

A noter d’ailleurs qu’une fougère très rare serait à rechercher sur le territoire de la commune puisqu’elle y était signalée autrefois : La Fougère des marais (Thelypteris palustris, protection nationale). A l’occasion allez herboriser les mares et étangs de la région et n’oubliez pas de transmettre vos informations !

L’Anthurus d’Archer (Anthurus archeri) : cette curieuse espèce est également facile à repérer par l’odeur fétide qu’elle dégage. Son fumet particulier la fera sans doute rejeter, de toute façon, sa comestibilité est inconnue. L’Anthurus nous vient d’Australie, d’abord dans les balles de laine de mouton importées, puis dans les bottes de foin qui ont accompagné les chevaux australiens lors de la première guerre mondiale. L’espèce a d’abord été vue dans les Vosges, depuis elle a conquis toute l’Europe. Période d’observation : de juillet à octobre Milieu : forêts, friches.

Cèpe des pins (Boletus pinophilus), Cèpe d’été (Boletus aestivalis) et Cèpes de Bordeaux (Boletus edulis: ces trois belles espèces sont d’excellents comestibles, très recherchés. Les cèpes, ou bolets, sont facilement identifiables grâce à leur surface fertile constituée de pores plus ou moins gros. Ces deux espèces sont faciles à identifier avec leur pied massif, en massue, parcouru par un fin réseau et leur chapeau chamois ou brun noir. Toutefois, la distinction de certains bolets n’est pas toujours aisée. Période d’observation : de juin à octobre. Milieu : forêts.

Bolet Satan (Boletus satanas) : il fait partie des bolets à chair bleuissante, à pores rouges et à pied réticulé teinté de rouge. Le chapeau est gris blanchâtre. C’est un champignon toxique, il provoque de sévères gastro-entérites. Cette espèce est fidèle à ses stations mais elle n’apparaît qu’après de fortes chaleurs. Période d’observation : de juillet à octobre Milieu : forêts claires et lisières sur sols calcaires.

Marasme des Oréades (Marasmius oreades) : c’est un excellent champignon malgré sa petite taille, qui se sèche très facilement. Dans les pâturages faiblement amendés il forme souvent des ronds de sorcière. Un des critères de reconnaissance est son pied qui peut se tordre sans se rompre. L’espèce à disparu de nombreux prés du fait de l’usage d’engrais chimiques. Période d’observation : de mai à octobre Milieu : pâturages.

Lépiste à odeur d’iris (Lepista irina) : comme son nom l’indique, ce Lépiste se distingue par une odeur complexe de fleur d’orangé et d’iris qui n’est pas toujours perceptible par temps frais (attendre alors que le champignon se réchauffe). Le chapeau et les lamelles sont de la même couleur, c’est à dire d’un beau beige clair un peu translucide. A noter le bord du chapeau souvent enroulé, surtout à l’état jeune. Il forme parfois des ronds de sorcière spectaculaires. C’est un bon comestible à condition de bien le faire blanchir, certaines personnes pouvant mal le digérer. Période d’observation : de septembre à mi-novembre Milieu : pâtures, forêts de résineux, lisières, friches.

Rosé des prés (Agaricus bisporus): il se reconnaît de loin dans les pâturages lors des premières pluies succédant aux chaleurs de l’été. Il est invisible lorsque l’été a été pluvieux. C’est un champignon facilement reconnaissable avec son chapeau blanc, ses lamelles roses (noircissants avec l’âge) et son pied blanc pourvu d’un anneau. Son odeur est particulière, rappelant le pain sortant du four. C’est un excellent comestible et il vaut largement le champignon cultivé. Période d’observation : de la mi-août à la fin septembre Milieu : pâtures.

Agaric anisé des Bois (Agaricus sylvicola) : c’est le rosé des bois, son chapeau blanc jaunit au frottement et il exhale une douce odeur d’anis. Les lamelles sont toutefois beaucoup plus pâles que celles des autres agarics. Elles deviennent pourpres en vieillissant. Deux autres espèces sont très voisines : l’agaric bulbeux et l’agaric des forêts. Ce sont de bonnes espèces, à ne pas confondre avec l’agaric jaunissant qui est fortement indigeste. Un jaunissement plus intense et une odeur d’iode assez marquée (surtout à la cuisson) permettent de distinguer cette dernière. Période d’observation : de août à octobre Milieu : forêts de feuillus et de résineux.

