Montillot, village du Vézelien aux confins du Morvan
Histoire locale et régionale, généalogie, lieux dits, faune et flore … Pour que la mémoire ne s'arrête pas et pour construire au quotidien l'histoire de demain
Quelle chance nous avons aujourd’hui d’avoir accès aux premiers recensements de la population, mis en ligne sur le site des archives départementales de l’Yonne !
C’est le décret du 22 décembre 1789 qui ordonna d’établir un tableau des « citoyens actifs » par commune, puis quelques mois plus tard, le décret du 7 juillet 1790 du Comité de division à la Convention nationale organisa cette fois un dénombrement de la population entière qui semble avoir été terminé en mai 1791 ; mais l’exécution n’en fut probablement pas toujours faite par voie d’enquête de recensement et une grande partie des archives a été perdue.
La loi du 22 juillet 1791, appelée « loi sur la police municipale », prévoyait la conduite d’un recensement nominatif, méthode qui resta celle principalement employée ensuite pendant deux siècles : elle fut préparé par Lucien Bonaparte et Jean-Antoine Chaptal mais ne parait pas avoir été effectué en dehors de Paris.
Le recensement, dit de l’an II, par application du décret de la Convention nationale du 11 août 1793, recensant tous les habitants et les électeurs, fut réalisé sur l’ensemble du territoire français de l’époque, principalement en 1793-1794, c’est-à-dire l’an II. Les résultats complets par commune sont conservés aux Archives nationales.
Le recensement, dit de l’an VIII, fut prescrit par une circulaire du 16 floréal (16 mai 1800), et eut lieu en 1801. Lucien Bonaparte avait exigé des maires qu’ils fournissent un état de la population de leur commune, répartie entre hommes mariés, veufs, femmes mariées, veuves, garçons, filles et défenseurs de la patrie (vivants). Dans quelques communes, les maires firent établir une liste nominative ; dans d’autres ils utilisèrent le registre d’état-civil, resté théoriquement obligatoire ; la plupart du temps, ils se contentèrent d’évaluations approximatives, souvent au-dessous de la vérité.
Depuis 1801, un recensement général de la population fut organisé tous les cinq ans, jusqu’en 1946, sauf quelques-uns supprimés ou retardés en temps de guerre, et à l’exception de 1811 et 1826, années où furent seulement réalisés, pour la plupart des communes, des rapports statistiques utilisant les chiffres des précédents recensements. L’année exacte peut varier d’un département ou d’une commune à l’autre, surtout avant 1836.
Les archives des recensements n’ont cependant pas toujours été conservées et une circulaire du Ministère de l’Instruction publique de 1887 avait même explicitement désigné les listes nominatives comme étant des papiers inutiles pouvant être détruits. Une étude faite en 1963 sur un échantillon représentatif de 827 communes avait constaté que pour chaque recensement antérieur à 1836, les listes nominatives n’avaient été conservées aux archives départementales que pour moins de 8 % des communes, tandis qu’à partir de 1836, la proportion était de l’ordre de 50 % ou plus. Cependant des archives des recensements de l’an II (1793), l’an VIII (1800), 1806 et 1820 pour la plupart des communes sont conservées aux Archives nationales ou parfois dans d’autres dépôts d’archives.
Pour Montillot, on dispose des listes nominatives de 1836, 1851 ,1872, 1991, 1901, 1906, 1911, 1921, 1926, 1931, 1936. Le nom, le métier, l’adresse approximative y sont reportés, et parfois la nationalité. L’ensemble des personnes vivant au foyer est répertorié (femme, enfants, enfants « placés », domestiques), ce qui représente une source précieuse d’information pour les généalogistes, et les chercheurs.
Cette période de 100 ans traverse des années de grands bouleversements successifs. Après l’enthousiasme révolutionnaire 50 ans plus tôt, le début de la révolution industrielle avec la première voiture à vapeur en 1833, et les transformations de la société mise en place progressivement, la monarchie de Juillet avec Louis-Philippe installe depuis 1830 une autre forme de révolution sociale : la création des écoles, de garçons d’abord en 1833, puis de filles à partir de 1867; le développement des voies de communication (routes, ponts, canaux) et la « révolution du rail » (la première ligne de chemin de fer (Paris-Versailles) est née en 1837) qui élargit les paysages et l’économie; les liaisons transatlantiques régulières par paquebot à vapeur ; le ballon dirigeable en 1850 ; la révolution industrielle qui va profondément métamorphoser la société à partir de 1850 (marteau piqueur, moteur à explosion, accumulateur électrique puis dynamo, puis transport de l’électricité par câble en 1885, moteur à explosion en 1889), lignes postales, télégraphe puis télégraphie sans fil en 1915, impression rotative pour les journaux, photographie (des Daguerréotypes… aux photographies en couleur en 1905) ; pour nos campagnes, la faucheuse apparait en 1834, puis en 1872 la herse et le chargeur de foin en 1873, la moissonneuse-lieuse en 1875 ; développement du béton, de la fonte et de l’acier ; radioactivité (1896) et radium (1898) grâce à Marie Curie (les rayons X sont découverts en 1894, et rapidement seront mises au point les premières radiographies osseuses) ; premier vol motorisé en 1905, et invention de l’hélicoptère ; machines à écrire (Japy), premiers postes de radio à galène en 1910 ; pneumatiques sur les camions (1917), cartes routières (1918) …
En 1930, l’hydro-électricité fournit la moitié de la production française d’électricité.
Bémol à ces transformations rapides voire fulgurantes du mode de vie, le développement de la tuberculose qui devient la première cause de mortalité en Europe en 1835, de la variole (terrible épidémie en 1835) et l’apparition de pandémies de grippe en France ; une pandémie de choléra en 1849 fait 20000 morts à Paris, et en 1854 on la retrouve dans le sud de la France, où elle sévit puis diffuse en France jusqu’en 1855 (deux autres épidémies de choléra lui succéderont : en 1863-1871 puis en 1880). La mortalité reste très importante en 1870 avec la rougeole, scarlatine, typhoïde, diphtérie, grippe, coqueluche, oreillons, paludisme, variole, tuberculose, choléra, maladies carentielles et maladies vénériennes. L’hygiène devient un sujet de santé publique et l’on multiplie les bains publics, puis en 1852 les premiers immeubles parisiens sont reliés aux égouts, rendu obligatoire à Paris en 1894.
En 1871 Pasteur découvre le principe de la « pasteurisation » pour détruire les microbes (l’asepsie ne commence qu’en 1874) puis, en 1879 il propose le principe du vaccin. Il démontre le rôle des germes dans les maladies infectieuses. En 1882, la stérilisation est généralisée pour réduire les risques opératoires, et des anesthésies locales, avec emploi de cocaïne, sont proposées. (Des anesthésies à l’éther et au chloroforme sont pratiquées depuis 1846). L’aspirine est commercialisée en 1899. Une grave épidémie de rougeole sévit de 1905 à 1910. Des vaccins sont mis au point (rage 1885, typhoïde 1896, variole 1902, coqueluche 1906, diphtérie 1924, BCG contre la tuberculose en 1924 également, fièvre jaune en 1932). Et la grippe continue de faire des ravages : après l’épidémie de 1890 qui est venue de Sibérie (366 morts le 4 janvier à Paris) celle de 1918 (grippe espagnole) fait 115000 décès en 1918. Les premiers vaccins contre la grippe sont introduits en 1937.
En 1922 commencent les premières expérimentations de l’insuline dans le traitement du diabète (encore première cause de décès dans le monde en 2020).
Alors bien sûr c’est un grand écart que cette époque nous impose puisqu’aussi elle nous enthousiasme, nous fait rêver, avec Musset, Lamartine, Stendhal, Mérimée, Dumas, George Sand, Nerval, Victor Hugo, Flaubert, Baudelaire, Jules Vernes, Verlaine, Daudet, Zola, Anatole France, Jules Valles, Maupassant, Edmond Rostand, André Gide, Alain Fournier, Apollinaire, Proust, Paul Fort, Claudel, Eluard, Cocteau, Giono, Saint-Exupéry, Malraux, Céline, Aragon… et Berlioz, Chopin, Gounod, Liszt, Verdi, Offenbach, Bizet, Debussy, Ravel, Fauré, … et Courbet, Renoir, Corot, Pissarro, Degas, Cézanne, Van Gogh, Toulouse Lautrec, Monet, Cézanne, les impressionnistes, les Fauves, Picasso, Modigliani, Matisse… Sans oublier Viollet le Duc (1814-1879) ; il fréquente Prosper Mérimée (nommé inspecteur général des monuments historiques) qui l’aide dans son début de carrière et lui confie alors la restauration de la basilique de Vézelay en 1840.
1840 : c’est le début de l’exode rural, avec 40000 à 50000 ruraux par an qui rejoignent les villes, souvent des cadets ou petits journaliers issus de campagnes surpeuplées. Vers le milieu du siècle les paysans, qui sont souvent propriétaires de terres morcelées et insuffisantes, exploitent comme fermiers, métayers ou manouvriers les domaines des aristocrates ou des bourgeois. Dans les années qui ont suivi, maladie de la pomme de terre, mauvaises récoltes de fourrage et céréales entrainent la multiplication des troubles et des faillites ; la disette sévit, aggravée par la sécheresse. Les grèves se multiplient ainsi que les pillages de marché. L’impôt sur le sel est rétabli. Cette crise a des effets considérables sur la population française. Pour plus de la moitié des départements, la population a diminué. Pour les 2/3 d’entre eux, l’émigration l’emporte sur l’immigration. En 1881, on dénombre plus de 1 000 000 d’étrangers installés en France, surtout Italiens, Belges, Espagnols et Allemands, avec 77 000 nationalisations. A la veille de la guerre, en 1914, 100 000 saisonniers agricoles étrangers viennent chaque année travailler en France. Les enfants, les vieillards et les femmes sont mobilisés dans les campagnes pour assurer les moissons et faire les vendanges, épaulés par les hommes, paysans mobilisés, qui bénéficient de permissions agricoles.
A la fin de l’empire, la France paysanne artisanale et rurale devient progressivement ouvrière, industrielle et urbaine (54% de ruraux en 1870) ; la production de blé et pomme de terre augmente mais la pauvreté persiste. Après 1870, la poursuite de l’exode rural qui alors affecte toutes les régions et toutes les catégories sociales (ouvriers agricoles, petits exploitants, artisans, commerçants de bourg, ouvriers d’industries dispersées en déclin, bucherons…) entraine une raréfaction de la main d’œuvre et une augmentation du coût de celle-ci, d’où l’incitation pour les exploitants à recourir aux premières machines agricoles mécaniques. La concurrence des pays neufs (blé américain, laine argentine ou australienne) accentue la crise agricole. Alors le phylloxéra qui frappe les vignobles (en 1875 en Bourgogne) et détruit définitivement les vignes, conjugué à la dépression des prix agricoles accélère les migrations définitives de ruraux (166000 par an jusqu’en 1881, 100000/ an ensuite), vers les villes, ou vers de nouvelles colonies.
A partir de 1880, dans le milieu rural, apparaissent les petits fonctionnaires (instituteurs, facteurs, percepteurs), et des retraités. Le nombre de commerçants, artisans et professions libérales est en hausse : épiciers, cabaretiers, charrons, médecins pharmaciens, notaires…
En 1900, 50% de la population vit dans les zones rurales. Vers 1905, on dénombre 30 000 moulins et environ 2.6 millions d’ouvriers agricoles journaliers ou domestiques de ferme à plein-temps. L’habitat dans les campagnes s’améliore : le ciment et le parquet remplace la terre battue, la pierre ou la brique remplace le torchis ou le bois, les tuiles ou les ardoises remplacent le chaume…
Le choix de cet intervalle (1836-1936) est guidé par les tables de recensement. Il couvre la plus grande partie du 19e siècle (1814-1914).
Qu’en est-il de notre population, à Montillot ?
C’est la période où, d’une densité maximale (presque 1000 en 1850), le nombre d’habitant décroit (environ 520 en 1930). Ceci correspond à l’exode rural qui affectait toutes nos campagnes.
L’évolution sociale durant cette période est assez bien représentée par la modification des professions recensées. Des métiers d’autrefois, qui disparaissent, des professions sinistrées, qu’on ne voit plus, sont remplacés par d’autres.
Métiers oubliés
Blatier : il y en avait 4 jusqu’en 1851 à Montillot, un encore en 1872. Mentionné par Diderot dans son encyclopédie, ce marchand fait commerce des grains, du blé.
Rouetier :
Il y en avait 3 à Montillot en 1836, puis ce métier a disparu au village.
Fabricant de rouets ou de roues de charrettes en bois ? (Pour ces derniers on employait plutôt le nom de charron, et il y en avait 2 à 3 jusqu’en 1931).
Regrattier : il s’agissait de l’épicier. Ce nom est abandonné après 1936. Il y avait 5 épiciers en 1906.
Chartier, charretier : le métier de ceux qui transportaient (en charrette) les voyageurs. Peu nombreux, de 0 à 2 jusqu’en 1931.
Ménétrier : noté en 1836, ils seront ultérieurement plus sobrement appelés violoniste ou musiciens. (ménestrel !!)
Métiers perdus
Tuilier : on en dénombrait 2 en 1851, mais plus aucun ensuite. On peut penser qu’ils se sont installés dans un village voisin. Car les tuiles ont progressivement remplacé le chaume.
Tourneur : sur bois, sans doute ? Il est peu probable qu’il se soit agi de potier. Le métier disparait à partir de 1891.
Cerclier : 3 en 1836, 1 jusqu’en 1872, les cercliers ont disparu après cette date. Ils fabriquaient les cercles métalliques pour les tonneaux et barriques.
Tonnelier :
Entre 1 et 2 jusqu’en 1901, ils disparaissent ensuite (un seul est noté en 1926)
Distillateur : jusqu’en 1901, il y en avait un à Montillot.
Vigneron : Jusqu’à 41 recensés en1872, ils disparaissent de Montillot et ses hameaux au recensement suivant, en 1891.
Sabotier : le métier n’est plus recensé à Montillot à partir de 1906 ; il y en a eu jusqu’à 4 (en 1872) auparavant.
Tisserand : 12 en 1836, ils s’effacent rapidement (5 en 1851, 1 en 1872, puis plus du tout).
Perruquier : il y en avait encore un en 1836 à Montillot.
Huilier : 2 à 3 jusqu’en 1872
Meunier : entre 2 et 4 sur la commune, jusqu’en 1931.
Notaire : il y avait encore un notaire à Montillot en 1836
Curé : à partir de 1936, il n’y a plus de curé demeurant à Montillot.
Militaire, soldat, militaire retraité : de 14 en 1836, ils ne sont plus notés à partir de 1872.
Autres Métiers
Nourrices : ne sont pas répertoriées comme telles, rarement notées (une seule en 1901, 1926, 1901)
Sage-Femme : on en recense une en 1851, et en 1872.
Musiciens : plus constants à partir de 1911
Facteur : à partir de 1911
Cantonnier : 2 à 3 à partir de 1872
Instituteur : 2 à partir de 1851
Manouvrier, manœuvres, ouvriers : après un pic en 1872, on n’en compte plus que 0 à 3 jusqu’en 1936.
Métiers d’aide à la personne :dame de compagnie, domestique, servante, lingère, blanchisseuse-lavandière : leur nombre fluctue. Seules les blanchisseuses ou lavandières ne sont notées qu’à partir de 1926.
Et l’agriculture ?
On a vu la disparition des vignerons en 1891.
Ils se répartissent en propriétaire-exploitant, cultivateur, fermier-éleveur, (jardinier), et aide de culture, ouvrier agricole, domestique agricole, laboureur. Dans ces deux catégories, la définition des métiers est sans doute parfois imparfaite.
Les cultivateurs ont connu leur apogée en 1891 (162 !) mais tombent à 0 en 1901 (?), date à laquelle il y a toujours autant d’ouvriers agricoles. Les mêmes se sont sans doute définis comme « propriétaires exploitants » en 1901, 1906 (passant de 0 à 133 et 117) ; ensuite la définition inverse réapparait avec 82, 54 et 0 propriétaires -exploitants contre 29, 60 et 102 cultivateurs pour les années 1926, 1931 et 1926.
Les éleveurs restent peu nombreux : 7 en 1906, 9 en 1926, oscillant sinon entre 0 et 2.
Le commerce
Boulanger : 2 à 3 à partir de 1901
Epicier (regrattier) : entre 0 et 1 jusqu’en 1891, 1 à 5 de 1901 à 1936 .
Aubergiste : 3 en 1872, un seul en 1926, un seul en 1936.
Marchand de vin, débit de boisson : absents de 1872 à 1901,on en retrouve un les années suivantes.
Receveur buraliste : sur cette période il n’est noté qu’une seule fois, en 1901
Revendeur chiffonnier, Brocanteur, Forain, Marchand de peaux de lapins, Colporteur.
En résumé :
Par ces courbes ci-dessous, on a tenté d’objectiver ces transformations de la vie civile que représentent les professions exercées dans les villages.
Si les professions agricoles, jusqu’en 1936, augmentent par rapport à la population, les métiers du bâtiment, eux, tendent à diminuer ; bénéfices indirects de la mécanisation, rendant plus attractif le travail de la terre, d’une part, et plus productif le travail du bâtiment, avec moins de bras nécessaires ?
Et si l’on exclut les professions agricoles :
Les métiers du bâtiment sont prédominants, après ceux de l’agriculture, jusqu’en 1891. Le nombre de commerçants augmente un peu jusqu’en 1936. Le nombre de personnes déclarées rentier/retraités reste minime.
Et en détail (en nombre absolu):
Les vignerons pour la plupart demeuraient au Vaux-Donjon ; les coteaux calcaires alentour étaient propices à cette culture des vignes, comme on en voit à nouveau sur les côteaux de Vézelay, tout proche. (voir annexe 2).
Le ravage du Phylloxera a anéanti cette culture, qui ne s’en est jamais relevée.
Une des conséquences en a été la diminution voire l’extinction des métiers liés à la vigne (tonnelier, cerclier, distillateur…)
En conclusion
Les métiers exercés dans un groupe reflètent le mode de vie de cette population, et leur évolution rend compte des grands changements qui ont affecté le pays dans son ensemble : de la révolution industrielle aux grandes épidémies, du phylloxéra de la vigne aux migrations, des guerres à l’exode rural, tous ces changements transparaissent en filigrane derrière ces courbes, et permettent de mieux les appréhender.
