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FORTIFICATIONS DE MONTELUOT

Le document d’Archive:

Lettre patente de François 1er – Octobre 1527

Juin 1527   –  Les habitants de Monteluot demandent au roi de France la permission de fortifier leur village.

Octobre 1527: François Premier est d’accord…

François à tous presens et advenir Salut. Comme dès le quinzième jour de juing dernier passé, les manans et habitans [1] du lieu et villaige…

…de Monteluot deppendant de l’abbaye de la Magdelaine de Veszelay Nous eussent présenté requête tenent (?) afin d’avoir permission de fere cloure [2] et …

… fermer le dit lieu et villaige de Monteluot, qui est assis en notre bailliage d’Auxerre, en bon et fort pais [3] et de vinoble [4] , près de notre Duché de…

… Bourgongne d’une lieue envyron [5] . Et pour la décoration [6]   et augmentation d’icelluy seureté et garde du pais [7] , prouffict et utillité de nous et de la chose publique…

… d’environ [8] le fortiffier de murs, tours, foussez [9] et autres choses neccessaires à fortiffication. Sur laquelle requête eussions ordonné estre informé par le Bailly d’Auxerre…

… ou son lieutenant, de la commodité ou incommodité de nous et de la chose publique, appellez [10] les gens nobles du pais et autres qui feroient  à appeler [11]  . Et icelle information …

… ensemble l’advis de luy et de nos procureurs et officiers renvoyez par devers nous pour y pourveoir [12]   comme de raison faire que auroit esté fait. Et le tout  par nous…

… renvoyez par devers noz amez et feaulx [13] conseillers les gens de notre Grant Conseil, lesquelz ont semblablement donné leur advis. Savoir faisons par nous…

… desirant subvenir à noz subgectz et chose publique de notre Royaume, selon l’exigence  des cas, inclinans à la supplication et requête des dits suppliants, et en en suyvant…

… l’advis des gens de notre dit Grant Conseil, A Iceulx manans et habitans supplians ……..et autres ………….avons donné et octroyé, donnons et octroyons de …

… grace especiale par ces dites présentes congé, licence et permission de clourer [14] et faire clourer et fortiffier ce dit lieu et villaige de Monteluot, de murailles, tours, foussez, …

… canonnières, ponts leviz, barbacanes et autres choses requises et necessaires à fortiffication. Si donnons en mandement par ces dites présentes au dit Bailly d’Auxerre ou …

…  son lieutenant et à tous noz autres justiciers et officiers ou à leurs intimations [15] présentes et advenir et à chacun d’eulx ….à luy appartenant que de nos presens grace, …

…  congé et permission  ilz  facent, souffrent et laissent les dits manans et habitans supplians joyr et user plainement et paisiblement sans leur…

…  faire mectre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné auccun trouble, destourbier [16] ne [17] empeschement aux dites présentes, Lequel si fait, mis ou donné, leur avoit…

…  esté ou estoit, le leur mectent ou facent mectre incontinent et sans delay a plaine delivrance [18] . Car ainsi nous plaist-il estre fait nonobstant …

…  quelzconques ordonnances, mandemens, restraicts [19] ou deffences à ce ……….et affin que ce soit chose ferme et establi a tous………nous avons…

…  fait mectre notre seel [20] à ces dites présentes. Sauf en autres choses notre droict et l’autry en toutes (?). Donné à Chantilly au moys de octobre …

… l’an de grace mil cinq cent  vingt-sept, et de notre règne le 13ème. Signé par le Roy : Gedoy ; Visa contentor : Coufier.

réf: archives nationales Paris. Cote JJ243- folio 388

[1] – manans et habitans : d’après Froissart , le « manant »  serait « celui qui habite dans une ville, qu’il soit bourgeois ou artisan » ; l’habitant étant l’homme du pays, à demeure fixe, le paysan  ( ?…).

[2] – fere cloure : faire clore

[3] –  fort pais = pays (région) rude, difficile

[4] – vinoble = vignoble.

[5] – près de notre Duché de Bourgongne d’une lieue envyron : la rive droite de la Cure, au niveau du Gué-Pavé, était en Bourgogne ; la rive gauche faisant partie de la « poté » de Vézelay. ( => voir « Commentaires » ci-après).

[6] –  décoration : se disait des ornements d’architecture.

[7] –  seureté et garde du pais : il s’agit d’accroître la sécurité du village, mais les raisons de ce besoin, certainement exprimées dans la demande des habitants, ne sont pas rappelées ici ( => voir « Commentaires «  ci-après ).

[8] –  d’environ : autour de, tout autour.                                                                                                                          

[9] –  foussez  = fossés.

[10] –  appelez : appelés, consultés pour avis.                                                                     

[11] – feraient a appeler = pourraient être consultés.

[12] – pourveoir : examiner, réfléchir, aviser.

[13] – amez et feaulx : amis et fidèles.

[14] – clourer = clôturer .

[15] – intimation : acte de procédure tel que signification par magistrat ou appel en justice.

[16] – destourbier : trouble, empêchement, ennui, tourment …

[17] – ne  = ni

[18] – a plaine delivrance = affranchi de toute difficulté.

[19] –  restraicts = restriction, contrainte.

[20] –  seel = sceau.

Commentaires

– Le contexte documentaire

Trois documents, – dont deux déjà anciens -, d’histoire locale, citent des lettres de François 1er autorisant des villages de la région à construire des murailles de protection .

a)-  Recherches sur l’Histoire de THAROISEAU, par l’Abbé A.PISSIER, curé de Saint-Père   (Bulletin de la Société d’Etudes d’Avallon – 1910).

En septembre 1537, le roi François 1er  autorise les habitants à «  clore et fermer de murailles, tours, portaulx et fossez, ponts levys et autres choses requises à forteresse le dict bourg de Tharosault ».  Il avait en effet reçu dans ce sens « lumble supplication des manans et habitans », souhaitant « obvier aux insidiacions des larrons, pillards et insidiateurs… », « …par lesquels ilz ont esté violantement, et leurs femmes et enfans et mesnaige, souventes foys envahiz, forcez, oultraigez, pillez et robez… »

L’abbé Pissier ajoute : « Asquins, Montillot, Menades furent fortifiés vers la même époque … »

(D’après le doc. coté JJ 254- folio 42 aux Archives Nationales.)

b)-  Recherches historiques sur ASQUINS avant 1789  , par l’Abbé PISSIER  (1909) , complété en 1998 par Pierre HAASÉ.

En juillet 1539, François 1er  répond aussi favorablement à la prière des habitants qui, se disant « eux et leurs femmes, enfans et mesnaige souventes fois envahiz, forcez, oultraigez ; pillez et robez… » et  « …feroient voluntiers à leurs despens clorre et fermer de murailles …le dist lieu, bourg et villaige d’Asquien ».

(D’après le doc. coté JJ 254- folio58 aux Archives Nationales.)

c)- « Fortifications de villages en pays de Vézelay » , remarquable étude du professeur Pierre Haasé présentée en 1998.

II –  Recherches de documents anciens concernant Montillot

Le Centre Historique des Archives Nationales (C.H.A.N.), Hôtel de Soubise, présente, parfaitement classés dans son « Trésor des Chartes », les milliers de textes de signature royale du 13ème siècle à la Révolution.

Des registres manuscrits présentent en latin, pour chaque cote, le sujet traité par le texte royal.

On trouve, par exemple :

–          les privilèges des chirurgiens, barbiers, arquebusiers, charpentiers, tailleurs de pierre, serruriers et cloutiers …

–          les autorisations de création de marchés hebdomadaires

–          les autorisations de construction de colombiers et clapiers

–          les naturalisations

–          les « rémissions » – très nombreuses au 16ème siècle – qui étaient des annulations de peine pour des forfaits commis …

Et on arrive en JJ 243 – folio 388 à « Licentia data habitantibus loci de Monteluot claudendi dictum burgum » ( permission donnée aux habitants du lieu de Monteluot de clore le dit bourg). Au passage, on note des lettres patentes analogues concernant Voutenay, Précy-le-Seq, Annay-la-Côte, Pontaubert …

III –  Le contexte historique

 Quelle est l’origine de ce besoin pressant de protection exprimé à cette époque par les villages de l’Avallonnais ? Il nous faut remonter assez loin en arrière dans l’Histoire pour décrire les conflits entre les puissances de l’époque et leurs répercussions sur nos campagnes de l’Avallonnais et du Vézelien…

a)- Les limites territoriales à la fin du Moyen Age

La première carte ci-dessous – dressée vers 1600 par des cartographes d’Amsterdam, Guillaume et Jean BLAEUW -, est limitée aux environs proches de Vézelay . Les  « frontières » approximatives de la « poté » sont indiquées. On voit à quel point celle-ci est « coincée » entre les comtés d’Auxerre et de Nevers et le Duché de Bourgogne. On voit aussi que la rive droite de la Cure, au niveau du Gué-Pavé, – donc à 4 km de Monteluot -, fait partie du Duché de Bourgogne.