Morille blonde (Morchella rotunda: dans la série des grands classiques la, ou plutôt, les morilles tiennent une place de premier choix. Toutefois sa recherche n’est pas aisée car elle apparaît aussi soudainement qu’elle disparaît. C’est un champignon qui affectionne, dans la région de Montillot, les coupes de pin de deux ans. Il disparaît ensuite après quelques années, une fois que la végétation naturelle reprend le dessus. Les morilles sont d’autant plus abondantes que le sol à été remué et les pins écorcés lors du débardage. L’espèce ne se confond avec aucune autre, si ce n’est d’autres morilles. Quelques espèces sont toutefois assez régulières sous certains arbres avec lesquelles elles forment des mycorhizes (le Frêne en particulier). Période d’observation : avril, mai Milieu : bosquets de frênes et d’ormes, coupes de pins, talus, chemins …

Girolle (Cantharellus cibarius) : c’est sans aucun doute le champignon le plus récolté dans la région et il est pour moi associé aux flonflons du quatorze juillet. Ce sont également des souvenirs de casse-croûte matinaux pris au pied d’un hêtre gigantesque quelque part entre Asnières-sous-Bois et Chatel-Censoir. Souvent, ces libations matinales attiraient plus de monde que la recherche des girolles proprement dites. Sa couleur jaune, sa surface fertile constituée de plis et non de lamelles ainsi que son odeur rappelant l’abricot font de la girolle un champignon facile à reconnaître. Encore que des confusions sont toujours possibles avec des individus atypiques. Si le nom de girolle est bien connu en Bourgogne et dans le bassin parisien, ailleurs on utilise plutôt le nom de chanterelle.  D’où l’utilité des noms scientifiques qui eux ne changent pas d’une région à l’autre, du moins en principe…..A noter également que la girolle est victime de son succès et elle fait l’objet de véritables razzias. Deux solutions s’offrent alors au mycophage : se lever très tôt et parcourir des dizaines d’hectares ou apprendre à reconnaître de nouvelles espèces. Outre le fait que l’on pourra désormais se lever plus tard, on aura la satisfaction de découvrir de nouveaux goûts et on passera alors petit à petit du statut de mycophage à celui de mycophile. Période d’observation : de mi-juin à septembre Milieu : forêts de feuillus et de résineux.

Amanite tue-mouche (Amanita muscaria: toute description paraît inutile avec ce champignon tant il a été utilisé par les illustrateurs de contes pour enfants ou les réalisateurs de dessins animés. Ceci n’est pas sans conséquence, j’ai longtemps cru enfant que ce champignon était comestible…..C’est bien évidemment une espèce toxique qui entraîne transpirations, diarrhées, vomissements et hallucinations (d’où son utilisation par les chamans en Sibérie). Les symptômes apparaissent trente minutes à deux heures après ingestion. Cette espèce pousse exclusivement à proximité des bouleaux et des épicéas avec lesquels elle forme des mycorhizes. Période d’observation : de mi-juin à septembre Milieu : forêts contenant des bouleaux et des épicéas.

Amanite panthère (Amanita pantherina) : c’est un peu le négatif de l’Amanite tue-mouches avec son chapeau brun foncé et ses écailles d’un blanc pur. C’est un champignon très toxique entraînant des troubles digestifs sévères, une hypersudation et une phase d’excitation. Ce champignon est néanmoins facilement reconnaissable et les risques de confusion sont faibles. Période d’observation : d’août à octobre Milieu : forêts de résineux et parfois sous feuillus.

Coprin chevelu (Coprinus comatus) : c’est un champignon bien caractéristique avec sa forme cylindrique, blanche, couverte de mèches, son pied creux et ses lamelles qui se liquéfient en vieillissant (autrefois utilisé comme encre). Cette espèce souvent méconnue est un excellent comestible, à condition d’être récoltée jeune. On le trouve ça et là ; il forme parfois des ronds importants dans endroits fumés et plus ou moins remués. Période d’observation : de mi-juin à octobre Milieu : pâtures, talus, cours…

Satyre puant (Phallus impudicus) : bizarre, extravagant, improbable, répugnant, voici après un bref sondage quelques adjectifs caractérisant ce champignon. Inutile de le décrire, il est facilement reconnaissable par sa forme et son odeur si particulière de cadavre. Ainsi attirées, les mouches viendront de très loin pour dévorer la substance verte portée par le pied qui contient les spores ; elles assureront ainsi la dissémination de l’espèce. Le Satyre puant est parfois donné comme comestible à l’état jeune… Période d’observation : de juin à octobre Milieu : forêts de feuillus.

Amanite impériale (Amanita inaurata: c’est l’une des plus grande espèce de ce genre et elle fait partie des amanites sans anneau (groupe des Amanitopsis). Elle n’est pas très commune. L’espèce est comestible à condition d’être bien cuite. Période d’observation : de juin à octobre. Milieu : forêts contenant du hêtre.

Quelques ouvrages utiles :

Becker G. & Sabatier R. 1986. Le gratin des champignons, Glénat.

Becker G. 1974. La mycologie et ses corollaires, Maloine.

Heim R. 1963. Champignons toxiques et hallucinogènes, N. Boubée et Cie.

Bon M. 1988. Champignons d’Europe occidentale.

Phillips R. 1981. Les champignons, Solar.

André M. & Moingeon J.M. 2002. Les champignons de la montagne jurassienne, Néo éditions.

Quelques sociétés mycologiques :

Société mycologique de la Côte-d’Or, Faculté des Sciences, Boulevard Gabriel, 21000 Dijon.