Exemple d’une page du recensement à Montillot en 1836.
ADY 7M 2/111 1836
Annexe 1
Un premier travail avait été réalisé par A. Buet en 2003
La démarche, différente, s’appuyait sur les souvenirs des plus anciens du village. Elle a eu le mérite de l’échange, de l’humain, du partage, que tous les recensements informatisés consultés sur ordinateur ne nous apporteront jamais !!
Montillot au XXe siècle.
Quelques professions exercées au village.
Une liste de commerçants et artisans ayant pratiqué leur métier à Montillot au début du 20ème siècle a été entreprise par Pierre Guttin il y a quelques années à partir de ses souvenirs de jeunesse. Nous l’avons complétée ensemble au cours de ces derniers mois, avec l’aide d’autres « anciens ».
Remercions particulièrement Paulette MOREAU, Suzanne SAVELLY-DEVOS, Yvette JOUX-MOREAU, Pierre CHAMPY, Paul MOREAU, et certains descendants, directs ou indirects, des personnes citées.
Les archives d’état-civil d’une partie du 19ème siècle, déposées à la mairie de Montillot, et mises aimablement à notre disposition par la maire Michel GIRAUX, nous ont permis de compléter partiellement cette liste dans la période 1870-1900.
Les agriculteurs, qui constituaient, jusqu’à la 2ème guerre mondiale, la plus grande partie de la population, ne sont pas cités.
Nous avons ajouté les 4 derniers curés attachés à Montillot ; nous en préparons une liste complète depuis 1650, ainsi qu’une liste des maires depuis 1789 et une liste des instituteurs depuis 1870…
Cette liste ne pouvant intéresser les visiteurs éloignés de notre site, nous n’en présentons ci-joint que la première page ; le document entier est consultable en mairie de Montillot.
Cette liste ne prétend nullement être exhaustive ; aussi, nous demandons à tous ceux qui la liront de nous indiquer toutes les corrections et tous les compléments qu’ils jugeront utiles. Merci d’avance… !
Annexe 2
Il fut étonnant de rencontrer cette publication dans un journal spécialisé dans les nouvelles méthodes de culture, attestant de la culture de la vigne à Montillot :
« Notice sur la culture de la vigne à Montillot », revue horticole, Journal d’Horticulture pratique, Janv-Décembre 1947, ed : Poiteau, Vilmorin, Decaisne, Neumann, Pepin : Librairie agricole De Dusaq, Paris, 26 rue Jacob, 3esérie, tome 1.
Il est difficile de faire revivre le passé d’un village qui n’a pas laissé de traces dans l’Histoire …Victor Petit, dans son étude historique sur « Avallon et l’Avallonnais », ne nous accorde qu’une ligne: « il y eut un engagement meurtrier près de Montillot »…C’était en juillet 1589, sous Henri III; il s’agit d’un combat entre une troupe d’Avallonnais ligueurs et des partisans du Roi.
Lesregistres paroissiauxnous permettent de reconstituer la généalogie des familles depuis la première moitié du 17ème siècle; mais les curés ajoutaient rarement des commentaires sur la vie du village.
Nous avons eu la chance de trouver d’autres sources. Grâce au soin apporté par les propriétaires successifs de l’ancienne demeure des familles nobles de MONTILLOT à la conservation de documents anciens, – certains remontent au 15ème siècle -, nous disposons d’actes d’achats et de vente de biens immobiliers, de lettres, de livres de comptes, de plaidoieries et de jugements, de donations- partage… qui nous apportent un éclairage, non seulement sur la vie de ces familles, mais aussi sur celle des gens du village avec lesquels elles entretenaient des relations quotidiennes.
Nous examinerons ci-après l’un de ces documents, qu’a bien voulu nous confier Monsieur Jean-Paul YAHER (†): il s’agit d’un registre cartonné de dimensions 32,5 cm x 23 cm et 4 cm d’épaisseur, de 551 pages manuscrites, intitulé: « Journal des Recettes et Dépenses« .
Rappelons brièvement la lignée des châtelains successifs de MONTILLOT depuis le 17ème siècle.
Il s’agissait de « nobles ruraux » et non de seigneurs au sens de l’Ancien Régime, puisque les Abbés de Vézelay détenaient seuls les droits de Justice et de levée des impôts sur les villages de la région.
C’est en 1648 que Bon De La Borde, habitant jusque-là La Borde-Roncin, domaine isolé de la paroisse d’Asquins, a acheté des propriétés à Montillot, dans le Faubourg de « Toucheboeuf » et s’y est installé. Ce n’était pas une demeure seigneuriale : ces terres et ces bâtiments appartenaient quelques années auparavant à un laboureur . Se disant « Seigneur du Faÿ », du nom de la forêt proche, Bon De La Borde agrandit progressivement son domaine.
Il s’était marié dans l’Aube, à Vaudron, près de Chaource, en 1645, avec Antoinette de Beaulieu. Leur fils Dieudonné De La Borde, baptisé à Asquins en 1647, épouse Elizabeth De Burdelot, à Brosses, village voisin, en 1674. A son tour, leur fils, Bon De la Borde, se dit « Seigneur du Fay et de Montillot »; il épouse en 1722 à Lainsecq, Marie-Louise de Savelli, fille de François de Savelli, descendant lointain d’une famille de la haute noblesse italienne.
Ce couple eut 5 enfants, dont survivront 3 filles :
– Louise-Jeanne De La Borde, épouse Boulée de Charoux
– EdméeElizabeth, épouse Mullot de Villenaut
– Françoise, dite De Boistaché, née 5 mois après le décès de son père. Elle restera célibataire .
C’est Elizabeth qui hérite des propriétés de Montillot; elle a épousé en 1771, à 33 ans, LouisNicolas Marie Mullot de Villenot, 38 ans, fils du Chevalier, seigneur de Villenaut et du Colombier (paroisse d’Etais), capitaine de Cavalerie au cours des campagnes de Louis XIV. Lui-même, Nicolas-Marie, fut Capitaine, et blessé en 1747 pendant la Guerre de Succession d’Autriche. Il s’installe à Montillot après son mariage avec Elizabeth, et prend en main la gestion du domaine. Il est Maire en 1789 et 1790, dans la 1ère municipalité élue dans le village au début de la Révolution. Nous disposons de son rapport de gestion dans cette période .
Leur fille aînée Françoise, née le 29 Mars 1771, est admise en 1780 à Saint-Cyr, maison d’éducation pour les jeunes filles nobles et pauvres, créée en 1686 par Louis XIV et Madame de Maintenon.
Elle épouse le 1er Août 1805 Joseph Anne Georges De Lenferna, 34 ans, –« J.A.G.L. » dans la suite de ce texte -, fils de Jean Joseph Guillaume, seigneur de La Motte-Gurgy, et de Elizabeth Sophie Le Muet de Bellombre. Le jeune couple s’installe à Montillot fin 1805 ou début 1806 et J.A.G.L. assure ensuite la gestion de la propriété de son épouse .
C’est son livre de comptes, de 1806 à 1812, que nous avons sous les yeux…
Où en sommes nous alors, du Grand Livre de l’Histoire de France ?
... Napoléon a été sacré Empereur le 2 décembre 1804 à Notre-Dame de Paris. Entre 1806 et 1811, l’Empire est à son apogée.
Il y a bien eu Trafalgar en octobre 1805, qui a laissé à l’Angleterre la maîtrise absolue de la mer et amena Napoléon à renoncer à ses projets d’invasion. Mais au même moment, il bat les Autrichiens à Ulm, ensuite occupe Vienne puis bat Autrichiens et Russes à Austerlitz le 2 décembre. Ce sont ensuite les Prussiens qui sont battus à Iéna, puis les Russes à Friedland, en février et juin 1807…Trois grandes puissances militaires de l’Europe sont donc momentanément très affaiblies…
En 1811, l’Empire français, avec la Hollande, le Piémont, la Toscane, Trieste et les provinces illyriennes, compte 130 départements et 44 millions d’habitants; on peut ajouter les Etats vassaux, comprenant une partie de l’Allemagne et de la Pologne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne, soit environ 38 millions d’habitants.
Cette gloire passagère de nos armées fut durement payée par la population française : suppression des libertés, lourdeur des impôts, continuelles levées de soldats…
C’est à partir de 1812 que la guerre contre la Russie, menée sur son territoire, déclencha l’écroulement de l’Empire et conduisit à l’abdication de Napoléon…
Le document examiné ici ne nous permet pas de déceler tous les effets de ces contraintes sur les familles de Montillot.
Nous ne savons pas combien de jeunes du village ont été recrutés. Mais les registres d’état-civil nous signalent la mort de 6 soldats :
– Antoine Porcheron (20 ans) et Edme Carillon (31), en juin et juillet 1809
– Louis Grasset (39), en janvier 1812
– Edme Gaillot (19), Baptiste Fillion (19) et Claude Fleury (23), au printemps 1814.
Que se passait-il donc à Montillot dans la propriété des Lenferna en ce début du 19ème siècle ?
Le registre tenu si soigneusement par Joseph Anne Georges, – le Maître des lieux J.A.G.L. -, et intitulé « Etat général des Recettes et des Dépenses », est justifié en premier lieu par la gestion de l’exploitation agricole.
Une lecture rapide met en évidence la succession des travaux en fonction des saisons.
Il s’agit de polyculture, comme elle fut conduite dans notre région – avec des moyens progressivement améliorés -, jusqu’à la fin de la 2ème Guerre mondiale . Parallèlement sont menés les travaux ménagers quotidiens – avec l’achat des denrées nécessaires à la vie de la famille, et la vente d’une partie des produits des récoltes et de l’élevage -, ainsi que l’entretien et l’amélioration des bâtiments du Domaine.
Prenons l’exemple de 1808. Voici le « calendrier » de l’exploitation agricole…
en Janvier
le journalier Dominique Mazilier défriche un coin du jardin
Lazare Philipon, dans son « attelier » de Baudelaine, confectionne 600 fagots qui seront transportés à Montillot en 4 voitures par Pierre Trousseau, de Malfontaine.
J.A.G.L. participe au tirage au sort des « cantons » des bois communaux, aux fins de partage entre les habitants, chacun règlant sa part directement ou la revendant. Marquage des bois avant coupe. Charoyage de la part propre par Pierre Degoix et le métayer Pierre Moreau.
Edme Soeur, du Vaudonjon, et Pierre Brisedoux, maçons, construisent 9 mètres de mur à la métairie
à la maison les couturières à la journée Jeanne et Brigitte Defert, confectionnent chemises et caleçons
filage de chanvre chez une fileuse, puis confection de toile par le tisserand Jean Bouchard.
fin du battage et du vannage des grains de la récolte de 1807 ( froment, métail et avoine) par les « batteurs » Eustache Culin et Jacques Cornu).
En Février
labourage des chenevières
fabrication d’huile de noix, de chénevis et de navette, chez l’huilier Pierre Porcheron
plantation de noyers par Dominique Mazilier et Claude Defert
en Mars
Denis Garnier, de la Charbonnière, récolte le miel et remet les ruches en état
on arrache les pieds de vigne anciens ( » à moitié bois ») ; Madeleine Defert enlève les « paisseaux » qui sont ensuite transportés avec les « chorées »
travaux de maçonnerie (murs du jardin), menuiserie et vitrerie
en fin de mois, le métayer commence les semailles : orge, sainfoin, pois et lentilles … Le propriétaire lui remet sa part de semences.
en Avril
épandage du fumier dans les prés (Madeleine Defert)
« piquage » de la vigne (Pierre Porcheron)
semis du trèfle, de la luzerne, du sainfoin et du chanvre par le métayer Moreau.
plantation des pommes de terre (par le métayer)dans le jardin, semis sur couche et en pleine terre (pois et haricots), par J.A.G.L.
en Mai
semis des « pois de May »
travaux dans les vignes (« sombrer, essumacer, rogner et biner »)
travaux de maçonnerie
en Juin
cueillette des navettes, puis battage
« accolage » des vignes (Lazare Poulain)
fauchage des prés par le métayer Claude Savart.
en Juillet
fenaison
début de la moisson le 18 Juillet (d’abord le métail, puis l’orge et le froment)
couverture du poulailler
en Août
suite de la moisson – froment, orge, avoine – (2 moissonneurs + 4 à 7 journaliers)
cueillette des lentilles
récolte du chanvre et des pois ronds ( par les moissonneurs + 3 journalières). Mise à l’eau du chanvre pendant 8 jours.
début du battage des céréales dans la grange du Domaine (Antoine Guilloux dit « le Fermier », Pierre Porcheron et son fils + 3 journalières qui délient les gerbes)
début des labours (par le métayer)
à partir du 15 Août, cueillette des poires
arrachage des oignons du jardin
en Septembre
préparation des tonneaux pour les vendanges (Dominique Mazilier)
fin de la moisson à la mi-septembre
abattage des noix et des cormes (Edme Mazilier, Claude Defert et Edme Jojot + 3 journalières qui les ramassent)
« éballage » du chénevis
trempage du chanvre pendant 8 à 9 jours.
battage du chénevis et des haricots
épandage du fumier dans les champs (2 journalières)
semailles de la navette, du métail et du froment (par le métayer)
début des vendanges le 29 (une douzaine de personnes participent)
en Octobre
cueillette du chasselas, des coings et des poires
on retire le chanvre de la rivière et on l’étend dans les chènevières
préparation du chanvre (« taille », mise en filasse …), par les « feurtiers »
battage et vannage du froment récolté
pressurage des raisins et tirage du vin
arrachage des pommes de terre
travail des « feurtiers » sur le chanvre (2 semaines)
en Novembre
épandage du fumier (5 journalières)
arrachage des pommes de terre (2 journalières)
semailles du froment
battage et vannage de l’orge, du métail et du froment
en Décembre
suite du battage du métail
vannage de l’orge et du blé
partage des coupes des bois communaux
pressage du chénevis chez l’huilier
Les produits de l’exploitation
Culture des céréales et autres grains
On voit que l’essentiel de la culture porte sur les céréales, appelées globalement les « bleds ».
Le froment – notre « blé » d’aujourd’hui -, tient la première place, soit 30 à 35% de la surface emblavée.
Le seigle n’est jamais semé seul; il est mélangé avec le froment, – en proportion non précisée ici – pour constituer le métail ; les deux céréales se renforceraient mutuellement sur des terrains médiocres (?).
On a aussi un peu d’escourgeon, variété d’orge semée à l’automne, appelé aussi « soucrion » ou « orge d’hiver » ou « orge nuë »; et la mouture, mélange de grains, qui sera transformé en farine pour l’alimentation animale.
Puis les céréales de printemps, blé de mars, orge et avoine .
On sème aussi les « petits grains » , pour obtenir soit des matières textiles, soit de l’huile soit du fourrage : chanvre, lin, navette, sainfoin, trèfle.
En 1809, par exemple, J.A.G.L. a fait emblaver 46 arpents 80 perches ( l’arpent est à peu près un demi hectare, et un arpent vaut 100 perches), dont :
15,51 arpents en froment
5,52 en métail
5,50 en avoine
9,69 en orge
0,50 en mouture
0,50 en blé de mars
0,57 en lentilles
0,70 en chanvre
0,50 en navette
1,6 en pois ronds
4,71 en sainfoin
1,50 en trèfle
En 1812, on avait en plus des haricots , du lin et du blé noir.
La moisson dure de la mi-juillet au début septembre. On commence par le métail.
Un contrat est conclu avec certains journaliers : « le 16 Juin 1811, entrepris à Pierre Porcheron la moisson de la Réserve à ramasser moyenant 3 quarttes de grains par journal, il doit me faire en sus une journée par journal et me ramasser par dessus le marché les pois et les lentilles »…ou encore…« le 30 , j’ai loué la Lucas de Montillot pour moissonneuse moyenant quatre bichets une quartte moitié orge et un boiceau de froment et le reste de métail; elle doit faire six journées en sus; elle est louée depuis la première poignée jusques à la dernière, tant de notre Réserve que du Domaine »…(J.A.G.L. n’en « rajoute-t-il pas quelque peu ?…)
Les récoltes sont décomptées:
– en gerbes pour les céréales
– en bichets de graines de sainfoin
– en livres de graines de trèfle
– en bottes ou « faix » de pois ronds et de lentilles
– en « poignées » de chanvre et de lin.
J.A.G.L. raconte …: « le 14 Aoust 1809,lundy, Pierre Porcheron, dit Cascaret, son fils et sa fille, et les deux Gourdonnes ont moissonné le froment de la réserve des Champs Gauthiers (environ 3 arpents)…Le 17, jeudy, …on a lié et rentré, il y en a en tout cinquante gerbes ». Il s’agit de la partie « réservée », c’est-à-dire non louée au métayer. Les hommes fauchent, les femmes rassemblent et lient les gerbes. Pendant ce temps, le métayer moissonne les deux arpents dont il dispose dans le même finage ; J.A.G.L. écrit : « il y en a pour nous 18 gerbes », ce qui signifie que dans ce cas, la récolte a été de 36 gerbes, partagées entre propriétaire et métayer.
Le battage commence dès le mois d’août et dure jusqu’à décembre, et même quelquefois janvier.
Un contrat verbal est établi : « Le 6 Aoust, …entrepris au dit Pierre Porcheron notre grange à battre, il aura le douzième bichet de tout grain, on lui donne une pintte d’huile de chénevis; quand au gluis qu’il fera, on lui paiera au prix courant; il commencera par les semences » … Ceci signifie qu’il gardera pour lui le douzième de la récolte en grain; et qu’il battra d’abord ce qui est nécessaire pour les prochaines semailles.
D’autres ouvriers de l’équipe de battage sont payés à la journée.
Les batteurs, – en général deux – , aidés par des journalières qui délient les gerbes, s’activent avec les fléaux sur l’aire de la grange. Puis ils procèdent au vannage : on secoue le grain pour éliminer la « balle », enveloppe du grain dans l’épi. Le registre de comptes nous donne chaque jour le résultat de la mesure du grain obtenu. Dans la même période les batteurs préparent du « gluis », c’est-à-dire de la paille de seigle qui servira à faire des liens.