On comprend qu’aux 12ème et 13 e siècles, les comtes de Nevers aient cherché par tous les moyens à s’emparer de Vézelay, qui, sous l’autorité de l’Abbé de la Madeleine, dépendait directement du pape.

La « Poté » de Vézelay

C’est en 1280 que Vézelay est devenu une « terre du royaume », le roi de France Philippe le Hardi déclarant par ordonnance qu’il assume la garde et le contrôle de l’abbaye et du fief de Vézelay ; cette décision a été confirmée en 1377 par Charles V ;

La carte ci-contre, montrant les territoires de Bourgogne au 14éme siècle est l’une des rares où apparaît la « poté »., enclave minuscule entre ses grands voisins.

On voit le Duché de Bourgogne, et de l’autre côté de la Saône, le Comté de Bourgogne, devenu ensuite la Franche-Comté.

b)-  L’histoire de l’Avallonnais  du 14ème  au 16ème siècle.

fortifications d’avallon

Notre région a souffert de la Guerre de Cent Ans ( environ 1350 à 1450) pour plusieurs raisons

– dans la première phase des hostilités entre la France et l’Angleterre, les combats avaient lieu dans l’Ouest, mais les impôts ont augmenté dans tout le royaume.

– puis après la bataille de Poitiers en 1356 où le roi Jean le bon fut fait prisonnier, non seulement une forte rançon doit être réunie (4 millions d’écus pour le royaume dont 400 « moutons d’or », – soit 500 livres Tournois -, pour la poté), mais les troupes libérées par la trêve conclue avec l’Angleterre pillent, rançonnent et font régner l’insécurité entre Seine et Loire ; « par quoi nul n’osait aller  entre Paris et Montargis » écrit Froissart, chroniqueur du 14 e siècle….

– il faut savoir que la guerre est intermittente ; négociations et trêves suspendent les combats, souvent sur plusieurs années ou dizaines d’années ;  les armées, des deux côtés, sont composées pour une large part de mercenaires, dont la guerre est le métier, et que la paix prive de gagne-pain. Ils opèrent alors pour leur compte, volent, pillent, rançonnent villages, villes, châteaux, abbayes…

– même l’intendance des armées régulières est basée sur le pillage ; pour les armées françaises, c’est la « prise », réquisition mal payée ; quant à l’armée anglaise, loin de ses bases, elle vit sur le pays …

– de plus, famines et épidémies (peste, dysenterie,…) sévissent périodiquement (en 1348, Givry aurait perdu 650 habitants sur 1300 !).

Plusieurs historiens locaux ( cités en fin de texte) ont tiré patiemment des archives des villes le récit des évènements de cette époque. Nous nous sommes permis de « picorer » dans leurs ouvrages. Bien que Montillot ne soit pas  mentionné avant la fin du 16ème siècle, on peut être certain que les graves difficultés  rencontrées par les villages  du Duché de Bourgogne tout proche, n’ont pas épargné ses habitants…L’énumération qui suit est assez longue, mais elle est nécessaire pour bien comprendre dans quel état d’esprit nos ancêtres de l’Avallonnais et du Vézélien ont abordé le 16ème siècle.

1- En 1359, les Anglais et les Navarrais prennent Auxerre, rançonnent les habitants puis pillent et incendient les villages voisins. Les portes de Vermenton sont forcées et l’église pillée. Avallon est épargnée, du seul fait que la peste y décime la population ; les alentours sont pillés et beaucoup de terres resteront incultes plusieurs années.

En janvier 1360, le roi d’Angleterre Edouard III lui-même, à la tête de son armée, arrive par Tonnerre et Noyers et attaque les forces du duc de Bourgogne massées à Montréal. Les combats sont sanglants. Edouard III s’installe dans le château de Guillon, et lance des incursions alentour. Le 10 mars, le traité de Guillon est signé, par lequel, contre une somme de 200.000 « deniers d’or au mouton », les Anglais s’engagent à quitter le pays.

Edouard III se dirige vers Paris, en passant par Vézelay, « destroussant partout où il allait »…

Ses chefs de guerre donnent congé à leurs gens, qui vivent de brigandage dans la campagne.

En mai 1360, le traité de Brétigny cède au roi d’Angleterre tout le Sud-Ouest de la France.

Une troupe de bandits anglais s’installe au château de Pierre-Perthuis ; le jeune duc de Bourgogne Philippe de Rouvre, vient lui-même aider les habitants de Vézelay à les chasser. Mais ils reviennent ; les combattants bourguignons et vézeliens, aidés de mercenaires allemands, reprennent la place forte.

En 1361, on voit de plus en plus les brigands regroupés en « Grandes Compagnies » : « Bretons » et « Gascons » sévissent en Auxois , Lorrains et Allemands en Champagne…Les « Bretons » établissent leur quartier-général à Arcy-sur-Cure, d’où ils rançonnent la contrée.

7000 « routiers » envahissent la région, occupent PrécyFoissyPierre-Perthuis, et attaquent Vézelay qui, fortifié par ses habitants en 1356, leur résiste.

En 1368, les habitants de Vermenton obtiennent, par lettre royale de Charles V, l’autorisation d’entourer la ville de murailles ( entre autres raisons « les bons vins qui servent à la provision de Paris et d’autre slieux »…).

Les Anglais reviennent en 1372 et prennent Vaux (Vault-de-Lugny) et Pontaubert.

La peste sévit dans l’Avallonnais de 1380 à 1382, puis en 1392 ; la mortalité est telle qu’il reste moins de 100 « feux » ( foyers) à Avallon…

A partir de 1407, la guerre civile s’ajoute à la guerre étrangère. Pour raisons de succession au trône (le roi et le duc de Bourgogne sont cousins-germains…), la Cour se partage en 2 factions, les « Armagnacs » et les « Bourguignons », qui cherchent à maîtriser Paris et neutraliser le roi, devenu fou en 1392.

Après  avoir battu l’armée  de Charles VI à Azincourt (Pas-de-Calais) en octobre 1415, le roi d’Angleterre Henri V entreprend l’occupation méthodique du territoire français qu’il considère comme son royaume : la Normandie d’abord, puis l’Ile de France en partie.

En 1417,  Vézelay se met du côté du duc de Bourgogne Jean sans Peur, et, après l’assassinat de celui-ci à Montereau en 1419 par le clan « armagnac » entourant le Dauphin, suit son fils Philippe le Bon dans son alliance vengeresse avec les Anglais.

La défense de la frontière Ouest de la Bourgogne s’organise à partir des « villes forteresses » Avallon, Montréal, Châtel-Gérard, Noyers …et des « forteresses secondaires » Voutenay, Arcy, Pierre-Perthuis, Vault-de-Lugny, Chastellux, Maraut, Villarnoux, Epoisses…

En 1418 (ou 1419 ?), Voutenay est pris par les Armagnacs ; en 1421 , Mailly-le-ChâteauArcy et Coulanges.

En 1420, Philippe le Bon signe avec Henri V le traité de Troyes, qui livre la France aux Anglais ; Henri V épousant Catherine de France, fille de Charles VI, devient l’héritier de celui-ci.  .

Charles VI et Henri V meurent tous les deux en 1422.

En août 1422, les deux alliés, le duc de Bedford, régent d’Angleterre, et le duc de Bourgogne regroupent leurs troupes à Vézelay.

En février 1423, Cravant est occupé par les  troupes royales, puis repris par les Bourguignons quelques jours après. En juillet, les Armagnacs mettent le siège devant Cravant, mais sont repoussés. De même Montréal est pris et repris.

En septembre 1424, Philippe le Bon décide de rompre avec l’Angleterre et de s’allier avec le roi de France ; il y gagnera plus tard les comtés d’Auxerre et de Mâcon. Mais le faible Charles VII reste dominé par son entourage, et les hostilités continuent entre Armagnacs et Bourguignons.

En 1426 Mailly-le-Château est pris par les Armagnacs, Joux-la-Ville est ravagé par le feu, la réserve de grain de l’église de Sermizelles est pillée. Le château de Voutenay est pris puis racheté pour 800 écus d’or imposés aux habitants de l’Avallonnais.

En 1427, Châtel-Censoir est « prise, saccagée et brûlée avec son château-fort », sa « population presque entière a péri », et « il n’est resté ni garnison, ni habitants, ni chanoines ». Sur 122 chefs de famille précédemment imposables et habitant la ville, il n’en restait plus un seul »…

2- C’est en 1429 qu’apparaît Jeanne d’Arc ; la petite paysanne-chef de guerre ramène la confiance dans le camp du « Roi de Bourges ». Le 17 juillet Charles VII est enfin sacré à Reims. Livrée aux Anglais par les Bourguignons, Jeanne est brûlée comme sorcière à Rouen le 30 mai 1431. En décembre, Henri VI d’Angleterre se fait couronner roi de France à la cathédrale de Paris. La situation reste confuse …

Fin 1432, Jacques d’Espailly, ex-capitaine des armées du Roi devenu le chef de bande Fortépice, prendAvallon par surprise, puis MarautVieux-ChâteauMagnyClamecyChâtel-Gérard…Plusieurs villages des bords de l’Armançon sont brûlés.

