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Histoire(s) de l’Abbé collas (1672…)

Chapitre 1: 27 Janvier 1672 – Un nouveau curé est nommé à MONTELIOT

On trouve ce document aux Archives de l’Yonne, dans le dossier « Abbaie de Vezelai – Cure de Monteliot » , sous la cote H 1976 . Il s’agit du compte-rendu de la nomination du curé COLLAS par le Chapitre de Vézelay. Le texte original en latin a été traduit par Mr Gilles Boutte, bénévole du groupe « Entraide Francegenweb ».

« A l’illustrissime et révérendissime seigneur Abbé de l’insigne église de la Bienheureuse Marie Magdeleine de Vézelay, en aucun diocèse, et en l’absence de sa personne , au vicaire général du doyenné canonique et au chapitre de la dite église, Salut avec tous honneurs et  révérence dûs. La présentation ou droit patronal à l’église paroissiale Saint Laurent de Montillot, dépendant de votre pouvoir et territoire, en cas de vacance de celle-ci, nous appartenant à nous (…) de notre dit Chapitre, la collation ou provision et toute autre disposition vous appartenant de toute antiquité pour raison de votre dignité abbatiale, la dite église paroissiale étant pour lors libre et vacante par suite du décès de messire Lazare Gourlet, dernier possesseur en paix de la dite église, nous vous proposons notre bien-aimé messire Guillaume Colas, prêtre éduen, suffisamment capable et idoine pour obtenir, gérer et gouverner la dite église paroissiale Saint Laurent de Monteliot, en requérant et demandant de recevoir et admettre notre candidat, le dit Guillaume Colas, et notre présentation, et de vouloir et juger digne de faire et expédier , ou de faire faire et faire expédier les lettres de collation et de provision à notre dit candidat, notre droit et tout autre étant toujours sauf.

En foi de quoi nous aurons soin que les présentes lettres, soussignées de notre main, soient signées par Messire Claude Berthion , chanoine et secrétaire de ce Chapitre, et soient munies du sceau de notre Chapitre. Fait à Vézelay, au lieu habituel pour la réunion conventuelle des chanoines en la susdite église de la Bienheureuse Marie Madeleine de Vézelay , l’an du Seigneur mil six cent soixante-douze et le vingt-sept janvier. 

( Signatures : P. Anthoine ; R. Gault ; P. Ragon ; Trineau ; Berthion, chanoine secrétaire )

Commentaires : on a ici le texte de présentation à l’Abbé de Vézelay du candidat à la cure de Monteliot par un groupe de chanoines de son Chapitre ( autrement dit son « Conseil d’Administration »).

Il s’agissait de succéder au prêtre Lazare GOURLET, décédé récemment.

Guillaume COLLAS est dit « prêtre éduen », ce qui signifie qu’il appartient au diocèse d’Autun ( pour mémoire, les Eduens étaient un peuple Gaulois dont le territoire avait pour capitale Bibracte (Mont Beuvrey) et était approximativement limité par les villes actuelles de Moulins, Nevers, Mâcon, Beaune et Avallon)..

Par d’autres documents, nous savons qu’il était né à Corbigny et qu’il avait environ 28 ans.

C’est le curé COLLAS  qui a tenu les registres paroissiaux de notre village, les plus anciens conservés jusqu’à nos jours  (actuellement aux Archives départementales de l’Yonne). Le 9 Avril 1672, il avait baptisé 2 jumeaux, Edme et Jacques COUTURIER, nés à Tameron.

Chapitre 2: L’église de Monteliot et son curé sont inspectés  

Sous l’Ancien Régime, les évêchés faisaient inspecter les églises chaque année pour s’assurer de leur bon entretien.

Dans le diocèse d’Autun, l’Archiprêtre de Vézelay  demandait un rapport à chaque curé de son secteur, allait  lui-même visiter chaque paroisse et fournissait ensuite par écrit ses propres impressions.