« Le 25 Aoust, Jean Defert le moissonneur a battu 4 gerbes d’orje. Elles ont produit un bichet »…
« Le 21 Septembre », Pierre Porcheron et son fils… »ont battu 9 gerbes froment, lesquels, avec les 15 d’hier ont produit 20 quarttes 1/2″…
» Le 24 octobre Pierre Porcheron ont battu 7 gerbes froment qui ont produit 5 quarttes »…
» Le 18 Décembre, …ont fini de vanner l’orge, il y en a en tout (battage payé) 42 quarttes »..
Le paiement en grains des moissonneurs et batteurs s’effectue en fin de battage, donc souvent en janvier.
Dès le mois d’août, on commence à labourer, et en septembre, à semer…
« Le 31 Août, le métayer bine de ses deux charruës dans la Réserve des Champs Gauthiers »…
« Le 19 Septembre, donné au métayer Claude Savart à compte 2 quarttes et 1/2 de métail pour semer dans la pièce des Champs du Lac, un journal »…
» Le 7 Octobre, donné au métayer pour semer aux Attes, 1/2 journal, 2 quarttes de froment » …
Un tableau en fin d’année nous fournit la liste des surfaces emblavées, avec le nom des pièces et la nature des grains. La quantité de grains répartie sur une surface donnée n’est jamais connue avec précision, car c’est le métayer qui sème, en utilisant son propre grain et, à son gré, celui fourni par le propriétaire. Certains champs sont partagés en plusieurs parties pour recevoir plusieurs céréales. On ne peut donc se fier à une phrase telle que : « donné au métayer pour semer dans la pièce des Corbiers, 4 journaux, 1 bichet froment »…
Une fois seulement, on trouve sur une note volante glissée entre deux pages du registre, le « compte des semences 1808« :
On peut donc tenter un calcul à partir de ces données. Tenant compte des surfaces emblavées, du champ « réservé » par le propriétaire, et en supposant le bichet à 88 livres, on trouve pour la semence de froment, avec nos unités actuelles, environ 1,2 quintal à l’hectare.
Un calcul du même genre devrait permettre une estimation du rendement moyen : les relevés de J.A.G.L après chaque séance de battage de l’automne 1809, nous indiquent que 184 gerbes ont fourni 140 quartes de froment soit 15,4 quintaux. La récolte totale estimée par addition des parts du propriétaire et du métayer s’élèverait à 332 gerbes, donc à 27,8 quintaux, pour 15,51 arpents, soit 7,91 ha…Ce qui nous donne un rendement de 3,5 quintaux / ha(pour mémoire; en 2020 le rendement moyen du blé dans l’Yonne est de 59q/ha)
Ce chiffre paraît faible; il est vrai que ce calcul suppose un peu trop d’approximations ! Les pièces de terre reçoivent souvent plusieurs sortes de « grains », mais les surfaces respectives ne sont pas très précises. Les 332 gerbes de la récolte 1809 sont supposées identiques, alors qu’elles diffèrent certainement d’un moissonneur à l’autre. Les pièces de terre elles-mêmes sont de nature différente : un arpent du « Verger du Valon » a donné 40 gerbes, un demi-arpent de « Longueraye » 14 gerbes et les 3 arpents du « Rompu Fichon » 68 gerbes …!
Quant au battage, les mesures du grain obtenu n’indiquent pas toujours la quantité déjà prélevée pour la paye des batteurs.
Il est évident que J.A.G.L. ne se préoccupait pas de calculer le rendement de sa culture de céréales, bien qu’il en eut été fort capable ; mais il lui suffisait de visiter son grenier en fin de saison ! Et ensuite, selon les besoins, d’acheter les grains qui lui manquent : 1 bichet de froment, mesure de Clamecy à 6 livres; de même une autre fois pour 8 livres; un bichet de métail à 6 livres, de mouture à 5 livres, d’orge à 4 livres 10 sols …
Culture de la vigne
J.A.G.L. ne possède que 3 parcelles plantées en vigne; on ne connaît pas leurs surfaces. L’une est en « Crobié » (Corbier, sans doute), l’autre à la « Côte Caffard », la troisième à « La Vathaire » – probablement à proximité du moulin de Marot, les vendangeuses venant surtout de Baudelaine – (ou près de la Côte Cafard ?).
Il semble qu’une autre parcelle ait été arrachée au printemps 1808 ; on lit en effet « le 8 Mars, Madeleine Defert a travaillé à dépesseler Guillermain (Lieudit); j’ai amené les paisseaux avec mon cheval, il y en a 2 voitures ». On devine que « dépesseler », c’est arracher les « paisseaux« , c’est à dire les « échalas » ou « piquets de vigne ». Et le 14 mars, « Claude Defert et Cascaret ont commencé à arracher les vignes à moitié bois ». Le 17, « Pierre Degoix a amené les paisseaux et chorées de vigne de Guillermain » (les « chorées » sont les souches). Les paisseaux sont confectionnés en hiver; « le 21 Janvier 1809, Claude Savart, métayer, a aiguisé et écorcé les paisseaux toutte la journée. Il a étté nourri… »
On retrouve chaque année le même cycle de travaux, facile à reconstituer à partir des notes du propriétaire sur son registre, destinées à permettre le règlement ultérieur des journaliers.
Le 27 Mars 1810, « entrepris à Antoine Guilloux dit Le fermier, nos vignes à tailler moyenant un cent de fagots qu’il fera et 5 livres en argent pour le tout… »
« Le 12 Avril (1810), Marie La Jacotte et sa fille ont sarmenté les vignes ». Il s’agit en fait de ramasser les tiges de l’année précédente qui viennent d’être « taillées », de manière à provoquer la reprise de la végétation à partir du pied.
Fin avril, on « pique » les vignes, c’est à dire qu’on plante les paisseaux, piquets de bois enfoncés dans le sol au pied de chaque cep pour soutenir les tiges nouvelles et les exposer au soleil. « Et on s’efforce de les mettre bien droits « , nous dit P.G., un « ancien » du village.
Ensuite, on « sombre »; c’est le premier labour de la saison, la première « façon » printanière.
En 1809 et 1810, c’est « Pierre Porcheron et son garçon avec Jacques Fleuri » qui en sont chargés. En 1811, les travaux de printemps dans les vignes sont traités à forfait, « le 19 May, entrepris à Antoine Guilloux, dit Le Fermier, à sombrer, essumacer, rogner et biner les vignes de Crobier et de la Vathère moyenant 24 f. pour le tout ».
En juin, il faut discipliner les jeunes pousses et les regrouper autour du paisseau; le 4 Juin 1811, « la mère à Gabrielle Forgeot a accolé les vignes; elle a étté nourrie ». « Accoler« , c’est attacher les grandes pousses au piquet. On note une autre année : le 19 Juin 1808, » donné à Lazare Poulain pour accoler les vignes 6 gléneaux de gluis ». C’est que le lien utilisé est fait de « glui« , paille longue de seigle « assouplie en la battant par poignées successives sur l’arrondi d’un tonneau calé à plat dans un coin de la grange »; ce travail se faisait par temps humide, – pluie ou neige -, nous raconte P.G.
Ensuite, on « essumace » – on dit aussi « ébourgeonne » -, c’est à dire qu’on coupe les pousses latérales inutiles, puis on « rogne » les bouts des tiges au-dessus du piquet avec une faucille.
Il faut aussi remplacer les pieds de vigne trop anciens; pour cela on part d’un cep vigoureux et on « marcotte », c’est-à-dire qu’on plie vers le bas une tige ligneuse longue et on enterre sa partie médiane. Elle s’enracine, et plus tard on coupe la liaison avec le cep d’origine (en langage moderne, on a ainsi un « clone » du précédent). Le marcottage de la vigne s’appelle le « provinage« .
Le 17 septembre 1809, » donné à Lazare Poulain un gléneau de gluis pour l’attache des provins dans la plantte »…La « plante » est la jeune vigne.
Pour finir, et attendre la vendange, on procède au « binage« ,- avec la « binette » ou la « serfouette »-, qui consiste à ameublir le sol en coupant les mauvaises herbes à la racine.
En août, il faut songer à préparer les tonneaux; le 31 Août et le 1er septembre 1808, « Dominique Mazilier travaille aux feuillettes (nourri) ».
Et les vendanges arrivent, plus ou moins tôt selon l’ensoleillement de l’été…
En 1808, les 29 et 30 Septembre; « Gabriel Tixier de Baudelaine, sa femme, celle de Lazare Philipon, un garçon à Pierre Trousseau, une autre femme, le Bailly, sa femme et 2 de ses enfants, et Edmond Jacob, ont vendangé »… »à la Vathaire 2 pièces, …en Crobié, deux pièces »…Mais le 11 Septembre, les vignes avaient « étté grêllées »…
En 1809, les 16 et 17 Octobre seulement… La récolte s’annonçant insuffisante, J.A.G.L avait le 8 Octobre, « acheté la vendange des vignes d’Agathe Degoix, dite La Bankale, moyenant un bichet comble bled froment ». Cette vendange effectuée le 16, a donné « 4 billouts d’âne », plus « une hôtée dans la Cotte Caffard »; le 17 à la Vathaire, « une feuillette de raisins blancs et une de raisins rouges »; » Crobié, une feuillette et une pièce de 3/4 raisins blancs et 4 billouts de rouge ». Mais ce n’était pas suffisant : « j’ai achetté la vendange du métayer, 2 grosses pièces de 3/4 raisin blanc et un billout de raisin rouge pour 20 livres le tout. Il a tout le marc pour faire de l’eau de vie et doit me le rendre après pour mes pigeons ».
Suite des travaux : « le 18, j’ai fait mon marc blanc chez Toussaint Defert, j’en ai eu pour tout deux feuillettes un quart. Edme et Jean Jojot ont aidé à faire le marc ainsi que le métayer ».
« Le 28 , on a tiré le vin rouje, il y en a 2 feuillettes en tout »…
En 1810, la vendange fut courte, bien qu’y fut comprise à nouveau celle d’Agathe Degoix: « nous avons commencé et fini » le 8 Octobre; « 12 billouts de raisins tant blancs que rouges ». J.A.G.L. a acheté au « métayerune feuillette de vin nouveau blanc »…Le 14 Octobre, « tiré le vin rouge, pas tout à fait une feuillette »…
En 1811, les raisins sont mûrs plus tôt, mais peu abondants.« le 16 septembre, on a vendangé, la fille au grand Claude, la femme et la fille à Tissier et le père Boulin ont vendangé pour nous avec Claude Savart, sa femme et son fils. Nous en avons fini à 3 h du soir »… »Le 21, j’ai tiré seul mon vin rouge, j’en ai eu en tout 2 feuillettes un quart »…
En 1812, un seul jour de vendange, le 15 Octobre; « j’ai fait le marc blanc; j’en ai environ trois quartes; Jean et Gabriel Berthoux ont vendangé pour nous avec les enfants de Claude Savart et la meunière de Marot ».
En résumé, la culture de ces parcelles de vigne ne parvient pas à subvenir aux besoins de l’année. L’exploitant doit acheter en supplément du raisin au moment des vendanges et du vin en cours d’année. Et nous ne savons rien sur la qualité du vin obtenu…!
Culture du chanvre
Les chènevières se trouvaient près du village et étaient l’objet de soins particuliers. Il fallait un sol frais et profond, engraissé par le meilleur fumier. (en 1950, on appelait encore « chènevières » les parcelles du « Pré du Mitan », tout près des maisons de Montillot).
On semait fin avril, début mai. …« Le 2 May (1812) Claude Savart a semé la chènevière du Verger du Salon et mené 3 voitures de fumier, dont une de poule, dans l’autre du Puits Martin » (au total 37 perches, soit 18,5 ares au total).
Cette culture ayant pratiquement disparu de nos campagnes à la fin du 19ème siècle, quelques documents nous ont permis de faire connaissance avec cette plante, dite à l’époque, « industrielle », puisqu’à la base d’une réelle industrie textile : 175 000 hectares étaient cultivés en France en 1830, …3300 seulement en 1945.
C’est une plante « dioïque », c’est-à-dire que des fleurs mâles et des fleurs femelles apparaissent sur des pieds distincts. Les pieds mâles arrivent plus tôt à maturité, sont plus grêles, avec des fleurs en grappes, et peuvent atteindre 2 mètres. Ils sont coupés au début d’août et ne donnent pas de fruits. On tire la « filasse » de leurs tiges.
Les pieds femelles, portant leurs grains en épis à l’aisselle des feuilles, sont arrachés au moins 3 semaines plus tard, et fournissent le « chènevis » dont on tirait de l’huile pour les lampes (et pour la cuisine en période de disette…!).
« Le 8 Aoust 1808,…on a cueilli les chènevières; …il y a 254 poignées de chanvre dans ma chènevière et 57 poignées pour ma moitié dans celle du métayer »…
(Les tableaux des récoltes, établis en fin d’année par J.A.G.L., indiquent pour 1808, 900 poignées au total; pour 1809 et 1810 à égalité, 1200 poignées; pour 1811, 1350 et pour 1812, 967 poignées.)
« Le 14 Septembre, on a commencé d’arracher la chènevière »…Il s’agit bien des pieds femelles, puisque le 18 septembre, « on a battu la chènevière le soir; il y a 2 bichets de chènevis »…, etle 21, « on a éballé le chènevis, il y en a eu une quarte »…De même, le 9 Août 1810, « on a cueilli notre chènevière, il y en a de femelle 330 vergeons »…
Quant au chanvre mâle, il subit un traitement complexe pour en extraire la matière textile.
Dès « le 10 Aoust, jour de Saint Laurent mercredy,…l’on a mené le chanvre à Fontenille pour le mettre à l’eau… »
Il s’agit de la phase de « rouissage » (ce mot n’est pas employé par J.A.G.L.) : on fait macérer les tiges dans l’eau de manière à isoler les fibres textiles en détruisant la matière gommeuse qui les soude, par un phénomène de fermentation produite par le bacille « amylobacter ».
« Le 18, on a étté retirer le chanvre de l’eau »… »Le 19, le métayer a ramené le chanvre de Fontenille… »
Une autre fois, on porte le chanvre à la rivière, à Blannay; une autre, dans la mare du « Croc des Joncs ».
Fin septembre, une deuxième « fournée » est mise à l’eau pour une dizaine de jours, puis retirée et mise à sécher (au grenier…, ou au four…?).
Après le séchage, il s’agit d’extraire les fibres textiles de l’écorce des tiges.
Le 10 octobre 1808, « les feurtiers ont commencé à arranger le chanvre ». Ils terminent le 26. Qu’ont-ils fait ? J.A.G.L. ne nous donne pas de détails. D’autres documents nous aident à reconstituer ce travail d' »arrangement », effectué en 1808 par Claude Defert et Edme Mazilier (dits « les feurtiers »), en 1809 par Claude Defert et Jean Jojot (dits « les bourons »…), Gabriel Tixier de Baudelaine et Pierre Savelly, qui « repassent la filasse »; en 1810 et 1811, par Etienne Brisedoux, dit « Lucas » et son « garçon ».
(Noté sur le « Dictionnaire du monde rural » : « en Morvan, les forandiés sont ceux qui travaillent le chanvre.)
Il s’agissait d’abord de séparer l’écorce du coeur des tiges. pour cela, on pouvait, soit les battre au maillet, étendues sur des tréteaux, soit les écraser avec une « broie« , sorte de grand couteau à 2 mâchoires parallèles, articulé par un bout et fixé sur une sorte de banc. Sous la pression et les chocs, l’écorce fibreuse se sépare de la partie centrale ligneuse de la tige; celle-ci est cassée en fragments, les « chénevottes », qu’on réunit en fagots, et qui sont utilisées pour faire de courtes flambées (dans un four), ou bien comme allumettes, pour transporter du feu d’une pièce à l’autre…
Dans l’écorce, il faut ensuite débarrasser les fibres de la « teille », reste de matière gommeuse qui enrobe les fils. C’est l’opération de « teillage« ; il semble que l’on dise souvent dans l’Yonne, « tailler » au lieu de « teiller »: le 20 Octobre 1808, « on a fini de teiller le chanvre », mais le 2 Septembre 1809, « les 2 Gourdonnes ont taillé le chanvre toute la journée… »
On fait chauffer ces fibres et on les passe successivement entre les dents de peignes de différents calibres, selon la finesse et la longueur des fibres textiles. J.A.G.L. distingue l' »étoupe » de la « filasse« ; le premier terme correspond probablement à un stade d' »arrangement »- ou de « peignage » -plus grossier. En 1809, on a constaté dans cette opération un « déchet » de 22 livres sur 94.
Après ce traitement, on pèse en effet le « produit » : 111 livres en 1808, 127 en 1809, 121 en 1810, 82 en 1811, pour la récolte de l’année.
De la « filasse », il faut maintenant tirer le « fil »… »Filer », c’est réunir les brins, qui font 70 à 80 cm de long, en les tordant soigneusement.
« Le 20 Décembre 1808, donné à Agathe Degoix 8 livres d’étoupe pour filer… »
« Le 23 janvier 1809, Agathe D. a rapporté le fil, il y en a 8 livres à 7 sols la livre, ce qui fait qu’il lui est dû 2 livres 16 sols pour le tout… »
Il y a aussi « La Beurue », la « fille de la Menuisière » (fille du menuisier Boulet, mariée avec Edme Jojot), l' »attache de Baudeleine », « Fanchon la Gourdonne », la « femme à Natire », la fille de Degoix, dit « le Tac », la « femme à Laurent Degoix », la femme à Gabriel Tixier, la « fille à Germaine », une « femme de Farges »…Ces fileuses travaillent chez elles, et se constituent ainsi un salaire d’appoint.
Principe du « filage »: l’écheveau de filasse est enroulé autour d’un bâton court, quelquefois fourchu vers le haut, la « quenouille« , l’autre extrémité étant tenue sous le bras gauche. De la main droite la fileuse tire quelques brins de l’écheveau, les tord ensemble, serrés entre le pouce et l’index, les mouille de salive pour en faire peu à peu un fil souple qu’elle attache et enroule sur le « fuseau« , broche pointue aux deux extrémités, qui, posée verticalement sur le sol, peut pivoter, poussée d’un coup sec.