Philippe le Bon

Le duc  Philippe le Bon, qui séjournait  dans ses terres de Flandre, revient, regroupe des troupes et après de durs combats reprend Avallon en octobre 1433, puis le Château de Pierre-Perthuis. Fortépice abandonneCoulanges moyennant 5000 écus…

En 1435, au Congrès d’Arras, Philippe le Bon fait définitivement la paix avec le roi Charles VII ; en récompense, il  n’en sera plus le vassal sa vie durant . Il se fait alors appeler « Grand Duc d’Occident »…

Mais une fois encore, les troupes ainsi libérées continuent la guerre pour leur compte . Des bandes se constituent, qu’on baptise les « Ecorcheurs » ; et alors que la Normandie et l’Ile de France se libèrent des Anglais, la Basse-Bourgogne est à nouveau ravagée …

Un ex-capitaine de Charles VII, Robert Floquet, bailly d’Evreux, vient en juin 1438 occuper l’Avallonnais avec 1000 chevaux , s’installe à Pontaubert et au Vaux, et commence à couper les blés pas mûrs pour soumettre Avallon et les villages voisins  à rançon …L’Auxois est aussi envahi ; partout on pille, massacre et viole; de nombreux documents l’attestent.

A la fin de l’année, famine et peste s’ajoutent aux malheurs de l’Avallonnais ; des cadavres jonchent les rues, « les loups, habitués à se nourrir de la viande des morts, entraient dans la ville et dévoraient même les vivants », lit-on dans les annales des Carmes de Semur.

Prudents, les pillards se retirent dans le Charolais, mais reviennent et prennent Guillon et Montréal en février 1440. En 1441, ils logent leurs chevaux dans la Madeleine de Vézelay ; en novembre, le Maréchal de Bourgogne les chasse. Ils occupent le château de Pierre-Perthuis de 1440 à 1443.

Vers 1444, les chanoines et quelques habitants reviennent à Châtel-Censoir

Une trêve est signée à Tours en mai 1444 entre Français et Anglais : elle dure jusqu’en 1449 . Charles VII en profite pour réorganiser les affaires du royaume, en particulier sa défense. A partir des milices féodales indisciplinées il crée les « compagnies d’ordonnance », première « armée permanente » d’Europe, qu’il peut entretenir en levant chaque année un impôt appelé « taille » ; de plus il met en place une puissante artillerie ( la cavalerie ne sera plus la « reine des batailles »). Il punit sévèrement quelques criminels « Escorcheurs », il en entraîne une partie dans des combats meurtriers en Suisse et en Alsace, et amnistie  ceux qui restent  pour mieux se les attacher…

Il peut alors entreprendre une guerre de reconquête contre les Anglais. En 1437,  il était rentré à Paris ;  en 1449 il reprend Rouen, en 1451, Bordeaux et Bayonne. En juillet 1453, la bataille de Castillon ( sur les bords de la Dordogne) se solde pr 9000 morts mais marque la fin de la guerre de Cent ans. Les Anglais sont chassés de tout le continent à l’exception de Calais.

En 1461, Louis XI devient roi de France et en 1467 Charles le Téméraire  duc de Bourgogne .

Une ère de paix – relative …- commence ; les campagnes devraient pouvoir se relever lentement des désastres de la guerre. 

Mais Louis et Charles sont tous deux autoritaires, durs et ambitieux, n’ayant qu’un seul but: agrandir son propre royaume.

Charles a hérité de son père Philippe le Bon un grand Etat, formé de deux groupes de territoires, séparés par la Lorraine indépendante : les Pays-Bas ( de la mer du Nord au Luxembourg) et la Bourgogne (avec ses annexes Charolais, Auxerrois et Mâconnais) , avec un Chancelier, un Parlement et des Etats-Généraux. Il voudrait conquérir la Lorraine et les villes d’Alsace, constituer une coalition contre Louis XI et obtenir ensuite une couronne royale !

Tous les prétextes de discorde leurs seront bons…

 En 1465,  Charles s’était déjà associé à une ligue de princes français en révolte contre Louis XI (Guerre du « Bien public »). En 1468, il épouse la sœur du roi d’Angleterre Edouard IV, lequel vient d’annoncer son intention de passer la Manche et de revendiquer la couronne de France. 

En octobre, il retient prisonnier par surprise à Péronne le roi de France qui avait fomenté une révolte des Liégeois contre lui, et lui arrache des promesses qui ne seront pas tenues.  

En 1467, les troupes du roi font des incursions à l’ouest du Duché, menaçant TonnerreChablisSt Florentin…, vendangent quelques vignes et taxent les populations

Avallon et Noyers renforcent leurs défenses.

En 1470 et 1471, Louis XI lance des attaques en Picardie et en Chalonnais …Trêve en 1471 et 1472…mais les escarmouches ne cessent pas. Les gens d’Avallon sont inquiets car Tonnerre est occupé par les « ennemis Français » en novembre. En 1473, « l’Auxois, l’Avallonnais et l’Auxerrois sont attaqués sur tous les points à la fois » ; Girolles et Voutenay sont pris. En janvier 1475, quatre cents hommes de guerre s’emparent de Vézelay. Une garnison française campe à Pierre-Perthuis.

Charles le Téméraire  attaque la Lorraine puis l’annexe fin 1475; mais il est battu par les Suisses en 1476 et par le duc René de Lorraine devant Nancy le 5 janvier 1477 ; son cadavre à demi dévoré par les loups est retrouvé deux jours après. Louis XI met la main sur la Bourgogne, l’Artois et la Picardie ; il y installe de nouveaux gouverneurs et capitaines et mate brutalement les récalcitrants.

Mais la Bourgogne est en piteux état, « commerce anéanti, pillage des campagnes, partout des ruines et la désolation ». On n’est en sûreté nulle part. A l’entrée des places fortifiées, on fait le guet pour arrêter les mendiants organisés en grandes bandes. Les villes et les bourgs sont obligés d’héberger les troupes qui passent chaque jour, Français, Ecossais, Allemands …Famine et peste s’ajoutent à ces malheurs.

Louis XI meurt en 1483 ; son fils Charles VIII n’a que 13 ans et sa sœur aînée Anne de Beaujeu assure la régence, avec sagesse et fermeté. La France commence à se rétablir et sa population augmente…Mais quand le jeune roi prend le pouvoir, il est attiré par l’Italie et ses richesses ; il fait valoir ses droits de succession sur le royaume de Naples et commence les « guerres d’Italie » qui , poursuivies par ses successeurs Louis XII et François 1er  , dureront 24 ans…,  .

La peste sévit encore à Avallon en 1517, puis en 1523, – où l’on paye les malades pour les faire sortir de la ville -, et en 1526, où les habitants de Vézelay « vinrent prossessionnellement à Avallon implorer la fin de ces malheurs » (extrait des comptes de la châtellenie d’Avallon).

Des bandes d’aventuriers et de brigands courent encore les campagnes  périodiquement…

Pourtant, dans l’ensemble, la fin du 15ème et le début du 16ème siècles permettent à la France un retour à la prospérité, d’autant plus que les ardeurs guerrières des jeunes nobles sont canalisées vers des territoires étrangers !  

c)- Le règne de François 1er avant 1527.

Né à Cognac  en septembre 1494, de Louise de Savoie et de Charles d’Angoulême. Le roi Louis XII mourant le 1er janvier 1515, François d’Angoulême devient le roi François 1er, sacré à Reims le 25 janvier . Continuant le rêve de ses prédécesseurs, il veut conquérir de nouveaux territoires en Italie ; dès août 1515 (il a à peine 21 ans !), il traverse les Alpes au col de l’Argentière.  Attaqué par les Suisses, alliés des Milanais, en septembre, il les bat à Marignan, près de Milan, avec l’aide des Vénitiens . La paix conclue en 1516 rend à la France le Milanais, perdu par Louis XII.

Mais cette paix, dite « perpétuelle », ne dure que 5 ans. L’empereur germanique Maximilien meurt et Charles d’Espagne – préféré à François Ier, autre candidat – , est élu à sa succession sous le nom de Charles Quint. Celui-ci se trouve à la tête d’un territoire immense, résultant de plusieurs héritages : Alsace, Autriche, Pays-Bas, Franche-Comté, Sicile, Naples, Aragon, Castille et les possessions espagnoles d’Amérique du Sud, …Il veut reconquérir la Bourgogne qu’avait possédée son ancêtre Charles le Téméraire.

Les hostilités reprennent en 1521, les Français sont chassés du Milanais, et François Ier est fait prisonnier devant Pavie en 1525. Il est libéré par le traité de Madrid, en janvier 1526, par lequel il renonce au Milanais , à la Flandre et à l’Artois, et s’engage même à céder la Bourgogne. Mais il oublie vite ses promesses et la lutte contre Charles-Quint se poursuivra jusqu’à  la fin de son règne et  continuera avec son fils Henri II ….

d)- Après 1527 …en bref…

 Le mouvement de la Réforme apparaît en 1520 en Allemagne et s’étend progressivement en France et en Angleterre.