On trouve un certain nombre de ces documents dans les liasses 2G11 et 2G12, de « l’Archidiaconé d’Avallon- Archiprêtré de Vézelay » déposées aux Archives Départementales de Saône-et-Loire, à Mâcon. Ils  présentent une description de notre église au 17ème siècle.

a) – Voici d’abord un rapport rédigé par le curé COLLAS  vers 1680. (Archives départementales de Saône-et-Loire – Cote 2G12)

Estat de la parroisse de l’Eglise de St Laurent de Monteliot Diocese d’Autun : Premieremens l’Eglise est dediée au bienheureux SaintLaurend martir et  la dedicace se Sollennise le 6 MayMessieurs du chapitre de Vézelay sont presentateurs de laCure comme patrons.Il y a dans la dicte Eglise trois autels Scavoir le grand autelL’autel de la Ste Vierge, et l’autre de Ste Brigide.Le grand autel est orné d’un tabernacle garny d’images, a cottéd’Iceluy il y a deux images de pierre, l’un de la Ste Viergedu costé de l’Epoi.g.., et du costé de l’Evangile celuy de StLaurend, et dans le tabernacle il y a un ciboire, une custodeEt un soleil d’argent.Il y a un calice et une patene d’argent.Il y a quatre chandeliers d’estain et trois chandeleiers de cuivre.Il y a cinq chasubles neufves, desquels il y en a deux dedamas caffard, l’une blanche et l’autre rouge, une violette,une verte et une noire de Camelot garnies toutes de leurestole manipulé  voile vols et bourres de couleur auxchasubles.Il y a deux devant d’autel, l’un blanc de damas caffard, l’autre Rouge de camelot, et deux chapes, l’une rouge de damasCaffard neufve et l’autre de Camelot de mesme couleur.Il y a deux croix de cuivre et deux lampes de cuivre.L’autel de Ste Brigide est orné de deux images de pierre, l’unDe Ste Brigide et l’autre de St Antoine avec un couvre table .L’autel de la Ste Vierge est orné d’un vieil tabernacle etD’un grand tableau de la dicte Vierge.Le Chœur de l’église est voulté. La neffe ne l’est pas.Il y a deux cloches dans le clocher de la dicte église.Il y a douze nappes d’autel, quatre aubes, quatre corporauxFaict  purificatoires, et quatre surplis tels quels ….Le cimetière est attenant à l’église, fermé  et une croix de boisau milieu.Le curé est Guillaume Collas, prestre de ce diocèse, natif deCorbigny, âgé de trente cinq ans et dix mois.Il y a deux cent quarante cinq communians

Commentaires :

–          la « dédicace » était la fête patronale, passée depuis lors du 6 mai au 10 Août …

–          le cimetière était alors à côté de l’église, sur le flanc sud ; seuls les nobles et les notables étaient inhumés à l’intérieur.

–          Le « corporal » est le linge béni sur lequel l’oficiant pose le calice et les fragments d’hostie.

–          Il y avait 2 cloches ; ceci nous rappelle que l’une d’elles avait été mise en place en 1648, sous le ministère du curé Denis DELAPLACE. Nous le savons par l’inscrption gravée sur cette cloche ; le texte ci-après est archivé au Ministère de la Culture :

Chapitre 2 (suite): L’Eglise de Montillot et son curé sont inspectés

b) – Voici   un autre rapport rédigé par le curé COLLAS en août 1692.