Il est probable qu’à cette époque, la plupart des fileuses possédent un « rouet » : une roue, mue par une pédale, fait tourner le fuseau, lequel tire sur le fil, qu’il suffit de tordre et de guider… Même chez les Lenferna…; le 9 Août 1809, on a acheté « un rouët à filer du fil », dont on se servira, puisque le 11 Novembre 1811, « payé à Fournier, maréchal à Montillot, 10 centimes pour avoir mis les dents au dentier d’un rouët »…
NB (données des recensements): Trois « rouettiers » (fabriquants de rouets) exerçaient leur art, encore, à Montillot jusqu’en 1836, mais ils ont définitivement disparu avant 1851.
Ensuite, on confie le fil aux tisserands, pour fabriquer de la toile, une toile presque inusable, dont les femmes faisaient des draps, des nappes, des chemises, des camisoles,…capables de plusieurs générations. Le tisserand devait rendre tant d’aunes pour tant de livres de fil…
Le 25 Avril 1809, « donné à (Claude) Bureau, tisserand, 15 livres de fil pour faire de la toille, il en prend 7 sols de l’aulne »…Le 25 mai 1809, « Edme Jojot, dit Goujard, a apportté 37 aulnes de toille, qui joint à 9 autres précédemment livrées, font 46 aulnes à 12 sols par aulne de façon, fait 27 livres 12 sols… »Le 18 Février 1810,« Edme Jojot, dit Goujard, a apportté 59 aulnes 1/2 de toille à 5 s. l’aulne; il lui est dût pour cet objet 14 l. 15 s. »…
Il nous manque, dans le 1er cas, la quantité d’étoffe rapportée par le tisserand Bureau; dans les 2 autres cas, la quantité de fil tissée par Edme Jojot… Décidément, ni le rendement de ses cultures, ni son compte d’exploitation, ne préoccupaient J.A.G.L. …!
Autres tisserands : Jean Boussard, … Bouchard, Léonard Berthoux, Jean Pernot, Edme Carillon, Lazare Lemoux, Antoine Porcheron …Ils travaillent souvent dans une cave, où ils trouvent une humidité favorable au tissage (c.f. Bulletin de la Société des Etudes d’Avallon / S.E.A. 1925).
On peut aussi faire de la corde de chanvre : « le 19 décembre 1810, je suis resté à Auxerre… Donné à Sognet, cordier Ruë du Pont, vis à vis chez Carillon 3 livres 1/4 fillasse pour faire de la ficelle à paillasson. Convenus à 12 sols la livre de façon »…Le 2 janvier, « envoyé aujourd’huy par Baron, commissionnaire à Vézelay »… »de la filasse à Sognet cordier en face chez Carillon, auberge à la bouteille »…Le 19 février 1811, » Sognot cordier m’a envoyé 2 livres moins 1/4 de ficelle à paillasson et 1 livre de cordeau portant 30 Toise de long »…
Une autre utilisation particulière est signalée le 15 Décembre 1809 : « on a amené hyer le Poulangis du foulon, il y en a 7 aulnes, il est dût à Tausard le foulonnier du Ruë d’Auxon 1 l. 2 s. pour cela »…
Cette opération s’effectuait dans un « moulin à foulon« , et consistait à « fouler » l’étoffe: des maillets entraînés par des rouages mus par une chute d’eau frappaient tour à tour les tissus (ou les cuirs) à assouplir. L’eau de ces moulins était alcaline et argileuse; la « terre à foulon »servait à dégraisser la laine de mouton. Mais qu’est-ce que le « poulangis »?
D’après un article du « Bulletin S.E.A. de 1925-26 sur les « Métiers disparus », l’étoffe commune dans l’Avallonnais au 19ème siècle était un composé de laine, de fil de chanvre et de coton; elle s’appelait « bouêge ou droguet » et, dans l’Auxerrois, « serge et poulangis« …
Ce tissu était apprécié ; il faisait partie du salaire en nature des servantes :
– le 28 Avril 1809, un « habit de poulangy barré » demandé par Françoise Jojot
– le 30 Avril 1810, un « habit barré de Boëge » pourGabrielle Forgeot.
L’adjectif « barré » évoque probablement un motif décoratif; il est utilisé pour les armoiries : l’écu « barré » est traversé de une ou deux barres obliques.
Il existe de nos jours une ferme dite « du Ru d’Auxon », tout près de l’étang du Foulon, sur le ruisseau de Chamoux, entre Asnières et Châtel-Censoir. Le même article du Bulletin de la S.E.A. nous signale qu’il y avait trois « foulons » près d’Avallon et que l’argile à dégraisser la laine de mouton se prenait à Champien…
Une partie de la filasse paut être vendue : Le 10 décembre 1809, » Françoise Jojot, domestique, a mené vendre la filasse à Auxerre…elle en a raportté 37 livres pour le prix. Elle l’a vendu 17 sols la livre. Il y en avoit 43 livres pesants »…
Il arrive aussi qu’on complète l’approvisionnement chez un autre producteur du village : « le 12 février 1810, ma femme a achetté du chanvre pas taillé pour 6 livres (francs). En a 18 livres pas taillé »…
La laine des moutons du Domaine est également traitée : « le 6 septembre 1810, Edmée Defert a filé de la laine avec son apprentie… »
Jardinage
Il y a un jardin attenant à la maison.
En 1809, il a été agrandi.
Les tâcherons ayant préparé le terrain, c’est J.A.G.L. lui-même qui fait les semis. On note au fil des jours : haricots, carottes, oignons, raves, cardons, échalotes, choux de Siam, choux Cabbage, choux-fleurs, pois ronds, épinards anglais à larges feuilles, chicorées, asperges, ail, laitue paresseuse… Il note tout ce qu’il fait : » j’ai semé des pois vers le poirier de Gras le long du mur, j’ai planté 21 pieds de rhubarbe et du céleri… »
Il fait venir une partie de ses graines de chez Vilmorin à Paris, et en achète d’autres dans la région selon les occasions : … » une once graine d’artichauts verts de Laon de chez Pierre, le conducteur de la diligence… »
Elevage d’animaux domestiques
La plupart des animaux font partie du « Domaine » et sont donc gérés par le métayer; quelques uns sont à l’entière disposition du propriétaire pour les besoins du ménage : un cheval, un âne, une ou deux vaches, un porc, des poules …
Apiculture
J.A.G.L. possède quelques ruches dans un coin de son potager.
On élève les abeilles aujourd’hui selon les mêmes principes qu’à cette époque.
Seul le vocabulaire utilisé pour décrire les événements et les activités diffère notablement.
D’abord, on ne parlait pas d’abeilles, mais de « mouches« , – sous-entendu « à miel » -.
Le 9 Mars 1808, « Denis Garnier a taillé les mouches; il y a très peu de miel ». Ici, « tailler », c’est couper le « gâteau » confectionné par les abeilles afin de leur enlever le superflu de miel et de cire, considéré comme la « récolte » du propriétaire, destinée à être consommée par la famille, vendue ou échangée.
En juin, par temps lourd et orageux, une partie des abeilles, accompagnant une jeune reine « dissidente », s’échappe de la ruche et va se poser sur une branche d’arbre proche, serrée en une boule bourdonnante. Avant qu’elle ne s’éloigne davantage, l’apiculteur vigilant peut les récupérer et les installer dans le « panier » d’une ruche vide.
Pour nous, il s’agit d’un « essaim »; en 1808, on disait un « jetton« . « le 13 Juin 1808, lundy, il y a un panier de mouches qui a jetté »…
En ce même mois, ceci s’est reproduit les 16, 19, 21, 22 et 24 Juin ! Si bien que l’on a dû emprunter le 24 au curé Marisy, de Brosses, un « ruchon à mouches » pour héberger les vagabondes…
Mais tous les essaims ne forment pas forcément de nouvelles ruches; le 3 Octobre de la même année, « Denis Garnier, de la Charbonnière, a arrangé les robes des mouches; il y en a 3 paniers de morts, un jetton sauvé »…Les « robes » sont les « capuchons » de paille de seigle qui recouvrent la ruche comme d’un toit rond pentu et protègent les abeilles de la pluie et du froid.
Le 13 Novembre 1811, » Denis Garnier », …., a « enroché touttes les ruches à miel et leur a mis des robbes de gluis neuves » .
L’hiver peut venir…
Une partie de la récolte est échangée ou vendue : miel à 15 sols la livre, cire à 2 l. 2 s. 6 d…
Le 25 février 1809, » vendu du marc de mouches pour 18 sols »…
Les mesures utilisées
On aura noté au passage que Joseph Anne Georges de Lenferna relevait les surfaces emblavées en arpents, journaux et perches, et les quantités de grains récoltées en bichets et quartes …Si les arpents et journaux étaient encore connus à Montillot au milieu de ce siècle, les bichets n’étaient plus utilisés depuis longtemps.
Avant la Révolution, chaque région se servait, pour ses échanges quotidiens, de mesures de capacités qui lui étaient propres, et qui suffisaient aux paysans pour ce commerce « de proximité ». A Montillot, les échanges se faisaient essentiellement sur place, et à Vézelay, au cours des foires mensuelles. Mais les « blatayers« , – marchands de grains de l’époque -, qui étendaient plus souvent leur commerce aux villes voisines, devaient préciser dans leurs contrats qu’il s’agissait de « mesures de Vézelay ». Le 15 Mars 1808, J.A.G.L. achète au meunier Gaillot, du Châtel Censoir, « 9 Bichets et 1 boiceau d’orge, mesure de Clamecy »…
Avec l’extension des échanges, ces disparités devenaient très gênantes. Dans ses commentaires de l’ouvrage de l’Abbé Pissier sur le village d’Asquins, M.Haasé nous signale que le Ministre TURGOT a demandé en 1775 à CONDORCET d’étudier une uniformisation des 800 mesures utilisées en France à cette époque…Les cahiers de doléances de 1789 rappellent souvent ce besoin dans des termes identiques – « une même mesure et un même poids » -, et donnent des exemples des difficultés rencontrées. Les villageois de Sièges, dans le Sénonais, (rapporté par le Centre de Documentation Pédagogique d’Auxerre, dans le fascicule « L’Yonne, un département »), se plaignent des impôts sur les vins et boissons, appelés alors les « Aides« . « Les commis aux Aides, remplis de toutes malices et de toutes rigueurs« , reprochent au « particulier qui a fait sa déclaration de bonne foid’avoir malheureusement une feuillette un peu plus grande que la jauge », – capacité de référence des commis -, « jauge qu’il ne connôit point« , …et en conséquence « visitent sa cave, lui font un procès, le condamnent à ce qu’ils veulent »…
Cette revendication fut satisfaite par la création du « Système métrique« . En 1790, Talleyrand avait fait adopter par la Constituante un projet d’unification. Un Commision de l’Académie des Sciences choisit, pour le mètre, le dix-millionième du quart du méridien terrestre. Le Système métrique fut institué par la Convention (Loi du 18 germinal An II – 7 Avril 1795); il devint « légal » en décembre 1799, mais « obligatoire » seulement le 1er Janvier 1840. En 1830, on faisait encore dans les écoles primaires des exercices d’arithmétique sur les anciennes mesures…
On ne peut donc s’étonner que celles-ci soient couramment utilisées à Montillot autour de 1810 !
A partir de différents documents, – tels que des notes extraites des « Mesures de 1789 dans l’Yonne », par Guillier de Chalvron, et le « Dictionnaire du Monde rural, les Mots du passé » de Marcel Lachiver- Fayard 1997 -, essayons de rapprocher ces anciennes mesures de nos unités actuelles…
Mesures des poids :
l’once, de 30,6 grammes environ, se divisait en 8 « gros »; le « gros » en 3 « deniers » et le « denier » en 24 « grains ». « Le 15 aoust 1808, prêtté a Claude Lemoux de Montillot une once et 36 grains de sucre qu’il me rendra autant pour autant… »
un marc valait 8 onces.
on utilisait le plus couramment la livre de 16 onces, soit environ 489,6 grammes, ordre de grandeur de la livre de 500 grammes qui fait encore partie du langage de certaines régions.
Mesures des longueurs :
L’unité de base était au 18ème siècle le « pied de roi« , de 32,5 cm environ, qui se divisait en 12 « pouces » de 27,27 mm ( et celui-ci en 12 « lignes »).
la « toise » valait 6 pieds, soit environ 1,95 m.
il y avait aussi l' »aune« , pour mesurer les étoffes; elle valait, selon les régions de 1,18 m à 1,96m. L' »aune de Paris » était réputée faire 1,188 mètre. A Montillot, on sait seulement qu’on payait 5 sols la façon d’une aune de toile par le tisserand Bouchard. « Le 23 Novembre 1809, pris chez Edme Jojot, dit Goujard, tisserand à Montillot, 7 1/2 aulnes de Poulangis, aulne de tisserand; la façon est duë… »
la « perche« , utilisée le plus souvent en arpentage, fut très variable selon les régions et les époques; la « perche ancienne de Bourgogne » était de 9 pieds et demi et la « perche de Paris » de 18 pieds ! D’après Guillier de Chalvron, on utilisait à Vézelay en 1789 la perche de 22 pieds, soit 7,15 m.
Mesures des surfaces :
la « perche carrée« , dite souvent « perche » en abrégeant ( l’aire d’un champ est indiquée sous la forme: 2 arpents 23 perches …), est l’aire d’un carré de 22 pieds, soit 7,15 m de côté; c’est-à-dire environ 51 m2, ou 0,51 are.
l' »arpent » est égal à 100 perches, soit 51 ares ( l’arpent connu à Montillot en 1950, était de 50 ares…)
le « journal » est de 66,66 perches, soit 34,4 ares.
l' »oeuvrée« , ou « ouvrée », était de 10 perches carrées.
Mesures de volumes : Il s’agit de mesures des capacités des récipients contenant les produits de l’exploitation, blés, vins et huiles
Le « bichet » , toujours d’après Guillier de Chalvron, aurait été défini par son poids de froment, « rempli à ras », compris entre 84 et 90 livres, soit 41 à 44 de nos kg. En adoptant 0,75 comme densité du froment (donnée à vérifier), on aurait un volume du bichet de 55 à 59 litres. Or d’après M. Haasé un document de 1807 fait état de l’équivalence du bichet et de 3 décalitres, soit 30 litres seulement … ??
En tous cas, le bichet vaut 2 « boisseaux » ou 4 « quartes« , et le « setier« ,12 boisseaux. Autre information discordante : d’après le « Dictionnaire du Monde rural », le boisseau vaut à Paris 20 livres de froment, soit 9,79 Kg ou 13 litres, ce qui donnerait 26 litres pour le bichet…=> Point à éclaicir
Pour l’avoine, on utilise le « minot« , qui vaut 3 boisseaux, ou un bichet et demi.
Pour le vin, – ou l’eau de vie -, on prenait la « pinte de Paris » , soit 0,93 à 0,95 litre (aussi pour les petites graines, les lentilles par exemple). Pour le vin en tonneau, la « feuillette » ou « demi-muid« , de 140 pintes, – soit environ 130 litres -.
Pour le bois, on utilisait la « corde« : pour avoir une corde de « charbonnette », les bûcherons sciaient à 0,66 m, et empilaient sur une hauteur (0,66 m) et 8 longueurs, soit environ 5,30 m. La corde correspondrait donc à 2,3 mètres cubes environ…
Et il y avait toutes les « mesures » non normalisées, liées à un « tour de main » ou à un instrument bien défini : la « pilée » d’huile ou de verjus (dépendant du pressoir utilisé); le « faix » de paille; la gerbe…; le fagot d’épine; le « gléneau » de gluis; le « billout » de poire ou de raisin; la « hôtée » de pommes de terre; les « poignées » de chanvre réunies en « masses »…
La monnaie
Réf : l’ouvrage intitulé « Les paysans – XVème au XIXème siècle« , de Gabriel Audisio (Armand Colin – 1993), « L’identité de la France – T2″, de Fernand Braudel (Arthaud-Flammarion 1986) et l’HistoiredeFrance » (Hachette).
Sous l’Ancien Régime, il y avait une « monnaie de compte« , qui servait à exprimer les prix des produits et des services; l’ unité étaient la « livre tournois« , divisée en 20 « sols » (ou « sous« , selon les régions), le sol valant 12 « deniers« .
Mais les paiements s’effectuaient en « monnaie réelle« , faite de pièces métalliques, formées d’alliages pouvant contenir une partie de métal précieux (or ou argent). Il y avait des Louis d’or et des écus, d’or ou d’argent, ainsi que des pièces de faible valeur (sou, denier et liard) en cuivre ou en billon (cuivre et argent).
Cette « livre tournois » est un héritage de l’époque de Charlemagne, qui, par sa réforme de 781, a défini la livre, correspondant à une livre-poids d’argent, dans laquelle on taillait 240 deniers, pièces commodes à manier. Mais au cours des siècles suivants, le denier varie : en 1301, la livre vaut 400 deniers; de plus chaque province a une livre différente, la « Raimondine » à Toulouse, la « Tournois » à Tours, la « Parisis » à Paris…Comme monnaie du Roi, la livre Parisis aurait dû l’emporter. La livre Tournois a été préférée « parce qu’elle ouvrait aux Capétiens les possessions des Plantagenets ».
La frappe de ces pièces était devenue monopole royal à la fin du 17ème siècle, et le Roi fixait le rapport entre les deux monnaies par des Edits qui étaient cités dans les contrats ( => formule courante : « selon l’edict du Roy »). L’accroissement des dépenses de l’Etat a entraîné une dévaluation progressive de la livre tournois, passée de l’équivalent de 18 grammes d’argent fin en 1513 à un peu plus de 4 grammes à la Révolution. Autour de l’an 1600, l’écu d’or valait 3 livres. Au 18ème, sous Louis XV, le louis fut fixé à 24 et l’écu à 6 Livres Tournois…
On utilisait aussi les pièces étrangères (florins, ducats, thalers …) qui avaient en elles-mêmes une valeur, selon leur teneur en métal précieux. Quand, le 13 Juin 1639, Jacques de Longueville acheta à Jacques Joyault, laboureur à Malfontaine, la propriété qui devint celle des châtelains de Montillot, il règla comptant les 155 Livres Tournois « en pistoles d’or d’Espagne, escus d’or, pièces de vingt solz et aultres monoyes blanche ayant cours« . L’année suivante, quand Jean Pernot achète deux pièces de terre à Pierre Thomas, à Longueraie et à la Cosme Panerot, il lui paye les 18 livres en pièces de 20 sols.