Société mycologique Auxerroise, M. Mathez, 5 rue Marcellin Berthelot, 89000 Auxerre

Société mycologique de France, 18 rue de l’Ermitage, 75020 Paris.

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Les pelouses à Orchidée de la région de Vézelay (Yonne)

L’article ci-dessous a été publié en tant que compte rendu de sortie dans le Bulletin de la Société d’Histoire Naturelle du Doubs (référence bibliographique : P. Collin. 1998. Les pelouses à Orchidées de la région de Vézelay (Yonne). Bulletin de la Société d’Histoire Naturelle du Doubs. 86 : 13-17).

P. Collin était à l’époque Attaché d’enseignement et de recherche au Laboratoire de Sciences Végétales de l’Université de Franche-Comté. Il est aujourd’hui directeur du Conservatoire Régional d’ Espace Naturel de Franche-Comté qui a pour mission de gérer les milieux naturels les plus remarquables de Franche-Comté.

Cet article fait suite à une sortie organisée par la S.H. N. D. au mois de mai 1992. Les endroits visités étaient situés dans la vallée de la Cure et à proximité de Vézelay où l’on peut observer quelques formations végétales de type mésoxérophile à xérophile sur les versant ensoleillés de la vallée et des collines environnantes. Ces milieux recèlent de nombreuses espèces peu communes et en particulier des Orchidées.

Géographie et géologie

 Les deux pelouses sont situées sur les plateaux de basse Bourgogne : l’une dans la vallée de la Cure avec une orientation sud-est sur la commune de Montillot ; l’autre d’orientation sud-ouest à proximité de Vézelay .

Dans chaque cas l’altitude est peu élevée et de l’ordre de 200 à 300 m. La pente de ces deux stations est forte, de 30 à 40 %, surtout à Montillot. La région est bordée au sud par le morvan granitique. A l’ouest et au nord-ouest l’auréole infracrétacée de la Puisaye délimite le plateau calcaire de basse bourgogne. A l’est et au nord-est s’étend la cuesta oxfordienne et la montagne chatillonnaise. La roche mère des deux stations étudiées est constituée par un calcaire appartenant au Bathonien inférieur.

Aperçu climatique

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La vallée de la Cure est caractérisée, à cet endroit, par de faibles précipitations qui sont de l’ordre de 600 à 700 mm par an et par une température moyenne annuelle de 10°C. La zone peut être qualifiée de thermophile et les sécheresses estivales sont fréquentes (Royer, 1972a). Les données concernant le climat de la station de Vézelay ne sont pas accessibles par l’analyse de la bibliographie.

Pédologie (nota: étude des sols)

Les sols observés sur la station de Montillot et, dans une moindre mesure à Vézelay, rendent compte de la nature carbonatée de la roche mère et de leur position topographique. Schématiquement, deux types de sol sont distingués : les rendzines et les sols bruns calcaires. Les sols situés en position sommitale ou la roche affleure sont peu épais car une partie des éléments fins est entraînée en contrebas. Les sols des sommets sont donc rajeunis en permanence, ceci a pour conséquence une faible épaisseur et une grande richesse en carbonate. D’une manière générale, la distribution des rendzines reste liée aux affleurements de roches calcaires tendres. Les potentialités de ce type de sol sont conditionnées par l’alimentation en eau. Dans les cas les plus favorables une forêt thermophile peu s’établir.

Lorsque l’épaisseur du sol augmente on observe une décarbonatation de l’horizon de surface et il en résulte un sol plus évolué de type brun calcaire. A Vézelay, en bas de pente, la présence d’un calcaire plus ou moins marneux induit des modifications de la végétation avec l’apparition par exemple de Blackstonia perfoliata et Listera ovata (Poinsot, 1972) qui sont des espèces classiques des sols marneux.

Végétation

D’après Royer (1972a), la flore de la Bourgogne appartient au domaine médioeuropéen. Toutefois des nuances sont observées suivant les districts étudiés.  Celui de Basse-Bourgogne dans lequel se trouve les deux pelouses est caractérisé par un appauvrissement relatif en espèces médioeuropéennes, par la disparition des espèces submontagnardes (Aconitum pyramidaleRibes alpinumCarex montana etc…) 

L’inule de Montagne est l’une des deux espèces des pelouses de  Montillot qui soit protégée en Bourgogne. Cette plante de la famille des marguerites est ici en limite Nord de son aire de répartition.

On y trouve une grande richesse en plantes subméditerranéennes (Inula hirtaInula montana (ci-contre)Hyssopus officinalisArtemisia camphorata etc.). Il faut noter également l’apparition de quelques espèces subatlantiques comme Festuca gallica et Polystichum setiferum (Royer, 1972a).