Monteliot

Je mapelle  Guillaume Collas âgé de quarante

Huict ans, natif de Corbigny, diocèze

 d’Autun, curé du dict Monteliot depuis vingt

et an ou environ. Il y a deux cents

quarante communians. Le revenu est

de la portion congrue par composition

faicte a l’aimable faicte avec Messieurs

du Chapitre de Vézelay qui possèdent les

dixmes de bled et revenus de la dite paroisse

et d’où ils tirent près de six cent

livres. L’Eglise parroissialle est dédiée à

St Laurent. Messieurs du Chapitre sont les

présentateurs de ladicte cure, du Presidial

d’Auxerre, du Parlement et de l’Intendance

de Paris. On y faict exactement le cathéchisme

suivant l’Ordonnance . Il y a une chapelle

ruinée que l’on appelle vulgairement

le prioré et qui a onze bichets et demy

de bled, moityé froment et avoine, de rente

au raport des anciens, possédée par Messieurs

du Chapitre de Vézelay. Le surplus n’est point

du faict de la dite cure . Faict ce vingt

huictième aoust mil six cent quatre vingt douze 

                                 G.Collas                                  Curé de Monteliot

Commentaires   

–          240 communiants :  ceci marque une  importante fréquentation de la messe dominicale ; rappelons que , d’après le recensement de Vauban, il y avait en 1696, 363 habitants à Monteliot, dont 66 hommes et 83 femmes veufs ou mariés, 40 filles de plus de 12 ans et et 47 garçons de plus de 14 ans, 14 valets et servantes…

–          Portion congrue : il s’agit de la pension annuelle que touche le prêtre , un « salaire minimum » tout juste suffisant pour vivre ( du latin « congruens » = juste, convenable…). La dîme est un impôt en nature exigé par l’Eglise pour assurer l’entretien des prêtres desservants ; elle pèse surtout sur les produits de la terre ( prélevée dans le champ, sitôt la récolte terminée), et de l’élevage. Elle ne représente pas forcément le 1/10 des récoltes , mais le 1/12, le 1/15 ou le 1/20éme, selon les paroisses et les périodes. L’organisme qui perçoit les dimes est le « décimateur ». C’est rarement le prêtre de la paroisse, mais l’institution qui le « patronne » . Ici, c’est l’abbaye de Vézelay qui « reverse » aux curés de la « poté » – dont Monteliot – une partie du produit de la dîme.

Le pouvoir royal a toujours assuré un rôle « régulateur » : des édits successifs ont fixé la portion congrue en 1571 à 120 livres, en 1632 à 200, en 1686 à 300. En mai 1768 , le montant est indexé sur le prix du blé, et fixé à « 27 septiers mesure de Paris » soit alors 500 livres…

Le curé COLLAS parle d’un accord « a l’aimable » avec le Chapitre de Vézelay…Mais nous verrons qu’il n’a pas hésité à engager une procédure contre le dit Chapitre pour toucher son dû !

Plus tard, Voltaire nous a dit sa pitié à l’égard de ces petits prêtres de campagne …et son peu d’indulgence envers les dignitaires ecclésiatiques de l’époque . Dans son « Dictionnaire philosophique », on lit :

…..«  Je plains encore davantage le curé à portion congrue, a qui des moines, nommés gros décimateurs, osent donner un salaire de quarante ducats pour aller faire, pendant toute l’année, à deux ou trois milles de sa maison, le jour, la nuit, au soleil, à la pluie, dans les neiges, au milieu des glaces, les fonctions les plus désagréables, et souvent les plus inutiles. Cependant l’abbé, gros décimateur, boit son vin de Volnay, de Beaune, de Chambertin, de Sillery, mange ses perdrix et ses faisans, dort sur le duvet avec sa voisine, et fait bâtir un palais. La disproportion est trop grande. ». 

–          Le « prioré » , chapelle ruinée 

Le curé COLLAS ne précise pas . Il écrit simplement : … « il y a une chapelle » ! 

On pourrait supposer (cf Pierre GUTTIN) qu’il s’agit du bâtiment à toit incliné, accolé au chœur côté Sud, utilisé maintenant comme sacristie. La structure des murs, la nature du dallage montrent que sa construction date de la même époque que le chœur et la base du clocher.