Le protestantisme s’est implanté très tôt dans les vallées de l’Yonne et de la Cure . En 1555, une église réformée s’ouvre à Vézelay…Un abbé de Vézelay devenu huguenot est excommunié en 1563…

Tout le reste du 16ème  siècle est marqué par des guerres de religion, qui renouvellent les  affres de la guerre de Cent Ans,  ravages, massacres, fausses trêves, pestes, famines…Les protestants se font aider de troupes suisses et allemandes.

A partir de 1576 apparaît un 3ème parti, celui des « catholiques-ultras », la Sainte-Ligue, dirigée par le duc de Guise, qui s’allie avec le roi d’Espagne, lève des troupes et s’arme.

C’est dans ce cadre qu’un engagement meurtrier a lieu en juillet 1589 près de Montillot, les troupes de la Ligue, qui tenaient Avallon et Vézelay, voulant reprendre Mailly-la-Ville tenu par les royalistes …

IV – Les motivations de l’ « enclosure »

Elles ressortent  avec évidence du récit ci-dessus et Mr P. Haasé les a parfaitement décrites dans son étude de 1998 :

–          les méfaits continuels des « gens de guerre » vivant sur le pays, qu’ils soient amis ou ennemis

–          le passage de mendiants et autres populations nomades, soupçonnés de vols et de diffusion de maladies ; ces errances étant dues à la précarité et la malnutrition provoquées par les mauvaises récoltes. Il est arrivé que des  famines jettent sur les routes des milliers d’indigents.

–          le passage de loups et de chiens errants souvent enragés..

–          les épidémies périodiques et en particulier la peste, ont fait des milliers de victimes. Or à cette époque, la lutte contre la maladie consistait surtout à éviter la contagion, en exilant les malades à l’extérieur du bourg, et en interdisant l’entrée à des voyageurs étrangers.

V – Le cas de Montillot

Monteluot  est situé sur un plateau entre la Cure et l’Yonne. On pourrait penser qu’il a été épargné par les guerres, du fait que les troupes qui rejoignent des zones de combats suivent de préférence les vallées.

On trouve  en effet très tôt des places fortifiées le long de ces vallées : Vézelay – avantagé par sa position dominante -, Pierre-Perthuis,  Saint Moré, Châtel-Censoir …

Mais il se trouve que

–          d’une part, les guerres entre le roi de France et le duc de Bourgogne ont fait de l’Avallonnais, aire frontalière, une zone de combats.

–          d’autre part, les multiples trêves « libéraient » des combattants qui, désoeuvrés et sans ressources,  se répandaient dans les campagnes environnantes.

–          on peut ajouter pour Montillot un fait  essentiel : une voie de communication importante y passe : le « Grand Chemin » d’Auxerre à Vézelay, passant par Mailly-la-Ville et Brosses, longe le bois du Fège, à l’ouest du village. Cette voie est citée dans le Cartulaire de Vézelay qui fait en 1464 l’inventaire des propriétés de l’Abbaye .

On peut donc affirmer qu’aucun village n’a pu échapper à ces errances …

La première solution a consisté à réserver aux habitants un espace réduit où ils pouvaient se réfugier en cas de menace, ou au moins y garer leurs biens les plus précieux, ne serait-ce que la récolte de grains. Une église ou une tour a souvent joué ce rôle.

A Montillot, d’après P.Haasé, la partie inférieure du « clocher fortifié  roman, aux longues archères ( ouvertures verticales étroites permettant de tirer à l’arc),  dominant l’ancien prieuré, est manifestement l’œuvre du 13ème siècle finissant ». Elle a pu servir de réserve …

En cas de grave danger, on pouvait aller se réfugier dans les forêts proches.

Au début du  16ème siècle, la paix revenue, le souvenir des horreurs des guerres était encore cuisant, et l’exigence de « seureté et garde du pais » primordiale. Depuis Louis XI, toute construction non autorisée devait être rasée et  toute demande devait être suivie d’une enquête faite par le bailli.

En 1501 et 1513, Louis XII était passé à Avallon ; en 1521 ce fut François 1er , montrant ainsi qu’ils s’intéressaient aux territoires bourguignons réunis à la Couronne par Louis XI.

En juin 1527, les « habitans et manans » de Monteluot adressent leur supplique au Roi ; celui-ci demande une enquête au Bailli d’Auxerre ; le résultat est soumis pour avis à son « Grand Conseil » et l’accord final est donné en octobre…

L’autorisation est donnée de construire toutes clôtures et fortifications nécessaires, et sont cités : murailles, tours, fossés, canonnières, pont-levis, barbacanes …Mais ces constructions devaient être faites sans subventions, aux frais des villageois. On ne peut donc s’étonner de la simplicité de la solution retenue : un simple mur avec des portes permettant le contrôle des entrées et sorties …
Il reste très peu de vestiges, sinon le tracé qui, depuis cette époque a imposé le dessin du village. Sur le plan ci-joint, tiré du « cadastre Napoléon » on constate que vers 1810, il y avait encore très peu de maisons en dehors de cette enceinte.

Les pierres de construction de ce mur ont dû être utilisées petit à petit pour la construction des maisons, surtout au début du 19ème siècle.

La longueur totale est de l’ordre de 1000 mètres.  Pour  d’autres villages,  on parle de largeur de 1 m au moins et d’une hauteur de 5 à 7 m. Ici rien ne permet d’estimer ces dimensions…

On peut supposer qu’il y avait 4 portes, aux endroits où les voies principales débouchent sur l’enceinte ; on trouve des noms dans des actes anciens : la Porte de la Chally à l’est, la Porte d’Emont et la Porte du Cloux au Sud,…

Il est certain que la protection était limitée à des vagabonds peu armés ; les portes étaient certainement fermées de nuit, une fois les récoltes et le bétail rentrés après l’Angélus du soir.  

BIBLIOGRAPHIE

–          Ernest PETIT  – « Avallon et l’Avallonnais. Etude historique » – GALLOT – Auxerre – 1867.

–          Georges DUBY – « Histoire de la France de 1348 à 1852 » – LARPOUSSE – 1991.

–          Louis GIRARD – «  Du Moyen Age aux temps modernes »  – BORDAS 1968.

–          Regionis – « Bourgogne » – MSM – 2002.

–          Bertrand SCHNERB – « L’Etat bourguignon 1363-1477» – PERRIN – 1999.

–          Alfred TURGOT – „ Histoire de la Ville et Abbaye de Vézelay“- Pas de l’Ane – 1997.

–          Max QUANTIN – « Histoire et institutions de la ville de Vermenton » – Res Universis – 1993.

–          E. PALLIER – « Recherches sur l’histoire de Châtel-Censoir » – LAFFITTE – Marseille – 1981.

–          CRDP Dijon – «  L’Yonne un département » – 1984.

–          Cadastre Napoléon. Archives Départementales de l’Yonne.

–          Site « Portail Bourgogne et Franche-Comté »:  http://gilles.maillet.free.fr/

–          Site http://www.herodote.net/histoire11020.htm

Catégories
histoire régionale un peu d'histoires

Montillot et ses environs de l’an 1000 à l’an 1500

A. Buet, mai 2016

1169 : Entrée de Montillot dans l’Histoire

An 1000…Où en sommes-nous dans notre « Vézélien » ?

On a vu que, au tout début du 11ème siècle, une guerre se déroulait dans notre région : le  roi de France Robert II cherchait en novembre 1003 à reprendre le Duché de Bourgogne, dont l’héritage lui avait échappé au profit d’Otte-Guillaume. Avec son allié Richard de Normandie, ils échouent devant Auxerre ; pour se venger, ils ravagent la Bourgogne jusqu’à la Saône, détruisant au passage la place forte d’Avallon et massacrant ses habitants. Finalement, Otte-Guillaume se soumet, et renonce au Duché, qui revient à la France en 1004.

On ne sait si Vézelay et les villages voisins, situés en bordure du Comté d’Avallon, ont été directement affectés par ces batailles… C’est très probable : l’historien Alfred TURGOT écrit au sujet du « Siège d’Avallon » :… « Richard de Normandie occupait la campagne aux environs. Ses soldats, – ou plutôt ses bandes -, mettaient tout au pillage. » Rappelons aussi que le monastère de Vézelay, – fondé initialement au bord de la Cure par donation-testament rédigée en 858 par Girart de Roussillon et son épouse Berthe -, avait été mis sous la protection directe du Saint-Siège, acceptée par une bulle du pape Nicolas Ier de mai 863. Suite à sa destruction par les Normands en 887, l’Abbé Eudes a réimplanté le monastère en haut de la colline proche… Mais le statut privilégié de ce monastère – riche au départ des donations de Girart, et par la suite de celles de riches fidèles -, était mal supporté par les puissances temporelles et spirituelles voisines, le comte de Nevers et l’évêque d’Autun , dont les luttes d’influence ont secoué cette abbaye pendant plusieurs siècles. Ainsi, l’abbé Aimon, élu en 1011, a été chassé en 1027 par le comte de Nevers, remplacé par un moine de l’abbaye de Cluny, puis rétabli suite à l’intervention de l’évêque d’Autun.