Ces deux pelouses sont remarquables par la diversité des espèces qui s’y développent. Les orchidées sont très présentes dans chacune des stations étudiées avec dix neuf espèces à Vézelay et seize à Montillot (tableau1). Ces plantes exercent un attrait important sur le naturaliste et elles constituent un élément essentiel des pelouses sèches. Une forêt composée presque exclusivement de Chêne pubescent, de Cornouiller mâle et d’Alisier blanc constitue le milieu naturel qui est en contact avec les pelouses.

orchis mâle habituellement assez vivement coloré de carmin, ici dans sa forme albinos qui existe aussi chez les fleurs.
L’orchis militaire doit son nom aux pièces du calice et de la corolle qui forme un casque au dessus du label qui a la forme d’un petit bonhomme.

Dans ces deux stations l’Orchidée dominante est l’Orchis homme pendu suivie de près par l’Orchis mâle, l’Orchis pourpre et l’Orchis militaire. 

Les Ophrys sont moins nombreux mais la plupart des espèces sont présentes : on peut observer l’Ophrys araignée, l’Ophrys bourdon, l’Ophrys abeille et l’Ophrys mouche. L’Ophrys bécasse serait à rechercher puisqu’un individu en très mauvais état à été observé en 1990.

  Toutes ces espèces préfèrent le plein soleil, tandis que d’autres semblent chercher l’ombre ou du moins la fraîcheur tels le Céphalanthère rouge et l’Orchis à deux feuilles que l’on trouve en bordure de la forêt où l’ombre est la plus importante.

  A la fin du mois de mai et au début du mois de juin la pelouse de Montillot est envahis par l’Orchis moustique, c’est la dernière Orchidée à fleurir car le Spiranthe d’automne n’y a jamais été observé.

L’ophris abeille est une magnifique orchidée présente dans de nombreuses pelouses bourguignonnes. Elle est protégée dans de nombreuses régions dont la Franche-Comté.

L’Ophris araignée est un des plus communs des pelouses bourguignonnes.

Parmi les Orchidées plus rares, on notera en particulier l’Orchis singe et le Limodore à feuilles avortées. Ce dernier n’est pas une rareté mais il est très irrégulier dans ses apparitions (Landwehr, 1983).
Comme il possède très peu de chlorophylle, il est très dépendant du champignon symbiotique avec lequel il se développe, ce qui explique en partie son irrégularité. Le limodore à feuille avortée est une curieuse orchidée plutôt forestière. L’espèce est protégée en Bourgogne.

Le nom « Orchis brulé fait allusion au fait que le sommet de l’inflorescence semble brulé.

L’Orchis singe s’hybride avec l’Orchis militaire, ce qui cause parfois quelque embarras pour la détermination de l’espèce. Le sens de progression de la floraison est un critère de reconnaissance utile : chez l’Orchis singe elle se fait du haut vers le bas (Landwehr, 1983).

Pour en terminer avec les orchidées, des individus albinos de l’Orchis mâle, de l’Orchis brûlé et de l’Orchis pyramidal ont été observés sur les deux pelouses.

Parmi les autres plantes, à coté des espèces banales comme le Genévrier, la Germandrée petit-chêne, le Cornouiller mâle et le Brome dressé, on notera la Garance des teinturiers, la Phalangère à fleur de lys, le Géranium sanguin, l’Anémone pulsatille et l’Hélianthème des Appenins. Certaines plantes comme le Muscari à toupet et l’Ail à tête ronde nous rappellent l’origine viticole de ces terrains. A Montillot, quelques pieds de vigne sont encore visibles. Toutes ces plantes, bien que relativement communes contribuent à caractériser ce remarquable milieu qui mérite une protection et un suivi scientifique. D’autres plantes méritent une mention particulière : il s’agit des espèces à affinité méditerranéennes telles que l’Inule de montagne et l’Orobanche de la germandrée. La station d’Inule de montagne située sur la commune de Montillot semble nouvelle puisqu’elle n’a pas été citée par J. M. Royer (1971 ; 1972 a et b). D’autres espèces à affinité méditerranéenne ont été observées en Basse Bourgogne à proximité du site de Montillot (Royer, 1970) : il s’agit par exemple, du liseron cantabrique (Convolvulus cantabricus) et de la Renoncule graminée (Ranunculus gramineus).

L’anémone pulsatile est sans doute la première fleur à s’épanouir sur les pelouses dès le mois de Mars.  Ses pétales donnent une teinte bleue et servaient pour la coloration des oeufs de Pâques.
L’hélianthème des Apennins bien que commun en Bourgogne est rare dans le Nord et l’Est de la France. Elle est protégée en Franche-Comté.
La présence du Muscari commun traduit la présence ancienne du vignoble sur ces pelouses.

Faune

En ce qui concerne l’avifaune, on note la présence de l’Engoulevent d’Europe, du Hibou petit duc et du Circaète jean-le-blanc qui est ici à la limite nord de son aire de répartition. 

Parmi les reptiles le Lézard vert est très abondant à Montillot mais n’a pas été vu à Vézelay.

Lézard vert: espèce typique des pelouses buissonneuses. Ce reptile est protégé en France.

L’Ascalaphe est sans doute l’insecte le plus caractéristique et le plus spectaculaire de ce milieu avec le Grand machaon et la Mante religieuse. 