On y accède depuis le chœur par une porte en bois massif ; 30 ou 40 personnes pouvaient y tenir debout pour des messes basses ou diverses dévotions. Une porte, aujourd’hui murée donnait à l’arrière du Chœur vers le presbytère, maintenant maison de maître, qu’on appelle « le Prieuré ». Une fenêtre, côté Sud, donnait sur le passage reliant le cimetière au presbytère. Côté Ouest, une porte à 2 battants donne sur le cimetière. Le Chapitre de Vézelay propriétaire de cette chapelle ne paraissait pas s’intéresser à son entretien et la laissait tomber en ruines… !  

Même en des temps plus récents l’entretien du toit a souvent laissé à désirer, faute de moyens…

 (Ci-dessus le plan actuel de l’église et des maisons proches).

Chapitre 2 (suite et fin): L’église de Monteliot et son curé sont inspectés 

Ci-après , la transcription de deux rapports  du curé de Saisy, archiprêtre de Vézelay,   après inspection de l’église de Monteliot.

Commentaires   

« Fabrique et fabriciens » : sous l’Ancien Régime, l’entretien des églises paroissiales était partagé entre les « décimateurs principaux » et les habitants du village ; aux premiers le chœur, aux autres la nef.

Les habitants désignaient donc un « conseil de fabrique »  pour administrer les biens et revenus résultant de donations diverses, et organiser les travaux d’entretien.

A l’origine, le mot « fabrique » était lié à la construction même de l’église ; il en a recouvert ensuite l’entretien . Les membres de ce Conseil étaient les « fabriciens ».

A Montillot, il semble que cette organisation ait fonctionné jusqu’au début du 20ème siècle. En Alsace-Lorraine, elle subsiste de par la législation concordataire (aujourd’hui, les Conseils de fabrique de cette région ont fréquemment  un site Internet pour faire appel aux généreux donateurs… !).

Le premier texte ci-dessus nous rapporte que les « inspecteurs » ont rencontré avec le curé COLLAS quelques « fabriciens ». Nous connaissons par les registres paroissiaux les 2 frères TRIOU ( ou TRIJOU, nom alors assez fréquent dans la région lié aux plus anciennes familles. Pierre était cordonnier,  mari de Claudine PERNOT ; beau-frère de Jean PERNOT, « praticien » (procureur judiciaire) et beau-père d’Edme POURCHERON ; François, époux de Léonarde BARBUT, était le beau-père de Jacque CARILLON. Nés entre 1620 et 1625 , ils sont décédés en mars et avril 1694.

Le deuxième texte rapporte la rencontre des inspecteurs avec Dieudonné de la Borde, dit « escuyer fabricien », qui joue le rôle de comptable de la fabrique. Il représente une famille de la petite noblesse locale, sans prérogatives seigneuriales sur le village , bien que s’étant attribué le titre de « seigneur du Feys et de la Borde » ( fiefs sans consistance réelle puisque le Feys est notre « Fège » actuel et la Borde est une ferme fortifiée dans les bois d’Asquins). Son père Bon de la Borde a  acheté en 1648 la propriété de Toucheboeuf, ancienne maison d’un laboureur, aménagée progressivement et devenue dans la tradition locale le « Château de Montillot ». Lui-même, né en 1647, s’est marié en 1674 à Brosses avec Elisabeth de Burdelot, fille d’Olivier, « seigneur de Fontenille et Malfontaine ».

Il existe d’autres rapports d’inspection ; tous louent le bon entretien de l’église par le curé et les fabriciens, « cette église paroit être en très bon état, bien pourvue de tout »…

En 1695, il est signalé : « point de sage-femme dans la paroisse »…et « il faut décharger De la Borde de sa charge de fabricien ( il le demande ) ; il devra remettre la somme de 20 livres 14 sols ».

Peut-être des différents étaient–ils déjà apparus entre Dieudonné d’une part, le curé COLLAS et les habitants d’autre part si l’on en croit « l’affaire du banc de l’église », qui suit…