A la mort de Louis XIV, les caisses de l’Etat étaient vides. Sous Louis XV, le ministre Law créa une banque d’Etat qui émit de la monnaie papier, en principe remboursable en espèces métalliques; mais trop de billets furent émis et la Banque fit faillite… Sous le règne de Louis XVI s’ajouta une crise économique : récoltes trop abondantes, mévente, intempéries, concurrence de l’industrie anglaise, menaces de famine et de chômage…Alors éclata la Révolution.
L’Assemblée Constituante, devant une situation financière désespérée, décide de vendre au profit de l’Etat les biens du Clergé ; elle émet les « assignats« , bons du Trésor remboursables en « Biens nationaux ». Mais là encore on en met trop en circulation : l’assignat de 100 livres 1789 ne vaut plus que 6 sols en 1796…Le Directoire fait en 1797 la banqueroute « des deux tiers ». Le coût de la vie monte en flèche et la population est affamée.
C’est le Général Bonaparte, devenu Premier Consul après le coup d’Etat du 18 brumaire (10 novembre 1799), qui remet de l’ordre dans les finances, avec un Ministère des Finances qui centralise les recettes et un Ministère du Trésor qui organise les dépenses. Il donne à une banque nouvelle créée en 1800, la Banque de France, le monopole de l’émission des billets de banque. Une loi d’Avril 1803 (germinal An XI) organise le nouveau système monétaire, et choisit pour unité une pièce de 5 grammes d’argent, le franc. . La valeur du franc en argent était donc voisine de celle de la Livre Tournois en 1789. Le « franc-germinal » devait rester stable jusqu’à 1914…
Les comptes de Joseph Anne Georges de Lenferna dans cette période de 1806 à 1812 sont exprimés systématiquement en livres, sols et deniers.
La plupart des règlements quotidiens de l’exploitation agricole se font par échange de services ou de marchandises.
Nous lisons dans ce registre que les prestations du journalier Pierre Porcheron sont payées, sur une base de 30 sols par jour « pas nourri », selon le cas, en miel, lait, fromage, plume d’oie, chanvre, bled, beurre, filasse, laine ou graine de sainfoin…, évalués par J.A.G.L. au cours du moment.
En décembre 1807, il achète l’âne du Maire Pierre Berson pour une feuillette de noix …
En avril 1808, il prend chez l’épicier de Brosses du riz et de l’huile d’olive, et donne en acompte 400 fagots…
Une autre fois, il verse en acompte au chapelier de Vézelay un bichet de métail; …à Mr Bernardin, « chirurgien », 2 bichets d’orge…
La comptabilité tenue consiste donc surtout à évaluer ces acomptes et calculer ce qui reste dû.
On constate que dans tous les calculs, la livre est identifiée au « franc-germinal » : une livre de 20 sols équivaut au franc de 100 centimes. Les deux monnaies sont utilisées indifféremment dans le registre de comptes : le 28 Avril 1809, la domestique Françoise Jojot est embauchée à l’année pour « 9 livresd’argent » et desfournitures diverses . Or la livre d’argent n’existe pas; il s’agit bien du franc.
Dans les premières années du livre, seules les impositions sont mentionnées en francs, car établies par l’Administration.
Courant 1811, les « francs » apparaissent plus souvent…
En mai, Antoine Guilloux entreprend le travail de printemps dans les vignes pour un forfait de 24 francs; … en août, un déjeuner à Coulanges est payé 1 livre 5 sols…Le 10 octobre, une livre de pain chez Delignon à Vézelay est payée 4 sols, mais le 10 décembre, la livre de pain chez Antoine Guttin est à 22 centimes…
Parallèlement il faut sortir les anciennes pièces des bas de laine : le 25 Juillet 1809, J.A.G.L. demande à Madame De La Barre de lui faire changer une pièce de 24 livres 1789 en or …
Un autre moyen de paiement couramment utilisé est le « billet de confiance« , simple reconnaissance de dette écrite sur « papier mort » ou sur « papier marqué« . La « recognoissance » indique la date et le lieu de règlement.
Personnel travaillant sur l’exploitation
Les servantes
» Le 15 Juin 1806, j’ai loué pour un an a datter de ce jourdhuy la fille de Claude Lemoux dit Oudot; elle s’apelle Gabriëlle; moyenant 3 bichets moitié orge, moitié métail, 24 livres en argent, un tablier de toile, un autre acheté à ma volonté, un mouchoir, et fourni de sabots… »
Les registres d’état-civil nous fournissent quelques précisions. Il s’agit de Gabrielle Lemoux, fille de Claude et de Brigitte Pernot, née à Montillot en avril 1791. Elle a donc 15 ans au moment de son « embauche ». On peut estimer son salaire à partir des prix en vigueur : 24 francs + 3 bichets de grains à 5 francs => 15 F. + tabliers, sabots, …=> environ 4 F. Total 43 Francs pour l’année, soit 12 centimes, un peu plus de 2 sous par jour. Cela paraît faible, mais il faut considérer d’une part, que le logement et la nourriture sont assurés, d’autre part qu’il s’agit d’un réel apprentissage de tous les travaux domestiques.
Gabrielle Lemoux est décédée en Avril 1819.
Le 15 Septembre 1807, »…j’ai loué une servante, elle se nomme Edmée, de Defert dit Major, elle gagne en argent pour un an 18 livres, 3 bichets de mouture, la plume de poule, 2 chemises, fournie de sabots, un tablier de toille, un mouchoir… »
Il s’agit d’EdméeDefert, fille de Claude Defert, manouvrier, et de Marie Guilloux, née en Août 1782; elle a donc 25 ans; cousine éloignée du notaire Antoine-Jacques Defert, descendant comme lui de Jehan Defert, lieutenant du bailliage dans la deuxième moitié du 17ème siècle.
Son salaire: 18 + (3×5) + 4 = 37 Francs environ … Surprenant, en comparaison de Gabrielle, vu son âge …
Le 11 Septembre 1808, J.A.G.L. note « dimanche, …compté avec Edmée Defert, je lui ai donné aujourd’huy 5 l. 5 s.; je lui redois encore pour tout 2 l. 6 s. Elle est sorti de jeudy dernier… »
Edmée Defert épousera Edme Mazillier, manouvrier, en novembre 1810.
Pas de servante pendant 2 mois. Note du 30 Novembre : » ma femme a loué une servantte pour 6 mois a datter du 14 Novembre moyenant 12 francs, un tablier de toille de ménage et fournie de sabots; elle s’apelle Jeanne Grasset. »
C’est la fille de Jean Grasset, manouvrier, et de Marie Porcheron, née en juin 1790; elle a 18 ans.
Son salaire : 14 à 15 francs seulement pour 6 mois…
Jeanne Grasset épousera Edme Degoix, manoeuvre, en décembre 1812.
Le 28 Avril 1809, « Jeanne Grasset, domestique, est en allée de ce matin; Françoise Jojot, dit Goujard, est entrée à sa place. Elle gagne 9 livres en argent, 3 bichets de mouture (métail et orge), 2 chemises, un tablier de toille, un habit de poulangy barré et un mouchoir, et fournie de sabots, pour un an à commencer d’aujourd’huy ».
Françoise Jojot, née en décembre 1792, est la fille de Claude, manouvrier et de Jeanne Bouveau. Elle a 16 ans. Salaire: environ 30 Francs pour un an. Nous restons à moins de 2 sous par jour ! Françoise est jugée capable de missions de confiance : le 10 décembre 1809, elle » a mené vendre la filasse à Auxerre; elle est revenue d’hyer et en a raporté 37 livres pour le prix; elle l’a vendu 17 sols la livre »…
Le 30 Avril 1810, « ma femme a loué pour servantte Gabriëlle Forgeot (a commencer d’hyer), moyenant 12 livres en argent, 2 paires de bas que sa mère fera ou fera faire; 2 chemises, un tablier et une coëffe, le tout en toille de ménage, un habit Barré de Boëge, et 3 bichets de grain, dont un boiceau de froment, un bichet de métail et 3 boiceaux d’orge, le tout pour un an. »
Gabrielle Forgeot est la fille de Jacques et de Marie Berson ; née en juillet 1795, elle a eu pour parrain un De Villenaut, frère de Mme de Lenferna. Elle a donc à peine 15 ans. Son père est probablement décédé au cours de ce printemps 1810; sa mère, dite « Marie La Jacotte », travaille à la journée chez les Lenferna depuis plusieurs années. Son salaire est de l’ordre de 35 francs.
Nous notons que « le 13 Janvier 1811, Edme Jojot, tisserand, a apporté 5 aulnes 1/2 de Poulangis barré pour Gabriël Forgeot », et que le 1er Avril « la femme de Pierre Porcheron a fait les chemises et le corset de gabrielle Forgeot »… Le contrat sera respecté…
Gabrielle est restée 2 ans chez les Lenferna. Le 17 Avril 1812, « elle est sortie »…« pour s’en aller chez sa mère »…
Le 23 Avril suivant, « Jeanne Berthoux, de Bouteau, est entré chez nous pour servantte aujourd’huy ». Elle participe activement au travail des champs : « le 6 octobre, Françoise Jojot et Jeanne Berthoux, domestique, ont arraché 12 billouts de pommes de terre dans les Champs du Perron »…
Les métayers
Nous ne disposons pas du texte du bail de métayage.
Nous constatons que le métayer cultive une grande partie des propriétés Lenferna.
Il est logé dans des bâtiments d’exploitation proches de la demeure du châtelain, le « Domaine de Toucheboeuf ».
Il dispose de bétail : boeufs (au moins 8…), vaches, moutons, porcs, (les « bestiaux » du Domaine étaient estimés en avril 1808 à 670 livres)… et quelques ruches.
J.A.G.L. lui remet la moitié des semences et reçoit la moitié des récoltes.
Le métayer doit assurer l’entretien des bâtiments du « Domaine », payer la moitié des impositions et du coût de la « garde champêtre » (ce dernier se monte à 4 livres par an)… Par exemple, le 22 Septembre 1810, « Pierre Brisedoux, couvreur, a mis sur les bâtiments du Domaine 16 gerbes de gluis. C’est le métayer qui le doit payer et nourir… »
Au début du registre de comptes, en 1807, le métayer est Pierre Moreau, de Fontenille.
Il résilie brusquement, le 20 Avril 1808. On ne connaît pas la raison de cette rupture de bail qui intervient entre les semailles et la récolte : il a fallu 8 mois pour régler le problème du transfert de contrat, avec frais d’experts et de notaire…
« Le 25 Avril, j’ai passé bail avec Claude Bailly, de Montillot, devant Defert, notaire ».
En fait, il s’agit de Claude Savart, dit « Bailly », né en 1768 à Vézelay, marié en 1794 avec Marie Jojot, et manouvrier à Montillot.
Le nom de Claude Savart apparaît sur 250 pages du registre, et souvent plusieurs fois par page !
C’est que J.A.G.L. rapporte chaque jour non seulement ce que fait le métayer, mais aussi tout ce qu’il lui demande de faire pour son compte : charrois de bois, de fagots, de paisseaux, de chanvre, de foin, de pommes de terre, de fumier, de pierres et de sable; labours des pièces « réservées », semailles, piochages, sciage de bois …; ainsi que tous les échanges de produits effectués selon les besoins quotidiens des deux parties (grains, paille, pain, gléneaux de gluis…); plus les remises de grains de semences et les partages des récoltes, champ par champ …
A la fin du livre de comptes, le 31 Décembre 1812, Claude Savart est toujours métayer; aucun différend n’est noté en plus de 4 ans …
Journaliers et journalières
Les hommes…
Nous avons vu que l’un des journaliers est cité presque deux cents fois dans le registre de J.A.G.L. :Pierre Porcheron, dit « Cascaret » . C’est un manouvrier, utilisé pour toutes sortes de travaux : moisson, battage, maçonnerie, terrassement …
LesPorcheron font partie des plus anciennes familles de Montillot. On trouve dans les Registres Paroissiaux l’ancêtre Estienne Pourcheron, né vers 1627, époux de Claudine Hugotte.
Notre Pierre Porcheron, né en Octobre 1753, fils de Claude et de Catherine Defert, a 54 ans en 1808.
Remarié en 1783 avec Anne Guilloux, il a eu avec elle 5 enfants, dont l’un, Antoine, est mort aux Armées en 1809, et un autre Edme, âgé de 17 ans, participe aux travaux salariés de son père, ainsi que, plus rarement, sa soeur Gabrielle (24 ans) ; suivent deux autres plus jeunes, Pierre et Denis…
Edme a épousé en 1813 Marie Savelly. Les Porcheron des générations actuelles sont ses descendants directs…Anne Guilloux est décédée en 1814 à 55 ans; et Pierre en 1823 à 70 ans .
« Cascaret » apparaît à la page 35 du registre, le 26 juillet 1808; il fait partie de l’équipe de moissonneurs (certains jours il y a les 2 moissonneurs « à forfait » et 8 journaliers). Ce jour là, c’est lui qui creuse le trou pour enterrer le cheval. Ensuite il revient tous les jours jusqu’en fin de saison.
« Le 27 Novembre …, compté avec Pierre Porcheron, dit Cascaret, les journées et celles de son garçon, montant en tout à 47 journées dont 7 à une livre, fait ………………………….7 l.
14 à 30 sols fait 21 livres cy …………………………………………………………. 21 l.
et 26 journées à 1 livre 5 sols fait en tout ………………………………………….33 l. 10 s.
ce qui fait au total ……………………………………………………………………….61 l. 10 s.
A reçu tant pour bois, noix, chanvre, poires et argent en tout ………………..42 l. 5 s.
Lui esr redût pour tout …………………………………………………………………. 19 l. 5 s.
Plus compté avec le dit Pierre Porcheron les journées qu’il a fait pour le compte des maçons au nombre de 32 journées et demie, scavoir 27 journées à 30 sols fait …………………40 l. 10 s.
et 5 jours et demi à 1 livre 5 sols, fait ………………………………………………………. 7 l. 7 s. 6 d.
en tout ………………………………………………………………………………………………47 l. 17 s. 6 d.
Je lui ai donné aujourd’huy pour le compte des maçons …………………………………12 l.
Lui reste dût pour tout ……………………………………………………………………………35 l. 17 s. 6 d… »
Un autre exemple de contrat montre que les propriétaires « alignent » entre eux les salaires qu’ils versent : « le 4 septembre,…entrepris à P.P. et à Antoine Le Fermier les granges à battre au même prix que Mme Peinnier donne pour battre les siennes et a raison de 1l.5s. par jour pas nourris pour eux et moitié pour leurs garçons pour battre les semences. Je ne suis chargé de rien fournir, n’y huille, n’y fléaux…Quand aux gluis qu’ils feront, ce sera le prix courant… »
Durant l’hiver et le printemps qui suivent, Cascaret fait avec son fils des charrois et des travaux de terrassement ainsi que de la manutention pour les maçons qui travaillent dans la propriété. En avril, il plante les pommes de terre; en mai, il sombre les vignes. En juin, nous lisons : « amodié à P.P. le sainfoin des Vignes moyenant 4 sols la botte du poids de 12 à 14 livres; il doit fanner, charier et botteler les sainfoin, battre et vanner la graine que je me suis réservé en totalitté ».
Fin juin, il « travaille à niveler la cour ». Mais il est noté « le 1er Juillet 1809 P.P. n’a pas travaillé »…!
On fait les comptes le 6 Août : il lui est dû 82 livres 16 sols.
Et le cycle annuel recommence, avec la moisson, à la journée, – à 1 livre 10 sols « pas nourri », et 1 livre « nourri » -…Et dès ce 6 Août, J.A.G.L. lui traite le battage à la tâche (voir plus haut le § « céréales »).
Mais il reste « surveillé » de près : « le 31 Juillet 1810, P.P. a battu 4 jerbes d’orje et 3 jerbes froment, dont une en entier battuë les 2 autres brigandées, il n’a travaillé que jusques à midy et a étté nourri »…! Les bons comptes …
En novembre, avec son fils, il transporte les pierres de « la muraille ancienne du jardin pour faire la nouvelle »…
En 1808, c’est Jean Defert qui avait été « loué » pour la moisson, à raison de 6 bichets un boiceau, moitié orge et moitié métail »,et, en plus, « 4 journées »…(c’est-à dire à peu près 36 francs).
Après la moisson, il a participé au battage; et de même chacune des années suivantes. Entre temps, travaux divers : arrachage des pommes de terre, curage de la mare ( le Croc des Joncs était alors propriété Lenferna), coupe de bois, trempage du chanvre…Mais dans le livre de comptes, il reste « Jean Defert, dit Le Dizier, le moissonneur »…
Edme Ventenay fend du bois, Moré Defert arrache les pommes de terre, Vincent Guttin fauche, Jacques Fleury sombre les vignes et cure la mare…
Certains journaliers, eux-mêmes propriétaires et exploitants, complètent leurs ressources par des travaux salariés épisodiques au « Château », selon leurs compétences particulières.
Ainsi Lazare Poulain (33 ans), apparaît comme moissonneur à la première page du livre en 1807. Un jour de mars 1808, il « dîne » avec J.A.G.L. à Vézelay (2 repas pour 1 l. 18 s. soit 1 F. 90 c.). Il s’occupe surtout des vignes et du jardin.
Dominique Mazilier (50 ans en 1808), vigneron et tonnelier, prépare les tonneaux avant la vendange; pour une livre 15 sols par jour de tonnelage, mais 1 livre seulement par jour de battage. En janvier 1809, J.A.G.L. lui achète un cochon pour 40 livres…
Etienne Guttin ( 54 ans) – on l’appelle « Tiénon » -, tue les cochons et sa femme Edmée Porcheron, « la Tiénotte » – , va laver les boyaux à la fontaine du Vaudonjon…
Denis Garnier, de la Charbonnière, s’occupe des ruches.