Cette richesse très jalousée ne cesse de s’accroître : l’abbé Geoffroy, élu en 1037, a – cf B. Pujo – « l’heureuse inspiration de promouvoir à Vézelay, – en plus de celui de la Vierge Marie -, le culte de Ste Marie-Madeleine, la pécheresse amie de Jésus », avec l’accord du pape Léon X par une bulle du 27 avril 1050. Une autre bulle, d’Etienne X, en mars 1058, attestera même que le corps de Marie-Madeleine était bien dans l’église abbatiale de Vézelay…

Le but poursuivi fut atteint : les pèlerins affluent de toute l’Europe. Des marchands s’installent – cabaretiers, merciers, changeurs…-. Certains, venant de Pologne, Hongrie ou Allemagne se rassemblent à Vézelay pour prendre le chemin de St Jacques de Compostelle. L’église abbatiale ne suffit plus pour accueillir tout ce monde…

L’abbé Arthaud, élu en 1096, lance la construction d’une grande basilique romane ; les travaux ont duré plus d’un siècle, sous les gouvernements des huit abbés suivants, lesquels ont dans le même temps, dû affronter de grandes difficultés de gestion. Toutes les archives relatives à cette construction ayant été détruites, seule la tradition orale nous renseigne sur l’origine des pierres utilisées pour cette construction. B. PUJO nous la rapporte : « la pierre blanche était un calcaire extrait sans doute à Montillot, tandis que la pierre brune, un autre calcaire coloré de l’oxyde de fer, était trouvé à Tharoiseau »….et le matériau destiné aux sculptures venait de Coutarnoux. Un chercheur du Centre d’Etudes Médiévales d’Auxerre, ayant visité il y a quelques années les vestiges de la carrière de notre Crot-Blanc, a confirmé qu’on y trouvait une pierre tout à fait comparable à celle utilisée pour les sculptures du portail de la nef.

Une première partie de la nouvelle église, – chœur et transept -, fut consacrée en 1104 .

narthex et nef de la basilique de Vézelay.

Mais en 1106, les habitants de Vézelay, surchargés d’impôts, se révoltent, et l’abbé Arthaud est tué dans une échauffourée. C’est Albéric, moine clunisien, abbé de Vézelay de 1131 à 1138, qui fit terminer la nef romane.

Son successeur de 1138 à 1161, Ponce de Montboissier, fit réaliser de 1140 à 1150, une avant-nef, ou narthex, très vaste, en fait « une véritable église où les pèlerins pouvaient se reposer ».

Plus tard, c’est Girard d’Arcy, abbé de 1171 à 1198, qui aurait décidé de remplacer le chœur roman par un chœur et un transept de style gothique, technique nouvelle où « l’ogive remplace le plein cintre roman » (l’arc brisé au lieu du demi-cercle).Chœur et transept gothiques ne seront terminés qu’en 1215…

Extension du patrimoine de l’abbaye

Des bulles papales, confirmant les privilèges de l’abbaye accordés en 863, recensent périodiquement son patrimoine. Un groupe de paroisses entourant Vézelay, s’est trouvé petit à petit soumis de fait à l’autorité civile, administrative et judiciaire des abbés.                                                                   

On appelait « poté », – du latin « potestas » = « pouvoir », le territoire ainsi contrôlé par ce pouvoir seigneurial. Des bornes de pierre en marquaient en principe les limites.

1-     Bulle du pape Pascal II, le 21 novembre 1102

Dans le diocèse d’Autun, ce texte énumère, comme possessions du monastère de Vézelay : les paroisses de Saint-Père, de Vergigny ( village maintenant disparu, situé au lieu-dit actuel « Champ des Eglises », près du Gué-Pavé, sur la rive gauche de la Cure), de Saint-Pierre et Saint Symphorien de Dornecy, de St Sulpice d’Asnières, de St Germain de Fontenay sous Vézelay, de St Pierre de Blannay, de St Georges de l’Isle sur Serein, de St Léger de Fourcheret (futur St Léger- Vauban),…

2-     Bulle du pape Alexandre III, le 16 février 1169

Ce document fait état de très nombreuses acquisitions nouvelles de l’Abbaye, situées dans les diocèses d’Autun, Auxerre, Nevers, Langres, Mâcon,  Clermont, Saintes, et même en Italie (Parme et Imola…).

A proximité de Vézelay, – diocèse d’Autun -, sont cités à la suite : le domaine de Précy-le-Sec (« Pressiacus »), avec église et biens, l’église de Givry (« Gribiacus »), le domaine de Voutenay (« Vulturnacus ») et la moitié de ses biens, celui de Blannay (« Blanniacus ») avec église et biens, l’église de Bessy (« Brescia ») avec domaines, granges et revenus, l’église d’Asnières (« Asinarüs ») avec la moitié du domaine…

C’est dans cette liste que l’on trouve pour la première fois « …ecclesiam de Montirueth », que, vu la proximité des autres villages, l’on croit désigner notre actuel « Montillot ».

Le texte de cette bulle ayant été restitué vers 1863 pour le bulletin de la Société des Sciences de l’Yonne (B.S.S.Y.) par Aimé CHEREST, avocat auxerrois, d’après des transcriptions partielles du 15ème siècle, des erreurs de copistes ont pu intervenir…Notre compatriote G. Ducros lirait plutôt « Montirucht » et rattacherait ainsi  ce nom au vieux français « rucht », qui désignait une carrière de pierre…

On a tracé ci-dessous sur une carte ancienne, les contours  approximatifs de la « poté », à cheval sur les comtés de Nevers et d’Auxerre, et limitrophe du duché de Bourgogne.

3- Autres bulles papales

Les bulles de Lucius III du 19 décembre 1182 et de Innocent IV de janvier 1245 confirment les privilèges de l’Abbaye de Vézelay. Elles ne reprennent pas l’inventaire des paroisses, mais insistent sur le principe selon lequel l’abbaye était « exempte de toute juridiction épiscopale », ce qui entraînait l’interdiction  pour l’évêque d’Autun d’officier personnellement dans les églises de la poté, Lucius III en cite explicitement deux, celles de nos villages actuels d’Asquins et Saint-Père, et Innocent IV en cite cinq, celles de Asquins, Saint-Père, Châtel-Censoir, l’Isle-sur-Serein et Montillot… « in ecclesiis Asconii et St Petri,….et in ecclesiis Casti, Insulae et Monterione… », ce dernier nom supposé « romanisé » par un copiste d’origine italienne ( ?) (cf G.Ducros).

Concession de franchises aux habitants de Vézelay. « Charte » de 1137

 L’affluence des étrangers, ainsi que les foires, donnaient, nous dit l’historien Augustin Thierry, «  à un bourg de quelques milliers d’âmes, une importance presqu’égale à celle des grandes villes du temps »…

Mais quelle était la situation sociale des paysans et ouvriers de l’époque ?

 L’abbé Pissier, dans ses « Recherches historiques sur Asquins », – publiées par la S.E.A en 1908 – nous rappelle que « les conquérants romains avaient totalement supprimé les petits propriétaires fonciers de la Gaule, et à tous les vaincus ils avaient imposé des conditions absolues ». Même situation après l’invasion des Burgondes et des Francs : «  le peuple, au milieu de ces bouleversements, était resté esclave, c’est-à-dire n’ayant ni famille, ni maison, ni terre, ni patrie »…Avec l’avènement du christianisme, «  l’Eglise prit à cœur la défense des opprimés », et petit à petit « à l’esclavage succéda le servage ».

Ce qui représentait un grand progrès, car les serfs avaient alors « une famille dont les membres étaient unis par des liens sacrés, une maison plus ou moins commode, des terres à cultiver pour le compte du seigneur, mais sur lesquelles ils vivaient, et qui étaient leur petite patrie : il ne leur manquait que la liberté de disposer de cette terre et de cette maison ».