Les Orthoptères et les hyménoptères sont également très nombreux, surtout en fin d’été.

  Une étude exhaustive de la faune serait bien évidement souhaitable.

L’ascalphe est un des insectes les plus typiques des pelouses. Ce n’est pas un papillon.

Menaces

Plusieurs carrières ont été ouvertes à proximité de la station de Montillot dans lesquelles on extrait un matériaux calcaire très fragmenté. L’éventuelle extension de ces carrières serait préoccupante pour la pérennité de la station.

Ces deux milieux correspondent à d’anciennes vignes d’où la présence de quelques ceps dans ces stations. L’action de l’homme a donc marqué le paysage à une époque récente et a ainsi favorisé l’installation de nombreuses espèces. Les orchidées seraient sans doute très rares dans ces milieux si l’homme n’était pas intervenu sur ces sites. De ce fait ces stations sont fragiles et le retour à l’état de forêt ou de fruticée semble inévitable. En particulier la plantation du Pin noir suite à l’arrachage des vignes est une réelle menace pour le milieu car cette espèce colonise rapidement le terrain et y étouffe la végétation. D’un point de vue sylvicole, lorsque le sol s’y prête, les bouquets de sorbiers domestiques sont préférables aux plantations de pins.

La pratique « sauvage » du motocross a été observée sur les deux sites avec à chaque fois des conséquences désastreuses sur la végétation. La surveillance régulière, plusieurs fois par an, des deux pelouses est donc nécessaire.

La disparition des haies enfin provoque un remaniement profond de la flore et de la faune, tel le Gazé (ci-dessus), encore assez commun dans les pelouses mais en déclin partout ailleurs.

Liste alphabétique des espèces présentes sur les deux sites.

La présence sur la pelouse de Vézelay est notée par V tandis que les espèces de Montillot sont notées M. L’inventaire est loin d’être complet et il est par exemple tout a fait possible que des espèces notées M se trouvent en V et inversement, en outre de nombreuses découvertes sont possibles.

Nom françaisnom latinlieu
Acéras homme penduAceras anthropophorumMV
Alisier blancSorbus ariaMV
Anémone pulsatillePulsatilla vulgarisMV
Anthyllide vulnéraireAnthyllis vulnerariaM
Arabette des collinesArabis collinaM
Asperule à l’esquinancieAsperula cynanchicaV
Avoine élévéeArrhenatherum elatiusM
BardanetteLappula squarrosaM
Brize intermédiaireBriza mediaMV
Brome érigéBromus erectusMV
Brome mouBromus mollisMV
Céphalantère blancheCephalanthera damasoniumMV
Céphalantère rougeCephalanthera rubraMV
Cerisier de Sainte LuciePrunus mahalebM
Chêne pubescentQuercus pubescensMV
Chlora perfoliéBlackstonia perfoliataV
Compagnon blancMelandrium albumM
Cornouiller mâleCornus masM
Cornouiller sanguinCornus sanguineaMV
Dompte veninVincetoxicum hirundinariaMV
Eperviére piloselleHieracium pilosellaMV
Fétuque spFestuca spM
Fumana couchéFumana procumbensMV
Gaillet mouGalium mollugoM
Garance des teinturiersRubia tinctorumMV
Genêt des teinturiersGenista tinctorumV
Genêt sagittéChamaespartium sagittaleM
Genêt poiluGenista pilosaM
Genévrier communJuniperus communisMV
Géranium sanguinGeranium sanguineumM
Germandrée des montagnesTeucrium montanumV
Germandrée petit chêneTeucrium chamaedrysMV
Gesse à large feuilleLathyrus latifoliusM
Gesse aphylleLathyrus aphacaM
Globulaire vulgaireGlobularia punctataMV
Hélianthème des ApenninsHelianthemum appeninumM
Hélianthème des chiensHelianthemum caninumMV
Hélianthème jauneHelianthemum nummulariumMV
Hellébore fétideHelleborus foetidusMV
Hippocrépis à toupetHippocrepis comosaMV
Inule des montagnesInula montanaM
Knautie des champsKnautia arvensisMV
Laîche de hallerCarex halleranaMV
Laser à feuille largeLaserpitium latifoliumM
Limodore à feuilles avortéesLimodorum abortivumMV
Lin à feuilles menuesLinum tenuifoliumMV
Lin purgatifLinum catharticumM
Listère à feuilles ovalesListera ovataV
Lotier corniculéLotus corniculatusMV
Muscari à toupetMuscari comosumMV
Myosotis des champsMyosotis arvensisM
Ophrys abeilleOphrys apiferaMV
Ophrys araignéeOphrys sphegodes ssp. sphegodesMV
Ophrys frelonOphrys fucifloraMV
Ophrys litigieuxOphrys sphegodes ssp. litigiosaMV
Ophrys moucheOphrys musciferaMV
Orchis à deux feuillesPlatanthera bifoliaMV
Orchis boucHimantoglossum hircinumMV
Orchis bouffonOrchis morioMV
Orchis brûléOrchis ustulataV
Orchis mâleOrchis masculaMV
Orchis militaireOrchis militarisMV
Orchis moucheronGymnadenia conopseaMV
Orchis pourpreOrchis purpureaMV
Orchis pyramidalAnacamptis pyramidalisMV
Orchis singeOrchis simiaM
Orobanche de la gérmandréeOrobanche teucriumM
Orobanche girofléeOrobanche caryophyllaceaM
Orpin blancSedum albumMV
Panicaut champêtreEryngium campestreMV
Petite coronilleCoronilla minimaV
Petite pimprenelleSanguisorba minorM
Phalangère à fleur de lysAnthericum liliagoM
Pin noirPinus nigraMV
Poirier sauvagePyrus communisM
Polygala communPolygala vulgarisMV
Potentille rampantePotentilla reptensM
Réséda jauneReseda luteaMV
Sarriette des champsAcinos arvensisV
Sauge des présSalvia pratensisM
Sceau de Salomon multiflorePolygonatum multiflorumMV
Sceau de Salomon odorantPolygonatum odoratumMV
Serpolet à feuilles étroitesThymus serpyllumMV
Silene enfléSilene vulgarisM
TroèneLigustrum vulgareMV
Viorne mancienneViburnum lantanaMV