Lazare Philipon, de Baudelaine, est bûcheron; il abat et débite le bois et confectionne des fagots de brindilles et d’épines par centaines dans son « attelier ».
Claude Jojot, dit « Goujard », fauche les prés et les champs de trèfle et de sainfoin, coupe et prépare les paisseaux, participe au battage…
Edme Porcheron, dit « Le Père Pointu », laboureur, charrie avec ses chevaux le sable de la rivière et les pierres de taille de la carrière des « Côtes de la St Jean ».
Claude Defert (21 ans, 15 sols par jour), frère de la servante Edmée; Edme Mazilier (21), – fils d’Emiland, dit « Milan » et neveu de Dominique -; Jean Jojot, Etienne Brisedoux, – dit « Lucas » – tous « travaillent » le chanvre; ce sont les « feurtiers ».
Antoine Guilloux, dit « le Fermier », « façonne » les vignes au printemps…
Gabriel Tixier, de Baudelaine, « a labouré dans les Champs- Gauthiers avec ses quatre boeufs »
Pierre Forgeot « pique » la vigne, plante des arbres, bêche dans le jardin, empaille les chaises, fait des paillassons avec de la ficelle de chanvre…Il est aussi employé par Madame De La Barre à Auxerre.
Pierre Degoix, – pourtant huilier -, fait des charrois de bois et de paisseaux.
Vincent Joublin vient de Tameron panser les vaches malades…
…….
Dans certains cas de paiement en nature, J.A.G.L. estime lui-même le cours de ses « produits » : « le 2 May 1810,donné à « Amelot Louise » (Edme Guttin), gendre Porcheron, deux hôttées de fumier de pigeon pour lesquelles il fera 4 journées quand on le demandera »…!
Les femmes
Les femmes constituent une part importante du personnel employé par les Lenferna.
Le 1er paragraphe du registre a trait au « louage » en 1806 de la servante Gabrielle Lemoux.
Dès la 2ème page, en août 1807, « Catherine Guttin a travaillé à débarrasser le grenier et la cour, ce qui fait 2 journées qui lui sont dûts ». C’est la fille d’Etienne et d’Edmée (Porcheron). Elle a alors 19 ans. Elle se mariera en 1815 avec son cousin Lazare Guttin.
Puis en janvier 1808, « Jeanne Defert, couturière,a travaillé à faire mes chemises ». Elle aura bientôt 20 ans. C’est l’une des 3 filles du notaire Antoine Jacques Defert. Ses soeurs Brigide (21 ans) et Françoise (14 ans) l’ aident quelquefois. En décembre, elle coupe une redingote et un gilet pour les maîtres (7 journées de couture : 64 sols).
Comme pour les hommes, on peut distinguer les manouvrières, « polyvalentes », et les « spécialistes ».
Parmi ces dernières, on trouve plusieurs couturières, en plus de Jeanne Defert : X… Pernot, dite « La Croquotte »; Marie Carillon (22 ans en 1908), nièce du notaire, qui a épousé Moré Trémeau en 1809; une femme de Châtel-Censoir et une fille Carillon de Lucy; « la Villatte« , nièce de Mme Maupin, femme du garde-forestier.
Il y a aussi la Veuve Chardon, matelassière au Bois d’Arcy, qui vient travailler à domicile.
Et toutes les fileuses, déjà citées…
Parmi les manouvrières, reviennent souvent « les 2 Gourdonnes » . Leur surnom vient de leur mère. Il s’agit de Françoise – qu’on appelle « Fanchon » – et de Claudine Trémeau (Vve Jean Villiers), filles de Claude Trémeau et de Claudine Gourdon. Encore bien vaillantes, bien qu’âgées de 69 et 71 ans, on les trouve en 1809 à la lessive, à l’épandage du fumier, à l’arrachage et au teillage du chanvre…Claudine est morte en 1810 et Françoise en 1816.
La mère de la servante Gabrielle Forgeot, Marie Berson (41 ans en 1808) – « Marie La Jacotte » -, veuve elle aussi, participe à tous les travaux de la maison et des champs : lessives à Malfontaine, accolage des vignes, arrachage des chènevières …
Il y a aussi Madeleine Defert, l' »arracheuse de paisseaux » rencontrée plus haut; JeanneBrisedoux (33 ans), – dite « Lucas », fille de Luc et de Marie Defert, louée pour la moisson 1808, et qui, en d’autres périodes, sarcle, « fanne » le foin…; « Marie Porcheron, la femme à Vincent Guttin », la Veuve d’Edme Fleury, les femmes de Claude Poulain, Edme Jojot (tisserand), Dominique Mazilier, Etienne Brisedoux …
Agathe Degoix (39 ans), dite « La Bankalle », veuve Lévêque, soeur de Pierre, l’huilier, arrache les pommes de terre, épand le fumier, fait la lessive, pioche les haricots, et file…Pour une journée de moisson, elle est payée 15 sols.
Agathe Degoix se remariera en 1813 avec Jean Philipon, et en 1826 avec Claude Porcheron. .
Les 2 filles de Claude Lemoux, Gabrielle (17 ans) et Françoise (14), délient les gerbes avant le battage…
Il y a aussi l' »Attache de Baudelaine », fileuse, – probablement une veuve François Carillon -, et une mystérieuse « fille à la Chaîne », aussi de Baudelaine, qui a fait une journée de vendanges en 1809…
Les artisans
Les maçons, indépendants, sont souvent présents dans la propriété au cours des années 1808 à 1811, J.A.G.L. ayant jugé nécessaires réparations et aménagements divers.
Début Janvier 1808, Edme Soeur et Pierre Brisedoux, – « couvreur en gluy » sur les actes d’état-civil) -, remontent un mur à la Métairie : 4 toises et demie à 3 livres soit 14 livres…En avril, 3 toises 1/4 de mur de jardin.
« Le 29 May », …, E.S. et P.B., maçons, l’un à Montillot, l’autre au Vaudonjon, ont entrepris la construction de murs de clotture de la cour, toitons, …etc, de l’épaisseur de 18 pouces à 2 pieds tant en terre qu’à ciment et à pierre sèche, hauteur 7 pieds hors de terre chapeau compris a raison de 3 livres la toise. Ils sont chargés de creuser les fondations, démolir les anciens murs, d’aprocher la pierre …etc. L’ouvrage sera sujet à visitte, ils ne savent signer ny l’un ny l’autre ». Ce travail a commencé le 18 Juillet.
Au cours des mois suivants, la toiture de la grange est enlevée, – avec l’aide du charronToussaintDefert et du charpentierEtienne Pernot -, puis la charpente démontée et vendue 320 livres à Claude Carillon, charpentier à Lucy.
En août et septembre, taille de la pierre des portes des « toittons », puis « lattage » et couverture en laves (pierres plates). Pose – pour 2 livres – de 20 carreaux à la fenêtre de la cuisine par le vitrier de Vézelay.
Le maréchal JacquesFournier, de Montillot, effectue divers travaux : pose de la porte du poulailler, des ferrures des portes des toitons, d’un crampon au tour du puits, de loquets à une porte vitrée, d’un verrou à la porte du métayer; réparation de la serrure de la porte de la grange et d’une dent d’un piochon; ferrage du cheval …J.A.G.L. nous détaille : » Le 10 Septembre,…,Fournier a embattu la rouë de la brouette, il a fourni le fer et les cloux. Il m’en a de plus fait des cloux pour les porttes. Je lui ai donné le fer pour les faire… » En acompte, il aura le 14 Avril suivant : 16 pieds 6 pouces de chêne à 1l.5s. le pied…
Il y a bien un autre maréchal à Montillot, Jacques Cuiller; mais J.A.G.L. n’a pas recours à ses compétences d’artisan; il lui achète des « faix » de paille …
Intervient aussi Boignard, menuisier Place de la Madeleine à Vézelay, qui a fourni et posé des portes et des croisées, – dont la porte d’entrée de la maison en novembre 1808 -. Il a reçu en acompte 900 paisseaux à 8 sols la botte de 50…!
En octobre, on a réparé le colombier, muré la porte de la cuisine côté jardin, taillé des marches en pierre, crépi l’intérieur du poulailler…
Le 27 Novembre, un premier décompte est fait:
– avec Pierre Brisedoux = 36 journées, dont 9 à 1l.16s. (soit 1 F 80c.), une à 2l.5s.(2F.25c.), et 26 à 2 livres, en tout 69 livres.
– avec Edme Soeur, 20 journées dont une à 2l.5s. et 19 à 40 sols (2 F.) , en tout 40 l.5s. Mais ce dernier a déjà reçu en acomptes – argent, poires, 1 feuillette de noix, des cercles de tonneaux …pour 59 l.5s. Reste 19 livres; « ôtté 3 l. pour pot de vin du marché, reste en tout 16 livres… »
Durant les premiers mois de 1809, on a « renfaîtté la grange et recarlé le four du Domaine », « jeté à bas le pignon de la grange », taillé et posé des pierres pour la grande porte de la cour, monté le mur de la cour. Le 25 juin, « toisé l’ouvrage des maçons, il y a en tout 118 toises »…, ce qui fait 354 livres en tout.
« Le 7 juin, j’ai étté à Asquins chez le thuilier nommé Claude Lairot, dit Le Petiot, chercher 350 thuilles et 18 faîtières, que je lui dois, à raison de 1l.16s. le cent de thuile et 6 sols par faîtière, en tout 11l.14s. »
Début juin, la cheminée a été commencée, « entreprise » par le maçon « Edme Jojot, de Boutaut ».
En juin 1810, les deux maçons du Vaudonjon, Edme Mercier et Edme Soeur, « commencent les murs du nouveau jardin. Ils gagnent 2 livres la toise ». Le 19, ils ont fini ce mur « jusqu’au Tournant du Crot du Charme ». Ils l’ont terminé en février 1811 (48 toises). Ils ont aussi « démoli l’ancienne grande porte de la cour et ont commencé à la murer ». En novembre, J.A.G.L. vend pour 8 Francs et fait livrer au Vaudonjon à Edme Mercier « une porte en pierre de taille qui était dans la cour ».
Pierre Pernot est menuisier à Montillot : pour la maison Lenferna, il répare des portes, fabrique une porte de placard vitrée et une table pour le « cabinet » de J.A.G.L. Il reçoit en acompte 2 livres de laine blanche ! La journée d’EtiennePernot, dit Pasqueau, charpentier, est payée 2 l. 10 s. en 1808…
Quelques actes de la vie quotidienne chez les Lenferna
Déplacements locaux et voyages.
Vézelay : J.A.G.L. manque rarement la foire mensuelle de Vézelay. Aller et retour se font facilement dans la journée, probablement à cheval s’il est seul, par le chemin direct passant à Asquins. Il y retourne une ou deux fois dans le mois, ou bien y envoie un membre de son personnel.
Il arrive qu’il y aille seulement pour se faire couper les cheveux, chez le « perruquier » Gilet, moyennant 4 à 10 sols.
Mais en général, il rencontre les commerçants et artisans du lieu : le menuisier Boignard, le chapelier Rebrejet, les tailleurs Zimer et Bidault, le sellier Forestier ,- qui lui répare sa selle et sa culotte de peau et lui fournit des guêtres -, l’armurier Saingeon, – pour l’entretien de son fusil et de ses pistolets -, le boulanger Delignon…Il achète du sel. Il prend les « remèdes » ordonnés par son ami le médecin J.B.Reuche et préparés par Mr Bernardin, Officier de santé, pharmacien. Il dépose son courrier au bureau de la Poste et relève les lettres arrivées à son nom. Il remet au « Commissionnaire » Baron une liste d’achats à effectuer à Auxerre pour ses propres besoins. Il lui arrive de consulter le notaire Monsaingeon, ou l’un des huissiers, soit Fontenay, soit Richebraque, soit Morand, – dit »La Fleur »- …
Lorsqu’il est accompagné de son fils et de son neveu, il leur achète des gâteaux, du pain d’épices, des châtaignes …
Avallon : …une ou deux fois dans le mois. Ce voyage se fait aussi dans la journée.
On va à Blannay, par les Hérodats. Il n’y a pas encore de pont. Le passeur Eloi Foin demande 5 sols pour l’homme et son cheval. La traversée est courte, mais on a le temps de faire du commerce : le passeur lui vend des graines de raves, et en juillet 1810, J.A.G.L. lui cède des « courbes » de bateau pour réparer le sien…!
Il rend visite à son avoué, Maître Houdaille, plusieurs « affaires » d’héritage et de partage étant en cours. Il va aussi chez le quincaillier Prat. A midi, il « dîne » à l’auberge; le 7 Juin 1808, il paye pour son cheval et lui 3 livres 16 sols (3F 80).
Au retour, il peut acheter à Valloux des saucisses et des échaudés…
Ensuite, il repasse la Cure et il lui arrive de s’arrêter à Blannay chez son oncle maternel Destut (…de Blannay) et même d’y coucher avant de rentrer à Montillot.
Auxerre : Avant son mariage, J.A.G.L. habitait Gurgy, à 6 km d’Auxerre. Il venait donc souvent dans cette ville et y avait ses fournisseurs attitrés.
Son nouveau domicile, Montillot, est nettement plus éloigné, – environ 35 km -.
Il fait donc ce voyage en 2 étapes, avec arrêt pour la nuit, soit à Vermenton, chez l’aubergiste Ouvré, soit à Bazarnes chez Grandjean. Il y a aussi un « passage de bateau » à 6 sols (0ù exactement ?).
Le trajet est parcouru certaines fois uniquement à cheval.
Il peut aussi se faire amener à Vermenton, et utiliser ensuite le service du « carioleur » Spanelle jusqu’à Auxerre (1 livre 14 sols / 1 F. 70c., …et 4 sols de plus pour un paquet). Il y a un arrêt à Saint-Bris, et on peut y déjeuner. Une fois, il dit avoir pris la « diligence »…
Une autre fois, il y va avec son beau-frère De Villenaut en voiture tirée par leurs deux chevaux…
Il reste plusieurs jours au chef-lieu, et loge en général chez Carillon, à l’Auberge « A la Bouteille », Rue du Pont.
Fin 1807 et début 1808, il va à Gurgy à chacun de ces voyages : la propriété familiale a été vendue à un Auxerrois, Mr Duché-Desarchies. Il faut régler les formalités de transfert, et aussi vendre ou déménager les meubles et objets personnels. En février, J.A.G.L. reste 3 semaines à Auxerre; deux charretiers de Gurgy ramènent ses affaires à Montillot.
Ensuite, il ne viendra plus qu’une ou deux fois par an, continuant à fréquenter quelques commerçants et artisans : le pâtissier Rousseau; le bourrelier Auvigne; le tailleur Potherat, rue Joubert; le drapier Gremaret; le chapelier Baudelot; le coutelier Dupray, rue du Marché aux Poules; le cordier Sognet; les perruquiers Tulout et Clopet (coupe de cheveux : 5 à 8 sols). Il achète une faux (4 l. 5 s.) au chaudronnier Delsus, rue Joubert; un entonnoir, des arrosoirs, des balances …au ferblantier Cremeret; des livres aux libraires Marie, rue Dampierre, et Petit, rue de Paris…
Entre temps, il fait faire ses achats par le commissionnaire Baron de Vézelay et par Pierre, le conducteur de la diligence, ou bien par le personnel de son amie et cousine Mme De La Barre…
Etais : Cinq ou 6 fois au moins par an, J.A.G.L. et son épouse, – le plus souvent séparément -, vont passer quelques jours au Domaine du Colombier, – sur la commune d’Etais-la-Sauvin -, propriété de famille des de Villenaut. C’est le Chevalier Pierre Mullot de Villenaut, l’un des frères de Mme de Lenferna, qui y demeure; son fils aîné, né en 1802, vient souvent à Montillot jouer avec son cousin Alexandre, le « Petit » Lenferna.
Comme pour Auxerre, il y a plus de 30 km à parcourir; le voyage se fait en deux étapes. On passe par Asnières, Coulanges sur Yonne et Andryes. On couche en général à Coulanges, chez l’aubergiste Coulon (…payé 1 l. 17 sols, le 5 Mars 1808, avec le dîner, plus un quart d’avoine pour le cheval…).
Il arrive qu’on fasse tout le trajet dans la journée.
On peut aussi faire la route « à âne » : » le 31 Décembre 1808, ma femme est partie avec Jean Boussard pour Etais avec mon Petit et le Petit du Chevalier de Villenaut sur deux asnes… ».
Mais il faut en général une voiture pour Madame de Lenferna, et aussi pour transporter des marchandises diverses. En avril 1810, « le domestique de Madame de La Barre a étté à Etais avec un âne chercher ma femme… ». Et le 2 juin 1812, » j’ai ramené de chez le Chevalier mon beau-frère une petite truye et une poule caude … »
Paris : A signaler un seul voyage à Paris en Juillet 1812 : J.A.G.L. allait chercher sa mère à Belleville (voir plus loin dans le § « Cercle familial »).
L’approvisionnement du ménage
Nourriture :le boulanger Delignon, – gendre Gutteron -, apporte de Vézelay, le samedi ou le dimanche, 18 livres de pain (à 3 sols la livre), pour la semaine.
Le boulanger-cabaretier de Montillot n’apparaît dans les comptes qu’en 1811; il est probable qu’AntoineGuttin, qui a épousé en décembre 1810 Marie Girard, de Saint-Père, ne s’est installé qu’après son mariage.
En 1811, le livre de comptes indique des achats de pain chez lui tous les 3 ou 4 jours, alors que les livraisons de Vézelay se raréfient. Cette année-là, le prix augmenta sensiblement, à 5 sols (25 centimes) la livre, puis à 42,5 centimes en avril – pain blanc -, et 6 sols (30 c.) le pain bis, cité ici pour la 1ère fois…. En octobre, les prix ont commencé à baisser. Aucun commentaire n’est fourni…Mais l’historien Braudel nous dit « en 1812, la France a été cassée en deux par une disette effroyable ». Suite à des conditions météorologiques très défavorables, le froment a manqué. A Montillot, le bichet est monté de 8 à 15 francs.
D’après les tableaux de récoltes de J.A.G.L., celle de 1811 n’a pas été mauvaise. Montillot a donc subi seulement les conséquences de la montée du cours du blé.