 Donc en ce début du 12ème siècle, la situation des habitants des principales localités de la « poté » fut ainsi décrite par David Boudin, dans ses « Pages d’histoire du Moyen Age » : « Quoique serfs de l’abbaye de Sainte-Madeleine, les habitants de Vézelay et de Dornecy, à mesure qu’ils s’enrichirent par l’industrie et le commerce, avaient vu s’améliorer graduellement leur condition civile ; ils étaient devenus, à la fin, propriétaires d’immeubles qu’ils pouvaient vendre, donner ou léguer, il est vrai sous diverses conditions, et pour eux le servage  se trouvait réduit à des redevances plus ou moins arbitraires, à des taxes gênantes pour l’industrie, et à l’obligation de porter leur pain, leur blé et leur vendange, aux fours, moulins et pressoirs publics, tous tenus ou affermés par l’abbaye à laquelle ils appartenaient »… 

Il n’est donc pas surprenant que les révoltes des « bourgeois de Vézelay » furent de plus en plus fréquentes. C’est dans le but d’apaiser les relations entre l’abbaye et les habitants, que l’abbé Alberic – déjà cité -, organisa en 1137 une rencontre où les « bourgeois » purent exposer leurs griefs, en présence d’arbitres, tels que l’évêque d’Auxerre et les abbés de Pontigny, Rigny, Tréfontaine et Clairvaux. En conclusion de leurs échanges, Alberic a rédigé une charte, résumant leurs points d’accord . Cette énumération évoque avec réalisme la nature et le style des relations quotidiennes entre l’abbé et les habitants de la poté:

  • droit de gîte : les bourgeois devront loger tous les hôtes de l’abbé les jours de fêtes, une année sur 2…et non pas un année sur 4 comme ils le souhaitaient et comme leur aurait concédé un précédent abbé.
  • cens des vignes, ou « herbage » : il sera payé en vin de bonne qualité, ou en argent au cours le plus élevé, pour la St Martin d’hiver, alors que les bourgeois cherchaient à se dérober à cette obligation.
  • il ne sera permis à personne, ni au doyen, ni à personne autre, de cueillir les raisins des bourgeois sans leur consentement… alors que le doyen envoyait ses serviteurs dans les vignes à leur insu .
  • le « maréchal de l’abbé » ( chargé du soin de ses chevaux) recevra, de chaque habitant de la poté de Vézelay, propriétaire d’un pré, une « trousse d’herbe » ( …une « botte »…), – mais pas de foin -, pour la nourriture des bêtes…alors que les bourgeois contestaient à l’abbé le « droit personnel » de prélever de l’herbe – fauchée ou non – surtout quand il n’était pas à Vézelay.
  • il ne sera levé aucune taxe sur les jeunes filles qui se marieront, à condition que l’abbé ou ses officiers (doyen ou prévôt) soient informés du mariage, afin d’éviter « qu’elles ne vinssent par fraude à tomber en puissance de mari appartenant à une autre poté ou seigneurie, …cause assez fréquente de scandale » …alors que, précédemment, «  les filles en se mariant étaient obligées de payer une taxe au Doyen et au Prévôt ».
  • «  à l’égard de la pêche dans les eaux de la rivière (la Cure), il fut dit qu’à l’exception des gourdsles Bourgeois et les Villains  (les paysans) pourraient y pêcher, avec toutes sortes d’engins, les filets exceptés ;  que s’ils prenaient un saumon, ils le porteraient aux officiers de l’abbé,  et quant aux autres poissons, qu’ils seraient tenus de les présenter d’abord au Celerier (responsable du cellier, donc de l’approvisionnement de l’abbaye) et de les lui vendre au prix qu’ils auraient offert de les vendre à d’autres… », alors que le droit de pêcher librement leur avait été contesté par l’Abbé.
  • Sur le paiement des dîmes sur le vin, le blé, les brebis, agneaux, veaux et porcs, il a été convenu qu’on s’en tiendrait à « la pratique universelle de l’église et des paroisses des environs »,alors que l’abbé se plaignait que les bourgeois refusaient souvent de payer, et que ceux-ci reprochaient à l’abbé de vouloir prélever « un agneau sur quatre »…

Les discussions se sont poursuivies un autre jour, en présence de quelques nouveaux arbitres : le Comte de Nevers, les vicomtes de Clamecy et de Pierre-Perthuis, Guillaume de Chastellux, Robert de Chamoux, Gaufroy d’Asnières…

  • Point important : la « main-morte », c’est-à-dire l’incapacité dont étaient frappés les serfs au Moyen âge de transmettre librement leurs biens à leur décès. Il a été décidé que les hommes libres qui mourraient sans enfant légitime, pourraient disposer de leurs biens « en faveur de leurs plus proches parents légitimes et de condition libre, pourvu que ceux-ci se fixent à Vézelay et qu’ils adoptent la coutume de la ville », alors qu’auparavant, il leur était interdit de «  tester en faveur de leurs frères ou sœurs, ou de tels autres de leurs parents », et en conséquence, leurs biens revenaient à l’Eglise.
  • Il a été aussi décidé que la sépulture religieuse serait donnée aux morts sans aucune rétribution…contrairement aux habitudes des précédents abbés…
  • Enfin, il fut confirmé que l’abbé pourrait continuer à faire lever la taille  (impôt dépendant des revenus de chaque contribuable) sur les bourgeois et les paysans par ses officiers, sans prendre l’avis des bourgeois, …alors que ceux-ci demandaient que le Doyen et le Prévôt s’adjoignent quatre bourgeois élus afin d’apporter plus de justice dans l’évaluation des impositions.

Toutes ces dispositions devaient être appliquées, «  non seulement à Vézelay, mais dans toutes les paroisses soumises à la domination de l’abbaye, comme à Dornecy, Saint-Père, Asquins et autres »… dont Montillot. De plus, elles eurent suffisamment de retentissement pour servir un peu plus tard de  modèle à des seigneuries voisines. Ainsi, le duc de Bourgogne Eudes III établit en 1200, au profit des serfs d’Avallon, une charte d’affranchissement, « telle que celle des habitants de Vézelay ». De même en 1222 à Mont-Saint-Jean et à Montréal…

Alors, ces heureuses décisions furent-elles suivies d’effet dans la poté ? Hélas non, si l’on en croit les « Pages d’histoire du Moyen Age » :

«Les évènements qui suivirent prouvent qu’il n’en fut pas ainsi.  Les démêlés entre l’abbé de Vézelay et les bourgeois renaissent toujours. L’acte appelé Transaction ne fut pas respecté ; on le considéra, peu de temps après sa rédaction, comme entaché de nullité et non avenu ».

Il arrivait aussi que les différends des abbés avec le comte de Nevers encouragent les bourgeois dans leurs revendications. Par exemple, lorsque le Comte refusait que ses vassaux payent une redevance à l’abbaye lorsqu’ils exposaient leurs marchandises pour les vendre dans les rues de Vézelay. Et lorsque l’abbé Ponce de Montboissier,- qui avait succédé à Alberic en 1138 -, s’opposa à l’exigence supplémentaire du comte Guillaume III d’intervenir dans les affaires judiciaires de la poté, le conflit s’envenima et le comte fit bloquer  les routes d’accès à Vézelay (cf B.PUJO) . L’abbé fit une fois de plus appel à la protection du pape, et Eugène III organisa à Bessy-sur-Cure la réunion d’un tribunal d’arbitrage présidé par l’abbé de Clairvaux. Un accord temporaire fut conclu quelques jours avant Pâques 1146…

Quant à la levée de la main-morte, il suffit de signaler qu’il fallut attendre 300 ans, pour qu’en 1442 l’abbé Aubert établisse un nouvel acte dans ce sens en faveur des « manants de Cray et de Chamoux » .

De l’Apogée au Déclin

L’apogée de Vézelay.

Le succès des pèlerinages n’est pas perturbé par ces difficultés de « gestion interne » de la poté… Non seulement des foules gravissent la colline, mais des évènements importants y ont lieu, et on a pu dire que Vézelay entra vraiment dans l’Histoire de France le jour de Pâques 1146.

Ce jour là, l’abbé Bernard de Clairvaux, du haut de la colline, face à Asquins, prêche la 2ème Croisade, appelant le peuple chrétien à la défense des lieux saints ; et, à côté de lui, partant pour la même aventure, le Roi de France Louis VII et la reine Aliénor d’Aquitaine.

A la Pentecôte 1166, l’Archevêque de Cantorbery Thomas Becket, au titre de légat du pape,célèbre une messe solennelle à la Madeleine. En 1190, le roi Philippe-Auguste et Richard Cœur de Lion (pour mémoire…fils de Henri II d’Angleterre et d’Aliénor) se donnent rendez-vous à Vézelay pour un départ vers Jérusalem (3ème Croisade).

Nous n’avons pas d’éléments d’information nous permettant de connaître les répercussions de cet afflux de pélerins sur la vie des villages moins proches de Vézelay que Saint-Père ou Asquins. Mais il est très probable que des files de piétons se sont croisées sur les chemins de la région convergeant vers la basilique, telles que celui venant de Mailly-la-Ville qui, se dirigeant vers Asquins, longeait Montillot près du bois du Fège. Un certain nombre de paysans venaient certainement, – comme ceux qui ont été cités venant de Dornecy -, vendre les produits de leurs terres, jardins, clapiers et poulaillers, dans les rues de Vézelay…

Dans la suite  du récit, nous relèverons systématiquement tous les problèmes rencontrés dans des villages proches de Montillot, qu’ils appartiennent ou non à la poté. 

13ème siècle. Déclin de l’abbaye.