Bibliographie:

  • Landdwehr J. 1983. Les orchidées sauvages de France et d’europe. Tome 1. Lausanne. 287 p.
  • Landdwehr J. 1983. Les orchidées sauvages de France et d’europe. Tome 2. Lausanne. 585 p.
  • Poinsot H. 1972. Flore de Bourgogne. Dijon, 401 p.
  • Royer J. M. 1971. Reconnaissance phytosociologique en basse-Bourgogne : I. La vallée de la Cure de Givry à Arcy (Yonne). L’Eduen. 57. 28-32.
  • Royer J. M. 1972a. Essai de synthèse sur les groupements végétaux de pelouses, éboulis et rochers de Bourgogne et Champagne méridionale. Extrait du fascicule 13. An. Sci. Univ. Besançon. série 3. 316p.
  • Royer J. M. 1972b. Reconnaissance phytosociologique en basse-Bourgogne : II. A propos des inules de la vallée de la cure. L’Eduen. 62. 19-21.
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Notre petit patrimoine

R.M.Koutlidis, 2020

Ce petit patrimoine rural (l’ensemble des monuments qui ne sont pas classés ni inscrit comme monument) est sans doute un attrait de notre « vieux » village. Il a été très officiellement réparti en 9 catégories d’éléments : points d’eau (fontaines, lavoirs…), sacrés (croix, calvaires, gargouilles, chapelles), ouvertures (portes, archères, fenêtres), signalisation (bornes, de limites), mesures de temps, de poids, d’espace (cadran solaire…), agricoles et viticoles (cabanes, four à pain, …), de commémoration (monuments aux morts) et bâtiments (tours, ponts, pigeonniers, maisons à pan de bois).

A l’aube de la création de l’OGS-Vézelay dans lequel Montillot est intégré, comme il était au moyen-âge dans la « poté » de Vézelay, interrogeons-nous sur notre « petit patrimoine » puisque de « grand », Montillot n’en a pas. L’identifier, le reconnaitre ouvre la porte à sa sauvegarde et à sa restauration. Il ne manque pas, en France, de bénévoles, d’associations dévolues à la sauvegarde de ce petit patrimoine[1] ! On met en jeu, en le valorisant, le développement local, la notion d’identité et la diversité culturelle. On débouche par exemple sur des randonnées-découvertes, des randonnées-contées, des circuits balisés qui manquent encore cruellement, ou sur des panneaux-indicateurs explicatifs.

En laissant de côté nos bâtiments (archères de l’église, pigeonnier), que nous reste-t-il ?

Les croix, témoignage d’une piété qui n’est plus : Croix blanche récemment refaite et minimisée, et croix de Chally, croix Bouché, croix du crot aux charmes, croix des Hérodats : saura-t-on encore précisément les situer, les photographier ?

Les cabanes pourraient bien subir le même sort. Ces images (en 2010, 2017, 2019) de celle située au long du chemin des côtes est là pour en témoigner :

Et qu’en est-il des meurgers ? … « meurgé, meurgée, merger, murgé, murget, murget, murgier, murgerot, mourzy meurzère… »  On en connait de nombreux en France, et plus généralement dans les pays de vignobles.

Muret (Photo P. Haase)
D’épaisse muraille à tas de pierres parementé lors du défrichage d’une parcelle, ou lentement constitué par l’épierrage régulier de la vigne, le mot est resté en usage dans les lieux où la culture la vigne s’est perpétuée, ne persistant, ailleurs, que dans la toponymie.
Tumulus (photo J. Demay)

Ici le vocable définit à la fois ces murets qui délimitent des parcelles oubliées, des cabanes (de vigneron, le plus souvent), et parfois, plus mystérieusement, des tumulus (tumuli) beaucoup plus anciens.