On note très peu d’achats de viande au détail; les produits de l’exploitation – porcs, volailles…-, complétés par des achats de demi-porcs, devaient suffire. Exceptionnellement, on lit : « 2 livres de viande : 12 sols »; … »1 livre de veau : 6 sols; … »1 livre de cochon : 8 sols »…
Le lait est produit sur place; exceptionnellement, en novembre 1810, « payé pour une écuellée et demie de lait à Marie la Pointu : 3 sols … »
Fromage etbeurre sont faits à la maison.
Les légumes viennent des champs (pommes de terre) et du jardin.
Epicerie : quelques prix …
– 1 livre de sel pour 4 sols 6 deniers
– 1 livre de beurre : 15 sols
– 4 harengs pour 5 sols
– 1 livre de riz à 12 sols
– huile d’olive – un luxe …! – 2 l. 4 s. la livre
– 1/2 livre de sucre : 2 l. 2 s.
– fromage de Brie à 10 sols la livre
– 1 livre de farine à 6 sols
– 1 livre de lard à 12 sols
– 1 livre de vermicelle : 75 centimes…
Vin: il est produit dans la propriété. Mais on en achète quelquefois :
– 1 bouteille de vin de Vaudonjon à 23 centimes
– 1 feuillette de vin d’Escolives ( de chez Laurent Rousseau) : 27 F.50 c.
– 1 feuillette de vin rouge nouveau de Montillot : 28 livres…
Le 1er Novembre 1808, « donné à Agathe Degoix,…, pour un quart de vin qu’elle m’a vendu, un bichet de froment … »
Fournitures diverses
– 1 paire de sabots d’enfant : 8 sols; une autre fois : 16 sols…
– 1 paire de sabots pour la servante : 11 à 12 sols
– 1 livre de chandelle : 80 c.
– 1 livre de savon : 1 l. 6 s.
– 1 savonnette : 12 s.
– 1 livre de tabac (en 1812) : 4 l. 16 s. (4 F. 80 c.)
– 1 livre de laine à la foire de Vézelay : 2 livres
– 2 aulnes de toile (à Avallon) : 5 l. 10 s…
– 1 aulne de « cotton gratté » à 3 F. 60 c.
– 1 aulne de « toille de doublure » à 8 F. 40 c.
– 1 main de papier à 8 sols
– 1/2 rame de papier (« prise à la papeterie du Vault, près d’Avallon ») : 5 l. 10 s.
Habillement
Cette catégorie d’achats permet de faire apparaître quelques « indices » de la « classe sociale » du couple Lenferna.
Il est vraisemblable en effet que seule une garde-robe « bourgeoise » pouvait contenir :
pour Monsieur:
une culotte de peau de daim
un gilet en « espagnolette croisée » blanche
une houppelande avec doublure en velours
un gilet « de Nankin » (?)
deux gilets de velours de soie
un gilet à manches, « en espagnolette croisée blanche d’Arntal »
une culotte « de Cazimir » (?)
des escarpins sur mesure
une coiffe de chapeau en taffetas gommé avec ruban
des gants de peau
des bas de soie noire (achetés 21 Francs à Paris !)
un chapeau de chez Rebrejet à Vézelay, pour 24 livres…
pour Madame:
on tire peu de chose du livre de comptes : d’une part , Madame de Lenferna fait certainement ses achats elle-même, sur ses propres deniers; d’autre part, elle a à sa disposition des couturières à domicile … On note seulement l’achat d’un chapeau à 8 livres et d’un ruban à 1 l. 14 s.(à Avallon).
pour le « Petit » Alexandre :
dès février 1808, – il a à peine 2 ans -, on lui achète à Auxerre une paire de sabots à 16 sols, et un chapeau à 6 livres…
Un peu plus tard, un autre chapeau à 6 livres…
Puis, chez le chapelier Rebrejet de Vézelay, une « casquette en percalle »,
puis une « casquette en maroquin vert »…
Un « habit veste et une carmagnole » …
Extras : on note quelques dépenses exceptionnelles au cours de certaines « sorties », à Auxerre ou Paris : restaurants, spectacles, loteries …
Acheminement des marchandises et du courrier.
On ne peut aller soi-même faire ses courses chaque jour dans les bourgs et villes de la région.
Il existe donc des « commissionnaires « attitrés, tels Baron à Vézelay et Marceau au Châtel-Censoir, qui vont régulièrement à Auxerre et, en rapportent dans chaque village les marchandises commandées.
Est citée une fois Brigitte, la « messagère de Vézelay » …
En plus, on fait quotidiennement appel aux particuliers qui, allant en ville pour leurs propres besoins, le font savoir à leurs voisins, et, moyennant rétribution, se chargent de leurs commissions.
On voit ainsi J.A.G.L. utiliser couramment pour Auxerre les services de Jacques Forgeot, dit « Tracas » – marchand de sabots -, de Jean Jojot, du blatayer Claude Berthoux, de Pierre Miguière …
Il y a aussi Anne Roubeau, mariée à Gabriel Trémeau, qui est cuisinière à Auxerre chez Madame De La Barre, et revient périodiquement à Montillot, en apportant divers objets; au retour, elle emporte du courrier…On voit le médecin Reuche apporter le courrier de Vézelay en rendant visite à un malade, le percepteur Thionville livrer des pointes et des pastilles d’Ipecahuana…
Et des artisans et commerçants « itinérants », tel Edme Jojot, dit « Grillot », meunier du Châtel-Censoir, qui va souvent à Clamecy…
Pour Paris, on utilise très couramment les services de Jean Boussard, « sous-meneur »; à ce titre, il accompagne les femmes qui, munies d’un « certficat d’allaitement », vont chercher des nourrissons dans la région parisienne. Il rapporte à J.A.G.L. des graines pour son jardin, achetées chez « Vilmorin-Andrieux, marchand grainier Quai de la Mégisserie dit de la Ferraille »…On lui confie aussi des commisions pour Auxerre, dont il s’acquitte au passage.
Le courrier suit les mêmes cheminements. Il y a des bureaux de poste à Vézelay, Vermenton, Avallon, Clamecy. Mais il ne semble pas exister de voitures postales réservées à cet usage. Les commissionnaires, – et les particuliers qui se déplacent -, se chargent aussi des lettres, sur la base des mêmes tarifs. Le port est payé, selon le cas, au départ ou à l’arrivée; ordre de grandeur : de 3 à 10 sols; 3 sols pour une lettre postée à Vézelay pour Blannay, et 10 sols pour Paris (40 ou 50 centimes en 1812). Un courrier « exprès », comportant des documents importants, a été taxé 1 livre 10 sols (1 F. 50 c.) de Vézelay à Avallon. En 1812, est cité un Guttron, « facteur des lettres » à Vézelay.
La « trésorerie » du ménage.
On fait – nous l’avons vu – un large usage du « troc », – de marchandises et de services -, et peu de règlements se font au comptant.
Mais il faut tout de même quelque argent liquide …!
Chez les commerçants, J.A.G.L. achète très souvent à crédit et règle globalement des montants qui peuvent être très importants. L’exemple flagrant est celui de décembre 1807 à Auxerre : les « retards » de paiements se montaient à près de 2500 livres, et le règlement a été possible grâce au remboursement d’une somme équivalente que lui devait Fouley, épicier rue Joubert.
Et c’est bien l’habitude : on va de « billet » en « billet », d’une échéance à l’autre, en se prêtant de l’argent entre « notables ».
« Le 28 Mars 1808, j’ai emprunté 150 livres payable au 28 May prochain… »
Mais…« Le 28 May 1808 »,…, »Mr Marisy, curé de Brosses, m’a prêtté 150 livres pour 3 semaines pour solder un billet de paareille somme qui échéoit aujourd’huy et que j’ai acquitté »…
« Le 15 janvier 1809 »,…, »reçu du Chevalier de Villenaut mon beau-frère un effet de 1000 livres, payable le 1er février prochain à Auxerre, chez Pasquier, aubergiste, pour le principal de pareille somme qu’il devoit à mon épouse, sans préjudice des années d’intérêt à 5%, et d’autres dûts »…
« Le 1er février 1809, j’ai reçu 1000 livres pour un billet; j’ai donné 500 livres à Madame De La Barre … »
« Le 8 May 1809, j’ai remboursé le billet de 100 livres que j’avois fait à Doré, courtier, et l’ai brûlé; j’ai pour celà emprunté 600 livres payable à 5% d’intérêts par an; c’est Madame De La Barre qui me les a fait avoir… »
On emprunte ainsi de petites sommes, selon les besoins immédiats, au garde-forestier Maupin, au percepteur Thionville, à l’huissier, au pharmacien…
Certains paiements sont effectués avec de l’argent déposé chez un huissier de Vézelay, Augustin Marie Morand, dit « La Fleur »; J.A.G.L. lui envoie des « billets » pour répartir ces fonds entre les créanciers.
Il y a d’autres « rentrées » plus importantes : par exemple, l’acheteur auxerrois de la propriété de Gurgy a réglé 4000 livres comptant, et s’est engagé à rembourser 10000 livres dans 10 ans « avec intérêt au denier 5 ». Diverses sommes prêtées rapportent des intérêts à Madame de Lenferna…
Et puis quelques ventes des produits de l’exploitation, plus modestes, qui font rentrer un peu d’argent liquide : du beurre à 70 c. la livre; des fromages à 15 centimes; 4 dindes pour 9 livres; 4 chapons pour 4 francs; une brebis à 4 livres; 7 moutons de 2 ans « à 8 l. la pièce »; 7 livres de laine à 2 l. 3 s. la livre; 1/2 cochon à 18 livres; un cochon sur pied à la foire de Vézelay pour 25 livres; un veau à 16 l.; une « vieille vache » à 23 l.; une vache à 64 l. (mais il faut en acheter une autre : 85 l. !.. ); le bois d’un « aigriottier » pour 24 livres; un chêne sur pied à 72 Francs; un millier de « paisseaux » pour 16 francs; la charpente de la grange en démolition pour 320 livres…
A noter que Madame De Lenferna prend elle-même l’initiative d’achats et de ventes courants, et aussi d’emprunts…« Le 10 Juin 1810, ma femme a emprunté 200 livres tournois du sieur Hugot d’Avallon; j’en ai fait au Sr Hugot un billet de 218 livres, intérêts compris, payable au 11 septembre prochain, jour fixe au domicile du Sr Caillet, aubergiste à Avallon … ».Et 2 jours plus tard, « ma femme a achetté la vache de Claude Jojot, dit Goujard, et l’a payé 105 livres… »
Le 21 septembre, « vendu par ma femme à Toussaint Defert, Charon, un chêne de la pâture pour 40 livres »…
« Le 7 Avril 1811, ma femme a achetté un cochon »…
Relations avec les commerçants et artisans locaux.
Nous avons vu défiler les artisans qui viennent travailler dans la maison Lenferna, ainsi que les commerçants qui y livrent leurs marchandises. Voyons ceux qui sont installés, soit à Montillot, soit dans les villages proches, et chez qui J.A.G.L., ou ses proches, se rendent régulièrement…
Jean Porcheron, dit « L’Allemand », est huilier; mais comme tous les artisans et commerçants du village, il est aussi exploitant agricole. C’est le fils de Claude, qui était lui-même laboureur et huilier.
C’est Mme de Lenferna qui va le plus souvent chez lui :
– le 19 Mars 1808, « on a fait chez J.P. une pilée d’huile pour 1 l. 4 s. qu’il devait, ce qui fait quitte… »
– le 13 février 1809, » ma femme a étté à l’huilerie chez J.P. Elle a fait une pilée de noix, une pilée de chènevis et une pilée de navette. Donné à J.P. une feuillette de pommes de terre pour 3 livres… »
Les échanges de produits et de services sont courants :« le 4 Avril 1810, donné à J.P. 52 bottes de foin dont il fera état… » « Le 1er Octobre, J.P. a mené 25 voitures de terre dans les Champs Gauthiers … »
Autre sorte de service : « le 12 Août 1811, j’ai écrit à Mr Sauvalle (Secrétaire général de la Préfecture) pour tacher de faire placer le fils de Jean Porcheron, dit Lallemand, dans le 46ème Régiment … » Il s’agit certainement de Pierre, âgé alors de 20 ans (l’âge d’incorporation était fixé à 20 ans par la Loi Jourdan, de 1798).
Jean Porcheron, né en 1759, marié avec Marie Marceau, des Bois de la Madeleine, est décédé en 1819. Leur fille Edmée a épousé Jacques Ventenay et sa soeur Jeanne, Lazare Gutin.
Les blatayers(Blatiers) sont les marchands de grains. Il y en a plusieurs à Montillot.
J.A.G.L. a le plus souvent affaire à Lazare Carillon, dit « Lahichon ». C’est à lui qu’il vend de l’avoine et de l’orge en novembre 1808. Il lui achète froment, orge, avoine, mouture en 1809; orge et froment ( « un bichet râcle »…) et » 5 quartes combles de vesces » en janvier 1811. Mais on le voit lui acheter aussi du « cochonà 8 sols la livre », « de la graisse à 12 sols », une tête de veau, une « tête de cochon de 14 livres à 5 sols la livre » … »pour en faire un fromage… »!
Les blatayers, pour leur commerce, se déplacent beaucoup. On les utilise donc volontiers comme commissionnaires…
Ainsi Claude Berthoux, dit « Le Dode », va souvent à Auxerre. Il emporte le courrier et fait les courses de J.A.G.L. Une fois il lui emporte des pigeons qu’il vendra au chef-lieu !
Charles Carillon va souvent à Clamecy : il assure donc la liaison avec la famille d’Etais …
Laurent Degoix va à Vermenton, Vézelay et Avallon …
Le maréchal de Brosses, JosephRobineau, assure de nombreux services : nettoyage d’un tourne-broche; réparation d’un « ratteau », d’une pioche, d’une « ratissoire, d’une « coignée », d’un marteau …; repassage d’une serpe ou d’une faux …
Le cordonnierGaillon, de Vézelay, a accepté un contrat de J.A.G.L. « le 24 Mars 1808,…,j’ai fait marché avec Gaillon …pour me chausser à neuf pendant un an en souliers ordinaires veau retourné et veau ciré (l’année commence à l’époque de la livraison de la 1ère paire) moyenant quarante huit livres pour l’année dont 12 l. à Pasques prochain, 12 l. 6 mois après et 24 l. à la fin de l’année; il aura pour lui les vieux souliers réserve la mailleure paire à mon choix… » Il reçoit la première paire le 16 Avril. Il lui achète en août des souliers pour Mme de Lenferna ( 5 livres). Le nouveau marché, conclu en mars 1810 prévoit en plus une paire pour sa femme. En novembre, le cordonnier aura en acompte un bichet de froment…Mais le client n’est pas toujours satisfait : le 6 Juillet 1811, « reçu de Gaillon ,…, une paire de souliers pour ma femme, ils ne lui sont pas bons…
Le cordonnier de Montillot, Pierre Miguière, n’a été consulté qu’une seule fois, en février 1812, pour réparer des guêtres… Comme le boulanger Guttin, il devait être installé depuis peu ( né en 1786, marié à Reine Colas, de Farges, en novembre 1809)
Le sabotier Claude Guilloux dit « Dady », fait en avril 1810 deux paires de sabots, pour Françoise Jojot et « le Petit » (2 l. 4 s. soit 2 F.20 c.); en octobre, une pour Gabrielle Forgeot …En novembre, J.A.G.L. lui vend « 3 minots d’avoine à 6 l. 10 s. le minot… »
Activités civiques .
J.A.G.L. fait partie du Conseil Municipal; Claude Berson avait été nommé maire en juin 1800 par le Préfet de l’Yonne, en application de la « Constitution de l’An VIII » édictée par le Premier Consul Napoléon Bonaparte.
J.A.G.L. est responsable des comptes de la Commune; à ce titre, il est en relation avec M.Sauvalle, Secrétaire général de la Préfecture de l’Yonne.
On le voit s’occuper de la répartition par tirage au sort des coupes des bois communaux; « le 10 Décembre 1808 »,… on a tiré les cantons »…; « le 6 Décembre 1809, j’ai étté numéroter les cantons dans les bois de Montillot »…
Un événement montre combien les qualités comptables de J.A.G.L. étaient connues et appréciées : en 1811, il remplace temporairement le percepteur.
Rappelons que l’Administration des Contributions Directes fut créée par le Premier Consul dès novembre 1799; elle est représentée, en principe au niveau de chaque commune, par un percepteur.
Le 14 Aoust 1811, » Mr Sausay, Contrôleur des Contributions de l’Arrondissement d’Avallon, m’a remis aujourd’huy ma commission de percepteur provisoire des Communes d’Asquins, Brosses, Blannay et Montillot en place de Thionville… »
On peut classer dans les « activités civiques » l’assistance médicale que J.A.G.L. apporte, – ou tente d’apporter -, à ses concitoyens -.
Le 2 janvier 1810, « j’ai fait le remède de la rage au Petit Pierre (Pierre Carillon) et à 2 femmes de Chevroche » (de quel remède s’agit-il?).
Le 1er Octobre 1810, même « remède de la rage » à une femme de Voutenay; à une autre, il fournit une « fiole d’Elixir de Longue-Vie » pour 15 sols…
On fait connaissance au passage avec les produits pharmaceutiques et les remèdes divers (les « médecines« ) de l’époque:
– le sirop de vinaigre
– le sirop et les pastilles d' »Ypecacuana »
– l’extrait de Saturne
– les grains d’émétique
– « l’herbe à la fouleure »…
On apprend comment J.A.G.L. faisait son Elixir de longue-vie; mais il reste à identifier certains des composants : – zédoaire; – safran du Levant; – gentiane; – rubarbe fine ; -Thériarque de Venise ; – agaric blanc ; aloès succotrin.
…et aussi comment il fabriquait son encre : – vin blanc ; – vitriol romain ; – alun de roche ; gomme arabique …!
Enfin, il lui arrive d’intervenir auprès d’autorités administratives – préfecture, Ministère de la Guerre…- pour faciliter l’incorporation dans les Armées des jeunes « appelés » de Montillot.
Contentieux.
Un certain nombre de différends en cours apparaissent sur le livre de comptes par les dépenses qu’ils entraînent (avoués, avocats, experts, …).