Après l’abbé Ponce, et ses successeurs Guillaume de Mello puis Girart d’Arcy, les moines élirent en 1198 à l’unanimité un dénommé Hugues, qu’ils connaissaient bien puisqu’il avait été élevé à l’abbaye depuis l’âge de 8 ans…Mais, nous dit B.Pujo, « il dévoila sa vraie personnalité…en moins de dix ans, Hugues réussit à dilapider en partie le trésor de l’abbaye ». De plus, il vendait des charges écclésiatiques et avait une vie dissolue. Si bien que le pape Innocent III, alerté, le destitua en 1207…

Son successeur Gauthier dut gérer de nouvelles agressions du comte de Nevers, – blocus des routes, saisie de bestiaux, empêchement de l’accès à la Cure et des vendanges… -, et eut recours  à l’arbitrage d’Innocent III en 1213.

La situation de l’abbaye continuait à se dégrader ; une lettre du pape Clément IV à son légat en France , y dénonça endettement et corruption. Les raisons ?… En plus des problèmes de gestion interne, il y avait un fait plus grave : l’abandon progressif de Vézelay comme lieu de pèlerinage. En effet, depuis la fin du 12ème siècle, une rumeur se répandait selon laquelle les véritables reliques de Marie-Madeleine étaient en Provence, dans une grotte près de Saint-Maximin. Même le roi Louis IX (St Louis) se rendit à la Ste Baume en 1254… C’est l’abbé Jean d’Auxerre, élu en 1252, qui réagit le plus efficacement :  en octobre 1265 , il fit sortir de la crypte par des terrassiers, les ossements et un parchemin, en présence de deux légats du pape – dont l’évêque d’Auxerre – qui les examinèrent. Une seconde cérémonie, le 24 avril 1267, présidée par le roi Louis IX lui-même eut pour objet la translation solennelle des reliques. Mais les moines de St Maximin ont organisé en 1279 des manifestations tout à fait semblables à celles de Vézelay. Ils eurent plus de chance, puisqu’en 1295, le pape Boniface VIII confirma l’exclusivité des reliques provençales !

Parmi les pélerins, on ne trouvera plus que quelques anciens fidèles à la Colline et ceux qui passeront en allant en Compostelle…Néanmoins « le monastère était toujours propriétaire d’un important domaine foncier et de nombreuses églises ou prieurés sur lesquels il percevait des dîmes écclésiastiques » (cf B.Pujo). 

Fin du 13ème siècle. Changement de statut de l’abbaye.

En 1280, Philippe III le Hardi, fils de St Louis, estimant que Vézelay peut être une position défensive importante aux limites du domaine royal, prend par ordonnance le contrôle de l’abbaye et de son fief, sans que le pape Martin IV ne s’y oppose. En 1312, Vézelay est rattaché au bailliage de Sens. L’abbé conserve l’exercice de la justice sur toute la poté, mais dans le cadre des ordonnances royales.

La poté est devenue une possession de la couronne.

L’abbatiat d’Hugues d’Auxois, de 1290 à 1316 marqua une époque tranquille pour Vézelay, laquelle se prolongea pendant la première moitié du 14ème siècle.

14ème siècle. La guerre de Cent ans (1337-1453).

C’est une querelle dynastique qui fut à l’origine de la guerre dite « de Cent Ans » : après le décès du dernier fils de Philippe le Bel, la couronne revint à son neveu Philippe VI de Valois ; mais le roi d’Angleterre  Edouard III, petit-fils du même Philippe le Bel par sa mère Isabelle de France, s’estimait plus proche du trône de France…S’y ajoute un conflit permanent sur la Guyenne, devenue – depuis le remariage d’Aliénor – propriété du roi d’Angleterre, qui est donc vassal du roi de France pour ce Duché.

Après avoir débarqué dans le Cotentin, les Anglais dévastent les environs de Caen, puis écrasent les troupes françaises à Crécy ( dans la Somme actuelle) en août 1346 et établissent une base à Calais.
Des trêves sont alors signées, car les deux royaumes sont ravagés par la peste noire ; ce fléau aurait tué un habitant sur 3 en Europe en 3 ou 4 ans. B.Pujo nous rapporte que Givry aurait perdu la moitié de ses habitants en 1348, et E.Petit, historien de l’Avallonnais, cite un dicton de l’époque : « an l’an mil trois cent quarante neuf – de cent ne demeurait que neuf »

En novembre 1356, à Poitiers, les archers Anglais, venus par la Guyenne, battent à nouveau la cavalerie française; le roi de France Jean II le Bon, fils de Philippe VI, est fait prisonnier, ainsi que les nobles bourguignons qui l’entouraient, dont Jean de Noyers et l’abbé de Vézelay Hugues de Maison-Comte. Le seigneur de Pierre-Perthuis, Geoffroy de Charny, est tué aux côtés du roi.

Les « gens du peuple » – bien que leurs noms ne soient pas cités -, prenaient leur part dans ces combats : c’est  Pierre de Bierry, l’écuyer du sire de Noyers, qui, en 1355, avait été «  chargé par lui de réunir les gens d’armes du Tonnerrois et d’une partie de l’Avallonnais (cf E.Petit).

Ils participeront aussi au règlement de l’énorme rançon du roi : 5 millions d’écus d’or …dont 400 deniers d’or pour la poté…( c’était une clause du  traité de Brétigny qui cèda en 1360 tout le Sud-Ouest du royaume au roi d’Angleterre).

La trêve de 2 ans signée en 1357, libère des bandes de mercenaires, aventuriers recrutés par les rois en temps de guerre. Avec des bandes anglaises, ces brigands constituent les « Grandes Compagnies » et se répandent d’abord dans les pays situés entre Seine et Loire, pillant villes et campagnes.

De 1358 à 1360, ils dévastent la Bourgogne, en particulier  l’Auxerrois et le Nivernais. Après la trêve, c’est une armée anglaise, commandée par Edouard III, qui, venue par Calais, prend Tonnerre, épargne Noyers et ravage Montréal, prend Flavigny et pille l’Avallonnais. « Les terres restèrent plusieurs années incultes » et « bon nombre d’habitants émigrèrent ». En « mars 1359, la ville d’Auxerre fut attaquée, prise et pillée », ses remparts détruits. Les habitants de Vermenton furent rançonnés plusieurs fois. Le château de Voutenay faillit être livré par son capitaine moyennant finance, mais il en fut empêché par des gens d’armes du Duc de Bourgogne (cf E.Petit). La place de Pierre-Perthuis est prise par les Anglais puis délivrée par le Duc de Bourgogne avec l’aide des habitants de Vézelay.

En février 1360, après de durs combats près de Montréal contre les seigneurs bourguignons, Edouard III s’installe à Guillon, et pille Avallon et tous les villages voisins. La ville d’Avallon fut abandonnée par ses habitants pendant plusieurs années. En mars 1360, fut signé le traité de Guillon entre Edouard III et Philippe de Rouvre, duc de Bourgogne ; les Bourguignons obtinrent une trêve de 3 ans, contre 200 000 écus d’or. Edouard III repartit vers Paris par Vézelay… C’est en mai 1360 que fut signé le traité de Brétigny, entre Edouard III et Charles V, fils de Jean le Bon. Moyennant d’importantes concessions, Edouard III renonce au trône de France.

Mais les mercenaires démobilisés continuent leurs forfaits…Une bande « s’empare du château d’Arcy-sur-Cure, puis de celui de Vésigneux ainsi que de la place de Montréal » (B.Pujo). Vézelay, grâce à ses murailles, n’est pas menacé.           

En 1364 Charles V charge Du Guesclin de délivrer le royaume des groupes de mercenaires en les faisant participer à une guerre civile en Castille. Mais dès leur retour en 1365, ils reprennent Vermenton et Cravant. L’une des bandes, les « Bretons », établit son quartier-général à Arcy-sur-Cure, d’où ils ont rançonné la contrée et  ravagé Châtel-Gérard, Lucy-le Bois, Marmeaux…Montréal et Guillon furent pris et libérés par les seigneurs Bourguignons…La peste sévit à nouveau dans l’Avallonnais. Le calme revint entre 1367 et 1371.

Quelques années plus tard, en 1373, les Anglais, commandés par le duc de Lancaster, ravagent les environs de Vézelay, s’emparant en particulier de Pontaubert et Vault-de-Lugny.

« Puis la guerre s’éloigna de cette région, qui put revivre en paix jusqu’au départ des Anglais du sol de France en 1380. »

Mais on ne peut ignorer les ravages terribles dus à des épidémies de peste, sans interruption de 1380 à 1382, puis dix ans plus tard dans l’Auxerrois, l’Avallonnais et l’Autunois… Les  relevés de comptes ont permis de mesurer la diminution du nombre de foyers : plus que 94 à Avallon, 7 aux Cousins, 164 à Autun.