C’est le Professeur Pierre NOUVEL, de l’Université de Besançon (UMR 6249- Chrono-Environnement), qui a attiré l’attention sur les découvertes de tumulus (mot latin, mais son pluriel tumuli n’est pas utilisé) faites au 19ème siècle autour de Montillot.

Dans son article intitulé « les voies antiques de l’Avallonnais – apport de l’histoire et de l’archéologie », il avait identifié, entre autres, celle qu’il appelle la voie N°9, reliant Vézelay à Mailly-la-Ville ; il écrit à son sujet : « depuis Asquins, le tracé se poursuit vers l’ouest, sous un chemin qui se détache de la RD123 pour gravir la côte de la Perrière, longeant le village de Montillot par le Sud. Le chemin poursuivait sa route par la Collerette (nécropole préhistorique), bas de Dîne-Chien (idem) et Brosses. »  Cette voie, nous la connaissons bien ; elle a été en service jusqu’au milieu du 19ème siècle. Appelée « Grand chemin d’Auxerre à Vézelay au 15ème siècle, et relevant de la Justice royale, et « Grand Chemin de Mailly-la-Ville à Vézelay » sur le cadastre napoléonien de 1819. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un chemin empierré, entretenu dans les seules portions encore utilisées par des riverains, et difficilement praticable par un véhicule dans les autres parties. Il longe le centre équestre de la Croix-des-Bois, puis le Bois du Fège vers la Duite, se confond avec la route de Fontenilles jusqu’au Mont Ciboule, puis avec le chemin rural qui va vers Brosses à travers le bois de la Collerette. C’est le long de son tracé que des découvertes ont été faites.

Où sont donc ces 2 nécropoles[1] que cite P. NOUVEL ? Jusqu’à ce jour, nous ne connaissions que les « tumulus de Rochignard », trouvés en 1879 par les cantonniers de Montillot qui cherchaient des pierres, tumulus ensuite fouillés et décrits par F. CUVIER en 1880. A côté des ossements, on avait trouvé des fibules, des torques et des bracelets de bronze et de fer.

Nous ne devons donc plus ignorer que des fouilles ont été effectuées en 1858 et 1866, puis reprises en 1880 dans des monticules de pierres aux lieux-dits « Merger aux Moines » et « la Collerette », à cheval sur les communes de Montillot et Brosses. Plusieurs squelettes humains ont été mis à jour, avec des bracelets et des anneaux de jambes en bronze. Mr de LENFERNAT, qui fut maire de Montillot de 1860 à 1870, a participé jusqu’en 1880 à ces fouilles avec son gendre Mr de MONTIGNY, et a confié un certain nombre d’objets trouvés au musée d’Auxerre. D’autres ont été remis aux musées d’Avallon et de Troyes. Dans l’inventaire du musée d’Avallon paru dans le bulletin de la S.E.A. de 1879, on note, entre autres, « un anneau trouvé sous un tumulus (de Rochignard) par Mr Félix CARILLON » (Il s’agitde Félix-Célestin (1855-1904) cultivateur et maire-adjoint de Montillot, père d’Auguste-Joachim, tué au front en 1914, et grand-père d’un autre Félix (1910-1951). Des recherches aussi fructueuses ont été faites à cette époque dans plusieurs villages environnants. L’abbé PARAT cite le chiffre de « 178 tumulus de petite et moyenne dimension sur Bois d’Arcy », et d’autres dans les bois d’Avigny et de Lac-Sauvin. Des découvertes semblables ont été faites dans le Morvan ; les spécialistes du Musée de St Germain en Laye, consultés à l’époque, ont attribué les objets trouvés, partie au 1er âge du fer (civilisation de Hallstadt -1200 à -500), partie au 2ème âge du fer (période de la Tène, ou « époque gauloise »). A partir des découvertes des 19ème et 20ème siècles, plus de 170 nécropoles y sont repérées.

Une autre coutume funéraire de la même époque a été découverte : les champs d’urnes. Près de St Père-sous-Vézelay, René LOUIS a mis au jour entre 1937 et 1939 des sépultures, constituées en fait d’urnes contenant des ossements humains, des bracelets de bronze et des flèches néolithiques. Plusieurs ont été identifiées aux alentours de Montillot. Elles ont été datées de la période entre âge du bronze et âge du fer. Un peuple probablement originaire de Hongrie aurait remplacé les tumulus par les urnes vers -1200 à -1000 et serait venu ensuite en Allemagne du Sud puis, par la trouée de Belfort, vers la Nièvre, les Cévennes et le Tarn, où l’on trouve d’autres champs d’urnes.

Montillot, village de Pierres ?

Une bulle du Pape Alexandre III datée de 1169, sous le règne du roi de France Louis VII le Jeune, fait mention du plus ancien nom connu de Montillot ; il s’agit de « Montirucht ( ou peut-être Montirueht)». En vieux français, le rucht est une carrière de pierres. Rucheter ou Rocheter, c’est extraire de la pierre. A cette époque où l’on reconstruit le monastère de Vézelay et le chœur de la Basilique, il fallait trouver de la bonne pierre et le site carrier de Montillot était l’un de ceux propice à cette extraction. C’est par la suite qu’apparaîtra le nom de « Montillot » qui fait plus précisément allusion à la nature géologique de la roche extraite.