En janvier 1810, le Sieur Belin, libraire à Dijon, a obtenu devant le Tribunal un douzième de la succession de Villenaut; les autres héritiers doivent payer les dépens, – 502 francs -, dans les 15 jours…
Il y a aussi une affaire « Charlot de Montigny-le-Roy ».
A Montillot, un problème avec la Veuve Lazare Defert (Claudine Poulin), dont la raison n’est pas mentionnée ici ; le procès a été perdu en juin 1811.
Avec Laurent Porcheron, il s’agit d’une question de bornage, qui a conduit à un jugement de conciliation et à la désignation d’experts et d’un arpenteur…
Et puis quelques autres broutilles de mauvais voisinage, qui entraînaient fréquemment des procès au 19ème siècle, mais qui pouvaient aussi s’arranger à l’amiable.
Le 17 Juin 1808, « les 3 vaches à P.C. ont étté dans l »orge sous le Faye. Elles y ont fait un dégât estimé une quarte râcle ».
Le 28 mai 1809, « j’ai pris G.T. dans les taillis de Baudelaine; je lui ai fait donner 3 livres au garde-champêtre ».
Le 13 Juin 1809, « le garde-champêtre a pris 4 ânes et 3 vaches dans le haut de la Côte Caffard ou la Vather. Le bois est totalement broutté et 2 ceps de vigne mangés »…
Le 14 Août, « j’ai pris dans la pièce des Champs-Gauthiers (pois ronds et orje), le nommé C.G. avec 5 bêtes à corne… »
Relations avec quelques notables
A Montillot, il s’agit du notaire A.J.Defert, du percepteur J.B.Thionville, du garde-forestier F.Maupin.
A Brosses, du curé Marisy, – puis du curé Tabouillot -, qui dessert la paroisse de Montillot.
A Vézelay, le Dr Reuche, médecin; Mr Bernardin, « chirurgien »; l’huissier Fontenay.
On a vu que dans ce groupe, on se prête facilement de petites sommes d’argent.
On note peu d’invitations mutuelles; à part le curé de Brosses, qui couche au « Château » lorsqu’il vient dire la messe à Montillot.
On se prête des livres. Il s’agissait souvent d’auteurs « récents » – à cette époque -, tels que Mirabeau et Florian, et d’ouvrages sur la Révolution. Mais on trouve aussi les « Mille et Une Nuits » et les Fables de la Fontaine. Une fidèle lectrice de cette « bibliothèque circulante » était Madame Maupin, née Jacqueline Gabrielle Desautels, nièce du curé Desautels, prêtre de Montillot de 1764 à 1796.
On se passe aussi des « Chansonniers »; il doit s’agir d’écrits humoristiques…; mais que dire après tout ce temps, du « Chansonnier des Grâces 1806 » et des « Demoiselles 1809 »?
Mais J.A.G.L. se procurait aussi des livres sérieux, dont les éditions se sont sans cesse renouvelées depuis lors (!) : le « Code Pénal » (1 F. 25), le « Code rural et forestier » (4 F.), et l' »Almanach du Cultivateur » (33 c.)…
Noter que notre châtelain entretenait une correspondance avec le Maréchal Davoust ( Duc d’Auerstedt, prince d’Eckmühl…).
Les relations à l’intérieur du cercle familial.
Le couple Lenferna a été présenté en introduction.
Ajoutons leur fils, Pierre Joseph Alexandre, né le 23 Mai 1806. Ce fut d’abord « mon Petit », puis, lorsqu’il grandit, « Alexandre »…
Maintenant, élargissons le cercle …
D’abord les parents de notre châtelain: son père était décédé en 1780. Sa mère, Elisabeth Sophie LE MUET de BELLOMBRE, habitait à Gurgy, dans la propriété des Lenferna, à l’époque du mariage de son fils, en 1805 . Le registre de comptes nous apprend que celui-ci a cédé en décembre 1807 les « biens acquis à Gurgy par succession de son père », au Sieur Duché Desarchies, propriétaire à Auxerre, rue de la Monoye. A partir de 1808, les lettres à sa mère sont adressées à Belleville-près-Paris, où habitait son frère Paulin. En juillet 1812, il va la chercher à Belleville pour la ramener à Montillot. Grâce au relevé de comptes, qui ne nous épargne rien, nous revivons cette expédition.
Le 7 du mois, il va coucher à Vermenton, chez l’aubergiste Ouvré; le 9, avec le « carioleur » Spanelle (1F50c) à Auxerre, où il couche chez l’aubergiste-pâtissier Rousseau, rue Dampierre, au coin du Marché-Neuf. Le 11, après une course à Gurgy, il remet 72 Francs à la femme de Pierre Chopart, « tonelier », 6 rue des Bois, qui viendra à Paris, aider sa mère à ramener toutes ses affaires.
Le 12, il va par « carioles » d’Auxerre à Montereau (4F70c).
Le 13, il monte dans le coche d’eau pour Paris, et arrive le soir à Belleville. Il y est rejoint le 15 par « la Chopart ».
Il profite de son séjour à Paris pour faire de multiples achats.
Le 21, il règle le loyer de la chambre de sa mère (12F50c) au sieur Lefebvre, propriétaire rue de la Marre à Belleville .
Le 22, départ de Paris par le coche d’eau avec sa mère (2 places: 8F90c).
Le 23, retour à Auxerre par les « Cariolles ». Sa mère est déposée à Joigny, d’où un voiturier la ramènera à Auxerre.
Le 24 Juillet, il revient coucher à Vermenton, et le 25, à Montillot…
Le 28, coucher à Vermenton et le 29 à Auxerre .
Le 30, il revient avec sa mère à Vermenton pour la nuit. Le 31, arrivée de l’équipage à Montillot …
Elisabeth Sophie Le Muet mourra le 25 Avril 1823 chez son fils à 78 ans.
Sesbeaux-parents …
Son beau-père, Louis Nicolas Marie de Villenaut, qui fut le précédent gestionnaire du Domaine de Montillot, y est décédé en janvier 1800, à 66 ans. Et sa belle-mère, Elizabeth De la Borde, le mois qui a suivi le mariage, en septembre 1805, à 67 ans.
Ses oncles…
1)- François Bernard De Lenferna De Marnay, – « Monsieur de Marnay » -, avec qui il correspondait, habitait à Auxerre, rue de la Tonnellerie. Sous l’Ancien Régime, il fut Chevalier, Seigneur en partie de Poilly, Marnay et autres lieux, par son mariage en Novembre 1779 avec Marie Elisabeth Dryas de Marnay. Il fut curateur et tuteur des 5 enfants mineurs de la veuve de Lenferna après la mort de son frère Jean Joseph Guillaume.
2)- Edme François de Lenferna, dit « le Chevalier », était Garde Général des Bois Nationaux de Vézelay, Châtel et Joux en 1797. Dans la période où J.A.G.L. rédigeait ce registre de comptes, son oncle était sous-inspecteur forestier à Vermenton. Ils se rendaient visite…Il se trouve qu’une fiche de police conservée aux Archives de la Mairie de Vézelay nous donne son signalement en 1797; il avait alors 48 ans : « Taille 5 pieds 6 pouces; cheveux gris mêlés; yeux châtains; nez aquilain; bouche ordinaire; visage ovale; barbe grise; enfants mineurs; locataire à Vézelay depuis 1793 ».
3)- Une tante, – non identifiée dans le registre -, dont le décès à Vienne (Autriche) a eu lieu le 14 Mars 1810. D’après d’autres sources, il s’agirait d’Odette Constance de Lenfernat, née en 1740 et Visitandine.
Les oncle et tante de son épouse…
La tante Françoise De La Borde « De Boistaché« , restée célibataire, vit à Montillot, pas très loin des De Lenferna, puisque le 21 Aoust 1808, le métayer Claude Savart, dit « Bailly », lui porte un tonneau d’un quart de vin rouge dans sa brouette … Le jour du contrat de mariage de sa soeur Elizabeth, le 28 Juillet 1770, elle lui avait fait donation de ses biens contre une rente à vie de 400 livres par an, rente maintenant partagée entre les 3 enfants De Villenaut . On remarque dans le registre les versements périodiques de J.A.G.L., ainsi que des livraisons de céréales, de vin et de tabac … Elle mourut à Montillot le 1er Avril 1826, à 84 ans.
Du côté des Villenaut, on découvre ici un oncle exilé, le Chevalier Nicolas Edme Mullot De Villenaut, dont l’extrait mortuaire arrive de Russie à Montillot le 31 Juillet 1810. Le « Nobilaire de Nivernois » nous raconte son histoire : né en 1736; il était lieutenant au Régiment de Nice à la bataille de Lansfeld, en Belgique, pendant la Guerre de Succession d’Autriche et capitaine en 1759. Destitué en mars 1769 après un duel, il passa en Russie, y combattit contre les Turcs, et fut ensuite en faveur à la Cour de Catherine II. Il y mourut le 13 Juillet 1801. Il avait épousé en 1764 Catherine Geneviève de La Ferté-Meung; leur vie commune fut courte …L’épouse séparée vivait à Etais.
Ses frères …
J.A.G.L. rencontre et correspond, – tout est noté dans le registre – avec deux de ses frères :
– (Jean-Baptiste) Paulin de Lenferna, qui habite Belleville près Paris
– Alexandre Joseph de Lenferna, « Alex », noté sur le répertoire « propriétaire à Monéteau ». En 1807 et 1808, il le rencontre à chaque séjour à Gurgy; ils se prêtent des petites sommes d’argent …Puis plus rien jusqu’à août 1811, où , séjournant à Auxerre, il lui rend visite à « Fontaine-Madame » (?). En janvier 1812, on retrouve Alex à Belleville …
– il ne parle jamais de son 3ème frère Joseph Guillaume Prosper De Lenferna, que, par d’autres sources, nous savons établi à l’Ile Maurice…
Ses beaux-frères …
Pierre Mullot De Villenaut, dit ‘le Chevalier », est propriétaire du domaine du « Colombier » , sur la commune d’Etais La Sauvin, souche de la famille depuis plusieurs siècles. J.A.G.L. et son épouse passent plusieurs jours par mois au Colombier, souvent séparément …Le Chevalier, son épouse et leur fils viennent à Montillot périodiquement. Leur fils aîné, né en 1802, est en pension à Vézelay, chez Mr Suisse, à partir d’avril 1811, et les Lenferna jouent le rôle de « correspondants » du petit pensionnaire.
Edme Antoine Nicolas Marie Pellerin De Villenot, a épousé en 1798 Elisabeth Marie Magdelaine de Charry, fille du Seigneur de Lurcy, Boulon et autres (près de Prémery, au sud de Varzy, dans la NIèvre). Le répertoire du registre le donne comme habitant à Nevers, rue du Fort, Maison de Mr De Charry. Il avait aussi hérité de quelques propriétés à Montillot, dont J.A.G.L. s’occupe de vendre les récoltes. Lui aussi vient en visite à Montillot avec sa famille; (leur fils aîné, Adolphe Nicolas, est né à Montillot le 26 Avril 1799); ce sont les « Villenot de Boulon »…
Des parents plus éloignés …
Charlotte Marie De Burdelot tient une place privilégiée dans les relations des Lenferna de Montillot.
Elle était fille du 3ème mariage de Gabriel De Burdelot, descendant des seigneurs de Fontenille-Les Forests du 16ème siècle, Capitaine au régiment du Rouergue et chevalier de l’Ordre de Saint-Louis. Mais dans la famille De La Borde, ce fut surtout l’ « oncle De Malfontaine », qui, de Vézelay, avança si souvent les sommes nécessaires pour éponger les dettes que ses petites nièces orphelines Edmée-Elizabeth, Louise-Jeanne et Françoise avaient héritées de leurs parents , …avant que les deux aînées ne se marient…
Charlotte-Marie, née à Vézelay en 1751, y épousa le 10 Novembre 1770 le Chevalier Augustin-Bernard De La Barre, officier, qui devint Lieutenant-Colonel d’Artillerie au Régiment de Metz en 1791 et mourut en 1796.
Pour notre J.A.G.L., Charlotte-Marie de Burdelot, « Madame De La Barre », était donc la cousine-germaine de Marie Jeanne de Savelly, grand-mère de son épouse (c.f. l’arbre généalogique) …c’est-à-dire une cousine au 4ème degré.
Néanmoins leurs relations étaient très étroites, – le répertoire nous indique qu’elle est citée 69 fois dans le registre de comptes -; Madame De La Barre, qui était domiciliée à Auxerre, N°2, Cul de sac de la Maison Fort., avait sa chambre à Montillot, où elle faisait de longs séjours à la bonne saison…
L’un de ses fils, Hyppolyte, habitait à Auxerre, rue Françoise; l’autre, Charles Augustin Abel, à Vézelay, dont il fut maire de 1813 à 1829.
A chacun de ses voyages, elle passait donc par Vézelay. Sa cuisinière, Anne Roubeau, était de Montillot. Sa domestique Melle Bernard s’occupait souvent de réunir les objets divers achetés par J.A.G.L. à Auxerre, et de les lui envoyer à Montillot par un commissionnaire. Elle-même, Madame De La Barre obtenait pour son cousin de Montillot auprès de ses relations auxerroises les prêts de « dépannage » dont il avait besoin de temps en temps …
Nous avons aussi son signalement en 1796 : « 5 pieds; cheveux bruns; yeux gris; nez bien marqué de petite vérole; front haut et grand; bouche bien faite; menton rond; visage ovale. »
Elle est décédée en septembre 1811 à Auxerre, à 60 ans.
Enfin, des parents ou amisencoreplus éloignés, tels que
– Madame de Bellombre, avec qui il correspond
– Les Demoiselles de La Couldre, à Andryes, chez lesquelles il lui arrivait de s’arrêter lorsqu’il allait à Etais.
– Monsieur de Guerchy, qui , habitant Saint-Sauveur, est venu à Montillot en octobre 1809. Il s’agit probablement de Pierre Jules Joseph De Vataire de Guerchy, descendant d’une ancienne famille de Montillot-Brosses : César de Vataire était au 16ème siècle seigneur de Champcornille et Boistaché ( bien petits fiefs en vérité…!)
Notons que Charlotte Marie fut la dernière à porter le patronyme De Burdelot dans le Vézelien, et Françoise de Boistaché, la dernière à s’appeler De La Borde…
A suivre …
Voici terminé notre examen du livre de comptes de Joseph Anne Georges de Lenferna, de 1806 à 1812…
Dans le titre, nous avions classé notre Châtelain de Montillot « gentilhomme-campagnard », ce qui supposerait un certain état de noblesse. Or, il ne reste rien des privilèges d’antan : J.A.G.L. doit payer ses impôts dans les mêmes délais que son voisin artisan ou commerçant, sinon il reçoit un avertissement payant de la part de son percepteur – et pourtant ami ! – Thionville…
Il s’agit d’un « bourgeois« , exploitant agricole à Montillot, qui a, au quotidien, les mêmes difficultés et la même vie que ses voisins.
Seule différence : des ressources d’origine familiale lui permettent un niveau de vie légèrement supérieur, et l’emploi d’un nombreux personnel de service.
Cela étant, ces 550 pages d’écriture serrée nous ont fait connaître de nombreux aspects de la vie à Montillot en ce début du 19ème siècle.
Sur le niveau affectif ou amical des relations entre personnes, nous ignorons tout; un livre de comptes est peu éloquent dans ce domaine…!
Après la fin du 1er Empire, au début de la Restauration de la Royauté, les membres de l’ancienne noblesse prennent les postes supérieurs de l’Administration mise en place par Napoléon.
Le nouveau préfet de l’Yonne nomme J.A.G.L. maire de Montillot, en remplacement de Claude Berson, les autres conseillers restant en place. Notre châtelain, toujours méticuleux, a tenu un journal de ses activités de magistrat municipal.
J.A.G.L. décède à Montillot le 30 décembre 1831, à 60 ans. Au cours des années 1825 à 1830, il a dressé un répertoire alphabétique des naissances et des décès dans la commune, de 1700 à 1829, document déposé aux Archives départementales, fort utile pour les recherches généalogiques…
Son épouse Françoise Mulot de Villenaut est décédée le 4 Juin 1858 à Montillot, à 87 ans.
Leur fils Pierre Joseph Alexandre a bien pris le relais de son père…
Marié le 28 Mai 1838 avec Henriette Malberg, 28 ans, née à la Haye, ils eurent 3 enfants : une fille décédée à 14 ans; une 2ème fille, née en 1842, Marthe Alexandrine Françoise Henriette, qui épouse en 1877 Charles Heulard de Montigny => couple sans postérité; un fils, Eugène , qui fut trappiste en Angleterre.
Il nous a laissé lui aussi un registre relatant la gestion de la propriété de Montillot de 1848 à 1870…
Se faisant appeler « marquis de l’Enferna », il eut une carrière administrative : commissaire de Police cantonal à Aillant, Saint-Florentin, puis Vézelay en 1855. Là, il fut révoqué en 1856 (raison inconnue).
Parallèlement, il brigua aussi la « magistrature » de Montillot et l’a détenue à 3 reprises :
– élu au suffrage censitaire, il succède à A.J.Defert de 1835 à 1848
– la 2ème République a institué le suffrage universel; c’est alors un autre Defert qui est élu
– la Constitution de 1848 ayant été abolie le 2 décembre 1851 par Louis-Napoléon-Bonaparte, Pierre Joseph Alexandre redevient maire sous le Second Empire, mais seulement jusqu’en mars 1853…
– puis à nouveau d’août 1860 jusqu’au désastre de Sedan et à la proclamation de la 3ème République, en septembre 1870.
Il est décédé à Montillot le 14 Octobre 1897, à 91 ans.
Sa fille Marthe, épouse De Montigny, hérite de la propriété de Montillot. Elle la vend le 9 Août 1909 à l’abbé Defert, alors curé du village, en conservant l’usufruit. Mais l’abbé étant décédé en juin 1921, ses parents, en accord avec Madame de Montigny, cèdent le « Château » à Mr Leharle, industriel parisien, le 11 Janvier 1922.
La branche des Lenferna de Montillot s’éteint avec Marthe, décédée le 24 Septembre 1930, à Auxerre, chez les soeurs de la rue Française.