Administration locale

Dans cette période troublée, il se trouve que l’abbé de Vézelay Hugues de Maison-Comte fut un conseiller des rois Jean le Bon et Charles V. Dans le cadre de la protection royale confirmée, il a obtenu que, comme les villes épiscopales, Vézelay devienne le siège d’une élection , c’est-à-dire d’une circonscription pour la levée des impôts ; et aussi du « grenier à sel » pour l’impôt de la gabelle sur le sel. A cette occasion, « les Fontaines Salées…furent complètement comblées pour supprimer la contrebande locale du sel »(B.Pujo).

Première partie du 15ème siècle et fin de la guerre de 100 ans.

Charles VI succède à son père en 1380 ; il n’a que 12 ans ; après une régence  assurée par ses oncles, il prend le pouvoir en 1388. Malheureusement, il sombre dans la folie en 1392, après un accident en forêt du Mans. Il confie la Régence à son frère Louis d’Orléans, qu’une violente rivalité oppose aussitôt à son cousin Jean sans Peur, duc de Bourgogne.

En 1407, Jean sans Peur fait assassiner Louis d’Orléans…ce qui a pour conséquence une guerre civile entre les « Armagnacs », – derrière Bernard, comte d’Armagnac, beau-père de Charles d’Orléans, fils de Louis -, et les « Bourguignons », – derrière Jean sans Peur -. « les deux partis n’hésitent pas pour ce faire à négocier avec l’Angleterre, …qui tentera…de rétablir l’ancien empire des Plantagenet sur le continent »(Pujo).

Les Anglais débarquent à Honfleur, et, remontant vers Calais, battent la cavalerie française à Azincourt en octobre 1415.

En octobre 1417, Vézelay adhère au « Manifeste de Jean sans Peur, Mgr de Bourgogne » ; cette place forte devant servir « d’appui de la ligne avancée des forces anglo-bourguignonnes ».

En 1418, les Armagnacs prennent le château de Voutenay, puis s’installent à Arcy-sur-Cure, Mailly-le-Château et Coulanges, en évitant d’attaquer Vézelay.

En septembre 1419, Jean sans Peur est « occis » sur le pont de Montereau. Son fils Philippe le Bon, poussé par la vengeance, s’allie avec Henri V d’Angleterre contre le roi de France. En 1420 le désastreux traité de Troyes, en mariant Henri V à la fille de Charles VI, déshérite le dauphin Charles et livre la France au roi d’Angleterre. En 1422, Charles VI et Henri V meurent…

Henri VI, – 10 mois – est proclamé roi à Paris et le dauphin, fils de Charles VI, – 19 ans -, réfugié dans le Berry, se proclame Régent ( ses adversaires le diront « roi de Bourges »).

En 1422, le duc de Bourgogne reçoit le Duc de Bedford et ses troupes anglaises, à Vézelay.

Charles VII réussit à réunir une armée qui, venant du Berry, prend Mailly-le-Château et Cravant ; ces places sont reprises par les Bourguignons, commandés par le sire de Chastellux et Guy de Bar. En juillet 1423, l’armée royale, forte de 15000 hommes, dont 3000 écossais, fait le siège de Cravant, mais est finalement battue, subissant de lourdes pertes (6000 hommes ?).

En 1426, les royalistes reprennent Mailly-le Château et Voutenay et s’y maintiennent jusqu’à 1428.

Des bandes d’Armagnacs brûlent Joux-la-Ville, pillent l’église forte de Sermizelles et attaquent Noyers.

« Cependant, les malheurs de la guerre et les excès des Anglais font naître peu à peu la haine de l’envahisseur. Le sentiment national s’affirme » (cf texte et carte ci-jointe du manuel « Histoire Louis Girard »).

C’est justement là qu’arrive Jeanne d’Arc. Avec l’escorte fournie par son commandant local, la « bergère inspirée » , venant de Vaucouleurs, arrive à Auxerre par Chablis, y assiste à la messe du dimanche le 27 février 1429, puis rejoint Chinon par Toucy et Gien. Elle obtient la confiance de Charles VII, qui accepte qu’elle aille encourager les soldats assiégés à Orléans.Défiant les Anglais, elle les force à la retraite, puis les bat à Patay…Profitant de ce « nouvel élan », Charles VII, après son sacre à Reims, reprend petit à petit son domaine royal. 

Dans notre région, il fut d’abord aidé par les bandes du capitaine Jacques d’Espailly, dit « Fort-Epice » qui prit par surprise la ville d’Avallon en 1432, puis Pierre-Perthuis. Mais Philippe le Bon reprit ces places en 1433 et s’installa un mois à Vézelay. Après son départ, les bandes, sillonnant les vallées de l’Yonne et de la Cure, pillent tous les villages.

En novembre 1435, grâce à l’entremise du nouvel abbé de Vézelay, Alexandre, est conclu le traité d’Arras, qui met fin à la guerre civile : le duc de Bourgogne renonce à son alliance avec les Anglais et reconnaît Charles VII comme roi de France ; celui-ci rentre solennellement à Paris en 1436. Le 21 décembre 1435, le connétable Arthur de Richemont était rentré officiellement à Vézelay au nom du roi.

Mais des bandes de mercenaires se retrouvent sans emploi après le traité d’Arras. De 1438 à 1444, les « Ecorcheurs » terrorisent et pillent les petites places fortes des vallées de la Cure et de l’Yonne ils occupent les villages et souvent rançonnent et maltraitent les habitants de Clamecy, Mailly-le-Château, Voutenay, Vault-de-Lugny, Maraut, Pontaubert, Guillon, Epoisses,  Semur…Les seigneurs sont souvent amenés à composer avec eux. De plus, famine et peste ont alors ravagé l’Auxois et l’Avallonnais.

De nombreuses plaintes étant parvenues au roi, des forces royales éliminèrent ces bandes ; certains mercenaires furent incorporés dans l’armée régulière.

Après la fin de la trêve en 1449, Charles VII regagne rapidement le territoire perdu, la Normandie, puis la Guyenne et Bordeaux, par la bataille de Castillon, en 1453, qui marque la fin de la guerre de Cent Ans…

Fin du 15ème siècle

En 1457, la foudre détruit  le clocher de la tour St Michel de Vézelay ; le pape Pie II accorde des indulgences à tous ceux qui contribueront à la restauration de l’église.

En août 1461, Louis XI, fils aîné de Charles VII, est couronné. C’est le début d’une monarchie autoritaire.

Politique intérieure : pour faciliter le calcul des impôts, une ordonnance royale de juillet 1463 prescrit le recensement de tous les biens d’église. C’est le 12 février 1465 que l’abbé Aubert de la Châsse présente au prévôt de Sens, le ..

« Cartulaire des possessions de l’abbaye de Vézelay en 1464 », détaillé en annexe Toutes les paroisses de la « poté » y sont traitées successivement. Le chapitre concernant Monteliot a été transcrit (21 pages), et résumé ci-dessous. C’est le premier document nous permettant de faire connaissance avec nos ancêtres du 15ème siècle. Chaque chef de famille y est cité, ainsi que le montant de l’impôt prélevé par l’abbaye pour chacune de ses propriétés. On note qu’il y avait alors 30 foyers dans le village, ce qui peut correspondre à une population de 100 à 150 personnes.

Politique extérieure : Louis XI est finalement victorieux de Charles le Téméraire, mort au combat près de Nancy en janvier 1477. Il annexe la Bourgogne, l’Artois et la Picardie. « C’est la fin du grand Etat bourguignon », et le début d’une ére de prospérité pour la France. Charles VIII lui succède en 1483. Il meurt accidentellement à 27 ans en 1498, après avoir tenté en vain de conquérir le royaume de Naples ; le « mirage italien » sera poursuivi par ses successeurs…

Un document du 15ème siècle conservé à Montillot jusqu’à nos jours.

Les familles nobles ayant habité Montillot du 17ème au début du 20ème siècle, – depuis les de la Borde jusqu’aux de Lenfernat -, ont conservé leurs « papiers de famille », qui sont donc parvenus jusqu’à nous. Après exploitation pour l’histoire du village, ils ont été déposés en 2006 aux Archives Départementales (« fonds YAHER »- cote 82J ).

Le plus ancien est un acte notarié daté du 7 May 1483.

Il a été établi par Me Jehan MAILLARD, notaire attaché au « Garde des Sceaux » du Comte de Nevers.

Il traite d’une location avec bail (« admodiation »), par Alexandre ESCHARLETE, écuyer, seigneur d’Island et de Fontenilles de la moitié du moulin de Fontenilles (l’autre moitié appartenant au Chapitre des Abbés de Châtel-Censoir), aux dénommés Jehan RESMOND et Thiébaut MASQUIN, pour la somme annuelle de 31 sols tournois à verser chaque jour de Noël. Ils pourront ainsi « en joyr et posséder », et assurer le rôle de meunier pour la communauté voisine, avec « fraiz et esmoluments ». Ils auront l’obligation d’entretenir à  leurs frais le moulin, les meules et les dépendances. Ils devront hausser les rives de 2 pieds…et ne pas laisser baisser l’eau « en manière qui porterait préjudice ou dommage au poisson qui sera dedans »…