La zone calcaire dans laquelle se trouve Montillot, a une largeur moyenne de 15 km, et est limitée grossièrement au Nord par une ligne allant de Lucy-sur-Yonne à Ancy-le-Franc. On a ici des calcaires « à dominante oolithique et bioclastiques ». Les « oolithes » sont des grains sphériques (diamètre de l’ordre du mm en moyenne) formés par dépôt chimique de couches successives de carbonate de calcium, autour d’un « noyau », constitué de débris de roches ou d’origine biologique (« bioclaste »). Le calcaire oolithique, dépourvu de fossiles, est le plus compact et est utilisé en pierre de taille pour les grandes constructions[2] .

Pour Gilbert DUCROS†, Montillot était relié à « Mont » (colline, hauteur) et liot (pierre blanche de construction de nature calcaire et marbrière d’époque secondaire, mot d’origine gauloise). Plus généralement, et plus près de nous, le nom viendrait du vieux français « Monteil, Montil », signifiant petit mont.

Et ce monteil, ces pierres, où sont-ils ? En se tournant vers la micro-toponymie, on retrouve facilement ces éléments :



Le Crot Blanc, au nord de Montillot, sur la colline de 292m d’altitude surplombant le village, désigne toujours une ancienne carrière de calcaire à ciel ouvert dont furent extraites des pierres ayant servi à la construction de la basilique de Vézelay

Le Bois des Perruches : terrains très pierreux

Vaux Caille : du vieux français « caille » le caillou.

Et les meurgers importants ayant laissé leur nom aux lieux-dit : Meurger d’argent, Meurger de Porot, Meurger aux Moines.

Des actes notariés aux terres aujourd’hui cultivées, du cadastre (le dernier date de 1819) au dernier remembrement, des anciens cartulaires (1463, 1576, 1632, 1692, 1758, 1788) aux terriers de l’ancien régime, les parcelles, savamment arpentées, sont nommées, délimitées d’une façon qui se veut de plus en plus précise. Pourtant chaque révision, chaque retranscription menace paradoxalement un patrimoine fragile, que ce soit ce patrimoine qu’on dit petit, comme ces cabanes ou murets dispersés sur le territoire de la commune, ou bien la microtoponymie, ces noms d’usage qui parfois ne figurent même pas sur les cadastres, ou en sont parfois supprimées. L’abandon des patois, la mutation des populations où les ruraux ont de moins en moins de part, font le reste.

En un temps où la notion de patrimoine bâti, puis celle de patrimoine naturel, ont fait leur chemin et sont désormais admises de tous, et si la notion de patrimoine toponymique reste à ancrer dans les mentalités, c’est à nous qu’il revient de les préserver.

Alors : identifions, sauvegardons, puis restaurons ce patrimoine, le nôtre, pour mettre en valeur notre village !

BIBLIOGRAPHIE

  • Roger BRUNET, 2016 : « Trésor du terroir : les noms de lieux de la France » , CNRS EDITIONS, Paris, 616pp.
  • Pierre HAASE, 2001 : « Sur les Chemins du terroir ; noms de lieux à Asquins ; Esquisse d’une recherche de microtoponymie », monographie.
  • Stéphane BÜTTNER,sept 2010 : «   Les matériaux de construction des églises de l’Yonne » , Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA [En ligne], Archéologie des églises de l’Yonne.
  • Pierre NOUVEL et Michel KASPRZYK : « Les voies antiques de l’Avallonnais. Apport de l’histoire et de l’archéologie » – Bulletin S.E.A.  (Société des Etudes d’Avallon), – 2007  
  • Pierre NOUVEL : « Les nécropoles protohistoriques de l’avallonnais », BSEA, 2009
  • Gérard TAVERDET : 1975-1984 : « Atlas linguistique et ethnographique de Bourgogne », Ed CNRS, CRDP Dijon, 4 volumes. 
  • Gérard TAVERDET : 1996 : « Les Noms de Lieux de l’Yonne » , Dijon, CRDP 1983 ; nouvelle édition revue, Dijon, ABDO.



[1] Articles parus dans les bulletins de la Société Académique de l’Aube en 1859 et de la Société des Sciences de l’Yonne (B.S.S.Y.) en 1880 et 1881. L’auteur en fut principalement Emile PALLIER, historien de Châtel-Censoir.

[2] Stéphane Büttner, 2010


[1] Commission Française pour la Protection du Patrimoine Historique et Rural (CFPPHR.free.fr) ; page Face Book « Forum pierres sèches » ; ou plus près de nous « Parc du Morvan : reconnaître et valoriser le petit patrimoine (2001-2004) puis concours de restauration 2004-2008 ; Association « Ultreia aller plus loin » à Asquins.